Aide médicale d'État — Wikipédia
Nature | Transfert sociaux (en) |
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Sigle | AME |
Date de mise en œuvre |
L'aide médicale d'État (AME), officiellement appelée aide médicale de l’État, est une aide sociale principalement destinée à prendre en charge les dépenses médicales des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français.
L'aide est accordée à condition de résider en France depuis plus de trois mois et de justifier de ressources financières inférieures au plafond de la Couverture maladie universelle (CMU).
Elle est créée en 2000 en même temps que la CMU par le gouvernement Jospin, en remplacement de l'aide médicale gratuite financée par les départements. La droite n'a pas cessé depuis de vouloir en restreindre l'accès, en avançant des arguments, financiers, sociaux ou symboliques.
Historique
[modifier | modifier le code]De l'assistance médicale gratuite en 1893 à l'aide médicale d'État en 2000
[modifier | modifier le code]Précurseur de l'AME, l'assistance médicale gratuite (AMG) est créée par la loi du : elle permet aux malades les plus pauvres (malades, vieillards et infirmes privés de ressources) de bénéficier d’un accès gratuit aux soins de santé. Après la création de la Sécurité sociale en 1945, le dispositif est précisé par le décret no 53-1186 du relatif à la réforme des lois d’assistance, dont l’article 1er énonce : « Toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d’attribution, des formes de l’aide sociale […][1]. » Complétant la loi no 83-8 du relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, la loi no 83-663 du organise le transfert de l'AMG aux départements instaurant l’Aide médicale départementale (AMD). La loi no 92-722 du — portant adaptation de la loi no 88-1088 du relative au revenu minimum d'insertion (RMI) et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle — assouplit les conditions d’accès à l’AMD en l'accordant à tous les bénéficiaires du RMI[1].
La loi du relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, dite « loi Pasqua », introduit une condition de régularité de séjour pour bénéficier de l’assurance maladie[1].
Entrée en vigueur le par Bernard Kouchner et Martine Aubry, ministres du gouvernement Lionel Jospin, l'AME remplace l'AMG de par la loi 99-641 du relative à la couverture maladie universelle (CMU). Celle-ci devait à l’origine faire disparaître l’AMD et unifier tous les résidents de France dans une protection maladie « universelle », égale pour tous. Mais la condition de régularité de séjour pour bénéficier de l’assurance maladie conduit au maintien d’un dispositif spécifique pour les personnes sans-papiers[1].
Dans un rapport publié en 2007[2], l'IGAS et l'IGF concluent à la nécessité du maintien du dispositif existant et écartent la possibilité de limiter la prise en charge aux seuls soins urgents ou de définir un panier de soins spécifiques. Selon le rapport, loin de constituer une source d'abus majeur, l'AME répond à un véritable objectif de santé publique[3].
Réforme de 2011
[modifier | modifier le code]Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le , la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, déclare devant la commission des finances du Sénat, qu'une « participation financière des bénéficiaires » s'impose et qu'elle compte « la proposer dans le prochain projet de loi de finances » pour 2011[4]. Le gouvernement le justifie par la hausse depuis plusieurs années du coût de l'AME (+15 % en 2009, avec 546 millions d'euros)[5].
Le , l'Assemblée nationale adopte un projet de loi visant à imposer des conditions à l'accès à l'AME. La loi de finances de 2011[6] introduit, pour les demandes déposées à compter du , l'acquittement d'un droit d'entrée annuel de 30 euros pour les étrangers majeurs. Cette modification met fin à la gratuité pour les demandeurs bénéficiant de ressources inférieures à un montant révisé annuellement. Ainsi, en 2011, les étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l'AME étaient ceux dont les revenus ne dépassaient pas 634 euros par mois [7]. Avec la réforme de 2011, seuls leurs conjoint(s) et leurs enfants peuvent être leurs ayants droit. Auparavant les ascendants et les collatéraux pouvaient également être les ayants droit du bénéficiaire. Le quotidien Libération parle de la « colère des associations » au vu des projets de réforme et fait remarquer : « faire payer 30 euros aux 210 000 bénéficiaires ne rapporterait que 6 millions d'euros »[8]. D'autres estiment que cette mesure risque d'accroître les dépenses de l'État[9]. La loi Besson sur l'immigration supprime la possibilité pour les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les centres intercommunaux (CIAS) de constituer des dossiers d'accès à l'AME[10].
Quinze jours après le vote de la réforme, le site Internet de la Documentation française publie discrètement une expertise de l'IGAS et de l'IGF[11] qui expliquait que le droit d'entrée était « financièrement inadapté, administrativement complexe et porteur de risques sanitaires »[12]. Le document qui contredisait le gouvernement avait été gardé secret. Les associations dénoncent une « rétention d'information » et un « déni de démocratie »[12].
Le Parlement abroge la franchise de 30 € et de l'autorisation préalable de prise en charge pour les soins hospitaliers le dans le cadre de la loi de finances rectificative, selon le projet de François Hollande formulé dans ses « 60 engagements pour la France » pendant la campagne présidentielle de 2012[13],[14]. La mesure est dénoncée par la droite[15]; Dominique Tian (qui sera plus tard condamné pour « blanchiment de fraude fiscale ») estime que l'AME a un « coût exorbitant » du fait de la « fraude », et que la suppression de la franchise va « créer un appel d'air pour les candidats à l'immigration clandestine »[10].
Depuis 2012
[modifier | modifier le code]En 2017, la suppression de l'AME figure dans les programmes de François Fillon et Marine Le Pen[16], qui voit dans cette aide une « pompe aspirante » de l’immigration[16]. Emmanuel Macron se démarque en excluant catégoriquement de revenir sur ce dispositif[17]. Michel Barnier (LR) défend notamment l’abrogation de l'AME pendant le congrès des Républicains de 2022 ; c'est aussi une mesure présente dans le programme du Rassemblement national pour la présidentielle de 2022[18].
La droite tente à de multiples reprises à partir de 2012 de réduire ou supprimer l'AME, mais la mesure est à chaque fois bloquée par l'Assemblée nationale[17],[19].
En septembre 2012, Jean-François Copé (UMP) demande la suppression « à l'exception des situations d'urgence », et le Front national sa suppression pure et simple[10]. En octobre, une proposition de loi UMP présentée notamment par les députés Christian Jacob et Claude Goasguen vise à réguler l'aide médicale d'Etat (AME)[3],[10]. L'UMP revenir sur les mesures annulées en 2012 et étendre la procédure de l'accord préalable à tous les soins de ville[10].
En juin 2018, le sénateur LR Roger Karoutchi fait adopter par le Sénat, pendant l'examen du projet de loi Collomb et du projet de loi de finances pour 2020, des amendements transformant l'AME en « aide médicale d'urgence » conditionnée au paiement d'un droit annuel, et réservée aux « maladies graves et douleurs aiguës », aux soins liés à la grossesse, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive[20].
En 2019, le président Emmanuel Macron dénonce le « dévoiement des systèmes médicaux par des personnes ne relevant pas de l’asile », auxquelles il souhaite réserver le dispositif[17],[21],[22], contre l'avis de certains députés LRM et MoDem[23]. Le gouvernement d’Edouard Philippe instaure un délai de carence de neuf mois pour accéder à certains soins non urgents (prothèse de hanche ou de genou, cataracte…)[24],[25]. À partir de 2021, certaines opérations ou soins de ville considérés comme « secondaires »[26] ne sont accessibles que neuf mois après la demande d'AME, qui doit être faite auprès de l'Assurance-maladie, d'un hôpital ou d'une permanence d’accès aux soins, et non plus auprès d'une commune, des services sociaux départementaux ou d’une association[27].
En décembre 2022, le sénateur LR Christian Klinger reprend les contours de la proposition de Roger Karoutchi et fait adopter par le Sénat un amendement au projet de loi de finances 2023 visant à remplacer l’AME par une aide médicale de santé publique[19].
En mars 2023, la sénatrice LR Françoise Dumont fait adopter un amendement au projet de loi immigration remplaçant l’AME par une aide d’urgence réservée à « la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre ». Il s'agit de « stopper la distribution d’aides incontrôlées, qui créent un “appel d’air” migratoire »[19]. Le 17 septembre 2023, Véronique Louwagie (LR) fait un nouvelle proposition visant à diminuer le nombre de personnes éligibles au dispositif, à introduire un délai de carence de neuf mois et à empêcher l’obtention de réductions tarifaires dans les transports pour les étrangers à l’AME[28],[24]. En décembre 2023, acculée par la droite pendant les négociations de la commission mixte paritaire sur le projet de la nouvelle loi immigration, Élisabeth Borne promet d’« engager en début d’année 2024 » une réforme de l’AME[29]. Le projet de loi prévoit que l'AME est maintenue mais sera étudiée séparément en 2024[30],[31]. Élisabeth Borne affirme le qu'il n'est « pas question de supprimer l’AME »[32]. Devenu Premier ministre, Gabriel Attal confirme qu’une réforme de l'AME interviendra par voie réglementaire avant l'été 2024[33], avec comme base le rapport Évin-Stefanini[34],[35], ce qui inquiète les associations[36].
En 2024, dans le gouvernement Barnier, la remise en cause de l'AME est l'une des premières mesures annoncées par le nouveau ministre de l'intérieur Bruno Retailleau (LR), alors que la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq (MoDem) s'était prononcée contre sa suppression un an auparavant[37],[24].
Fonctionnement
[modifier | modifier le code]Cette aide médicale est une couverture maladie totale, comme la protection universelle maladie (PUMa) pour les nationaux. En cas de perte de la PUMa, l'AME peut même, dans certains cas, prendre le relais[38]. Lorsque des soins sont indispensables avant l'ouverture des droits a l'AME ou la PUMa il existe les dispositifs des soins urgents et vitaux[39] si une hospitalisation est nécessaire, et de la permanences d'accès aux soins de santé pour les soins ambulatoires[40].
Ces bénéficiaires sont listés à l'article L251-1 du Code de l'action sociale et des familles[41].
Il s'agit[42] :
- des étrangers en situation irrégulière au regard de la réglementation relative au séjour en France (absence de titre de séjour ou de récépissé de demande) et les ressortissants communautaires[43] ne disposant pas d'un droit au séjour au-delà de trois mois de résidence en France),
- des ayants droit du bénéficiaire (enfant, personne à charge),
- des étrangers placés en rétention administrative,
- des personnes (françaises ou étrangères) gardées à vue.
Exception mahoraise
[modifier | modifier le code]L'AME n'existe pas à Mayotte, mais les soins sont pris en charge par l’agence régionale de santé. Les personnes en situation irrégulière ne disposent d’aucune protection et doivent payer leurs soins[44], malgré les demandes du Défenseur des droits[45].
Les différentes AME
[modifier | modifier le code]Organisée aux articles article L251-1 et suivants du Code de l'action sociale et des familles[41], l'AME est divisée en trois régimes. Le premier alinéa de l'article prévoit l'AME « de droit commun », le deuxième alinéa de « l’AME humanitaire » et le troisième établissant l’aide médicale dont bénéficient les personnes gardées à vue.
L'AME de droit commun
[modifier | modifier le code]- « Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale depuis plus de trois mois, et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné au 1° de l'article L. 861-1 de ce code a droit à l'aide médicale de l'Etat pour lui-même et pour :
- 1° Les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 161-1 du code de la sécurité sociale ;
- 2° Les personnes non mentionnées aux mêmes 1° et 2° vivant depuis douze mois consécutifs avec la personne bénéficiaire de l'aide mentionnée au premier alinéa du présent article et se trouvant à sa charge effective, totale et permanente, à condition d'en apporter la preuve dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Dans ce cas, le bénéfice de l'aide susmentionnée ne peut être attribué qu'à une seule de ces personnes. »[41].
L'AME humanitaire
[modifier | modifier le code]- « En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale de l'État dans les conditions prévues par l'article L. 252-1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l'article L. 251-2 peut être partielle. »[41].
L'AME de garde à vue
[modifier | modifier le code]- « De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu'elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l'aide médicale de l'État, dans des conditions définies par décret. »[41].
Les ayants droit de l'AME
[modifier | modifier le code]Le conjoint ou compagnon du titulaire du droit
[modifier | modifier le code]- « La personne qui vit maritalement avec un assuré social, et qui se trouve à sa charge effective, totale et permanente, a, à condition d'en apporter la preuve, la qualité d'ayant droit de l'assuré pour l'ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité. Il en est de même de la personne liée à un assuré social par un pacte civil de solidarité lorsqu'elle ne peut bénéficier de la qualité d'assuré social à un autre titre.
- La personne non visée par le premier alinéa du présent article et par les articles L. 313-3 et L. 381-4, qui vit depuis une durée fixée par décret en Conseil d'État avec un assuré social, et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, a, à condition d'en apporter la preuve dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, la qualité d'ayant droit de l'assuré pour l'ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité.
- L'alinéa précédent ne peut s'appliquer qu'à une seule personne remplissant ces conditions par assuré social. »
- — Article L.161-14 du Code de la sécurité sociale
Les descendants du titulaire de l'AME et statut du mineur
[modifier | modifier le code]- « Par membre de la famille, on entend :
- 1°) le conjoint de l'assuré.
- Toutefois, le conjoint de l'assuré obligatoire ne peut prétendre aux prestations prévues aux articles L. 321-1 et L. 322-6 lorsqu'il bénéficie d'un régime obligatoire de sécurité sociale, lorsqu'il exerce, pour le compte de l'assuré ou d'un tiers personnellement, une activité professionnelle ne motivant pas son affiliation à un tel régime pour le risque maladie, lorsqu'il est inscrit au registre des métiers ou du commerce ou lorsqu'il exerce une profession libérale ;
- 2°) jusqu'à un âge limite, les enfants non salariés, à la charge de l'assuré ou de son conjoint, que la filiation, y compris adoptive, soit légalement établie, qu'ils soient pupilles de la nation dont l'assuré est tuteur, ou enfants recueillis ;
- 3°) jusqu'à des âges limites et dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'État :
- a) les enfants placés en apprentissage dans les conditions déterminées par le code du travail ;
- b) les enfants qui poursuivent leurs études ;
- c) les enfants qui, par suite d'infirmités ou de maladies chroniques, sont dans l’impossibilité permanente de se livrer à un travail salarié ; »
- — 1° à 3° de l'article L.313-3 du Code de la sécurité sociale
Cependant, « les mineurs sont éligibles à l’AME dès leur arrivée sur le territoire, en application de la convention internationale des droits de l’enfant (article 3-1) et ainsi que rappelé par l’arrêt du Conseil d’État du »[46].
De ce fait, certains ressortissants français sont couverts par l'AME. C'est le cas notamment d'un enfant français qui serait à la charge d'une personne en situation irrégulière, éventuellement en cours de régularisation au bénéfice de son statut non encore reconnu de "parent d'enfant français". Ce cas de figure concerne plusieurs dizaines d'enfants français élevés par leur mère étrangère en situation irrégulière après le départ du père (français et non marié avec la mère) de l'enfant.
Profil moyen des bénéficiaires
[modifier | modifier le code]En 2015, le bénéficiaire type de cette prestation sociale « est un homme jeune âgé de 30 à 34 ans ». Pour les deux tiers d'entre eux, les bénéficiaires se trouvent en région parisienne, dans les Bouches-du-Rhône et en Guyane[47].
Étendue des droits ouverts
[modifier | modifier le code]100 % des soins médicaux et d'hospitalisation en cas de maladie ou de maternité dans la limite des tarifs de la sécurité sociale, ceci sans avoir à avancer les frais (procédure dite du tiers payant)[42]. Il n'y a donc à payer ni franchise médicale ni participation forfaitaire ni forfait hospitalier ni ticket modérateur ni forfait 18 €. Toutefois les conditions suivantes doivent être respectées :
Nature des actes, produits et prestations prescrits
[modifier | modifier le code]Les frais médicaux ne sont pas pris en charge dans les 2 cas suivants (un décret à paraître[Quand ?] doit préciser les conditions d'application) :
- actes, produits et prestations dont le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important ;
- actes, produits et prestations non destinés directement au traitement ou à la prévention d'une maladie.
Cependant, pour les enfants mineurs, les frais médicaux sont pris en charge à 100 % dans tous les cas.
Coût des soins hospitaliers
[modifier | modifier le code]À l'exception des soins délivrés aux enfants mineurs et des soins imprévus, la prise en charge des soins hospitaliers dont le coût dépasse une certaine somme est soumise à l'accord préalable de la caisse d'assurance maladie.
Un décret à paraître[Quand ?] doit préciser la procédure d'agrément et fixer le coût au-delà duquel la procédure doit être appliquée.
Acceptation des médicaments génériques
[modifier | modifier le code]Les frais de médicaments sont pris en charge à condition d'accepter les médicaments génériques (sauf si le médecin a indiqué sur l'ordonnance qu'il s'opposait à la substitution d'un médicament par un générique).
Limites
[modifier | modifier le code]Depuis 2011, l'AME exclut les frais de cure thermale ou de procréation médicalement assistée[48].
Conditions d'application
[modifier | modifier le code]L'AME est définie à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'au titre IV du décret du dans sa version modifiée par un décret du [49].
L'AME donne droit :
- à tous les soins médicaux conventionnés (soin d'urgence) et aux prescriptions médicales, aussi bien en hôpital qu'en médecine de ville, dans la limite des tarifs conventionnels ; l'automédication n'est pas prise en charge, elle reste à la charge de l'usager quand il la demande à la pharmacie comme pour les autres couvertures sociales ;
- à l'exonération des diverses retenues applicables à la plupart des autres assurés : franchise, participation forfaitaire, forfait journalier hospitalier, ticket modérateur et forfait 18 €.
Le bénéficiaire de l'AME doit résider en France depuis plus de trois mois, ce qu'il doit prouver en fournissant un justificatif de présence de plus de trois mois et moins de douze mois(visa expiré, facture d'hôtel, inscription scolaire…). Ses ressources doivent être inférieures au plafond fixé pour la CMU complémentaire (8 592,96 € par an pour une personne seule, au ). L'AME doit être redemandée chaque année.
L'AME peut aussi être attribuée, sur décision du ministre chargé de l'action sociale, à certaines personnes qui sont de passage en France. D'autre part, les personnes en situation irrégulière, présentes depuis moins de trois mois mais désireuses de s'installer en France bénéficient d'une prise en charge limitée aux soins les plus urgents, dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître.
Coût
[modifier | modifier le code]Comme son nom l’indique, l'AME est financé par le budget de l'État et non l'assurance maladie. Plus précisément, les dépenses sont une des deux actions (avec le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante) du programme « Protection maladie » de la mission « santé ».
Au 31 décembre 2020, le nombre de bénéficiaires s’élevait à 382 899, contre 208 974 au 31 décembre 2011 et 180 415 au 31 décembre 2003. Le budget était de 588 M€ en 2012[56] et 233,48 M€ en 2007[57]. En 2021, le Sénat pointe la sous-budgétisation des crédits prévus pour l'AME par rapport aux dépenses effectives qui amène a un déficit ainsi que « des solutions insuffisantes pour endiguer le flux »[52]. Pour 2022, le budget présenté dans le projet de loi de finances est de 1 079 M€, décomposés en 1 008 M€ pour l'AME de droit commun, 70 M€ pour les soins urgents et 1 M€ pour l'AME humanitaire et l’aide médicale pour les personnes gardées à vue[58].
Ce milliard d'euros en 2022 équivaut à un peu moins de 0,5 % des dépenses de santé de l'Assurance maladie (254,9 milliards d'euros)[59],[54].
Critiques
[modifier | modifier le code]L'AME est accusée de dérives et de dysfonctionnements, alors qu'elle est très contrôlée par l'IGAS et l'IGF (qui a publié des rapports en 2003[60], 2007[2], 2010[11], 2019[61], et 2023[35]). Elle est régulièrement remise en question, principalement par les élus de droite et d'extrême droite[59].
Inégalité devant l'accès au soin
[modifier | modifier le code]Pour justifier cette modification des conditions d'accès à l'AME, par exemple, le député UMP Dominique Tian déclarait qu'« un travailleur qui paye ses cotisations sociales obligatoires mais qui n'a pas de mutuelle complémentaire a une moins bonne couverture qu'un étranger en situation irrégulière bénéficiaire de l'AME »[62], ce qui est faux et participe aux fausses informations circulant sur l'AME afin de justifier son abrogation ou des changements[63],[64].
Difficultés d'accès au dispositif
[modifier | modifier le code]Des études sociologiques montrent que l'obtention de cette aide relève d'un parcours du combattant, et que seules 51 % des personnes éligibles sont effectivement couvertes[59]. La revue Prescrire[65][réf. à confirmer] et l'association Comede décrivent en mars 2022 l'acharnement administratif déraisonnable contre un usager, pour obtenir une carte d'AME, difficultés déjà signalées en 2020[66].
Fraude
[modifier | modifier le code]Jean Leonetti, vice-président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, avance en 2010 que l'AME serait utilisée par « des filières de fraudes »[67]. Le député UMP et urologue Bernard Debré pointe aussi les risques de fraude : selon lui les étrangers voudraient « qu'on leur trouve une maladie grave! Certains sont même prêts à se faire opérer quatre ou cinq fois » pour augmenter leurs chances de régularisation[68].
Le rapport de l'IGAS et lde l'IGF de 2010 estime au contraire que le risque de fraudes est faible, et que la hausse des coûts (+ 13,3 % en 2009) ne s'explique pas par une croissance du nombre de bénéficiaires, mais par l'effort d'amélioration du contrôle des droits dans les hôpitaux, qui permet un meilleur recouvrement des dépenses[12]. Claude Goasguen, très opposé à l'AME, reconnaît en 2011 que la « fraude constatée ne permet pas d’expliquer la croissance des dépenses »[48]. Dans leur rapport 2023, Claude Évin et Patrick Stéfanini écrivent que les faits listés dans leur rapport démontrent que le dispositif est « encadré (...) contrôlé (...) ne génère pas de consommations de soins faisant apparaître des atypismes, abus ou fraudes structurelles [même si rien ne peut] totalement prémunir contre les risques d’abus ou de fraudes d’une manière générale »[69]. Le Monde résume le rapport en écrivant à ce sujet que « Loin de l’idée, encore agitée à droite, d’un dispositif exposé à la fraude, les rapporteurs rappellent que rien n’étaye l’idée d’« abus », et avec 14 % des dossiers contrôlés, l’AME est « la prestation gérée par l’Assurance-maladie dont le taux de contrôle est le plus élevé », alors qu’elle ne constitue que 0,5 % des dépenses globales »[70].
Tourisme médical
[modifier | modifier le code]Selon Le Figaro, le périmètre d'application de l'AME est large. Dès trois mois de présence sur le sol français, « l’AME permet la prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers (tarifs conventionnés) et sans avance de frais pour : les soins médicaux et dentaires, les médicaments, les frais d’analyses, les frais d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale, les frais pour certaines vaccinations et certains dépistages, les frais liés à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, etc »[71]. Au bout de 9 mois de présence en France, le périmètre s’élargit encore aux soins liés à « des pathologies non sévères ». Parmi celles-ci, on trouve les interventions pour oreilles décollées, mais aussi les prothèses de genou, prothèses d’épaule, prothèses de hanche, ou encore gastroplasties pour obésité. Pour toutes ces prestations, les transports ainsi que les actes de masso-kinésithérapie prescrits a posteriori sont pris en charge. Jusqu’en 2011, la procréation médicalement assistée (PMA) et les cures thermales étaient également remboursées[71]. Plusieurs médecins ont dénoncé dans la presse généraliste des formes de tourisme médical aux frais du contribuable[72],[73].
Selon Jean-François Corty, vice-président de Médecins du Monde, il s'agit d'une diffusion de fausses allégations « certains propos d'élus mentionnant des abus pour de la chirurgie esthétique ou des cures thermales relèvent tout simplement du fantasme »[59]. Claude Évin et Patrick Stéfanini précisent au contraire que « ses bénéficiaires ne sont pas en situation irrégulière parce qu’ils sont à l’AME mais ils peuvent bénéficier de l’AME parce qu’ils se trouvent et demeurent en situation irrégulière sur le territoire national. Cette relation de causalité est au cœur de la problématique »[74]. Pour Jean-François Corty, médecin, chercheur et vice-président de Médecins du Monde, « le supposé appel d'air n'existe pas dans le monde réel, ce n'est qu'une vue de l'esprit »[59].
Défense de l'AME
[modifier | modifier le code]La suppression de l'AME poserait un grave problème de santé publique, sur le plan sanitaire, économique et éthique. La restriction de l'accès aux soins des plus précaires conduirait à la propagation et l'aggravation de maladies évolutives. Cela se traduirait par un afflux de patients arrivant plus tard, avec des troubles plus sévères et coûtant encore plus cher[59].
Sur cette base, la plupart des leaders d'organisations médicales défendent le maintien de l'AME : c'est le cas de la CSMF, de MG France, de UFML (Union Française pour une Médecine Libre), de l'ISNI (InterSyndicale Nationale des Internes), et de la conférence nationale des présidents de CME de CHU[59].
En octobre 2023, le président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Jean-François Delfraissy prend position pour la sauvegarde de l'AME considérée comme un dispositif indispensable : priorité doit être donnée au respect de la dignité des personnes, à la fraternité et à la solidarité. En 2017, un avis du CCNE sur la santé des migrants[75] dénonçait une « instrumentalisation de la santé comme outil de refoulement ». D'autres voix, allant dans le même sens, se font entendre comme celles des fédérations hospitalières et de l'Ordre des médecins, de Médecins du monde ou du Comede[59].
Le 11 novembre 2023, dans un appel transmis à l'AFP, 3 500 médecins signent une « déclaration de désobéissance » après l'adoption par le sénat d'un amendement supprimant l'AME pour la transformer en « aide médicale d'urgence ». Parmi les signataires se trouvent Antoine Pelissolo et Patrick Pelloux[76].
Dans un communiqué publié le 28 novembre 2023 (voté par 70 voix pour, 7 contre et 8 abstentions), l'Académie nationale de médecine rappelle la nécessité de maintenir l'AME « qui obéit au principe qui guide notre éthique de médecin avec le devoir de prendre en charge tout patient, quelle que soit sa situation, régulière ou non » et qui conclut « L’ANM réaffirme son opposition à toute restriction du champ d’application des soins qui implique la distinction artificielle entre soins urgents et non-urgents »[77].
Documents
[modifier | modifier le code]Rapports
[modifier | modifier le code]- Blanche Guillemot et François Mercereau, « Rapport sur l'évolution de l'Aide Médicale d'État » [PDF], sur IGAS,
- Jack Azoulay, Henri Havard, Philippe Sourlas, Laurent Chambaud et Delphine Corlay, « Mission d’audit de modernisation. Rapport sur la gestion de l’aide médicale d’État » [PDF], sur La Documentation française,
- Alain Cordier et Frédéric Salas, « Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale d'État" » [PDF], sur www.igf.finances.gouv.fr/, [78]
- Jean-Yves Latournerie, Jérôme Saulière, Christophe Hémous, Fabienne Bartoli, Francis Fellinger et Jean-Louis Rey, « L'aide médicale d'État : diagnostic et propositions » [PDF], sur www.vie-publique.fr,
- Claude Évin et Patrick Stefanini, « Rapport sur l'aide médicale de l'État », sur www.vie-publique.fr, (consulté le ), dans le contexte de la discussion parlementaire du projet de loi sur l'immigration[79].
- Véronique Louwagie, « Rapport d'information déposé en application de l’article 146 du Règlement par la commission des finances de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière et présenté par Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale », sur assemblee-nationale.fr,
Autres documents
[modifier | modifier le code]- « Historique de la création de l'AME », sur www.cnle.gouv.fr,
- Institut de Recherche et de Documentation en Économie de la Santé, « enquête « Premiers Pas » »,
- GISTI, Sans-papiers, mais pas sans droits : 8e édition, , 116 p. (ISBN 978-2-38287-174-4, lire en ligne [PDF]), « Aide médicale de l'État », p. 22-26
- Rapport d'enquête interassociatif, « Obstacles à l’accès à l’aide médicale d’Etat », [80]
Notes et références
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