Bugle rampante — Wikipédia

Ajuga reptans

La bugle rampante (Ajuga reptans) est une plante vivace de la famille des Lamiacées qui pousse dans les endroits frais[2]. C'est une plante qui émet de longs stolons feuillés[2].

L’aire de répartition naturelle de cette espèce s’étend de l’Europe au nord de l’Iran, au nord-ouest de l’Afrique. C’est une plante vivace qui pousse principalement dans le biome tempéré. Elle est utilisée pour traiter des troubles médicinaux non spécifiés, a des utilisations environnementales et pour l’alimentation.

Nomenclature, étymologie

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La première description botanique de l’espèce est celle de Linné, sous le nom de Ajuga reptans, dans Species Plantarum 2: 561, en 1753[3].

Le nom de genre Ajuga vient du latin abiga[4], nom déjà utilisé par Pline HN., 24, 29 qui au premier siècle indiquait « La chamaepitys est appelée en latin « abiga » en raison de l’avortement, abortus, qu’elle provoque » (Histoire naturelle[5]). Ajuga serait une lecture fautive de auiga chez Scribonius Largus (Ier siècle).

L’épithète spécifique reptans vient du latin rēptō, āvī, ātum, āre, « ramper » (gaffiot.fr), allusion aux stolons rampants.

Cette bugle porte également des noms vernaculaires de Bugle rampante, Consyre moyenne[6].

Distribution, habitat

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Selon POWO[7], l’aire de répartition naturelle de cette espèce s’étend de l’Europe au nord de l’Iran, au nord-ouest de l’Afrique.

Elle est originaire d’Europe (Espagne, Portugal, France, UK, Irlande, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie, Pays-Bas, Danemark, Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Hongrie, ex-Yougoslavie, Roumanie, Bulgarie, Pays baltes, Biélorussie, Ukraine, Norvège, Suède, Finlande ; Russie du Nord-Ouest), Transcaucasie, Turquie, Iran, Algérie, Tunisie.

Elle a été introduite en Amérique du Nord, Nouvelle-Zélande, Tasmanie[7].

Elle pousse dans les lieux frais et herbeux, dans toute la France. Commune en France jusque 2 000 mètres d'altitude mais plus rare en région méditerranéenne[2].

Description

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Plante vivace de 10-40 cm, à souche émettant de longs rejets[8]. Une tige dressée, simple, poilue alternativement sur 2 faces opposées, peu feuillée.

Les feuilles sont obovales ou oblongues, glabrescente|presque glabre, entières ou sinuées-crénelées, les radicales plus grandes, en rosette, atténuées en long pétiole.

Les fleurs sont bleues, rarement rosées ou blanches, en épi assez lâches et interrompu à la base. Les bractées sont ovales, entières, souvent bleuâtres, les supérieures plus courtes que les fleurs. La calice est velu, à dents triangulaires. La lèvre inférieure de la corolle présente trois lobes tandis que la lèvre supérieure est très courte ou à peine marquée[9].

Floraison : en avril-mai-juin[2], fleurs bleu foncé de 1 à 2 cm sur des épis pouvant atteindre 15 cm. Taille : 10 à 40 cm de haut[2]. Son étalement peut aller jusqu'à 1 m de diamètre.

Elle peut être confondue avec la Bugle de Genève qui préfère les sols plus secs et moins riches[2]. De plus, la Bugle de Genève est pubescentes sur chacune de ses quatre faces et ne présente pas de branches rampantes[9].

Utilisations

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Pharmacopée

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Cette plante est connue pour ses vertus médicinales : sa richesse en tanins explique son utilisation depuis des siècles : usage interne (antidiarrhéique, anti-inflammatoire, antifongique) et externe (hémostatique, cicatrisant, qui l'a fait aussi appeler "herbe des charpentiers")[10],[11]. Cette réputation au Moyen Âge lui vaut le distique « Qui a la bugle et la sanicle, fait au chirurgien la nique[12] ».
L'herbe Ajuga reptans a aussi été utilisée en médecine traditionnelle (en Autriche et dans les Balkans par exemple), en interne ; sous forme de thé/infusion, pour traiter les troubles des voies respiratoires[13], [14].

Pharmacochimie

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En 1990, une étude a montré qu'en culture in vitro, les cals de Bugle rampant produisent des anthocyanines (jusqu'à 2,5% du poids sec sous un cycle lumière-obscurité) et qu'il s'agit d'une des rares espèces capable d'en produire dans le noir total (1% du poids sec)[15].
Des anthocyanines triacylées sont aussi produites par la fleur[16] ; En 1996 quatre anthocyanes différents avaient été isolées des fleurs d' Ajuga reptans (de même que de leurs cultures cellulaires), et un cinquième anthocyane a également été découvert par spectrométrie de masse HPLC. Celui qui est le plus présent (anthocyanine cyanidine 3-(di-p-coumaroyl)sophoroside-5-malonylglucoside) s'est montré plus stable que la cyanidine 3-glucoside, et aussi plus efficace pour prévenir les réactions de péroxidation. Selon M.-PiaCalcagno & al. (1996), les cultures de cellules de fleurs du Bugle rampant produisent assez d'anthocyanines pour présenter un intérêt comme source de colorant alimentaire ou pour d'autres usages[17].

Israili & Lyoussi (2009) ont publié une étude ethnopharmacologique sur le genre Ajuga[18]

Selon une étude récente (2017), la fleur contient des composés actifs potentiellement intéressants : antioxydants et antibactériens[19].

La plante produit des phyto-ecdystéroïdes, in vitro (cultures de cellules de tissus de racines), par contre aucun ecdystéroïde n'a été observé dans les pousses cultivées en l'absence de racine[20]. Et « la concentration d'ecdystéroïdes était plus élevée dans les cultures supplémentées en hormones que dans le milieu basal et augmentait pendant la période de croissance ». Les types d'ecdystéroïdes dominants changent selon que la culture soit faite in vitro ou in vivo[20]; les ecdystéroïdes du Bugle rampant A. reptans sont donc biosynthétisés dans les racines[20],[21]. Selon la saison, les conditions environnementales, mais aussi selon les variétés (sous-espèces, dont par exemple A. reptans var. atropurpurea. ) les ecdystéroïdes peuvent varier (en termes de molécules et de quantité). Ces molécules pourraient jouer un rôle de protection contre les arthropodes en perturbant leur cycle de mues.

Les tiges et feuilles contiennent aussi une quantité importante d'oligosaccharide (s) de la famille du raffinose et dans le phloème et les feuilles)[22] et c'est le stachyose qui est, de loin, la forme la dominante (pour rappel, les raffinoses sont des sucres impliqués dans le transport et le stockage des carbohydrates dans la plante, décomposés par nos bactéries intestinales, ils sont sources de sensation de ballonnement et de flatulences, présent dans de nombreux légumes dont le haricot)[23] ; dans les feuilles, le taux de raffinoses est plus bas en été (75 mg/g de poids frais) et le plus élevées en automne/hiver (200 mg/g de poids frais), alors que le saccharose et l'amidon ne sont que des composants mineurs. Le raffinoses pourraient expliquer la résistance au gel de cette plante[23].

Dans les jardins

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Sur sols riches et frais, en mi-ombre, cette plante peut être cultivée comme couvre-sol et plante décorative ; de nombreux cultivars en ont été sélectionnés, dont «Catlin's Giant» qui a remporté le prix du mérite du jardin de la Royal Horticultural Society[24],[25].

Plante alimentaire

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La Bugle rampante fait partie des plantes sauvages comestibles autrefois consommées, par exemple cuite, en Italie[26] ou dans les Balkans en Bosnie-Herzégovine. La feuille en est comestible, consommée crue (en salade, généralement) ou cuite (dans une soupe, une sauce verte, des galettes végétales...).

Il est aussi utilisé comme fourrage pour les animaux en Australie[27].

La plante n'a aucun effet toxique décrit chez l'humain, ni chez le chien, le chat, le cheval ou le bétail (bovins, ovins) ni chez les oiseaux[28].

La morphologie du pollen des plantes du genre Ajuga a été étudiée ; elle présente une valeur taxinomique[29].

La bugle rampante est appréciée de nombreux papillons de jour en voie de régression : elle est la principale source de nectar pour le Grand collier argenté et le Petit collier argenté. C'est aussi une source (secondaire) de nectar pour le Citron, l'Hespérie du brome,Argus bleu, Azuré du serpolet, Azuré des nerpruns, Point-de-Hongrie, Lucine, Piéride de Réal, Piéride du chou, Piéride du navet, Piéride de la rave, Hespérie de la mauve, Mélitée du mélampyre, Leptidea sinapis, Sylvaine, Damier de la succise, Aurore, Belle-Dame[30].

Cette plante est naturellement consommée par certains rongeurs forestiers[31].

Illustrations

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L'espèce sauvage est parfois envahissante, et des variétés horticoles en sont cultivées, qui forment d'excellents couvre-sol. Leurs feuilles et fleurs sont de diverses couleurs. Les principales variétés sont :

  • A. reptans 'Burgundi Glow' : feuilles vert argenté ou vert doré avec du rouge vineux foncé ;
  • A. reptans 'Catlin's Giant' : grandes feuilles bronze pourpré foncé. Les inflorescences sont un peu plus grandes ;
  • A. reptans 'Multicolor' ou A. reptans 'Rainbow' : tapissant, aux feuilles vert bronze foncé marquées de crème et de rose ;
  • A. reptans 'Pink Elf' : compact, fleurs rose foncé sur des hampes courtes (5 cm de haut) ;
  • A. reptans 'Variegata' : dense et à pousse lente. Feuilles gris-vert marginées et éclaboussées de crème.

Notes et références

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  1. IPNI. International Plant Names Index. Published on the Internet http://www.ipni.org, The Royal Botanic Gardens, Kew, Harvard University Herbaria & Libraries and Australian National Botanic Gardens., consulté le 13 juillet 2020.
  2. a b c d e et f (fr) Guide complet de la nature - Michael Lohmann - p.312 - (ISBN 2-8034-4019-9) - Éditions Chantecler - Aartselaar - Belgique
  3. (en) Tropicos : Ajuga reptans L. (+ liste sous-taxons)
  4. Michel Chauvet, Etymologia botanica Dictionnaire des noms latins des plantes, Biotope Éditions, , 792 p.
  5. Pline l'Ancien, texte traduit par S. Schmitt, Histoire naturelle, nrf, Gallimard, , 2130 p.
  6. Muséum National d’Histoire Naturelle, « Ajuga reptans L » (consulté le )
  7. a et b (en) POWO : Ajuga reptans L.
  8. (fr) Tela Botanica (France métro) : Ajuga reptans L.
  9. a et b Gaston Bonnier et Georges de Layens, Flore complète portative de la France, de la Suisse et de la Belgique: pour trouver facilement les noms des plantes sans mots techniques, Belin, coll. « Collection des nouvelles flores », (ISBN 978-2-7011-1000-4)
  10. (en) V.A. Kurkin, « Phenylpropanoids from medicinal plants: distribution, classification, structural analysis, and biological activity », Chem Nat Compd., vol. 39, no 2,‎ , p. 123-153 (DOI 10.1023/A:1024876810579)
  11. Howard, Michael (1987). Traditional Folk Remedies Century. p.108
  12. Annick Montel-Kowalyszin, Contons fleurettes ! histoires et légendes des fleurs sauvages, TheBookEdition, , p. 5
  13. (en) « Ethnopharmacological in vitro studies on Austria's folk medicine—An unexplored lore in vitro anti-inflammatory activities of 71 Austrian traditional herbal drugs », Journal of Ethnopharmacology, vol. 149, no 3,‎ , p. 750–771 (ISSN 0378-8741, PMID 23770053, PMCID PMC3791396, DOI 10.1016/j.jep.2013.06.007, lire en ligne, consulté le )
  14. Jman Redzic S (2006) Wild edible plants and their traditional use in the human nutrition in Bosnia‐Herzegovina ; Ecology of Food and Nutrition, 45(3), 189-232 (voir p 197 et 224). URL=https://www.bastabalkana.com/wp-content/uploads/2013/03/Wild-edible-plants-and-their-traditional-use-in-the-human-nutrition-in-Bosnia-and-Herzegovina.pdf
  15. (en) A. Callebaut, G. Hendrickx, A. M. Voets et J. C. Motte, « Anthocyanins in cell cultures of Ajuga reptans », Phytochemistry, vol. 29, no 7,‎ , p. 2153–2158 (ISSN 0031-9422, DOI 10.1016/0031-9422(90)83027-X, lire en ligne, consulté le )
  16. Terahara, N., Callebaut, A., Ohba, R., Nagata, T., Ohnishi-Kameyama, M., & Suzuki, M. (1996). Triacylated anthocyanins from Ajuga reptans flowers and cell cultures. Phytochemistry, 42(1), 199-203 (résumé).
  17. (en) M.-Pia Calcagno, Francisco Camps, Josep Coll et Enric Melé, « New phytoecdysteroids from roots of Ajuga reptans varieties », Tetrahedron, vol. 52, no 30,‎ , p. 10137–10146 (DOI 10.1016/0040-4020(96)00536-4, lire en ligne, consulté le )
  18. Israili Z.H., Lyoussi B., Ethnopharmacology of the plants of genus Ajuga. Pak. J. Pharm. Sci., 2009; 22: 425-462
  19. Toiu, A., Vlase, L. A. U. R. I. A. N., Gheldiu, A. M., Vodnar, D., & Oniga, I. (2017). Evaluation of the antioxidant and antibacterial potential of bioactive compounds from Ajuga reptans extracts. Farmacia, 65, 351-355.
  20. a b et c (en) Jaime Tomás, Francisco Camps, Josep Coll et Enric Melé, « Phytoecdysteroid production by Ajuga reptans tissue cultures », Phytochemistry, vol. 32, no 2,‎ , p. 317–324 (DOI 10.1016/S0031-9422(00)94988-4, lire en ligne, consulté le )
  21. (en) Jaime Tomás, Francisco Camps, Elisabet Claveria et Josep Coll, « Composition and location of phytoecdysteroids in Ajuga reptans in vivo and in vitro cultures », Phytochemistry, vol. 31, no 5,‎ , p. 1585–1591 (DOI 10.1016/0031-9422(92)83112-C, lire en ligne, consulté le )
  22. (en) Norbert Sprenger et Felix Keller, « Allocation of raffinose family oligosaccharides to transport and storage pools in Ajuga reptans: the roles of two distinct galactinol synthases », The Plant Journal, vol. 21, no 3,‎ , p. 249–258 (ISSN 0960-7412 et 1365-313X, DOI 10.1046/j.1365-313x.2000.00671.x, lire en ligne, consulté le )
  23. a et b Bachmann, M., Matile, P., & Keller, F. (1994). Metabolism of the raffinose family oligosaccharides in leaves of Ajuga reptans L.(cold acclimation, translocation, and sink to source transition: discovery of chain elongation enzyme). Plant physiology, 105(4), 1335-1345.
  24. "Unnatural Histories - Amazon [archive]". BBC Four.
  25. familiale Shrestha et al., 2002
  26. Ranfa A & Bodesmo M (2017) An Ethnobotanical investigation of traditional knowledge and uses of edible wild plants in the Umbria Region, Central Italy. Journal of Applied Botany and Food Quality, 90, 246-258 (voir p 249)|URL=https://www.researchgate.net/profile/Mara_Bodesmo/publication/318654341_An_Ethnobotanical_investigation_of_traditional_knowledge_and_uses_of_edible_wild_plants_in_the_Umbria_Region_Central_Italy/links/5975cf46a6fdcc834893c460/An-Ethnobotanical-investigation-of-traditional-knowledge-and-uses-of-edible-wild-plants-in-the-Umbria-Region-Central-Italy.pdf.
  27. Boxell V (2014) Edible and Useful Plants for the Swan Coastal Plain. Lulu. com.
  28. (en) « Ajuga reptans 'Black Scallop' », sur BBC Gardeners' World Magazine (consulté le )
  29. Kose, Y. B., Erkara, I. P., & Alan, S. (2011) Pollen morphology of some Turkish Ajuga L.(Lamiaceae) and its taxonomic value. Bangladesh Journal of Botany, 40(1), 29-33. URL=https://www.banglajol.info/index.php/bjb/article/download/7994/5981
  30. "Nectar Sources". UKButterflies.co.uk. 2002–2014
  31. Dróżdż D (1966) Food habits and food supply of rodents in the beech forest. Acta theriologica, 11(15), 363-384.

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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  • Ghita G., Cioanca O., Gille E., Necula R., Zamfirache M.M., Stanescu U., Contributions to the phytochemical study of some samples of Ajuga reptans L. and Ajuga genevensis L.. Medical Sciences, 2011; 4(53): 7-14