Andrée Borrel — Wikipédia
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nom de naissance | Andrée Raymonde Borrel |
Nationalité | |
Activités | Espionne, résistante, agent du SOE |
Grade militaire | |
---|---|
Conflit | |
Distinctions | Liste détaillée Chevalier de la Légion d'honneur () Morte pour la France Déportée résistante Queen's Commendation for Brave Conduct (en) Médaille de la Résistance Croix de guerre 1939-1945 |
Archives conservées par | Service historique de la défense - site de Caen (d) (AC 21 P 27427, AC 21 P 628978) Service historique de la Défense - site de Vincennes (d) (GR 16 P 74769, GR P 28 4 385 232) Archives nationales du Royaume-Uni (HS 9/183) |
Andrée Borrel ( - ) fut une agent secret français, pendant la Seconde Guerre mondiale. D' à fin 1941, elle utilisa sa maison de Canet-Plage comme maison sûre pour le réseau d'évasion Pat Line. Contrainte de fuir, elle passa quelques mois à Lisbonne, où elle travailla dans un bureau de la France libre. Parvenue en Angleterre, elle fut recrutée par le SOE, section F, puis entraînée et envoyée en mission en France, où elle fut la première femme à être parachutée par le SOE, en même temps que Lise de Baissac. Elle assura alors, auprès de Francis Suttill, la fonction de courrier du réseau Prosper-PHYSICIAN basé à Paris. Après neuf mois d'action clandestine, lors de l'effondrement du réseau fin , elle fut arrêtée par les Allemands. Déportée au camp de Natzweiler-Struthof, elle y fut exécutée à l'âge de 24 ans.
Biographie
[modifier | modifier le code]Andrée Raymonde Borrel naît[N 1] le à Paris 8e, quitte l'école à quatorze ans et travaille dans une boulangerie puis dans un bazar pour aider sa famille[1]. Sa sœur aînée la présente comme un « garçon manqué ». En 1939, membre de la Fédération française féminine de cyclisme, elle se classe 5e de la course Pontoise-Meru-Pontoise[2]. Elle s'engage peu après dans la guerre civile en Espagne et rentre à Paris au début de la Seconde Guerre mondiale[1].
Sa mère et elle déménagent à Toulon où elle devient membre de l'Association des Dames de France, soignant les soldats blessés dans un hôpital à Beaucaire. À l'armistice, elle rejoint le Réseau Pat O'Leary dirigé par le médecin belge Albert Guérisse[N 2]. Elle s'occupe d'un des derniers refuge avant les Pyrénées, près de Perpignan mais fin 1941, une partie de la filière est trahie et elle doit elle-même fuir à Lisbonne puis en Grande-Bretagne en [1].
Arrivée à Londres, elle propose ses services aux Français libres mais elle est refusée lorsqu'elle refuse de donner des informations sur la filière d'évasion Pat. Le , elle rejoint la première session féminine du Special Operations Executive avec Yvonne Rudellat, Marie-Thérèse Le Chêne et Blanche Charlet. Elles sont formées sous la couverture des First Aid Nursing Yeomanry (FANY)[1].
Le , elle est parachutée avec une autre agente, Lise de Baissac, près de Bois Renard (proche de Crouy sur Cosson dans le Loir-et-Cher) où elle est réceptionnée par Pierre Culioli et Yvonne Rudellat[3]. Elle se dirige vers le nord de Paris pour organiser l'arrivée de Francis Suttill le 1er octobre dont elle devait devenir le courrier dans le réseau Prosper-PHYSICIAN[4]. Avec le temps, elle prend une place importante dans le réseau, tenant les conversations pour Suttill dont le français n'est pas très bon. Sous leur commandement, le réseau devient le plus important de la Section F du SOE[5]. Sans que le réseau ne le découvre, une liste avec des membres du réseau tombe aux mains de l'Abwehr qui se met en action en [6]. Le , elle est arrêtée dans un appartement parisien avec Gilbert Norman, le radio du réseau, par la police allemande[7].
[Sources : Guillaume, p. 74 ; Maloubier, p. 160-161]
Entre minuit et minuit 15, on sonne à la grille du jardin, 75, boulevard Lannes. Nicolas Laurent se lève et va ouvrir la porte à un jeune homme, qui demande à parler à Gilbert de la part d'« Archambault ». Nicolas Laurent rentre, réveille Gilbert Norman et lui annonce qu'on le demande. L'heure insolite de cette visite les inquiète tous les deux ; mais, quand Nicolas Laurent ajoute : « On vous demande de la part d'Archambault », Gilbert rassuré se lève aussitôt. « Archambault » est le pseudo de Gilbert Norman, ignoré du couple Laurent. Gilbert Norman a dû conclure de cette phrase « de la part d'Archambault » que le visiteur était un messager important. Il met donc sa robe de chambre et va ouvrir la porte du jardin ; quinze hommes se précipitent sur lui et l'arrêtent.
L'entrée principale de l'immeuble au 96, avenue Henri-Martin, ne semble pas avoir été occupée par les Allemands. Au dire de Nicolas Laurent, les quinze hommes, qui vinrent en deux voitures, étaient aux aguets boulevard Lannes, et d'ailleurs, n'auraient pu encercler le pâté de maisons qui occupe un périmètre d'environ 300 m. Si l’inquiétude de Gilbert n'avait pas été entièrement dissipée par le nom d’Archambault, il aurait pu facilement, sinon s'échapper par la porte de l'avenue Henri-Martin, peut-être surveillée, mais tout au moins s'enfuir par les toits et trouver refuge dans un autre immeuble, au lieu de descendre spontanément recevoir cet insolite et mystérieux visiteur.
Puis les Allemands arrêtent Andrée Borrel, Nicolas Laurent et sa femme Maud.
On raconte qu'elle resta muette aux interrogatoires, méprisant ses interrogateurs[8]. Elle est envoyée au centre pénitentiaire de Fresnes où elle reste pendant un an avant d'être envoyée avec sept autres femmes agentes du SOE dans la prison civile pour femmes de Karlsruhe[9].
Le , elle est sortie de sa cellule et envoyée au camp de concentration de Natzweiler-Struthof pour un « traitement spécial » avec trois autres agentes, Sonia Olschanezky, Vera Leigh et Diana Rowden[10]. Le soir-même, elles sont emmenées une à une dans une baraque voisine où on leur injecte une dose mortelle de phénol avant de transporter leur corps dans les fours crématoires[9]. Lors du procès de Natzweiler, un ancien prisonnier qui s'occupait du chargement des fours raconta qu'un des corps se débattit et cria lorsqu'on le mit dans le four[9],[11].
Identités
[modifier | modifier le code]- État civil : Andrée Raymonde Borrel
- Comme agent du SOE, section F :
- Nom de guerre (field name) : « Denise »
- Nom de code opérationnel : WHITEBEAM (en français ALISIER BLANC[12])
- Faux papiers : Denise Urbain, née le à Lillers (Pas-de-Calais), célibataire[13].
- Autre pseudo : Monique
Parcours militaire (Royaume-Uni) :
- First Aid Nursing Yeomanry (FANY)
- SOE, section F
Famille
[modifier | modifier le code]- Son père : Louis Jean Borrel (mort en 1930) ;
- Sa mère : Eugénie Marie Françoise, née Fayollas ;
- Une sœur : Léone Borrel, épouse de Robert Henri Arend (né le )[14].
Reconnaissance
[modifier | modifier le code]Distinctions
[modifier | modifier le code]Elle est déclarée « Morte pour la France » et « Déporté résistante »[4],[15],[16].
- France :
- Chevalier de la Légion d'honneur, par décret du [17] ;
- Croix de guerre –, palme de bronze, décernée à titre posthume en reconnaissance de son sacrifice héroïque pour la liberté de son pays[17] ;
- Médaille de la Résistance française avec rosette par décret du [18],[19].
- Royaume-Uni : King's commendation for brave conduct (KCBC)[3].
Monuments
[modifier | modifier le code]- Au Mémorial de la déportation du camp de concentration de Natzweiler-Struthof où elle a été exécutée :
- Une plaque, placée à l'intérieur du crématorium, inaugurée en 1975 par le Premier ministre Jacques Chirac, y est dédiée à Andrée Borrel et aux trois autres femmes agents du SOE exécutées en même temps qu'elle, Diana Rowden, Vera Leigh et Sonia Olschanezky.
- Le Centre Européen du Résistant Déporté y a été inauguré le par le Président Jacques Chirac, accompagné par le ministre de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie, et par le Ministre Délégué aux Anciens Combattants, M. Hamlaoui Mekachera. Après avoir déposé une couronne « à la Mémoire des Martyrs et Héros de la Déportation », ils sont descendus jusqu'au crématorium.
- Brookwood Memorial, Surrey, panneau 26, colonne 3.
- En tant que l'un des 104 agents de la Section F du SOE morts pour la France, Andrée Borrel est honorée au Mémorial de Valençay (Indre)[20].
- À la mairie du 9e arrondissement de Paris, 6 rue Drouot, le nom d’Andrée Borrel figure parmi ceux qui sont gravés sur une plaque de la cour d’entrée, à la mémoire des habitants combattants des guerres de 1914-18 et 1939-45 morts pour la France.
Navire
[modifier | modifier le code]- Un des futurs patrouilleurs hauturiers de la Marine nationale, mise en service prévue entre 2031 et 2035, portera son nom[21].
Œuvres d'art
[modifier | modifier le code]- Brian Stonehouse, agent SOE et peintre, qui a vu Andrée Borrel et les trois autres femmes au camp de concentration de Struthof juste avant leur mort, a peint une aquarelle poignante des quatre femmes, accrochée au Club des Forces spéciales à Londres le [22].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- L’acte de naissance 1923 précise qu’elle est née à 22 h 35 au 208, rue du Faubourg Saint-Honoré. Ses parents Louis Jean Borrel, 27 ans, mécanicien, et Eugène Marie Françoise Fayollas, 31 ans, ménagère, sont notés comme domiciliés 19, rue Pergolèse, Paris 16e.
- La ligne d'évasion allait de la frontière belge à la frontière espagnole.
Références
[modifier | modifier le code]- Beryl E. Escott, p. 67-68
- Retrouvé par Pierre Wecksteen et Frédéric Girard, historiens du cyclisme.
- (en) « French female spies who worked for the British secret service », Mail Online, (lire en ligne, consulté le )
- « Titres, homologations et services pour faits de résistance - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
- Marcel Ruby, La guerre secrète, FeniXX réédition numérique, , 308 p. (ISBN 978-2-402-24810-5, présentation en ligne)
- Beryl E. Escott, p. 69-70
- Vader, p. 100
- Vader, p. 116
- Beryl E. Escott, p. 71-72
- (en) The Journal of Intelligence History, Volume 6, Number 2, LIT Verlag Münster (lire en ligne)
- « Les filles du SOE », Bibliobs, (lire en ligne, consulté le )
- Harrap's New Standard, 1980.
- Siedentopf, p. 10.
- Sources John Vader, p. 75 ; Siedentopf, p. 56. Selon une autre source, le nom de sa sœur serait Germaine Aigrain [Bob Maloubier, Triple Espion, p. 172.]
- « Base des militaires décédés pendant la Seconde Guerre mondiale - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
- « Base des déportés-résistants - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
- « Borrel Andrée - Base de données Léonore », sur www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le )
- O'Conner, p. 195
- « Base des médaillés de la résistance - Mémoire des hommes », sur www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le )
- (en-GB) Ben Farmer, « Memorial to female WW2 secret agents », The Telegraph, (ISSN 0307-1235, lire en ligne, consulté le )
- Jean-Marc Tanguy, « Des noms de héros et héroïnes de la Seconde Guerre mondiale pour les futurs patrouilleurs hauturiers », Le Marin, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Bernard A. Cook, Women and War : A Historical Encyclopedia from Antiquity to the Present, ABC-CLIO, (ISBN 978-1-85109-770-8, présentation en ligne)
Sources et liens externes
[modifier | modifier le code]
- Ressource relative aux militaires :
- Ressource relative à la vie publique :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Photographies d'Andrée Borrel sur le site Special Forces Roll of Honour
- Dossier personnel d'Andrée Borrel aux National Archives britanniques. Le dossier HS 9/183 est accessible depuis le .
- Michael R. D. Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004.Ce livre présente la version « officielle » britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence essentielle sur le sujet du SOE en France.
- Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, Robert Laffont, 1976 ; éd. revue et complétée, Crémille & Famot, 1982.
- Hugh Verity, Nous atterrissions de nuit... Les atterrissages secrets de la RAF en France 1940-44, 1978 ; :5e éd. revue et augmentée, Vario, 2004, (ISBN 2-913663-10-9)
- Anthony Cave Brown, La Guerre secrète, le rempart des mensonges, Pygmalion/Gérard Watelet, 1981, (ISBN 978-2857048855).
- John Vader, Nous n'avons pas joué, l'effondrement du réseau Prosper 1943, traduction, notes et annexes de Charles Le Brun, Le Capucin, 2002. C'est la traduction en français du livre (en) Prosper double-cross, Sunrise Press, 1977.
- Jacques Bureau, Un soldat menteur, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2221073124), Témoignage direct d'un membre du réseau.
- Jean Lartéguy et Bob Maloubier, Triple jeu, l'espion Déricourt, Robert Laffont, 1992, (ISBN 978-2221068366).
- (en) Rita Kramer, Flames in the Field, Story of Four SOE Agents in Occupied France, Michael Joseph Ltd, 1995, (ISBN 978-0718138813).
- Richard Seiler, La Tragédie du Réseau Prosper, Pygmalion, 2003, (ISBN 978-2857048046).
- Monika Siedentopf, Parachutées en terre ennemie, préface d'Olivier Wieviorka, Perrin, traduit de l'allemand par Amélie de Maupeou, Perrin, 2008, (ISBN 978-2-262-02784-1).
- Bob Maloubier, Les Secrets du Jour J : Opération Fortitude, Churchill mystifie Hitler, Les Éditions la Boétie, 2014, (ISBN 978-2-36865-033-2).
- Bernard O'Conner, Agents Françaises: French women infiltrated into France during the Second World War, 2016 (ISBN 978-1326-70328-8)
- (en) Sarah Rose. D-Day Girls. The Spies Who Armed the Resistance, Sabotaged the Nazis, and Helped Win World War II. Broadway Books, New York, 2020. (ISBN 9780451495099)