Arnold Pannartz et Konrad Sweynheim — Wikipédia
Arnold Pannartz et Konrad Sweynheim[1] sont deux imprimeurs allemands du XVe siècle, qui ont introduit l’imprimerie en Italie.
Biographie et œuvre
[modifier | modifier le code]Leurs dates de naissance et de mort sont inconnues[2]. Arnold Pannartz[3] vient des environs de Francfort, dans la localité de Schwanheim : Sweynheim vient d’Eltville à côté de Mayence. On ne sait s’ils se connaissaient avant de partir en Italie ; ils ont vraisemblablement été formés à la typographie à Mayence dans le ou les ateliers de Gutenberg, Fust et Schöffer, et obligés de la quitter après le sac de la ville les 27- ; mais il n’y a aucune certitude à ce sujet.
C’est Juan de Torquemada, dominicain, ancien étudiant à Paris et défenseur des prérogatives de la papauté aux conciles de Constance, Bâle et Florence, cardinal depuis 1439, qui les fait venir en Italie : il est abbé commendataire du monastère bénédictin Santa Scholastica à Subiaco depuis 1455, un monastère qui accueille beaucoup de moines étrangers, allemands notamment. Subiaco dispose d’une bibliothèque et d’un scriptorium, avec la présence de copistes.
Pannartz et Sweynheim arrivent à Subiaco en 1464. Ils y ont peut-être imprimé un Donat dès 1464[4], mais le premier livre imprimé sur les presses de Subiaco et conservé est l’édition latine de Lactance en 1465 ou celle du De Oratore de Cicéron paru la même année.
Ils impriment dans un caractère romain hybride : dans le De Civitate Dei de 1465, ce romain est encore marqué par l'épaisseur et l'étroitisation du tracé des caractères gothiques ; à partir du Lactance imprimé en 1468, le tracé est plus fin et plus arrondi, proche de l'écriture humanistique manuscrite des Italiens[5].
Date | Auteur, œuvre | Remarques |
---|---|---|
Lactance, Institutions divines et autres œuvres | édition princeps | |
1465, avant le ? | Cicéron, De Oratore | |
saint Augustin, De Civitate Dei | édition princeps |
En 1467, les deux imprimeurs quittent Subiaco pour s’installer à Rome où Francesco et Pietro de’ Massimi mettent leur palais à leur disposition[6].
Beaucoup des impressions de Pannartz et Sweynheim sont des éditions princeps d’auteurs classiques. Pour la préparation de leurs éditions, ils travaillent en étroite collaboration avec Giovanni Andrea Bussi, évêque d'Aléria, qui est leur éditeur scientifique et correcteur d’épreuves. Bussi s’était fixé pour objectif la publication de tous les grands textes latins, afin de mettre rapidement les textes de base à la disposition des étudiants et érudits les moins fortunés, le coût des livres imprimés étant inférieur à celui des manuscrits[7]. Bussi cherchait les manuscrits, en obtenait de leurs possesseurs le prêt, déterminait les meilleures versions, établissait le texte et corrigeait les épreuves. Ses contemporains lui ont reproché la hâte avec laquelle il préparait l'édition scientifique des textes : Niccolò Perotti (1430-1480) critique ainsi vivement l’édition de 1470 de l’Histoire naturelle de Pline, et la seconde édition de ce texte en 1473 chez Pannartz et Sweynheim sera celle de Perroti[8]. Bussi était lui-même conscient de ces imperfections et cherchait à améliorer ses rééditions.
Date | Auteur, œuvre | Remarques | Rééditions |
---|---|---|---|
1467 | Cicéron, Epistolae ad familiares | ; | |
saint Jérôme, Lettres | éd. de Bussi | 1470 ; | |
1468 | saint Augustin, De civitate Dei | 1470 | |
1468 | Lactance, Institutions divines et autres œuvres | 1470 | |
1468 | Rodrigo Sanchez de Arevalo, Speculum vitae humanae | ||
1468-1469 | Cicéron, De oratore | ||
Cicéron, Brutus | |||
Cicéron, Des Devoirs | |||
Apulée, Œuvres | édition princeps ; éd. par Bussi. Contient aussi : Enseignement des doctrines de Platon d'Alcinoos dans la traduction latine de Pietro Balbo. | ||
Aulu-Gelle, Œuvres | édition princeps ; éd.de Bussi | ||
César, Commentaires | éd. par Bussi | ||
avant le | Basilius Bessarion, Adversus calumnatiorem Platonis | édition princeps | |
Cicéron, Epistolae ad familiares | éd. par Bussi | ||
1469 | Lucain, Pharsale | édition princeps ; éd. de Bussi | |
1469 | Virgile, Œuvres : Bucoliques, Géorgiques, Énéide | édition princeps ; éd. par Bussi | 1471 |
circa 1469 | Tite Live, Décades | édition princeps par Bussi des livres 1-10, 21-32, 34-39 | |
avant le | Cicéron, Lettres à Brutus, à son frère Quintus, à Atticus | éd. de Bussi | |
Thomas d'Aquin, Catena Aurea | |||
1470 | Léon Ier, Sermons et Lettres | ||
1470 | Pline l'Ancien, Histoire naturelle | texte éd. par Bussi | (texte édité par Niccolo Perroti) |
1470 | Suétone, Vie des douze Césars | éd. de Bussi | |
circa 1470 | Martial, Épigrammes | ||
circa 1470 | Quintilien, Institution oratoire | éd. de Bussi | |
Silius Italicus, Punica | éd. de Bussi | ||
1471 | Bible, latin | éd. par Bussi | |
1471 | Cicéron, Discours | éd. par Bussi | |
1471 | Cicéron, Œuvres philosophiques | ||
1471 | saint Cyprien, Œuvres | éd. de Bussi | |
1471 | Ovide, Œuvres | éd. par Bussi | |
1471-17472 | Nicolas de Lyre, Postilles sur la Bible | éd. de Bussi | |
Justin, Épitome | |||
Térence, Comédies | |||
Roberto Caracciolo, Sermons | |||
Donat, Commentaire sur les Comédies de Térence | |||
1472 | Cicéron, Philippiques | ||
circa 1472 | Hésiode, Œuvres | en latin | |
Aristote, Éthique à Nicomaque | en latin ; édition princeps | ||
Strabon, Géographie | éd. de Bussi | ||
Niccolo Perroti, Rudimenta grammatices | |||
Salluste, Œuvres | |||
Polybe, Histoires | en latin ; traduction de Niccolo Perroti | ||
1473 | Plutarque, Vies parallèles | en latin ; éd. de Bussi | |
Hérodote, Histoires | |||
Stace, Silves |
On sait par une supplique adressé au pape Sixte IV en 1472[9] qu’ils sont confrontés à la mévente de leurs livres dans un marché qui n’est pas encore organisé, avec des stocks d’invendus. Ils pâtissent par ailleurs de la concurrence d'un de leurs anciens compagnons venu d’Allemagne avec eux, Ulrich Hahn, né à Ingolstadt, qui éditait comme eux les textes de l'Antiquité grecque et latine[10].
En 1475, Pannartz et Sweynheim ont publié au total plus de 40 titres en latin : auteurs classiques grecs et latins essentiellement ; une Bible ; quelques Pères de l’Église et quelques textes religieux. Leurs éditions ont un tirage de 275 à 300 exemplaires, ce qui représente au total entre 12000 et 14000 volumes imprimés.
Leur association est dissoute en 1475.
Arnold Pannartz publie en 1474-1476 neuf titres sous son nom seul :
- Niccolo Perroti, Rudimenta grammatices, 1474 ; réédition le ;
- Sénèque, Lettres à Lucilius, ;
- Indulgences des principales églises de Rome, ;
- Lorenzo Valla, Elegantiae linguae latinae, ;
- Thomas d’Aquin, De veritate fidei, ;
- Flavius Josèphe, De Bello judaico, ;
- Thomas d’Aquin, Quaestiones de veritate, ;
- saint Jérôme, lettres, ;
- Boninus Mombritius, De origine et temporibus urbis Romae, sans date.
Domizio Calderino, dans la préface de son édition de la Cosmographia de Ptolémée, imprimée à Rome en 1478 par Arnold Bucking, indique que c’est Konrad Sweynheim qui a supervisé la gravure des 27 cartes gravées sur métal.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ou Sweynheym.
- Il est parfois indiqué que Pannartz meurt vers 1476, Sweynheim en 1477. En fait d'après les éditions conservées, leur collaboration semble avoir cessé après 1475, Pannartz publiant encore sous son nom seul en 1476.
- Il est parfois indiqué comme né à Prague.
- D'après leur supplique de 1472.
- Yves Perrousseaux, Histoire de l'écriture typographique, 2005, p. 100-101.
- Les éditions portent à l’adresse : « In domo Francisci et Petri de Maximis » ou « In domo Petri de Maximo ».
- En 1468, dans sa dédicace à Paul II des Lettres de saint Jérôme, Bussi loue l’imprimerie qui « en multipliant les chefs-d’œuvre de l’antique littérature, en a tellement abaissé les prix, qu’un ouvrage qui coûtait autrefois cent écus d’or en vaut à peine vingt, et bien imprimé encore, et purgé de ces fautes grossières qui le déshonoraient quand il était à l’état de manuscrit. »
- John Monfasani, « The First Call for Press Censorship : Niccolo Perotti, Giovanni Andrea Bussi, Antonio Moreto, and the editing of Pliny's Natural History », dans Renaissance Quarterly, 41:1, printemps 1988, p. 3.
- « (…) nous avons imprimé, pendant notre séjour à Rome, un grand nombre d’ouvrages dont nous allons vous rappeler les titres dans l’ordre de leur publication : Donat, notre premier livre, à l’usage de l’enfance, tiré à 300 exemplaires, Lactance, tiré à 825 ; les Épîtres familières de Cicéron, tirées à 550 (…). Désormais il nous est impossible de subvenir aux dépenses énormes de notre établissement, si les acheteurs nous manquent ; notre maison, bien vaste pourtant, est encombrée de piles de ballots, c’est la meilleure preuve que nous ne vendons pas. Que votre inépuisable charité vienne à notre aide, afin que nous puissions vivre et faire vivre les nôtres. » ; ils indiquent posséder un stock de 12475 feuilles invendues.
- Henri-Jean Martin, La naissance du livre moderne (XIVe – XVIIe siècle), 2002, p. 29. À la suite de cette crise de surproduction, Hahn s'oriente vers l'édition de type administratif : mandements, brefs et autres documents pontificaux.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (it) Giovanni Andrea Bussi, Prefazioni alle edizioni di Sweynheym e Pannartz, prototipografi Romani, é. M. Miglio, Milan, 1978.
- (en) Edwin Hall, Sweynheym and Pannartz and the Origins of printing in Italy : German technology and Italian humanism in Renaissance Rome, Phillip J Pirages, 1991
- (en) M. Davies, « Two book-lists of Sweynheym and Pannartz », dans Libri tipografi biblioteche. Ricerche storiche dedicate a Luigi Balsamo, Leo S. Olschki, 1997.
Liens externes
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