Camp de Boulogne (Napoléon Ier) — Wikipédia
Le camp de Boulogne est un camp militaire qui fut établi aux alentours de Boulogne-sur-Mer en France par Bonaparte (futur Napoléon Ier), en 1803, et maintenu par Napoléon jusqu'en 1805, où il assembla la « Grande Armée » ou armée des côtes de l'Océan, en vue d'un débarquement en Grande-Bretagne.
1803
[modifier | modifier le code]Le , les Britanniques, sans déclaration de guerre préalable, saisissent ou arraisonnent une centaine de navires français et bataves. La France déclare la guerre à l'Angleterre. Bonaparte choisit alors Boulogne-sur-Mer comme base pour mener l'invasion de l'Angleterre.
Le nord de la France devient un grand camp militaire et tous les chantiers navals français travaillent à préparer le jour où l'armée d'Angleterre traverserait la Manche. Paris donne l'exemple: des ateliers sont installés sur l’esplanade des Invalides et des manœuvres sont organisées sous le pont de la Concorde. En octobre 1803, le Premier Consul y dirige un simulacre de débarquement. Les villes, les départements, les grandes institutions rivalisent de zèle pour offrir des vaisseaux, des péniches à fond plat, des voiles. Périodiquement le Premier Consul part pour plusieurs jours d'inspection dans la région de Boulogne, six visites en 1803 et 1804. L'optimisme est de rigueur. Le ministre de l'Intérieur reçoit l'ordre de faire composer un chant pour la descente en Angleterre. « Nous avons six siècles d'outrages à venger » écrit Bonaparte. Tous les moyens militaires et maritimes sont concentrés sur les forces du Nord-Ouest, qui reçoivent officiellement le nom d'armée d'Angleterre le 1er décembre 1803. D'autres camps créés à Saint-Omer, Compiègne, Saint-Malo hébergent des dizaines de milliers d'hommes[1].
Dans les derniers jours de , une partie de l'escadre de Dunkerque partit pour gagner Boulogne sous le commandement de Le Coat de Saint-Haouen, alors chef d'escadre et chef d'état major du Camp de Boulogne[2]. Arrivé au point de Calais, voyant l'escadre anglaise se dérober, il craignit qu'elle ne revint supérieure en nombre et relâcha dans le port de Calais sans doubler le cap Gris-Nez. L'amiral Bruix, apprenant la nouvelle, fit dépêcher de Dunkerque une division pour secourir celle du port de Calais, que les Anglais étaient revenus bombarder avec 20 bâtiments le . N'ayant causé que peu de dégâts, et essuyant le feu des batteries terrestres françaises, la croisière anglaise se retira.
Le lendemain au matin, l'escadre de Saint-Haouen, composée de 28 bateaux-canonniers[3], appuyée par celle de Dunkerque et celle de Boulogne, dépêchées en renfort, et par les batteries françaises sur les plages, fonça vers le cap Gris-Nez, avant d'être rattrapée par les Anglais qui ouvrirent un feu nourri sur les navires français. Saint-Haouen, faisant notamment usage de la rame, réussit néanmoins à passer et mouilla dans le port de Boulogne l'après-midi même à 15 h[4].
Cependant, la division venue de Dunkerque, commandée par le capitaine Pevrieux, était en difficulté, n'ayant pas réussi à doubler le cap Gris-Nez. Saint-Haouen et le contre-amiral Magon de Médine sortirent pour lui venir en aide, la rejoignirent devant Wimereux, à l'endroit du fort de Croÿ[5], puis se dirigèrent vers l'escadre anglaise composée de 20 vaisseaux de trois-mâts[4], pour l'affronter durant deux heures, la forçant ainsi à se retirer.
Cette victoire navale française a permis d'achever le rassemblement des flottilles vers celle de Boulogne de septembre à décembre, regroupant ainsi plus de mille bâtiments[6].
1804
[modifier | modifier le code]Après avoir effectué une revue des troupes la veille (son jour anniversaire, qui deviendra la Saint-Napoléon), l'Empereur distribue, le , pour la première fois à Boulogne les croix de la Légion d'honneur aux soldats de la Grande Armée. Le maréchal Soult annonça à l'empereur « le vœu des soldats » de mettre en place aux frais de la légion une colonne en marbre avec une statue de Napoléon. La première pierre fut posée le .
1805
[modifier | modifier le code]Le camp de Boulogne réunit environ 60 000 soldats en 1805, il se divisait en deux grands camps :
- l'un se trouvait sur la rive gauche de la Liane, près d'Outreau,
- l'autre se trouvait dans le secteur du vallon de Terlincthun et du plateau de la tour d'Ordre.
Au sommet de la falaise se trouvaient les baraques de commandement, dont celle de Napoléon, mais le quartier général était situé au château de Pont-de-Briques[7].
Pour la partie maritime de l'invasion, un plan de débarquement avait été mûri par Latouche-Tréville puis Saint-Haouen[8]. Le camp de Boulogne fut levé au mois d'août 1805 et l'armée dirigée vers l'Allemagne du Sud afin de battre les troupes de la Troisième coalition[9].
1806 - 1812
[modifier | modifier le code]Dans l’esprit de Napoléon, le camp de Boulogne devait toutefois être une institution permanente, destinée à immobiliser des forces navales britanniques dans la Manche par la menace qu’exercerait une armée rassemblée à Boulogne attendant l’arrivée d’une escadre française pour escorter la flottille de débarquement. Les Anglais devaient ainsi tenir en réserve une escadre pour être préparée pour cette éventualité. L’essentiel des fortifications du port de Boulogne fut ainsi entrepris et achevé après 1805 et avant la fin de l’Empire afin de prévenir un débarquement anglais visant à détruire la flottille[10].
La flottille fut ainsi remise en activité sur un pied réduit à plusieurs reprises et des troupes concentrées à Boulogne. Selon le plan d’organisation soumis à Napoléon par Decrès en avril 1806, le camp doit accueillir 73 100 soldats[11].
Ces plans ne sont réalisés que partiellement en raison de la guerre de la Quatrième Coalition. En avril 1811, Napoléon ordonne de nouveau la formation d’un camp à Boulogne, dont les troupes sont commandées par le maréchal Ney. En septembre 1811, le camp rassemble 21 000 hommes alors que la flottille pourrait embarquer 37 000 hommes en janvier 1812[12].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Combat du 27 au 29 septembre 1803 » (voir la liste des auteurs).
- Thierry Lentz, Le Grand Consulat, 1799-1804, Paris, Fayard/Pluriel, 2014 (1999), p. 689, 695-696.
- Pierre Louis Pascal de Jullian, Phillipe Lesbroussart et Gerrit van Lennep, Galerie historique des contemporains, ou Nouvelle biographie, dans laquelle se trouvent réunis les hommes morts ou vivans de toutes les nations, qui se sont fait remarquer à la fin du 18me siècle et au commencement du 19me, par leurs écrits, leurs actions, leurs talens, leurs vertus ou leurs crimes, Le Roux, (lire en ligne), p. 403
« L'ordre du jour de la flottille du 7 vendémiaire an XII fait une mention très honorable de la manœuvre hardie par laquelle il sut réunir les deux divisions de Dunkerque et de Calais à l'armée navale combinée dans le port de Boulogne. »
- Pierre-Jean-Baptiste Bertrand, Précis de l'histoire… de Boulogne sur mer jusqu'en 1814, Le Roy, (lire en ligne), p. 340
« Tandis qu'on s'occupait de l'établissement de camps, et que les routes étaient couvertes de troupes qui venaient les occuper, les constructions navales s'achevaient de toutes parts, et les divisions de la flottille se rendaient dans le port de Boulogne, soit en trompant la vigilance des Anglais qui avaient dans le pas de Calais des forces considérables, soit en leur livrant de glorieux combats. Le premier eut lieu le 5 vendémiaire (). Une division de 28 bateaux canonniers sortie de Calais à 8 h du matin, à la vue d'une frégate Anglaise de 44 canons, d'une corvette, trois bricks et deux cutter, commença bientôt le feu le plus vif et força l'ennemi à s'éloigner. L'amiral cita honorablement à cette occasion le capitaine de vaisseau St-Haouen qui commandait cette division. »
- « Journal de Rouen beta - article : Boulogne, le 6 vendemiaire an », sur plair.univ-rouen.fr (consulté le ), p. 2
.« Boulogne, le 6 vendemiaire an 12.
Soult, général de la garde, commandant en chef le camp de Saint-Omer, au premier consul.
Citoyen premier consul,
hier à 11 h du matin une division de onze bâtiments anglais est venu mouiller à l'est du Fort-Rouge de Calais, à la portée du canon du fort , et a commencé à jeter des bombes. Le Fort Rouge et les batteries des dunes et du Fort-Risban lui ont vivement répondu. Plusieurs de ces bâtiments out éprouvé des avaries telles qu'ils out été obligés de quitter la ligne. Toutes les bombes des ennemis sont tombées dans les fossés, sur la plage ci dons le port, mais sans causer de danger. Une est tombée clans la cour de la maison Dessin une autre est tombée sur la prison de la ville, et a blessé grièvement un prisonnier anglais , le seul individu qui l'ait été de notre côté. Cependant le capitaine de vaisseau Saint-Haouen commandant la division de la flottille qui se trouvait en relâche à Calais , est sortie du port aussitôt que la marrée le lui a permis, pour se mettre en rade , et selon les circonstances, continuer sa route vers Boulogne ou aider à la défense de la ville. L'ennemi avait déjà cessé son bombardement. Le capitaine a continué sa route pour doubler les caps Blanc et Gris-Nez. À L'apparition de la flottille, les bâtiments ennemis ont manœuvré pour s'élever au vent. La flottille arrivée la hauteur de Sangate, le combat s'est engagé ; mais les ennemis n'ont pas pu arrêter un instant la marche de la flottille , qui a mouillé vers trois heures après midi, en rade de Boulogne. La flottille n'a perdu dans ce combat que deux hommes ; deux out été blessés. Tout me porte a penser que les pertes de l'ennemi out été beaucoup plus considérables. Le 6 vendémiaire , une autre division de la flottille a été attaqué au cap Gris-Nez, par l'ennemi qui était fort de plus de 20 bâtiments à trois mats. Le vent a manqué ; la flottille a navigué sur ses avirons. L'amiral Bruix, qui avait dirigé In marche de cette division , donna ordre au contre-amiral Magon de partir de Boulogne pour venir à sa rencontre. La jonction s'est faite à hauteur du fort de Croÿ. Le combat s'est engagé, à la suite duquel l'ennemi a été obligé de prendre le large, non sans avoir beaucoup souffert du feu rasant de nos bateaux, et la division de la flottille est arrivée triomphante à Boulogne. Les troupes qui étaient à bord de la flottille ont fait à la fois l'office de marins de canonniers et de soldats, ils ont été tantôt à la rame et tantôt au canon avec leur gaité et leur décision ordinaires. Ces deux petites expéditions font le plus grand honneur aux officiers de marine. Avec de frêles bateaux, ils ont affronté des bâtiments de haut bord , pouvant disposer d'un plus grand nombre de canons que ne pouvait le faire la division de la flottille avec laquelle ils étaient engagés. Je dois aussi reconnaître les bons services de l'artillerie de nos batteries de côte.
Salut et respect. Signé Soult » - « Fort de Croÿ », notice no IA62000691, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Histoire du consulat et de l'empire : faisant suite à l'Histoire de la révolution française par, Furne, Jovet, (lire en ligne), p. 478-484
« À peine cette expérience avait-elle été faite, qu'on mit la plus grande ardeur à la renouveler: de nombreux convois partirent successivement de tous les ports de la Manche jusqu'au rendez-vous de Boulogne. […] Dans les mois d'octobre, novembre et décembre, plus de mille bâtiments […] partis de tous les ports entrèrent dans Boulogne. »
- Le camp de Boulogne est à l'origine de la construction de la poudrière. On peut surtout noter les travaux réalisés en 1841 dans le cadre du renforcement de la protection des lieux : construction d'un mur d'enceinte en pierre, pavage de la cour et une guérite et d'un paratonnerre. La poudrière appartenait à l'artillerie et fut prêtée en 1835 à l'administration des Contributions indirectes. Cette dernière y entreposa de la poudre et des armes de chasse. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la poudrière fut très certainement exploitée par les Allemands qui renforcèrent le site, comme en témoignent les blockhaus aux alentours. À la fin du conflit, la poudrière fut délaissée jusqu'à devenir une véritable ruine jusqu'au jour où la ville décida de la restaurer. L'inauguration eut lieu en 1990.
- Napoléon Ier, Correspondance de Napoléon avec le Ministre de la Marine, depuis 1804 jusqu'en avril 1815 : Extrait d'un portefeuille de Sainte-Hélène, Au Bureau de l'Agence Polonaise, (lire en ligne)
- Fernand Beaucour, Lettres, décisions et actes de Napoléon à Pont de Briques, Levallois, autoédition, , 569 p., vol.II
- Nicola Todorov, La Grande Armée à la conquête de l’Angleterre. Le plan secret de Napoléon, Paris, éditions Vendémiaire, , 295 p. (ISBN 978-2-36358-247-8), p. 27
- Todorov, op. cit., p. 27.
- Todorov, op. cit., p. 136.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
- Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, coll. « Dictionnaires », , 537 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2847340082)
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
- Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'histoire, Rennes, Marines éditions, , 619 p. (ISBN 978-2-35743-077-8)
- Patrick Villiers, La France sur mer : De Louis XIII à Napoléon Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6)
- Nicola Todorov, La Grande Armée à la conquête de l'Angleterre. Le plan secret de Napoléon, Paris, éditions Vendémiaire, Bibliothèque du XIXe siècle, 2016, 295 p. (ISBN 978-2-36358-247-8)
- Fernand Nicolaÿ, Napoléon Ier au camp de Boulogne, Paris, Perrin et cie, 1907. (OCLC 1901969)
- Albert Chatelle, Napoléon et la Légion d'honneur au camp de Boulogne, 1801-1805, Paris, Lajeunesse, 1956. (OCLC 5047474)