Corps en tous genres — Wikipédia
Corps en tous genres La diversité des sexes à l'épreuve de la science | |
Auteur | Anne Fausto-Sterling |
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Pays | États-Unis |
Genre | Essai |
Version originale | |
Langue | Anglais américain |
Titre | Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality |
Éditeur | Basic Books |
Date de parution | 2000 |
ISBN | 978-0465077144 |
Version française | |
Traducteur | Oristelle Bonis et Françoise Bouillot |
Éditeur | La Découverte |
Date de parution | 2012 |
Nombre de pages | 391 |
ISBN | 978-2-7071-6910-5 |
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Corps en tous genres est la traduction française du livre Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, publié en 2000 aux États-Unis par Anne Fausto-Sterling, biologiste, historienne des sciences, féministe engagée et professeure émérite à l’Université Brown.
En expliquant la biologie de la sexuation et ses infinies variations, et le traitement social et médical des personnes intersexes, l'autrice conteste l'opposition habituelle sexe/genre et la binarité prétendument « naturelle » du sexe biologique, qui est selon elle une construction sociale.
L'autrice démontre que le savoir scientifique n'est pas objectif mais situé : même en biologie, les « faits » concernant la sexuation sont décrits dans un certain contexte, celui d'une société genrée et sexiste. Ainsi, les médecins et biologistes ont participé à la fabrique du genre.
Présentation générale
[modifier | modifier le code]L'ouvrage, à la fois militant et érudit, s'adresse au grand public, avec « un soin évident pour la pédagogie »[1], mais aussi aux scientifiques spécialistes du féminisme et de la sexualité[2],[3], et se caractérise par une « écriture à la fois rigoureuse et caustique »[4],[5], agrémentée de dessins humoristiques[6] et de très nombreuses notes détaillées[1],[7],[8] regroupées en fin d'ouvrage[6]. Il est « une réflexion sur la construction des identités, des sexes, des comportements sexuels, et, finalement, du genre lui-même »[5].
Contenu
[modifier | modifier le code]Dans le chapitre 1, l’autrice aborde la complexité des dualismes habituels sexe/genre, nature/culture et réel/construit[5],[9],[10], en évoquant en particulier le cas de l'athlète Maria Patino, qui avait « échoué » au test de féminité des jeux olympiques de 1988[8],[11]. Le discours est donc totalement distinct de celui des féministes de la deuxième vague, pour qui la distinction entre genre social et sexe biologique était un outil théorique d’émancipation[6].
Dans les trois chapitres suivants, elle explique longuement les limites de la binarité homme / femme[12]; elle montre qu'il existe en fait non pas deux sexes mais un continuum sexuel, comme en témoignent les nombreuses variations du développement chez les personnes intersexes, longtemps qualifiées d’« hermaphrodites »[8]. Elle retrace en détail l’histoire de l’intersexuation depuis l'antiquité[10]. Les médecins contemporains renforcent artificiellement la croyance en une binarité du sexe en cherchant à transformer par la chirurgie, très tôt après la naissance, ces enfants en homme ou en femmes (p. 51)[5], avec cependant de grandes différences de traitement en fonction de la période, du pays et de l’influence de l’État et de l’Église[8]. Mais les critères qui permettent de distinguer le plus précocement possible un garçon d'une fille correspondent à des définitions de nature sociale : typiquement la forme de l'appareil génital et la taille du pénis ou du clitoris (p. 86)[5],[8]. S'appuyant sur cette remise en question des idées reçues sur la binarité sexuelle et sur les expériences de vie de personnes intersexes qui témoignent de maltraitance médicale, l'autrice milite pour l’arrêt des mutilations des enfants intersexes, en proposant que l'enfant intersexe soit assigné à un genre « probable », jusqu'à ce qu'il ou elle soit assez âgée pour s'auto-identifier, et, éventuellement, demander un changement d'état civil[5],[13],[14].
Le chapitre 5 concerne les recherches des biologistes sur le cerveau humain[5],[10]. Elle critique en particulier les théories sur les corps calleux du cerveau, qui seraient plus gros chez l’homme que chez la femme[8], et l'utilisation qui a été faite de ces théories. L'autrice revient aux sources des théories scientifiques en examinant dans chaque cas qui sont leurs auteurs, quelle est leur sensibilité politique, qui les a financés, etc.[8] Elle arrive ainsi à montrer comment le contexte social d'une recherche scientifique peut avoir un effet sur ses conclusions[3],[15]. La biologiste regrette que « les savants ne se contentent pas de lire la nature pour y trouver des vérités à appliquer au monde social, mais qu’ils se servent des vérités issues de nos relations sociales pour structurer, lire et interpréter la nature » (p. 140)[5].
Dans les chapitres 6, 7 et 8, Anne Fausto-Sterling s'intéresse aux aspects hormonaux, génétiques et morphologiques du sexe biologique[10], expliquant comment les scientifiques ont construit le concept de corps sexué dans des contextes sociaux et culturels donnés[8], construction qui illustre principalement leurs attentes en matière de différences biologiques et de différences de genre (p. 168)[5].
Dans le dernier chapitre, l'autrice s’interroge sur son propre intérêt pour le sujet et plaide pour le développement d'un travail interdisciplinaire qui permettra de compléter notre savoir sur la sexuation.
Réception
[modifier | modifier le code]En France
[modifier | modifier le code]La traduction française est publiée en plein débat sur le mariage pour tous, à un moment où les détracteurs de la prétendue théorie du genre affirment que l'individu se construit dans un cadre spirituel et biologique immuable qui différencie les hommes des femmes[16],[17], alors que le livre remet justement en question le caractère naturel de la distinction mâle/femelle et les oppositions classiques sexe/genre, nature/culture[18],[19],[20].
Références
[modifier | modifier le code]- Evelyne Peyre, Catherine Vidal et Joëlle Wiels, Postface de l'édition française de "Corps en tous genres", La Découverte, , p. 287-295
- (en) R Stein, « From sex and gender to hormones, behavior and culture », Trends in Endocrinology and Metabolism, vol. 16, no 1, , p. 3–3 (DOI 10.1016/j.tem.2004.11.001, lire en ligne, consulté le )
- (en) S. Marc Breedlove, « Book Review Sexing The Body: Gender politics and the construction of sexuality By Anne Fausto-Sterling. 485 pp., illustrated. New York, Basic Books, 2000. $35. 0-465-07713-7 », New England Journal of Medicine, vol. 343, no 9, , p. 668–668 (ISSN 0028-4793 et 1533-4406, DOI 10.1056/NEJM200008313430920, lire en ligne, consulté le )
- Fabrice Bourlez, « Multiplicité et biologie des sexes », sur Slate.fr, (consulté le )
- Anne-Claire Rebreyend, « Anne Fausto-Sterling, Corps en tous genres. La Dualité des sexes à l’épreuve de la science. Traduction d’Oristelle Bonis et Françoise Bouillot, Paris, La Découverte / Institut Émilie du Châtelet, 2012, 391 p. », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 37, , p. 251–254 (ISSN 1252-7017, lire en ligne, consulté le )
- Sylvain Di Manno, « Compte-rendu de « Corps en tous genres » (d’Anne Fausto-Sterling) – CONTRETEMPS » (consulté le )
- Ilana Löwy, « Anne Fausto Sterling, Corps en tous genres : la dualité des sexes à l’épreuve de la science . La Découverte et Institut Émilie du Châtelet, Paris, 2012, 400 pages », Travail, genre et sociétés, vol. n° 33, no 1, , p. 177 (ISSN 1294-6303 et 2105-2174, DOI 10.3917/tgs.033.0177, lire en ligne, consulté le )
- Pierre Brasseur, « Fausto-Sterling Anne, Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science. Paris, La Découverte, 2012 », Genre, sexualité & société, (ISSN 2104-3736, lire en ligne, consulté le )
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- Alexandre Jaunait, « La sexuation des corps. Retour sur l’épistémologie du sexe et du genre », Revue Francaise de Science Politique, vol. 2, no 63, , p. 360 (DOI 10.3917/rfsp.632.0360, lire en ligne, consulté le )
- « La science du corps en question », sur France Culture (consulté le )
- (en-US) Claudia Dreifus, « A CONVERSATION WITH -- Anne Fausto-Sterling; Exploring What Makes Us Male or Female », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
- Rachel Mulot, « Anne Fausto-Sterling : "2 sexes ne suffisent pas à décrire l'espèce humaine" », sur Sciences et Avenir, (consulté le )
- Heidi E. Grasswick, « Review of Sexing the Body: Gender Politics and the Construction of Sexuality, ; The Mismeasure of Desire: The Science, Theory, and Ethics of Sexual Orientation », Hypatia, vol. 19, no 3, , p. 203–208 (ISSN 0887-5367, lire en ligne, consulté le )
- Natacha Chetcuti, « Quand les questions de genre et d'homosexualités deviennent un enjeu républicain », Les Temps Modernes, vol. n° 678, no 2, , p. 241 (ISSN 0040-3075 et 2272-9356, DOI 10.3917/ltm.678.0241, lire en ligne, consulté le )
- Eric Fassin, "Du genre au sexe", postface de l'ouvrage collectif édité par Évelyne Peyre et Joëlle Wiels, "Mon corps a-t-il un sexe", La Découverte, (lire en ligne), p. 341-349
- Sexe et genre, une dualité, avec Anne Fausto-Sterling, 2012, sur France Culture.
- Caroline Broué, « La science du corps en question », sur La grande table, France Culture (consulté le )
- « Masculin-féminin : cinq idées reçues sur les études de genre », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Article connexe
[modifier | modifier le code]- Les Cinq sexes : Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants d'Anne Fausto-Sterling
Lien externe
[modifier | modifier le code]- Sylvain Bourmeau, « Sexe et genre, une dualité, avec Anne Fausto-Sterling » [audio], sur "La suite dans les idées", France Culture, (consulté le )