Dendrotelme — Wikipédia

Dendrotelme d'un Hêtre.
Dendrotelme à la base d'un arbre.

Le dendrotelme (du grec ancien δένδρον, déndron (« arbre ») et τέλμα, telma (« mare »)) est un microhabitat aquatique, généralement temporaire, contenu dans le creux d'un arbre et susceptible de supporter la vie ou une partie du cycle de vie de certaines espèces animales, végétales et fongiques inféodées. Cette réserve d'eau peut-être située à la base ou dans la partie aérienne de l'arbre.

Le dendrotelme est un type de phytotelme comme les urnes de certaines plantes carnivores et les réservoirs des Broméliacées ainsi qu'un type de dendromicrohabitat à l'instar des broussins, des trous de Pic et des balais de sorcière[1].

Caractéristiques

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schéma de dendrotelme.

Ce microhabitat aquatique ou semi-aquatique se crée lors de la bifurcation de certaines branches ou lors de leur arrachage issu d'une origine naturelle ou de l'exploitation forestière traditionnelle. Le processus de décomposition du bois par les champignons étant plus rapide que la cicatrisation qui reste périphérique, le centre se creuse et la cavité se forme. S'ensuivent une accumulation plus ou moins temporaire d'eau de pluie, la décomposition de feuilles et autres débris ainsi que la diffusion de substances organiques provenant de l'arbre. Cette eau y séjourne pendant plusieurs mois consécutifs, temporairement ou continuellement, le liquide s'évaporant régulièrement. Le fond et éventuellement les parois de la cavité se tapissent d'un terreau fin brun noirâtre. Souvent le dendrotelme présente un déversoir, constitué par une échancrure ou par une fente, au travers de laquelle de l'eau suinte parfois continuellement. De tels écoulements durables sont des habitats dits madicoles et sont le prolongement écologique de la cavité[2],[3].

Particularités

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Dendrotelme formé par jonction des troncs de Frênes élevés.

La spécialisation de cet habitat provient principalement de la nature des substances que son eau renferme et du fait qu'il n'y a pas d'écoulement par le bas : il n'y a aucun lessivage du terreau, qui conserve et emmagasine toutes les substances formées par décomposition du bois. L'eau est brunâtre et fortement alcaline, elle contient des acides humiques, une quantité importante de sels de potassium et des tanins qui constituent ainsi une infusion à la fois riche en humus et toxique pour la plupart des organismes[2],[3].

Essences forestières concernées

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Des essences aux bois compact et dur sont plus appropriées pour retenir l'eau comme par exemple le Tulipier de Virginie en Amérique du Nord et, en Europe, le Hêtre, les Tilleuls, le Marronnier, les Frênes et les Chênes alors que les Ormes, les Bouleaux et le Platane, plus tendres, sont moins courants. Quant aux arbres à la moelle spongieuse tels que les Saules et Peupliers, ils ne retiennent pas l'eau et leur cavités sont composées d'un humus noir tout au plus temporairement mouillé[3].

Le dendrotelme est caractéristique des forêts anciennes, c'est-à-dire de forêts n'ayant pas connu de bouleversement profonds de longue date. Commun en forêt tropicale, ce type d'habitat l'est beaucoup moins en forêt tempérée. En Europe occidentale, il semble que ce micro-habitat ait pu être plus courant par le passé. L'exploitation forestière moderne ainsi que le nettoyage systématique des forêts sont à l'origine de sa raréfaction, au contraire de l'exploitation traditionnelle par émondage et création de tétard qui lui sont favorables[2],[4],[5].

Biodiversité

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Prionocyphon serricornis, une espèce de Coléoptère de la famille des Scirtidae dont la larve est inféodée aux dendrotelmes.

En termes de biodiversité, le dendrotelme est assez pauvre mais remarquablement spécifique à certaines espèces.

En Europe, ce sont les mousses Codonoblepharon forsteri, qui apprécie les écoulements d'eau chargée de tanin issus des dendrotelmes de Chênes et de Hêtre[6] et Anacamptodon splachnoides qui apprécie l'humidité des dendrotelmes des forêts anciennes et profondes de Hêtre[4]. Toutes deux ont une distribution rare et clairsemée et sont présentes en France.

Myathropa florea, une mouche de la famille des Syrphidae dont la larve est inféodée au dendrotelme.

Chez les insectes, seuls les représentants de certaines espèces s'accommodent de ce milieu toxique ; ce sont des larves de Coléoptères des familles des Helodidae, des Dermestidae et des Scirtidae dont Prionocyphon serricornis et, surtout, des larves de Diptères des familles des Culicidae dont Aedes geniculatus, des Ceratopogonidae dont le genre Dasyhelea, des Psychodidae, des Stratiomyidae, des Syrphidae dont la Nord-américaine Mallota posticata et l'européenne Myathropa florea, des Muscidae, des Chironomidae dont Metriocnemus cavicola et des Dolichopodidae dont le genre Systenus. Au moins 50% de ces espèces sont strictement inféodées à ce milieu, mais il n'arrive presque jamais que des représentants de toutes ces familles d'Insectes soient présents dans un même dendrotelme[3],[7],[8].

Ces cavités sont également appréciées par des champignons aquatiques de la division des Hyphomycètes, des Flagellés, des Rotifères, des Nématodes, des Oligochètes de très petite taille ainsi que des microcrustacés[7],[3].

Notes et références

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  1. Daniel Kraus, Rita Buetler, Frank Krumm, Thibault Lachat, Laurent Larrieu, Ulrich Mergner, Yoan Paillet, Tomas Rydkvist, Andreas Schuck & Susanne Winter, « Catalogue des dendromicrohabitats Liste de référence pour les inventaires de terrain », Technical report,‎ (DOI 10.13140/rg.2.2.10273.71528).
  2. a b et c Vincent Hugonnot, « Les bryophytes s.l. du site de Païolive (Ardèche) - inventaire des espèces et des groupements végétaux- état des lieux en avril 2007 », sur foretsanciennes.fr, (consulté en )
  3. a b c d et e Vaillant François, « Les Systenus et leur habitat dendrotelme [Dipt. Dolichopodidae] », Bulletin de la Société entomologique de France, vol. 83, nos 3-4,‎ , p. 73-85 (lire en ligne)
  4. a et b (en) L Sandron, V Hugonnot, « The habitat of knothole moss Anacamptodon splachnoides in the Prats-de-Mollo-La Preste Protected Area (Pyrenées-Orientales, France) », Polish Botanical Journal, vol. 57, no 2,‎ , p. 317–326 (lire en ligne)
  5. (en) M. C. F. Proctor, « The Habitat of Zygodo forsteri (BrieL) Mitt. », dans The New Forest, Hanta, vol. 4, (DOI 10.1179/006813861804870505), chap. 1, p. 107-110
  6. Conservatoire botanique national du Massif central, « Recueil de fiches relatives aux espèces remarquables de bryophytes épiphytes de la Liste rouge Auvergne : Zygodon forsteri », sur cbnmc.fr (consulté le )
  7. a et b (en) Laurent Larrieu et al. (ConFoBi Workshop), « Tree-related microhabitats (TreMs) as key elements for forest biodiversity. », sur Université de Toulouse, (consulté en )
  8. (en) Martin M. Gossner, « A three year study of the phenology of insect larvae (Coleoptera, Diptera) in water-filled tree holes in the canopy of a beech tree », European Journal of Entomology, vol. 115, no 1,‎ , p. 524–534 (ISSN 1210-5759, DOI 10.14411/eje.2018.052, lire en ligne, consulté le )