Dysplasie fibromusculaire — Wikipédia

Dysplasie fibromusculaire
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Aspect « en collier de perles » ou « en pile d'assiettes » à l'angiographie d'une dysplasie fibromusculaire de l'artère rénale.

Traitement
Spécialité CardiologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CIM-11 BD41.0
CIM-10 I77.3
CIM-9 447.3Voir et modifier les données sur Wikidata
OMIM 135580
DiseasesDB 30163
eMedicine 1161248
MeSH D005352

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La dysplasie fibromusculaire (DFM) est une maladie systémique de l’artère, non athéroscléreuse et non inflammatoire. Elle touche les artères de moyen calibre, en particulier l'artère rénale et l'artère carotide interne. La dysplasie fibromusculaire se caractérise par un épaississement anormal de la paroi artérielle, provoquant des rétrécissements et des dilatations localisés. Ces altérations vasculaires présentent un aspect typique semblable à un « collier de perles » à l'examen d'imagerie médicale.

La dysplasie fibromusculaire est décrite pour la première fois par Leadbetter et Burkland en 1938 chez un garçon de 5 ans souffrant d'hypertension artérielle sévère, corrigée par une néphrectomie[1]. En 1965, Hunt et coll. constatent l'hétérogénéité de la maladie et introduisent le terme de dysplasie fibromusculaire, précédemment nommée « hyperplasie fibromusculaire »[2]. C’est en 1971 que la classification pathologique exacte de la dysplasie fibromusculaire est proposée par Harrison et McCormack[3].

En 2009, la Fibromuscular Dysplasia Society of America (FMDSA) initie le premier registre de patients, The North American Registry for FMD[4]. En 2016, The European/International FMD Registry and Initiative (FEIRI) voit le jour afin de recueillir des données sur les patients de plus 20 pays[5].

En 2019, le First International Consensus on the diagnosis and management of fibromuscular dysplasia est publié. Ce document, rédigé par un comité d'experts américains et européens, fournit des recommandations cliniques pratiques et propose des orientations de recherche[6].

Épidémiologie

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La prévalence de la dysplasie fibromusculaire au sein de la population générale demeure incertaine, estimée entre 3 % et 4 %[7].

Environ 80 à 90 % des patients atteints sont des femmes âgées de 40 et 60 ans, majoritairement d’origine caucasienne. Bien que moins fréquente chez les hommes, ceux-ci sont plus susceptibles de présenter des manifestations vasculaires telles que des dissections et des anévrismes[8].

Les formes familiales de dysplasie fibromusculaire restent rares puisque 3 à 7 % des patients seraient concernés[9].

Les causes de la dysplasie fibromusculaire restent encore mal comprises, mais elles sont probablement multifactorielles, incluant des facteurs génétiques et environnementaux[10],[11].

Génétique

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Des variations du gène PHACTR1, régulateur essentiel de la santé vasculaire, accroissent le risque de dysplasie fibromusculaire. Ce gène, déjà associé à des pathologies comme la dissection spontanée de l'artère coronaire (SCAD), l'hypertension artérielle et la migraine, semble jouer un rôle central dans la fragilité artérielle[12]. Par ailleurs, des liens avec le récepteur de la prostacycline (PTGIR), clé de la vasodilatation, et avec des gènes du tissu conjonctif et de la voie TGF-β ont été établis, suggérant des mécanismes complexes impliquant la régulation vasculaire et la formation du tissu conjonctif[13],[14]. L’identification d’un lien avec le gène COL5A1, associé au syndrome d'Ehlers-Danlos, renforce cette hypothèse[15].

Le gène UBR4 et son réseau de régulation génique jouent un rôle crucial dans le développement de la maladie. Les chercheurs ont démontré grâce à des modèles de souris que les altérations du gène entraînaient des changements significatifs dans la paroi artérielle, similaires à ceux observés chez les patients[16].

Facteurs environnementaux

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Les facteurs environnementaux impliqués restent à clarifier. Bien que le tabagisme puisse être un facteur de risque, son rôle dans la maladie reste incertain[17].

Le fait que la DFM soit beaucoup plus répandue chez les femmes que chez les hommes suggère l'implication de facteurs hormonaux. Dans les études menées à ce jour, aucun lien de cause à effet n'a été clairement identifié chez les femmes qui utilisent des contraceptifs oraux ou d'autres hormones féminines exogènes. La progestérone pourrait jouer un rôle dans le développement de la DFM[6].

Classification

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Classification selon l'aspect angiographique

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Les formes de dysplasie fibromusculaire sont classées selon l'apparence des artères lors de l’examen d’imagerie médicale d’angiographie selon la recommandation du First International Consensus on the diagnosis and management of fibromuscular dysplasia (2019). L’angiographie permet de distinguer les DFM focales (sténose unique et unilatérale) et multifocales (sténoses multifocales, aspect typique de « collier de perles »). La forme multifocale est la plus courante puisqu’elle se rencontre chez 80 à 90% des cas[6].

Classification histopathologique

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Historiquement, la classification de la DFM était basée sur l’histologie, en fonction de la couche (ou tunique) de la paroi artérielle touchée. Dans la plupart des cas, les atteintes se situent au niveau de la media, la couche moyenne de l’artère. L’alternance d’accumulation de collagène et de perte de membrane élastique dans cette tunique produit l’aspect « collier de perles » visible à l’angiographie. Dans de plus rares cas, l'intima ou l'adventice peuvent être touchés. À l’angiographie, ces formes apparaissent comme des rétrécissements isolés.

Manifestations

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Les personnes atteintes de dysplasie fibromusculaire peuvent être asymptomatiques. Dans les cas symptomatiques, les signes cliniques dépendent de l'artère atteinte.

Artères rénales

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En cas d'atteinte au niveau rénal, le symptôme le plus fréquent est une hypertension artérielle. L'atteinte rénale peut se compliquer en infarctus rénal lié à une dissection artérielle rénale[6].

Artères cervico-encéphaliques

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Lorsque l'atteinte se situe au niveau des artères cervico-encéphaliques, comme les artères carotides, les symptômes peuvent être des céphalées, des acouphènes pulsatiles et des vertiges. Elle peut se compliquer en une dissection d'une artère cervicale et entraîner un accident vasculaire-cérébral[18].

Autres artères

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Une atteinte au niveau des artères viscérales peut se manifester par une douleur postprandiale au flanc ou à l'abdomen, une ischémie mésentérique, des anévrismes, des dissections ou un bruit abdominal[6]. Au niveau d'une artère coronaire, elle peut se compliquer par une dissection[19].

L'imagerie médicale est utilisée pour établir le diagnostic. L'angioscanner ou l'angiographie par résonance magnétique peuvent être utilisés afin de mettre en évidence l'aspect en « collier de perles » des artères. Pour établir le diagnostic, la présence d'au moins une lésion artérielle focale ou multifocale est nécessaire. Compte tenu du caractère systémique de la dysplasie fibromusculaire, les patients doivent subir un examen d'imagerie médicale de tous les vaisseaux, du cerveau au bassin, au moins une fois pour dépister d'éventuels anévrismes et les dissections occultes[6].

Au niveau des artères rénales, si le rétrécissement est considéré comme significatif, une angioplastie peut être proposée.

La mise sous antiagrégants plaquettaires est de règle[20] même si les raisons sont essentiellement empiriques, sans preuves établies d'une efficacité sur l'évolution de ce type d'atteinte[21].

Notes et références

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  1. (en) W.F. Leadbetter et Carl E. Burkland, « Hypertension in Unilateral Renal Disease », Journal of Urology, vol. 39, no 5,‎ , p. 611–626 (ISSN 0022-5347 et 1527-3792, DOI 10.1016/S0022-5347(17)71895-2, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  2. (en) James C. Hunt, Edgar G. Harrison, Sheldon G. Sheps et Philip E. Bernatz, « Hypertension Caused by Fibromuscular Dysplasia of the Renal Arteries », Postgraduate Medicine, vol. 38, no 1,‎ , p. 53–63 (ISSN 0032-5481 et 1941-9260, DOI 10.1080/00325481.1965.11695580, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  3. E. G. Harrison et L. J. McCormack, « Pathologic classification of renal arterial disease in renovascular hypertension », Mayo Clinic Proceedings, vol. 46, no 3,‎ , p. 161–167 (ISSN 0025-6196, PMID 5553126, lire en ligne Accès limité, consulté le )
  4. (en) Fibromuscular Dysplasia Society of America (FMDSA), « Research Network » (consulté le )
  5. (en) Alexandre Persu, Patricia Van der Niepen, Emmanuel Touzé et Sofie Gevaert, « Revisiting Fibromuscular Dysplasia: Rationale of the European Fibromuscular Dysplasia Initiative », Hypertension, vol. 68, no 4,‎ , p. 832–839 (ISSN 0194-911X et 1524-4563, DOI 10.1161/HYPERTENSIONAHA.116.07543, lire en ligne, consulté le )
  6. a b c d e et f (en) Heather L Gornik, Alexandre Persu, David Adlam et Lucas S Aparicio, « First International Consensus on the diagnosis and management of fibromuscular dysplasia », Vascular Medicine, vol. 24, no 2,‎ , p. 164–189 (ISSN 1358-863X et 1477-0377, DOI 10.1177/1358863X18821816, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  7. (en) Daniel M Shivapour, Phillip Erwin et Esther SH Kim, « Epidemiology of fibromuscular dysplasia: A review of the literature », Vascular Medicine, vol. 21, no 4,‎ , p. 376–381 (ISSN 1358-863X et 1477-0377, DOI 10.1177/1358863X16637913, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  8. (en) Mariam Nadeem Rana et Sadeer G. Al-Kindi, « Prevalence and manifestations of diagnosed fibromuscular dysplasia by sex and race: Analysis of >4500 FMD cases in the United States », Heart & Lung, vol. 50, no 1,‎ , p. 168–173 (DOI 10.1016/j.hrtlng.2020.09.022, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  9. (en) Adrien Georges et Nabila Bouatia-Naji, « The complex genetic basis of fibromuscular dysplasia, a systemic arteriopathy associated with multiple forms of cardiovascular disease », Clinical Science, vol. 136, no 16,‎ , p. 1241–1255 (ISSN 0143-5221 et 1470-8736, PMID 36043395, PMCID PMC9434409, DOI 10.1042/CS20210990, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  10. Takiy-Eddine Berrandou et Nabila Bouatia-Naji, « Base polygénique de la dysplasie fibromusculaire artérielle », médecine/sciences, vol. 38, no 11,‎ , p. 870–873 (ISSN 0767-0974 et 1958-5381, DOI 10.1051/medsci/2022134, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  11. (en) Alexandre Persu, Piotr Dobrowolski, Heather L Gornik et Jeffrey W Olin, « Current progress in clinical, molecular, and genetic aspects of adult fibromuscular dysplasia », Cardiovascular Research, vol. 118, no 1,‎ , p. 65–83 (ISSN 0008-6363 et 1755-3245, PMID 33739371, PMCID PMC8752362, DOI 10.1093/cvr/cvab086, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  12. (en) Adrien Georges, Min-Lee Yang, Takiy-Eddine Berrandou et Mark K. Bakker, « Genetic investigation of fibromuscular dysplasia identifies risk loci and shared genetics with common cardiovascular diseases », Nature Communications, vol. 12, no 1,‎ (ISSN 2041-1723, PMID 34654805, PMCID PMC8521585, DOI 10.1038/s41467-021-26174-2, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  13. (en) Adrien Georges, Juliette Albuisson, Takiy Berrandou et Délia Dupré, « Rare loss-of-function mutations of PTGIR are enriched in fibromuscular dysplasia », Cardiovascular Research, vol. 117, no 4,‎ , p. 1154–1165 (ISSN 0008-6363 et 1755-3245, PMID 32531060, PMCID PMC7983006, DOI 10.1093/cvr/cvaa161, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  14. (en) Santhi K. Ganesh, Rachel Morissette, Zhi Xu et Florian Schoenhoff, « Clinical and biochemical profiles suggest fibromuscular dysplasia is a systemic disease with altered TGF‐β expression and connective tissue features », The FASEB Journal, vol. 28, no 8,‎ , p. 3313–3324 (ISSN 0892-6638 et 1530-6860, PMID 24732132, PMCID PMC4101657, DOI 10.1096/fj.14-251207, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  15. (en) Julie Richer, Hannah L. Hill, Yu Wang et Min-Lee Yang, « A Novel Recurrent COL5A1 Genetic Variant Is Associated With a Dysplasia-Associated Arterial Disease Exhibiting Dissections and Fibromuscular Dysplasia », Arteriosclerosis, Thrombosis, and Vascular Biology, vol. 40, no 11,‎ , p. 2686–2699 (ISSN 1079-5642 et 1524-4636, PMID 32938213, PMCID PMC7953329, DOI 10.1161/ATVBAHA.119.313885, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Valentina d’Escamard, Daniella Kadian-Dodov, Lijiang Ma et Sizhao Lu, « Integrative gene regulatory network analysis discloses key driver genes of fibromuscular dysplasia », Nature Cardiovascular Research, vol. 3, no 9,‎ , p. 1098–1122 (ISSN 2731-0590, DOI 10.1038/s44161-024-00533-w, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  17. Corentin Tournebize, Sandrine Lemoine et Caroline Pelletier, « Dysplasie fibromusculaire des artères rénales : que savons-nous en 2024 ?: », Néphrologie & Thérapeutique, vol. 20, no 2,‎ , p. 131–139 (ISSN 1769-7255, DOI 10.1684/ndt.2024.70, lire en ligne Accès libre, consulté le )
  18. (en) Touze E, Oppenheim C, Trystram D et al. « Fibromuscular dysplasia of cervical and intracranial arteries » Int J Stroke 2010;5:296–305.
  19. Michelis KC, Olin JW, Kadian-Dodov D, d’Escamard V, Kovacic JC, Coronary artery manifestations of fibromuscular dysplasia, JACC, 2014;64:1033-1046
  20. (en) Olin JW, Sealove BA, « Diagnosis, management, and future developments of fibromuscular dysplasia » J Vasc Surg. 2011;53:826–836
  21. Olin JW, Gornik HL, Bacharach JM et al. Fibromuscular dysplasia: State of the science and critical unanswered questions: A scientific statement From the American Heart Association, Circulation, 2014;129:1048-1078