Emona (Ljubljana) — Wikipédia

Emona
Image illustrative de l’article Emona (Ljubljana)
Statue en bronze doré du IIe siècle, dite du Citoyen d'Emona ou Emonec[1] (Musée national de Slovénie).
Localisation
Pays Slovénie
Type Cité romaine
Coordonnées 46° 02′ 52″ nord, 14° 30′ 03″ est
Géolocalisation sur la carte : Slovénie
(Voir situation sur carte : Slovénie)
Emona
Emona
Histoire
Époque Ier siècle- Ve siècle

Emona ou Aemona est une ville romaine située dans la Slovénie actuelle, sur le site de la capitale du pays, Ljubljana.

Le site avant Emona

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Les zones marécageuses à proximité du site ont été occupées dès le début du IIe millénaire avant J.-C. par des populations qui y ont établi des habitats palafittiques (cité lacustre) et vivaient principalement de pêche et de chasse, par exemple près d'Ig. Dans la deuxième moitié du Ier millénaire av. J.-C., la région a été occupée par les Vénètes, les Iapodes illyriens, puis, à partir du IIIe siècle av. J.-C., par les Celtes Taurisques[2].

Position géostratégique du site

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La haute vallée de la Ljubljanica entre Nauportus et Emona, en connexion avec les vallées de la Save et du Danube, est depuis la préhistoire un point de passage obligé entre l'Europe danubienne et la péninsule italienne[3]. Elle est une étape sur le principal itinéraire de la route de l'ambre entre la mer Baltique et la mer Adriatique. Elle est aussi sur la route la plus commode pour passer par voie de terre de la péninsule balkanique à la péninsule italienne et vice-versa.

Cette position a été pour Emona tantôt un atout, tantôt une fragilité : atout lorsque les Romains fondent et développent la ville pour accompagner leur expansion vers le nord-est et, en temps de paix, lorsqu'elle est au centre d'importants échanges commerciaux ; fragilité lorsqu'elle est la voie privilégiée d'invasions en direction de l'Italie, ce qui conduira finalement la ville romaine à sa perte.

Fondation mythique d'Emona

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L'un des dragons gardant le pont des Dragons de Ljubljana.

La fondation d'Emona est associée dans la mythologie grecque au mythe des Argonautes et à la version de leur retour de Colchide que l'on trouve chez Apollonius de Rhodes (chant IV), chez Diodore de Sicile et chez Zosime (V, 29, 2-3), version qui leur fait, avec diverses variantes, rejoindre l'Adriatique à partir de l'Istros (Danube)[4].

Sozomène[5], historien chrétien du Ve siècle, déclare qu’Emona a été fondée par les Argonautes ; la même version est donnée dans la deuxième moitié du Ve siècle par Zosime. De nombreux érudits locaux du XVIe et XVIIe siècles, comme Janez Ludvik Schönleben[6], ont adopté cette tradition en la tenant pour historique et ont contribué à l’enraciner dans le récit national de la Slovénie et l’imaginaire de la ville[7].

Selon Janez Vajkard Valvasor, auteur de La Gloire du duché de Carniole, mort en 1693, Jason tua un dragon dans les marais proches de Ljubljana (Ljubljansko Barje). Le souvenir de ce dragon se retrouve dans les armes de la ville et sur le pont des Dragons.

La ville romaine

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Borne frontière entre le territoire d'Aquilée (ici Aquileiensium) et celui d'Emona. Lapidarium du Musée national de Slovénie[8].

Dans les premières années du Ier siècle, les Romains fondent sur la rive gauche de la rivière Ljubljanica la colonie de Julia Emona. Cette fondation, qui succède à un camp romain établi une cinquantaine d'années plus tôt, est en rapport avec la conquête et la pacification de la région à l'époque d'Auguste. La rivière, qui était navigable, était une importante voie de communication entre l'Adriatique et les régions danubiennes.

On a longtemps pensé qu'Emona et son territoire n'ont fait partie de l'Italie romaine (Regio X Venetia et Histria) que tardivement (deuxième moitié du IIe siècle) et qu'antérieurement ils dépendaient de la province d'Illyrie, puis de celle de Pannonie ; on sait aujourd'hui, à partir d'une découverte récente[8], qu'Emona a fait partie de la Regio X dès l'origine[3].

En 452, la ville est détruite par les Huns, menés par Attila. Une part importante des survivants abandonnent le site et reconstruisent leur ville, une nouvelle Aemona, sur la côte de l'Istrie.

Voies de communication

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Emona est un nœud routier important. Vers l'ouest part la voie qui relie Emona à l'Italie ; à Nauportus, une route (peut-être la via Gemina) mène à Aquilée par le col d’Ad Pirum et une autre se dirige vers Tergeste et l'Istrie par les cols de Postojna et de Razdrto. Vers le nord-est, une route conduit par le col d’Atrans vers Celeia, Poetovio et le Danube, tandis qu'une autre, au sud-est, va vers Neviodunum et Siscia (Sisak).

Siège d'un évêché

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À l'époque chrétienne, Emona devient le siège d'un évêché. L'évêque Maximus est attesté comme participant au concile d'Aquilée de 381, qui a condamné deux évêques ariens des provinces danubiennes. Après la destruction de la ville, le siège épiscopal est transféré dans la nouvelle Aemona, aujourd'hui Novigrad (Cittanova, à l'époque vénitienne), en Istrie. En 1828, la décision de supprimer le diocèse est prise par le pape Léon XII avec effet à la mort du dernier évêque ; en 1831, son territoire est donc réuni au diocèse de Trieste et Capodistria. Aemona est actuellement un siège titulaire de l'Église catholique.

Le nom de la ville est cité par Pline l'Ancien (Nat. hist., III, 147 : Aemona), Ptolémée (Geogr., II, 14, 5 : ῎Ημωνα), l'Itinéraire d'Antonin (Hemona) et de nombreuses inscriptions. Il est généralement considéré comme d'origine illyrienne.

Localisation

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Situation d'Emona sur le plan de Ljubljana.

La ville romaine, rectangulaire et construite selon le plan traditionnel des villes romaines, se trouvait sur la rive gauche de la Ljubljanica, en face de la colline qui, sur la rive droite, porte le château de Ljubljana.

Site archéologique

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Les vestiges de la ville antique restés en place comprennent notamment :

  • une partie des murailles (principalement le long de la rue Mirje[9]).
  • des fondations de bâtiments :
    • un parc archéologique a été créé dans le quartier de Mirje pour conserver les vestiges de la « Maison d'Emona » (Emonska hiša), maison du Ier siècle d'une superficie de 500 m2 qui présente, autour d'une cour centrale, une cuisine, une pièce avec système de chauffage (hypocauste) pour l'hiver, une pièce avec mosaïque.
    • un ensemble paléochrétien a été conservé dans un autre parc archéologique au sud de l'avenue Erjavčeva ; on peut y voir un baptistère rectangulaire du Ve siècle avec une piscine baptismale ; il est pavé d'une mosaïque multicolore, où l'on peut lire les noms des donateurs.
  • des vestiges des égouts et canaux de drainage, sous les voies d'orientation ouest-est[10].

Des fouilles systématiques qui ont eu lieu à partir du début du XXe siècle ont permis d'étudier les zones d'habitation et de commerce (insulae) et des nécropoles aux portes de la ville[11], comme celle du secteur de l'avenue de Slovénie (Slovenska cesta, artère principale de la ville moderne, à la sortie nord de la ville antique), qui a été soigneusement fouillée dans les années 1960.

Les objets découverts dans les fouilles sont conservés principalement au Musée de la ville de Ljubljana (Mestni muzej Ljubljana) ainsi qu'au Musée national de Slovénie (Narodni muzej Slovenije).

Notes et réferences

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  1. Cette statue (hauteur : 1,45 m), trouvée en 1836, est devenue une sorte de symbole de l'origine romaine de Ljubljana. Une réplique en bronze doré, œuvre d'Anton Bitenc (1920-1977), a été installée sur la place du Congrès.
  2. Mitja Guštin, « On the celtic tribe of Taurisci. Local identity and regional contacts in the ancient world », The Eastern Celts : the communities between the Alps and the Black Sea (Annales Mediterranei), Koper, 2011, p. 119-128.
  3. a et b Marjeta Šašel Kos, « Emona was in Italy, not in Pannonia », in Marjeta Šašel Kos et Peter Scherrer, dir., The autonomous town of Noricum and Pannonia / Die autonomen Städte in Noricum und Pannonien (« Situla », 41), Ljubljana, 2003 (en ligne).
  4. Francis Vian, « Poésie et géographie : les retours des Argonautes », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 131-1, 1987, p. 249-262, voir p. 253-254 (en ligne).
  5. ’’Histoire ecclésiastique’’, I, 6, 4-5.
  6. Janez Ludvik (ou Johann Ludwig) Schönleben (1618-1681) a écrit (en latin) Aemona vindicata sive Labaco metropoli Carnioliae (1674) et Carniola antiqua et nova… (1681).
  7. (sl + en) Irena Žmuc, « Pozdravljena, Častitljiva Jazonova Hči! Argonautika ali o mitičnih ustanoviteljih Emone/Ljubljane / Hail to the Venerable Daughter of Jason. The Argonautica, or the mythical founders of Emona/Ljubljana », in Bernarda Županek (dir.), Emona, Mit in Resničnost / Emona, Myth and reality, Ljubljana, Muzej in galerije mesta Ljubljane, Mestni muzej, 2010, p. 40-73.
  8. a et b Il s'agit d'une borne frontière en calcaire, découverte en 2001 dans le lit de la Ljubljanica près de Bevke, à environ 13 km au sud-ouest de Ljubljana ; elle marquait la limite entre le territoire d'Aquilée et celui d'Emona. Cette borne, qui date du début de l'Empire, montre qu'Emona faisait déjà partie de l'Italie, comme Aquilée. En effet, selon l'usage romain, les deux territoires marqués par une telle borne devaient appartenir à la même subdivision de l'Empire romain. Marjeta Šašel Kos, « The boundary stone between Aquileia and Emona », Arheološki Vestnik, 53, 2002, p. 373–382 (en ligne).
  9. Le rempart a été remonté entre 1934 et 1936 par Jože Plečnik, qui n'a pas voulu faire une restauration absolument authentique mais qui a cherché une bonne insertion des vestiges dans la ville moderne.
  10. Ils se déversaient dans la rivière, au-delà de la muraille orientale.
  11. S. Petru, 1972, Emonske nekropole: Emona 2 (coll. « Katalogi in monografije », 7), 1972.
  12. Œuvre de l'architecte slovène Anton Bitenc (sl).

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Bibliographie

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  • Jaroslav Šašel, « Emona », in RE, Suppl. XI (1969), col. 540–578 (= Opera selecta, Ljubljana, 1992, p. 559–579).
  • (sl + en) Ljudmila Plesničar Gec (en), Urbanizem Emone / The urbanism of Emona, City Museum of Ljubljana / The Research Institute of the Faculty of Arts and Humanities, Ljubljana, 1999.
  • (en + sl) Marjeta Šašel Kos, « Colonia Iulia Emona, the genesis of the Roman city / Colonia Iulia Emona, nastanek rimskega mesta », Arheološki vestnik, 63, 2012, p. 79-104 (en ligne).
  • (it) B. Saria, G. Novak, « Emona », in Enciclopedia dell'Arte Antica (1960) (en ligne).

Articles connexes

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Liens externes

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