Ernst-Robert Grawitz — Wikipédia
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Armes | Schutzstaffel (), Waffen-SS () |
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Personnes liées | Leonardo Conti, Ernst Kaltenbrunner (collègue) |
Ernst Robert Grawitz, né le à Charlottenburg et mort le à Babelsberg, est un médecin allemand du Troisième Reich et de la Seconde Guerre mondiale.
Directeur adjoint de la Croix-Rouge allemande, Brigadeführer et Reichsarzt (en français: « médecin d'empire ») de la SS, il est coresponsable de l'assassinat en masse des handicapés et des juifs et des expériences pseudo-médicales sur les prisonniers[1].
Biographie
[modifier | modifier le code]Parcours
[modifier | modifier le code]Né en 1899, il est issu d'une famille de professeurs de médecine, de réputation mondiale dans le milieu médical. Son père est Ernst Grawitz (de)(1860-1911), professeur d'hématologie, et son oncle est Paul Grawitz (de) (1850-1932) qui a laissé son nom à une forme de cancer du rein (tumeur de Grawitz)[2].
Cet environnement familial l'incite très jeune à se tourner vers la profession médicale. Après sa libération d'un camp de prisonniers de guerre en 1919, il entreprend des études de médecine à l'université Humboldt de Berlin.
Dès le début de ses études, il milite dans diverses organisations d'extrême droite. En 1919, il fait partie de l’Einwohnerwehr Berlin (en français : « milice des Berlinois ») puis en 1920 il prend part à la tentative de putsch de Kapp. Ensuite il entre au Freikorps Olympia.
En 1921, les Freikorps sont dissous par le gouvernement allemand, et la plupart des anciens membres rejoignent les partisans d'Adolf Hitler, pour former l'essentiel de la branche paramilitaire du parti nazi, les SA[3].
Après la réussite de ses examens, il travaille jusqu'en 1929 comme assistant, puis premier assistant de médecine interne à l'hôpital du Berlin-Westend, puis il s'installe comme spécialiste en médecine interne dans les environs de Berlin. En novembre 1931, il entre dans la SS, puis devient membre du NSDAP en 1932.
De 1933 à 1936 il travaille à nouveau en médecine interne à l'hôpital du Berlin-Westend. Le directeur de cet établissement décrit Grawitz « comme une personne absolument fidèle, honorable et fiable », mais il déplore cependant de ne pouvoir le faire admettre au poste de professeur de médecine, à cause de son engagement politique qui lui prend trop de temps.
En 1936, Heinrich Himmler le nomme Reichsarzt SS und Polizei, chef du service de santé de la SS et de la police. En tant que Reichsarzt, il est directement subordonné à Himmler et est l'instance supérieure dans toutes les affaires médicales et sanitaires de la SS, notamment celles des expérimentations humaines.
Le 24 avril 1945, à son domicile de Potsdam, quartier de Babelsberg, il apprend que les dignitaires nazis de Berlin s'apprêtent à quitter la ville. Le soir même, il se suicide au cours d'un dîner familial, après avoir caché deux grenades sous la table, tuant aussi sa femme et ses deux enfants [4],[5].
Personnalité
[modifier | modifier le code]Yves Ternon dépeint Ernst Grawitz comme très méfiant, au point d'ouvrir tout le courrier lui-même. C'est quelqu'un qui parle beaucoup, et qui discute en empêchant son interlocuteur de parler. Il le présente ainsi :
« un individu médiocre, arriviste, agressif et brutal, entièrement soumis à Himmler (...) Type même de l'adjudant cherchant à plaire à son chef qui ne lui cachait pas son mépris, il se comportait avec ses subordonnés avec une autorité violente (...) il doit demeurer dans l'histoire comme un personnage méchant et borné, certainement pas comme un monstre, ni un médecin maudit, mais le résultat du fanatisme et de la bureaucratie sur un esprit mauvais et peu doué »[6].
Durant le procès des médecins, plusieurs accusés, comme Karl Gebhardt, reporteront toutes leurs responsabilités sur Grawitz et Himmler. Selon Gebhardt, Himmler était un imaginatif délirant, et Grawitz un incapable borné ; les expériences qu'ils ont voulues ont bien été effectuées, mais en apportant un peu de rigueur pour éviter le pire des bêtises. Aux survivantes d'expériences qui viendront témoigner lors de son procès, Gerbhardt répondra « Je suis convaincu que, sans moi, aucune de ces polonaises ne vivrait aujourd'hui »[7].
Implications et responsabilités
[modifier | modifier le code]Lorsqu'il est nommé chef du service de santé de la SS, Grawitz se crée un état-major pour gonfler son importance, mais cette direction est plus théorique que réelle. Les services de santé SS sont composés de nombreux services distincts avec leur propre médecin, chef. Si la plupart des services n'ont d'autre rôle que de soigner le personnel, trois sont particuliers : celui chargé de la race et de la colonisation (médecin-chef : Helmut Poppendick), celui des camps de concentration (Enno Lolling), celui des Waffen-SS (Karl Genzken)[6].
Lors des premiers mois, Grawitz essaye de réunir tous les mois les médecins-chefs qui dépendent de lui. Mais après quelques réunions sans intérêt, il finit par y renoncer[6].
Au sein de la hiérarchie nazie, il existe un jeu de pouvoirs et de rivalités visant à contourner, ou passer par-dessus, une instance immédiatement supérieure. Des médecins-chefs préfèrent s'adresser directement à Himmler, et Himmler peut transmettre ses ordres directement sans déléguer à Grawitz[6]. Le régime nazi se caractérise par un « double contrôle » entrecroisé à tous les niveaux : ainsi Grawitz est aussi supervisé par Karl Brandt dépendant directement de Hitler[8].
S'il apparait que Grawitz ne fut pas un intermédiaire constant, « de par sa position, sa responsabilité dans les crimes commis est totale, qu'il en ait été ou non l'instigateur ou l'intermédiaire »[6].
Directeur de la Croix-Rouge allemande
[modifier | modifier le code]En 1937, Grawitz est placé par Adolf Hitler à la tête de la Croix-Rouge allemande (DRK), comme directeur adjoint et vice-président auprès du président titulaire, Charles-Édouard de Saxe-Cobourg et Gotha[9]. La branche allemande de l'organisation internationale se trouve ainsi totalement asservie au régime nazi.
La nomination d'un membre important de la SS à la direction de la DRK s'explique surtout par les plans de guerre des nazis. 1936 fut pour Hitler le moment des résolutions les plus lourdes, comme il le dira lui-même plus tard, c'est cette année-là qu'il prit sa décision définitive concernant la guerre. Dans cet objectif, il était crucial que des pans entiers de la société soient adaptés aux besoins de la guerre. La DRK représentait, grâce à son expérience et ses ressources humaines, un appui précieux dans l'optique de la guerre totale.
À la mi-1937, Grawitz réorganise la structure de la DRK, sans aucune base légale, faisant de ses diverses fédérations indépendantes, des vassales de la structure nationale, ce qui est alors totalement contraire à la nature associative de l'organisation. Le , une loi sur la DRK et de nouveaux statuts donnent une apparence légale à cette réorganisation[10].
Après le suicide de Grawitz en avril 1945, son successeur à la direction de la Croix-Rouge allemande (pour la dernière semaine de guerre) sera le médecin-général SS Karl Gebhardt.
Expérimentations médicales nazies
[modifier | modifier le code]Le rang hiérarchique de Grawitz, tout proche du sommet de la chaîne de santé SS, en fait l'un des principaux responsables des expériences médicales nazies.
Dès 1940, Grawitz informe Himmler des travaux du professeur Hirt qui étudie les effets de l'ypérite et les moyens de les traiter. Ce qui sera testé en 1942 sur les déportés[11].
Il devient le responsable direct de l'état sanitaire des camps de concentration à partir de 1943, par l'intermédiaire de l'Institut d'hygiène de la Waffen-SS dirigé par Joachim Mrugowsky[6]. Grawitz a autorité directe sur les médecins expérimentateurs le plus souvent attachés temporairement à un camp. Ces derniers agissent séparément des autres médecins qui eux appartiennent à l'administration ordinaire des camps et qui dépendent de Enno Lolling[12].
De 1942 à 1944, à Auschwitz, c'est une ambulance portant l'insigne de la Croix-Rouge allemande dont Grawitz est le président qui apporte le gaz des « actions spéciales »[13]. Grawitz s'implique plus particulièrement dans les expériences de Ravensbruck en 1942 (sulfamides et greffes osseuses)[14], et celles de Dachau en 1943 (hypothermie)[15].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- SS und DRK : das Präsidium des Deutschen Roten Kreuzes im nationalsozialistischen Herrschaftssystem 1937-1945 ; Markus Wicke ; Potsdam : Vicia, 2002. (OCLC 51388715)
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) « Medical Experimentation », Jewish Virtual Library (consulté le )
- (de) Deutsche Biographie, « Grawitz, Paul - Deutsche Biographie », sur www.deutsche-biographie.de (consulté le )
- Allan Bullock (trad. Gérard Colson), Hitler, vol. 1 : L'ascension, Gérard & Co, coll. « Marabout Université », , p. 62.
- Joachim Fest (trad. de l'allemand), Les derniers jours de Hitler, Paris, Perrin, , 205 p. (ISBN 2-262-01945-2), p. 114.
- Cet épilogue dramatique figure dans le film La Chute (2004), dans lequel le rôle de Ernst-Robert Grawitz est interprété par de:Christian Hoening.
- Yves Ternon, Histoire de la médecine SS, Casterman, , p. 53-57.
- Philippe Azziz, Les médecins de la mort, vol. 3, Famot, , p. 185-186..
- (en) Kenneth Mellanby, « Medical experiments on human beings in concentration camps in nazi Germany », British Medical Journal, , p. 148-150.
- (de) « Bildarchiv: Bestand Zweiter Weltkrieg », Croix-Rouge allemande (consulté le )
- (de) « Gesetz über das Deutsche Rote Kreuz », gegenwärtige und historische nationale und internationale Verfassungstexte (consulté le )
- Azziz 1975, vol. 1, p. 224.
- Ternon 1969, p. 82.
- Ternon 1969, p. 143.
- Azziz 1975, vol.3, p. 141.
- Azziz 1975, vol.3, p. 65.