Fieseler Fi 103R (Reichenberg) — Wikipédia
Un Fi 103R Reichenberg (sans sa charge militaire), capturé par les troupes britanniques en 1945. | |
Constructeur | Fieseler |
---|---|
Rôle | Missile piloté |
Statut | prototype annulé |
Premier vol | |
Mise en service | jamais |
Date de retrait | |
Nombre construits | ~ 175 |
Dérivé de | Fieseler F1 103 |
Équipage | |
un pilote suicidaire | |
Motorisation | |
Moteur | Argus As 014 |
Nombre | 1 |
Type | Pulsoréacteur |
Poussée unitaire | 2,2 kN au point fixe 3,3 kN en vol |
Dimensions | |
Envergure | 5,72 m |
Longueur | 8,00 m |
Hauteur | 1,42 m |
Masses | |
Carburant | acétylène0,500 kg |
Avec armement | 2 250 kg |
Performances | |
Vitesse de croisière | 650 km/h |
Vitesse maximale | 800 km/h (Mach 0,65, en piqué) |
Rayon d'action | ~ 330 km |
Armement | |
Interne | 850 kg d'explosif Amatol-39 |
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Le Fieseler Fi 103R, nom de code « dispositif Reichenberg » (en allemand : « Reichenberg-Gerät »), était une version pilotée de la bombe volante V1, aussi connue sous la désignation plus exacte de Fieseler 103. Produite par les Nazis à la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle devait permettre aux Allemands de mener des attaques au cours desquelles le pilote avait de très fortes chances de laisser sa peau (comme c'était d'ailleurs également le cas avec l'avion-suicide japonais Ohka, qui était propulsé par fusée). Dans le meilleur des cas, le pilote aurait eu la « chance » de pouvoir sauter en parachute hors de son avion juste avant d'arriver sur le site de bombardement, auquel cas il aurait très probablement été aspiré par le moteur qui propulsait l'appareil.
Les missions auraient dû être menées par l'« escadron Leonidas » (en allemand : Selbstopferkommando Leonidas), le V. Gruppe de l'escadre de bombardement Kampfgeschwader 200 (KG 200)
Historique
[modifier | modifier le code]Contexte
[modifier | modifier le code]L'« escadron Leonidas », élément du KG 200, avait été créé comme escadron pour les vols d'essai et les missions suicides ou quasi-suicides. On demandait aux volontaires de signer une déclaration qui disait : « Je m'engage par la présente à intégrer le groupe suicidaire en tant que pilote de bombe volante. Je prends entièrement connaissance du fait que mon engagement dans cette activité me causera la mort »[1],[2],[Note 1].
Initialement, deux appareils avaient été choisis pour remplir ce type de missions : le V1 (donc le Fi 103, de sa désignation exacte), et le Messerschmitt Me 328. Finalement, on préféra se reporter uniquement sur l'avion de Messerschmitt, équipé d'une bombe de 900 kg[3]. Toutefois, la conversion du Me 328 posa de nombreux problèmes, et Heinrich Himmler souhaita annuler le projet. Otto Skorzeny, qui avait déjà envisagé sérieusement l'usage de torpilles humaines contre les navires des forces alliées, fut sommé par Hitler de relancer le projet, et il contacta en parallèle la célèbre pilote d'essais Hanna Reitsch pour en faire partie. Le Fi 103 fut ressuscité, et comme il semblait finalement pouvoir offrir à son pilote une – maigre – chance de survie, il fut choisi pour le projet[4].
Le projet reçut le nom de code « Reichenberg », d'après le nom de la capitale de l'ancien territoire tchécoslovaque de la région des Sudètes, « Reichsgau Sudetenland » (actuellement Liberec), alors que les avions prirent le nom de « dispositif Reichenberg » (en allemand : « Reichenberg-Geräte »)[4].
Développement
[modifier | modifier le code]À l'été 1944, l'institut allemand de recherche pour le vol à voile (DFS, Deutsche Forschungsanstalt für Segelflug), à Ainring, se lança dans le développement d'une version pilotée du Fi 103, et un exemplaire prêt pour les essais en vol fut réalisé en quelques jours. Rapidement, une ligne de production fut établie à Dannenberg[5].
Le V1 était converti en Reichenberg d'une manière assez basique, en ajoutant un poste de pilotage juste en avant de l'entrée d'air du moteur, là où le V1 classique était normalement équipé de réservoirs d'air comprimé. Le cockpit était pourvu d'instruments de vol rudimentaires et d'un siège baquet en contreplaqué. La verrière en une seule pièce intégrait un panneau avant blindé et donnait accès à l'intérieur de l'appareil en s'ouvrant sur le côté. Les deux réservoirs d'air comprimé déplacés furent remplacés par un seul, qui était disposé plus en arrière que d'origine, prenant la place du système de pilote automatique des V1 classiques. Les ailes furent équipées de bords d'attaque renforcés afin de pouvoir couper les câbles des ballons de barrage, un dispositif qui était très utilisé par les Britanniques pendant la guerre[5].
Il fut proposé que le bombardier He 111 H-22 emporte un ou deux de ces engins en dessous de ses ailes, les relâchant en arrivant près de la cible. Les pilotes auraient ensuite manœuvré leurs avions vers la cible, larguant la verrière et sautant en parachute peu avant l'impact. Il était cependant estimé que les chances de survie de ces pilotes étaient de moins de 1 %, essentiellement en raison de la présence de l'entrée d'air du pulsoréacteur juste derrière le cockpit[6]. Contrairement à ce que laisse entrevoir le film Opération Crossbow, les Reichenbergs étaient tout le temps lancés depuis les airs, et n'utilisaient pas les rampes de lancement qu'utilisaient habituellement les V1.
Versions
[modifier | modifier le code]Il a existé cinq versions de cet appareil[7],[8]. Au mois d'octobre 1944, environ 175 modèles R-IV étaient prêts à entrer en action[9] :
- R-1 : Version monoplace de base, planante et non propulsée ;
- R-II : Planeur non propulsé, doté d'un deuxième cockpit à l'emplacement où devait normalement se situer la charge militaire ;
- R-III : Appareil biplace, propulsé par un pulsoréacteur ;
- R-IV : Version standard opérationnelle ;
- R-V : Appareil d'entraînement propulsé pour le Heinkel He 162 (avec un nez raccourci).
Carrière opérationnelle
[modifier | modifier le code]Entraînement
[modifier | modifier le code]Les volontaires s'entraînaient d'abord sur des planeurs, afin de se familiariser avec les sensations du vol non propulsé, puis passaient ensuite sur des modèles plus pointus, dotés d'ailes raccourcies, qui pouvaient effectuer des piqués proches de 300 km/h. Ensuite, ils passaient sur le modèle à double commande du Fi 103, le R-II[6].
Le véritable entraînement commençait sur les R-I et R-II, et même si les faire atterrir sur un ski était difficile, l'avion était assez facile à contrôler, et les autorités jugèrent que l'escadron Leonidas serait rapidement au point pour employer ces machines au combat. Le , Albert Speer écrivit à Hitler pour lui dire qu'il était contre l'idée de gaspiller des hommes et du matériel contre les forces alliées en France, et que selon lui, l'emploi de ces appareils serait stratégiquement plus utile contre des centrales électriques en Russie[6].
Vols d'essais
[modifier | modifier le code]Le premier vol réel eut lieu en à l'aérodrome de Rechlin–Lärz (Erprobungsstelle Rechlin), l'avion étant largué d'un He-111. Il se termina par un crash lorsque le pilote perdit contrôle de l'avion après avoir largué accidentellement la verrière. Un second vol, le jour suivant se termina également par un crash, et les vols suivants furent effectués par les pilotes d'essais Heinz Kensche et Hanna Reitsch. Reitsch elle-même endura de nombreux accidents, desquels elle sortait toujours saine et sauve[6]. Elle effectua de nombreux vols afin de comprendre pourquoi autant d'élèves s'étaient tués au moment de poser l'appareil. En effectuant des essais à haute altitude, afin de pouvoir « récupérer » l'avion en cas de problèmes, elle découvrit que l'avion avait une vitesse de décrochage extrêmement élevée, et les pilotes, avec leur maigre expérience des hautes vitesses, avaient tenté de poser l'avion avec une vitesse beaucoup trop faible. Elle recommanda tout simplement aux élèves-pilotes d'aborder les phases d'approche à l'atterrissage avec une vitesse bien plus élevée que celle qu'ils pratiquaient habituellement.
Le , lors du deuxième vol du R-III, une aile cassa à cause des vibrations, et Heinz Kensche parvint à sauter en parachute et à échapper au pire, malgré une certaine difficulté à s'extraire de l'avion, en raison de l'étroitesse de son cockpit[10].
Annulation du projet
[modifier | modifier le code]Quand Werner Baumbach prit le commandement du KG 200, en octobre 1944, il écarta le Reichenberg en faveur du programme Mistel. Lui et Speer rencontrèrent finalement Hitler le 15 mars 1945 et parvinrent à le convaincre que les missions-suicides ne faisaient pas partie des valeurs et traditions allemandes, et plus tard dans la journée Baumbach ordonna la dissolution de l'unité Reichenberg[10].
Avions exposés
[modifier | modifier le code]- Flying Heritage Collection, Everett, État de Washington, États-Unis[11] ;
- Canadian War Museum, Ottawa, Canada (en cours de restauration) ;
- Lashenden Air Warfare Museum, Aérodrome de Lashenden, appareil no 85, Ashford, Kent, Angleterre[12] ;
- La Coupole, appareil no 126, Saint-Omer, France[13] ;
- Schweizerisches Militärmuseum Full, appareil no 27, Full-Reuenthal, Suisse ;
- Stinson Air Field, San Antonio, Texas, États-Unis[14] (réplique seulement).
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- En allemand : « Ich melde mich hiermit freiwillig zum Eisatz mit der von Oblt. Lange vorgeschlagenen Gleitbombe. Ich bin mir darüber klar, daß der Einsatz mit meinem Tod enden wird. ».
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Gilbert 2004.
- (en) Thomas 2015.
- (en) Hyland 1999, p. 219.
- (en) Renneberg 1999, p. 115.
- (en) Hyland 1999, p. 220.
- (en) Hyland 1999, p. 221.
- (en) Kay 1977, p. 84.
- (en) O'Neill 1981, p. 192.
- (en) O'Neill 1981, p. 193.
- (en) Zaloga 2005, p. 39.
- (en) « Flying Heritage Collection », États-Unis (consulté le ).
- (en) « Lashenden Air Warfare Museum », Ashford (Royaume-Uni) (consulté le ).
- « La Coupole », Saint-Omer (consulté le ).
- (en) « Texas Air Museum at Stinson Field - San Antonio, TX » (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Le Fieseler Fi 103, désignation du V1
- Messerschmitt Me 328, le programme concurrent
- Yokosuka MXY-7 Ohka, l'avion suicide japonais
- Kampfgeschwader 200, l'unité ou étaient formés les pilotes
Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Sir Martin Gilbert, The Second World War, Henry Holt and Co., , 504 p. (ISBN 0-8050-7623-9).
- (en) Geoffrey J. Thomas et Barry Ketley, Luftwaffe KG 200 : The German Air Force's Most Secret Unit of World War II, Stackpole Books, (réimpr. 15 septembre 2015), 336 p. (ISBN 978-0-8117-1661-1, lire en ligne).
- (en) Gary Hyland et Anton Gill, Last Talons of the Eagle, Headline, , 373 p. (ISBN 0-7472-5964-X).
- (en) Antony L. Kay, Buzz Bomb, Boylston, Monogram Aviation Publications, (ISBN 0-914144-04-9).
- (en) Antony L. Kay, J. Richard Smith et Eddie J. Creek, German Aircraft of the Second World War, Naval Institute Press, (ISBN 1-55750-010-X).
- (en) Richard O'Neill, Suicide Squads : Axis and Allied Special Attack Weapons of World War II : Their Development and Their Missions, Londres, Salamander Books, , 296 p. (ISBN 0-86101-098-1).
- (en) Monika Renneberg et Mark Walker, Science, Technology, and National Socialism, Headline, , 115 p. (ISBN 0-521-52860-7, lire en ligne).
- (en) Richard Anthony Young, The Flying Bomb, New York, Sky Book Press, (ISBN 0-89402-072-2).
- (en) Steven J. Zaloga et Jim Laurier, V1 Flying Bomb 1942-52, Botley, Oxford, Osprey Publishing, (ISBN 1-84176-791-3).
- (de) Hanna Reitsch, Fliegen : mein Leben, Munich (Allemagne), J. F. Lehmanns, , 275 p. (ISBN 3-469-00558-3).
- (de) Flugzeug Typen der Welt : Modelle, Technik, Daten, Augsbourg, Bechtermünz, , 929 p. (ISBN 3-86047-593-2).