Représentation de la fonction digamma ψ restreinte aux réels. Représentation colorée de la fonction digamma, ψ (z ) , dans une région rectangulaire du plan complexe. En mathématiques , la fonction digamma ou fonction psi est définie comme la dérivée logarithmique de la fonction gamma :
ψ ( z ) = Γ ′ ( z ) Γ ( z ) . {\displaystyle \psi (z)={\frac {\Gamma '(z)}{\Gamma (z)}}.} À la suite des travaux d'Euler sur la fonction gamma , James Stirling a introduit la fonction digamma en 1730, en la notant par Ϝ, la lettre grecque digamma (majuscule)[réf. souhaitée] . Elle fut par la suite étudiée par Legendre , Poisson et Gauss vers 1810 ; la convergence de la série de Stirling pour cette fonction a été démontrée par Stern en 1847[ 1] . Elle est désormais le plus souvent notée par la lettre ψ (psi minuscule ).
Partant de l'équation fonctionnelle de la fonction gamma , Γ ( z + 1 ) = z Γ ( z ) {\displaystyle \Gamma (z+1)=z\Gamma (z)\,} , en dérivant et en divisant par Γ ( z + 1 ) {\displaystyle \Gamma (z+1)} , on obtient Γ ′ ( z + 1 ) Γ ( z + 1 ) = Γ ′ ( z ) Γ ( z ) + 1 z {\displaystyle {\frac {\Gamma '(z+1)}{\Gamma (z+1)}}={\frac {\Gamma '(z)}{\Gamma (z)}}+{\frac {1}{z}}} , autrement dit ψ ( z + 1 ) = ψ ( z ) + 1 z {\displaystyle \psi (z+1)=\psi (z)+{\frac {1}{z}}} (pour tout z non entier négatif). On en déduit par récurrence que, pour tout entier n > 1,
ψ ( n ) = ψ ( 1 ) + 1 + 1 2 + ⋯ + 1 n − 1 = ψ ( 1 ) + H n − 1 {\displaystyle \psi (n)=\psi (1)+1+{\frac {1}{2}}+\cdots +{\frac {1}{n-1}}=\psi (1)+H_{n-1}} , où Hn est le n -ième nombre harmonique (le calcul de ψ ( 1 ) = − γ {\displaystyle \psi (1)=-\gamma } sera exposé ci-dessous).
La fonction digamma pourrait ainsi définir une généralisation des nombres harmoniques aux complexes.
La fonction digamma est une fonction méromorphe définie sur tout le plan complexe privé des entiers négatifs .
La définition de la fonction gamma sous forme intégrale ( Γ ( z ) = ∫ 0 + ∞ t z − 1 e − t d t {\displaystyle \Gamma (z)=\int _{0}^{+\infty }t^{z-1}\,\mathrm {e} ^{-t}\,\mathrm {d} t} ) montre que pour tout nombre complexe z de partie réelle strictement positive, ψ ( z ) = ∫ 0 ∞ y z − 1 ln y e − y d y ∫ 0 ∞ y z − 1 e − y d y {\displaystyle \psi (z)={\frac {\int _{0}^{\infty }y^{z-1}\ln y\ {\rm {e}}^{-y}~{\rm {d}}y}{\int _{0}^{\infty }y^{z-1}{\rm {e}}^{-y}~{\rm {d}}y}}} .
Ainsi,
ψ ( 1 ) = ∫ 0 ∞ ln y e − y d y = − γ {\displaystyle \psi (1)=\int _{0}^{\infty }\ln y\ {\rm {e}}^{-y}~{\rm {d}}y=-\gamma } , où γ = 0,577… est la constante d'Euler-Mascheroni . Par ailleurs, Γ ( z + 1 ) = z Γ ( z ) {\displaystyle \Gamma (z+1)=z\Gamma (z)} donc on a (en dérivant) la relation de « récurrence »
ψ ( z + 1 ) = ψ ( z ) + 1 z {\displaystyle \psi (z+1)=\psi (z)+{\frac {1}{z}}} ; en fait, le théorème de Bohr-Mollerup montre que la fonction digamma est la seule solution de l'équation fonctionnelle
F ( x + 1 ) = F ( x ) + 1 x {\displaystyle F(x+1)=F(x)+{\frac {1}{x}}} qui est monotone sur R + et qui vérifie F (1) = −γ .
On en déduit que la fonction digamma d'un entier n > 0, souvent notée aussi ψ 0 (n ) ou même ψ (0) (n )[ 2] , est reliée aux nombres harmoniques par
∫ 0 ∞ y n − 1 ln y e − y d y ( n − 1 ) ! = ψ ( n ) = H n − 1 − γ {\displaystyle {\frac {\int _{0}^{\infty }y^{n-1}\ln y\ {\rm {e}}^{-y}~{\rm {d}}y}{(n-1)!}}=\psi (n)=H_{n-1}-\gamma } où H n − 1 = 1 + 1 2 + 1 3 + ⋯ + 1 n − 1 {\displaystyle H_{n-1}=1+{\frac {1}{2}}+{\frac {1}{3}}+\cdots +{\frac {1}{n-1}}} est le (n – 1)-ième nombre harmonique.
La fonction digamma satisfait également une formule de réflexion formule de réflexion similaire à celle de la fonction Gamma : pour tout nombre complexe z dont la partie réelle est strictement comprise entre 0 et 1,
ψ ( 1 − z ) − ψ ( z ) = π cot ( π z ) {\displaystyle \psi (1-z)-\psi (z)=\pi \,\!\cot {\left(\pi z\right)}} . D'autres représentations par des intégrales existent. Ainsi, si la partie réelle de z est positive, on a :
ψ ( z ) = ∫ 0 ∞ ( e − t t − e − z t 1 − e − t ) d t {\displaystyle \psi (z)=\int _{0}^{\infty }\left({\frac {{\rm {e}}^{-t}}{t}}-{\frac {{\rm {e}}^{-zt}}{1-{\rm {e}}^{-t}}}\right)\,{\rm {d}}t} , qu'on peut aussi écrire
ψ ( s + 1 ) = − γ + ∫ 0 1 1 − x s 1 − x d x {\displaystyle \psi (s+1)=-\gamma +\int _{0}^{1}{\frac {1-x^{s}}{1-x}}~{\rm {d}}x} . La relation de récurrence permet d'obtenir la formule suivante[ 3] :
ψ ( z ) = − γ + ∑ j = 0 + ∞ ( 1 j + 1 − 1 j + z ) = − γ − 1 z + z ∑ k = 1 + ∞ 1 k ( k + z ) . {\displaystyle \psi (z)=-\gamma +\sum _{j=0}^{+\infty }\left({\frac {1}{j+1}}-{\frac {1}{j+z}}\right)=-\gamma -{\frac {1}{z}}+z\sum _{k=1}^{+\infty }{\frac {1}{k(k+z)}}.} La fonction digamma possède également une représentation en série zêta rationnelle :
ψ ( z + 1 ) = − γ − ∑ k = 1 ∞ ζ ( k + 1 ) ( − z ) k {\displaystyle \psi (z+1)=-\gamma -\sum _{k=1}^{\infty }\zeta (k+1)\;(-z)^{k}} (où ζ (n ) est la fonction zêta de Riemann ), qui converge pour |z | < 1 . Cette série se déduit aisément de la série de Taylor (en 1) de la fonction zêta de Hurwitz .
On déduit de la formule intégrale d'Euler le développement suivant en série de Newton (convergeant pour Re(s ) > –1 ) :
ψ ( s + 1 ) = − γ − ∑ k = 1 ∞ ( − 1 ) k k ( s k ) {\displaystyle \psi (s+1)=-\gamma -\sum _{k=1}^{\infty }{\frac {(-1)^{k}}{k}}{s \choose k}} où ( s k ) {\displaystyle \textstyle {s \choose k}} est un coefficient binomial (généralisé) : ( s k ) = s ( s − 1 ) ( s − 2 ) ⋯ ( s − k + 1 ) k ! {\displaystyle {s \choose k}={\frac {s(s-1)(s-2)\cdots (s-k+1)}{k!}}} .
La formule précédente, équivalente à
ψ ( z + 1 ) = − γ + ∑ n = 1 ∞ z n ( n + z ) z ≠ − 1 , − 2 , − 3 , … {\displaystyle \psi (z+1)=-\gamma +\sum _{n=1}^{\infty }{\frac {z}{n(n+z)}}\qquad z\neq -1,-2,-3,\ldots } permet d'évaluer des séries de fractions rationnelles de la forme
∑ n = 0 ∞ u n = ∑ n = 0 ∞ p ( n ) q ( n ) {\displaystyle \sum _{n=0}^{\infty }u_{n}=\sum _{n=0}^{\infty }{\frac {p(n)}{q(n)}}} , où p (n ) et q (n ) sont des polynômes en n : décomposant un en éléments simples (lorsque les racines de q sont toutes simples), on obtient
u n = p ( n ) q ( n ) = ∑ k = 1 m a k n + b k {\displaystyle u_{n}={\frac {p(n)}{q(n)}}=\sum _{k=1}^{m}{\frac {a_{k}}{n+b_{k}}}} ; la série converge si lim n → ∞ n u n = 0 {\displaystyle \lim _{n\to \infty }nu_{n}=0} , et donc si ∑ k = 1 m a k = 0 {\displaystyle \sum _{k=1}^{m}a_{k}=0} . Dans ce cas,
∑ n = 0 ∞ u n = ∑ n = 0 ∞ ∑ k = 1 m a k n + b k = ∑ n = 0 ∞ ∑ k = 1 m a k ( 1 n + b k − 1 n + 1 ) = ∑ k = 1 m a k ∑ n = 0 ∞ ( 1 n + b k − 1 n + 1 ) = − ∑ k = 1 m a k ( ψ ( b k ) + γ ) = − ∑ k = 1 m a k ψ ( b k ) . {\displaystyle {\begin{aligned}\sum _{n=0}^{\infty }u_{n}&=\sum _{n=0}^{\infty }\sum _{k=1}^{m}{\frac {a_{k}}{n+b_{k}}}\\&=\sum _{n=0}^{\infty }\sum _{k=1}^{m}a_{k}\left({\frac {1}{n+b_{k}}}-{\frac {1}{n+1}}\right)\\&=\sum _{k=1}^{m}a_{k}\sum _{n=0}^{\infty }\left({\frac {1}{n+b_{k}}}-{\frac {1}{n+1}}\right)\\&=-\sum _{k=1}^{m}a_{k}\left(\psi (b_{k})+\gamma \right)\\&=-\sum _{k=1}^{m}a_{k}\psi (b_{k}).\end{aligned}}} En particulier, on obtient
∑ n = 0 ∞ 1 ( n + a ) ( n + b ) = ψ ( b ) − ψ ( a ) b − a {\displaystyle \sum _{n=0}^{\infty }{\frac {1}{(n+a)(n+b)}}={\frac {\psi (b)-\psi (a)}{b-a}}} , expression qui, d'après un théorème de Gauss (voir infra ), peut être explicitée si a et b sont rationnels ; par exemple,
∑ n = 0 ∞ 1 ( 4 n + 1 ) ( 3 n + 1 ) = ψ ( 1 / 3 ) − ψ ( 1 / 4 ) = 3 ln ( 2 / 3 ) + π / 2 − π 3 / 6 {\displaystyle \sum _{n=0}^{\infty }{\frac {1}{(4n+1)(3n+1)}}=\psi (1/3)-\psi (1/4)=3\ln(2/{\sqrt {3}})+\pi /2-\pi {\sqrt {3}}/6} [ 4] . Enfin, dans le cas où q admet des racines multiples, un passage à la limite fait apparaître les dérivées de la fonction digamma ; ainsi,
∑ n = 0 ∞ 1 ( n + a ) 2 = ψ ′ ( a ) = ψ 1 ( a ) {\displaystyle \sum _{n=0}^{\infty }{\frac {1}{(n+a)^{2}}}=\psi '(a)=\psi _{1}(a)} , où ψ 1 est la fonction polygamma d'ordre 1.
La fonction digamma a des valeurs exprimables à l'aide des fonctions usuelles et de la constante d'Euler-Mascheroni pour des arguments rationnels, par exemple :
ψ ( 1 ) = − γ {\displaystyle \psi (1)=-\gamma } ψ ( 2 ) = H 1 − γ = 1 − γ {\displaystyle \psi (2)=H_{1}-\gamma =1-\gamma } ψ ( 3 ) = H 2 − γ = 3 2 − γ {\displaystyle \psi (3)=H_{2}-\gamma ={\frac {3}{2}}-\gamma } ψ ( 4 ) = H 3 − γ = 11 6 − γ {\displaystyle \psi (4)=H_{3}-\gamma ={\frac {11}{6}}-\gamma } ψ ( 1 2 ) = − 2 ln 2 − γ = 1 π ∫ 0 ∞ y − 1 / 2 ln y e − y d y {\displaystyle \psi \left({\tfrac {1}{2}}\right)=-2\ln 2-\gamma \,={\frac {1}{\sqrt {\pi }}}\int _{0}^{\infty }y^{-1/2}\ln y\ {\rm {e}}^{-y}~{\rm {d}}y} ψ ( 1 3 ) = − π 2 3 − 3 2 ln 3 − γ {\displaystyle \psi \left({\tfrac {1}{3}}\right)=-{\frac {\pi }{2{\sqrt {3}}}}-{\frac {3}{2}}\ln 3-\gamma } [ 5] , ψ ( 1 4 ) = − π 2 − 3 ln 2 − γ {\displaystyle \psi \left({\tfrac {1}{4}}\right)=-{\frac {\pi }{2}}-3\ln 2-\gamma } [ 6] , etc. De plus, la représentation par une série permet aisément de montrer qu'à l'unité imaginaire , on a
R e ( ψ ( i ) ) = − γ − ∑ n = 0 ∞ n − 1 n 3 + n 2 + n + 1 , I m ( ψ ( i ) ) = ∑ n = 0 ∞ 1 n 2 + 1 = 1 2 + π 2 coth π , {\displaystyle {\begin{aligned}{\rm {Re}}\left(\psi ({\rm {i}})\right)&=-\gamma -\sum _{n=0}^{\infty }{\frac {n-1}{n^{3}+n^{2}+n+1}},\\{\rm {Im}}\left(\psi ({\rm {i}})\right)&=\sum _{n=0}^{\infty }{\frac {1}{n^{2}+1}}={\frac {1}{2}}+{\frac {\pi }{2}}\coth \pi ,\end{aligned}}} où coth est la fonction cotangente hyperbolique .
Plus généralement, pour des entiers p et q tels que 0 < p < q , la fonction digamma s'exprime à l'aide de la constante d'Euler et d'un nombre fini de fonctions élémentaires[ 7] :
ψ ( p q ) = − γ − ln ( 2 q ) − π 2 cot ( p π q ) + 2 ∑ n = 1 ⌊ q − 1 2 ⌋ cos ( 2 π n p q ) ln ( sin π n q ) {\displaystyle \psi \left({\frac {p}{q}}\right)=-\gamma -\ln(2q)-{\frac {\pi }{2}}\cot \left({\frac {p\pi }{q}}\right)+2\sum _{n=1}^{\left\lfloor {\frac {q-1}{2}}\right\rfloor }\cos \left({\frac {2\pi np}{q}}\right)\ln \left(\sin {\frac {\pi n}{q}}\right)} ; la relation de récurrence permet d'en déduire sa valeur pour tous les arguments rationnels[ 8] .
↑ (en) Historique de la fonction digamma sur le site de Wolfram Research . ↑ C'est un cas particulier de la notation ψk (n ) des fonctions polygamma . ↑ (en) Milton Abramowitz et Irene Stegun , Handbook of Mathematical Functions with Formulas, Graphs, and Mathematical Tables [détail de l’édition ] (lire en ligne ) , chap. 6.3 (« psi (Digamma) Function. »), p. 258–259 : formule 6.3.16. ↑ (en) Une étude de ces sommes , sur MathOverflow . ↑ (en) Horst Alzer, Dimitri Karayannakis et H. M. Srivastava, « Series representations for some mathematical constants », Journal of Mathematical Analysis and Applications (en) , vol. 320, no 1, 2006 , p. 145-162 (DOI 10.1016/j.jmaa.2005.06.059 ) (p. 151). ↑ Alzer, Karayannakis et Srivastava 2006 , p. 149. ↑ (en) Eric W. Weisstein , « Gauss's Digamma Theorem », sur MathWorld . ↑ R. Campbell, Les intégrales eulériennes et leurs applications , Dunod , Paris, 1966.