Gigantopithèque — Wikipédia

Gigantopithecus

Gigantopithecus (du grec γίγας gigas « géant », et πίθηκος pithekos « singe ») est un genre éteint de singes appartenant à la sous-famille des ponginés. Il est attesté en Asie du Sud-Est à partir d'un peu plus de deux millions d'années et jusqu'à environ deux cent cinquante mille ans[1],[2] avant le présent. On a trouvé des fossiles en Chine, au Viêt Nam, et plus récemment en Indonésie[3]. Bien que les seuls fossiles connus de Gigantopithèque soient de nombreuses dents isolées et quelques mandibules, ils suggèrent que cette espèce est le plus grand singe connu qui ait jamais existé, avec une taille comprise entre deux et trois mètres, et une masse de l'ordre de 250 kg.

Karl A. Haberer, naturaliste allemand qui vit en Chine entre 1899 et 1901, acquiert une quantité considérable de dents de dragon en visitant les réserves de pharmaciens locaux. Le paléontologue allemand Gustav von Koenigswald utilise la même technique pour découvrir dans des pharmacies chinoises de Hong Kong trois dents géantes de singe hominidé, presque deux fois plus grandes que celles d'un Gorille. Les apothicaires chinois ont en effet longtemps utilisé des ossements et dents fossiles réduits en poudre, auxquels on attribuait des vertus curatives sous le nom d'os et dents de dragon, dans le cadre de la pharmacopée chinoise traditionnelle[4],[5].

Von Koenigswald définit pour ces dents l'espèce Gigantopithecus blacki dès 1935, en hommage au médecin anatomiste canadien Davidson Black, décédé en 1934 au cours de ses recherches sur l'Homme de Pékin[6]. En 1955, on découvre la première mandibule relativement complète. En 1958, trois mandibules et plus de 1 300 dents isolées ont déjà été collectées. En 2014, des dents et une mandibule fossiles de Gigantopithecus blacki sont trouvées pour la première fois en Indonésie[7],[3]. En , la revue Nature publie une étude qui indique que son extinction aurait pu être causée par la disparition de la forêt dense qui lui fournissait une nourriture abondante il y a plus de 700 000 ans[8]. À ce jour, aucun crâne ni ossement fossile post-crânien n'ont cependant encore été découverts.[source secondaire souhaitée]

Le genre Gigantopithecus ne comprend qu'une seule espèce connue[6] :

Description

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Le professeur Friedemann Schrenk montrant un fragment de molaire de Gigantopithecus blacki. Ce fragment correspond à environ un quart de la dent complète.

Les chercheurs lui ont d'abord attribué une taille allant jusqu'à 3 m et un poids allant jusqu'à 540–600 kg[9]. Selon des auteurs plus récents, le Gigantopithèque aurait toutefois été un peu moins grand, atteignant une hauteur de 1,8 à 2 m pour un poids de 180 à 300 kg[10],[11],[12].

Il est difficile de se prononcer de façon précise sur sa taille et son poids, car les seuls fossiles trouvés à ce jour sont des mandibules et des dents. On voit néanmoins que ces éléments dépassent nettement en taille ce que l'on trouve chez le Gorille actuel.

Mandibule reconstruite de gigantopithèque,
Est de l'Asie.
Musée d'histoire naturelle de Cleveland (en)

Régime alimentaire

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Les dents de grande taille et les puissantes mâchoires étaient généralement faites pour broyer une nourriture végétale coriace. On rapproche le régime de ces singes de celui des gorilles, constitué presque intégralement de végétaux[6].

Le rapport isotopique 13C/12C de l'émail dentaire de Gigantopithecus blacki a été comparé à celui d'espèces apparentées d'Asie du Sud-Est, actuelles ou éteintes : différent de celui des taxons omnivores et carnivores et très semblable à celui des orang-outans (mais différent de celui du Panda géant), ce rapport est typique d'un habitat forestier et d'un régime végétarien généraliste.

Comparaison de la taille de Giganthopithecus et d'Homo sapiens.
Vue d'artiste de Gigantopithecus blacki

Classification

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Phylogénie des genres de ponginés, d'après James Birx et al. (2010)[13] et David Begun (2015)[14] :

 Ponginae 

 Ankarapithecus



 Sivapithecini †


 Sivapithecus




 Indopithecus



 Gigantopithecus





Pongini

 Khoratpithecus



 Pongo (les orang-outans)






Le plus proche parent fossile du Gigantopithèque serait l'Indopithèque, qui vivait dans le Nord de l'Inde et du Pakistan au cours du Miocène supérieur.

En 2019, une étude paléoprotéomique de l'émail d'une molaire de Gigantopithecus blacki, datant de 1,9 Ma, a montré que le dernier ancêtre commun de cette espèce et des orang-outans remonterait à environ 10 à 12 Ma, ce qui confirmerait l'appartenance du Gigantopithèque à la sous-famille des Ponginae[15].

Gigantopithecus blacki semble la seule espèce de grand singe à s'être éteinte depuis le Pléistocène moyen[2].

La très grande taille de Gigantopithecus blacki et son régime particulier (en Thaïlande il n'occupait que les zones forestières alors qu'il y avait une majorité de paysages de savane ouverte) ont été considérés comme les causes de sa disparition lors des épisodes glaciaires qui ont drastiquement réduit le couvert forestier[16],[17].

Toutefois, une étude publiée dans Nature en janvier 2024 conclut que cette extinction, survenue entre 295 000 et 215 000 ans, si elle est bien due à un changement climatique, n'a pas tant été causée par la détérioration du couvert arboricole que par la variation des éléments de cet écosystème[8],[1] :

« ... il existe des preuves de l'incapacité de G. blacki à s'adapter à cette période de transition, ce qui a eu un plus grand impact sur sa résilience aux changements écologiques. La dépendance de G. blacki à l'égard des fruits et des aliments de secours moins nutritifs [...] a créé une stratégie de recherche de nourriture à plus haut risque et, combinée à sa taille corporelle beaucoup plus grande et moins mobile, l'a rendu plus vulnérable aux changements dans les structures forestières. »

Cryptozoologie et mythologie

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Les cryptozoologues, qui croient à l'existence du Yéti (ou « abominable homme des neiges ») et du Bigfoot, émettent la théorie selon laquelle ces créatures seraient des spécimens de Gigantopithèques contemporains de l'être humain, qui auraient été observés par les populations himalayennes historiques[18]. Les scientifiques supposent que l'observation de fossiles de Gigantopithèque (aujourd'hui perdus, et plus complets que les quelques dents et mandibules dont nous disposons), par ces populations dépourvues de connaissances scientifiques, a aussi pu donner naissance au mythe[19].

Dans la culture

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Références

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  1. a et b (en) Yingqi Zhang, Kira E. Westaway, Simon Haberle et Juliën K. Lubeek, « The demise of the giant ape Gigantopithecus blacki », Nature,‎ , p. 1–5 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/s41586-023-06900-0, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b « Vie et mort du gigantopithèque d’Asie, le plus grand singe ayant jamais existé », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Noerwidi Sofwan, « Primata Besar di Jawa : Spesimen Baru Gigantopithecus dari Semedo / Giant Primate of Java : A new Gigantopithecus specimen from Semedo », Berkala Arkeologi, vol. 36, no 2,‎ , p. 141–160 (lire en ligne [PDF], consulté le )
  4. (en) John W Olsen, Wu Rukang, Paleoanthropology and Paleolithic Archaeology in the People's Republic of China, Taylor & Francis, , p. 40
  5. (en) Noel Thomas Boaz, Russell L. Ciochon, Professor, Russell L Ciochon, Dragon Bone Hill. An Ice-Age Saga of Homo Erectus, Oxford University Press, , p. 6-31.
  6. a b et c (en) Jeffrey K. McKee, Frank E. Poirier, W. Scott McGraw, Understanding human evolution, 5e édition, chapitre 7, p. 156, Routledge, New York, 2016, lire en ligne
  7. (en) Agus Maryono, « Fossils of rare, ancient animals found in Tegal », The Jakarta Post,
  8. a et b Pierre Kaldy, « Comment le plus grand singe ayant jamais existé a disparu : le mystère est résolu », sur Sciences et Avenir, (consulté le )
  9. Russell Ciochon, « The ape that was – Asian fossils reveal humanity's giant cousin », Natural History, vol. 100,‎ , p. 54–62 (ISSN 0028-0712, lire en ligne [archive du ])
  10. (en) Robin Dennel, The Palaeolithic Settlement of Asia, Cambridge, Cambridge University Press, , 548 p. (ISBN 978-0-521-84866-4)
  11. Singh, R. P. et Islam, Z., Environmental Studies, Concept Publishing Company Pvt. Ltd., , 344 p. (ISBN 978-81-8069-774-6, lire en ligne)
  12. Y. Zhang et T. Harrison, « Gigantopithecus blacki: a giant ape from the Pleistocene of Asia revisited », American Journal of Physical Anthropology, vol. 162, no S63,‎ , p. 153–177 (DOI 10.1002/ajpa.23150)
  13. (en) H. James Birx (dir.), 21st Century Anthropology : A Reference Handbook, partie IX, chapitre 55, p. 553-554, vol. 2, Sage Publications, (lire en ligne)
  14. (en) David R. Begun, The real Planet of the Apes : A new Story of human Origins, Princeton University Press, (lire en ligne)
  15. (en) Frido Welker, Jazmín Ramos-Madrigal, Martin Kuhlwilm, Wei Liao, Petra Gutenbrunner et al., « Enamel proteome shows that Gigantopithecus was an early diverging pongine », Nature, vol. 576,‎ , p. 262-265 (DOI 10.1038/s41586-019-1728-8)
  16. « Comment le vrai King Kong a disparu de la planète », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) Hervé Bocherens, Friedemann Schrenk, Yaowalak Chaimanee, Ottmar Kullmer, Doris Mörike et al., « Flexibility of diet and habitat in Pleistocene South Asian mammals : Implications for the fate of the giant fossil ape Gigantopithecus », Quaternary International, vol. 434, part A,‎ , p. 148-155 (DOI 10.1016/j.quaint.2015.11.059).
  18. (en) Michael Alan Park, Biological Anthropology, Mayfield Publishing Co., 1996, (ISBN 1-55934-424-5), p. 177-178.
  19. (en) From the Teeth of the Dragon : Gigantopithecus Blacki

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Liens externes

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Bases de données et dictionnaires

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Articles connexes

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