Liste des hôtels particuliers de Toulouse — Wikipédia

L'hôtel d'Assézat, XVIe siècle.
Un grand nombre d'hôtels particuliers toulousains sont dus à la présence dans la ville, de 1443 à 1790, d'un Parlement au très vaste territoire, le deuxième du royaume en importance comme en ancienneté après celui de Paris.

Tout au long de son histoire, Toulouse a compté parmi les principales villes de France : à la tête d'un vaste comté au Moyen Âge, elle fut ensuite jusqu'à la Révolution capitale historique de la province de Languedoc et, grâce à son Parlement, capitale judiciaire d'une grande partie du sud de la France. Centre de pouvoir, la ville a conservé jusqu'à nos jours de nombreux hôtels particuliers édifiés par ses élites : capitouls, marchands fortunés et noblesse de robe (parlementaires) notamment.

Si l'historiographie toulousaine met volontiers en avant un « siècle d'or » coïncidant avec la Renaissance et la fortune brassée par quelques grands négociants du pastel, ce sont cependant quelque deux cents[1] hôtels particuliers ou vestiges d'hôtels particuliers (dont 52 classés ou inscrits aux monuments historiques[2]) qui rendent compte de l'évolution de l'architecture civile au fil des siècles dans une capitale provinciale qui ne suivit pas toujours les modèles nationaux[3].

Cette page n'a pas pour objet de lister tous les hôtels particuliers de Toulouse, mais de répertorier les plus remarquables pouvant être intégrés dans une lecture de l'évolution de l'architecture privée toulousaine.

Les origines[modifier | modifier le code]

Les plus anciennes maisons conservées mettent en évidence la longue tradition de la construction en brique à Toulouse. Au Moyen Âge, la brique foraine était un produit onéreux réservé aux monuments et aux riches propriétaires, elle était parfois associée à la pierre utilisée pour les décors.

Érigées à une époque où la ville était alors essentiellement bâtie en bois et en torchis, quelques demeures en brique ayant survécu aux incendies, à la pression du renouvellement urbain et à l’œuvre du temps témoignent d'un habitat de qualité qu'on ne désignait pas encore du nom d’« hôtel ».

Demeure romane du XIIe siècle[modifier | modifier le code]

Il reste à Toulouse de rares vestiges d'architecture civile de l'époque romane, comme quelques traces de fenêtres ou encore un pan de mur d'un grenier remonté au Jardin des Plantes. Mais un seul bâtiment reste encore suffisamment conservé pour témoigner du type d'habitat de cette époque : la tour Maurand.

Une maison forte d'un riche bourgeois : la tour Maurand[modifier | modifier le code]

Adresse : 56 rue du Taur. Classé MH.

Véritable maison forte comprenant autrefois une tour carrée de 25 mètres de haut et deux corps de logis en équerre, la tour Maurand marquait avec ostentation la puissance du riche changeur Pierre Maurand. Aujourd'hui seule survivante de cet ensemble et toujours dotée de deux belles salles voûtées sur croisée d'ogives (parmi les premières construites dans le Midi de la France), la tour a cependant perdu près de dix mètres de hauteur ainsi que ses grandes baies géminées, sans doute décorées de chapiteaux sculptés, dont on peut encore deviner le dessin autour des fenêtres actuelles[4].

Demeures gothiques des XIIIe et XIVe siècles[modifier | modifier le code]

La tour Vinhas[modifier | modifier le code]

Adresse : 10 rue Temponières. Non protégé MH.

Construite à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle, la tour Vinhas était comme la tour Maurand une tour carrée d'habitation. Elle faisait autrefois partie d'un ensemble beaucoup plus vaste ayant appartenu à une riche famille de changeurs qui compta de nombreux capitouls aux XIIIe et XIVe siècles : les Vinhas. N'en est demeurée que la tour de plus de 25 mètres de haut. Passablement remaniée, elle a toutefois conservé une belle salle voûtée et une tourelle abritant un escalier en vis[5].

La maison romano-gothique[modifier | modifier le code]

Adresse : 15 rue Croix-Baragnon. Classé MH.

Datée du début du XIVe siècle (à l'exception du dernier étage et des deux fenêtres de l'entresol), la façade de cette maison aux fenêtres jumelles de style gothique est soulignée par de fins cordons de pierre sculptée évoquant l'époque romane. Ont été également conservés la grande porte et deux grands arcs ouvrant sur les boutiques. Sur les bandeaux de pierre sont sculptés des êtres et monstres hybrides, inspirés de ceux habitant les marges des manuscrits de l'époque et illustrant les thèmes de la chasse et de la musique[5].

Les maisons à corondage[modifier | modifier le code]

La plupart des propriétaires, pas assez fortunés pour posséder une maison complètement en brique, recouraient au pan de bois. Cette technique moins coûteuse, que l'on appelle corondage plutôt que colombage à Toulouse, permettait d'élever une maison à l'aide de poteaux et de poutres de chêne ou de pin. Le remplissage se faisait avec du torchis (corondage de paillebart), ou mieux : avec des briques (corondage de massécanat). Des maisons de cette sorte ont été bâties de la fin du Moyen Âge jusqu'au XVIIIe siècle, il en resterait environ deux cents dans la ville.

À la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle : les premiers hôtels particuliers gothiques[modifier | modifier le code]

En 1463 un redoutable incendie ravagea tout le centre de Toulouse, dont notamment le quartier marchand, amenant le roi Louis XI a exempter la ville de tailles pour cent ans afin de lui permettre de se relever. Cette dévastation eut également deux conséquences importantes pour le bâti toulousain des décennies suivantes : elle conduisit les capitouls à établir des règlements visant à généraliser l'usage de la brique, plus résistante au feu que le bois et le torchis, et elle provoqua une réorganisation du parcellaire en favorisant l'achat de terrains par de riches propriétaires qui pouvaient ainsi plus facilement se faire bâtir de grandes demeures en plein centre.

C'est aussi vers cette époque que le commerce du pastel prit son essor en pays toulousain, attirant dans la ville d'entreprenants marchands souvent venus d'autres horizons (du Rouergue pour Assézat, d'Espagne pour Bernuy...). Enfin en 1443 le roi Charles VII avait créé à Toulouse le deuxième parlement de France après celui de Paris. Cette cour qui jugeait en dernier ressort les affaires d'une vaste partie du Midi de la France, du Rhône à la Bigorre, allait entretenir jusqu'à la Révolution une noblesse de robe soucieuse de se faire bâtir de riches demeures. Si l'effet de ces facteurs de dynamisme se fit sentir dès la fin du XVe siècle, c'est toutefois au XVIe siècle qu'il fut le plus important, entraînant une transformation radicale de l'urbanisme toulousain dont le symbole n'est autre que les nombreux hôtels particuliers édifiés à cette époque.

Il est rare que les premiers hôtels particuliers de Toulouse aient conservé autre chose que leur tour d'escalier, souvent improprement appelée « tour capitulaire » car la légende veut que ces tours aient été réservées à titre distinctif aux capitouls, édiles de la ville, alors qu'en réalité il s'en faisait de cette sorte partout en Europe et que nombre d'entre elles ont été bâties par des parlementaires ou par des marchands non capitouls[6]. Généralement placées dans un angle de la cour intérieure, les tours d'escalier desservaient deux corps de logis en équerre dont la plupart ont disparu, remplacés par des bâtiments plus récents. Il n'est ainsi pas rare de voir des hôtels particuliers ou des immeubles des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles équipés d'une tour d'escalier du XVe siècle ou du XVIe siècle qui continue à desservir leurs étages.

La plupart de ces tours de style gothique ont été bâties de 1470 à 1530 et certaines d'entre elles, plus hautes qu'il n'est strictement nécessaire pour desservir les étages, sont parfois qualifiées de « tours d'orgueil ». Ce qualificatif est toutefois sujet à débat car les tours toulousaines restent loin des hauteurs atteintes à San Gimignano ou à Bologne[6], cependant l'exemple de la tour de Bernuy que son commanditaire voulait « aussi haute que celle de Monsieur le procureur du roi » témoigne d'une véritable compétition sociale.

Les tours d'escalier de style gothique[modifier | modifier le code]

Plus d'une trentaine de ces tours d'escalier gothiques existent encore[7],[N 1], parfois très remaniées, alors que l'hôtel gothique dont elles faisaient partie n'existe généralement plus. Parmi les mieux conservées ou les plus emblématiques citons la tour de Serta (1529), la tour de Boysson (1515) à ne pas confondre avec son homonyme de l'hôtel Boysson-Cheverry de la fin du XVe siècle, la tour de Bruni (1510), la tour Ysalguier datée du XIVe siècle, la tour d'Olmières (1503 ou 1521), la tour de Séguy (1477), la tour de Noël Rolle (1478), la tour de Carreri (1483), la tour Delcros-Lancefoc (fin XVe siècle), la tour de Reynier (1502), la tour de Béringuier-Bonnefoy (1513)...

Les hôtels particuliers de style gothique[modifier | modifier le code]

Quelques-uns des hôtels particuliers de style gothique ont toutefois pu garder plus que leur tour d'escalier. C'est le cas par exemple de l’hôtel de Catel (fin XVe siècle), demeure de capitoul, et de l’hôtel Delfau (1495), du marchand de pastel Pierre Delfau. L’hôtel Boysson-Cheverry mêle une tour d'escalier et un bâtiment gothiques dus au capitoul Huc de Boysson (vers 1468) à des éléments Renaissance. Autre hôtel mixte, l’hôtel de Bernuy est bien connu pour sa cour Renaissance des années 1530 mais sa première cour construite entre 1503 et 1520 en style gothique abrite une des plus belles tours d'escalier de Toulouse (1504). Jean de Bernuy spécifia qu'il voulait sa tour aussi haute que celle de son beau-père, le procureur du roi Arnaud du Faur. L’hôtel Dahus (années 1460-70) a conservé au moins partiellement son corps de logis. L'adjonction à la Renaissance d'une très belle tour d'escalier en fait également un bel hôtel mixte.

L'Hôtel Dahus[modifier | modifier le code]

Adresse : 9 rue Théodore-Ozenne. Inscrit MH.

Issu d'une famille de magistrats de longue date, Pierre Dahus est élu capitoul en 1474 et sa carrière judiciaire l'amène en 1475 à devenir juge d'appeaux en sénéchaussée de Toulouse et Albigeois. Il est l'un des premiers à s'éloigner du quartier marchand et à rapprocher son hôtel du Parlement, au sud de la cité, ce qui lui permet d'acheter un très grand terrain de 3 600 m2 autorisant un beau jardin ; cette parcelle sera démembrée en 1488 en plusieurs hôtels particuliers. Bâti dans les années 1460-1470, l'édifice qui a conservé le nom d'hôtel Dahus après le démembrement est rectangulaire, l'intérieur est divisé par un mur de refend qui deviendra plus tard la façade sur la rue Théodore-Ozenne. L'hôtel est couronné de faux créneaux et faux mâchicoulis, s'inspirant des châteaux ou manoirs seigneuriaux de la noblesse traditionnelle que cherchait à imiter la nouvelle noblesse de robe. Le percement de la rue Théodore-Ozenne en 1910 emporte la partie ouest de l'hôtel, mais une campagne de restauration transforme l'ancien mur de refend en façade ouest et restitue les fenêtres gothiques à croisée (disparues au XVIIIe siècle pour des fenêtres plus grandes). Des remplois d'éléments authentiques décorent la façade, comme ces armoiries des propriétaires du XVIIe siècle sculptées dans un beau marbre gris[3].

Malgré les mutilations, les restaurations ont fait de la construction un beau témoignage de l'hôtel du XVe siècle, vaste résidence urbaine avec cour et jardin d'un caractère seigneurial, et à l'origine de ce qui deviendra le quartier des parlementaires[3]. Vers 1530 le parlementaire Guillaume de Tournoer fait détruire la tour d'escalier d'origine pour la remplacer par une tour Renaissance très ornée, ce qui vaut à l'hôtel d'être désormais souvent désigné sous le nom de Dahus-Tournoer.

L'hôtel de Boysson-Cheverry[modifier | modifier le code]

Adresse : 11 rue Malcousinat. Classé MH.

Huc de Boysson, capitoul en 1468, voit en 1463 la ruine de l'édifice ancien lors du grand incendie qui touche la ville. Il fait entièrement rebâtir son hôtel, terminé à sa mort en 1478. Les corps de bâtiments construits alors et encore en place aujourd'hui sont le logis et la tour haute de 26 mètres situés en fond de cour[8]. Dans la seconde cour des fenêtres à croisées ou à traverse éclairent le corps de logis médiéval, l'une d'elles est particulièrement ornée et passe pour être la plus belle fenêtre gothique de Toulouse.

L'hôtel fait ensuite l'objet d'une deuxième campagne de construction par le capitoul Jean de Cheverry en 1535, le dotant notamment de fenêtres Renaissance dans la première cour et d'un corps de bâtiment avec galerie à arcades dans la deuxième cour.

L'hôtel de Catel[modifier | modifier le code]

Adresse : 6 place Saint-Étienne. Inscrit MH.

L'hôtel actuel est en partie contemporain de Jean Catel, propriétaire devenu capitoul en 1483 puis en 1498, et de sa femme Jeanne de Gaillac. C'est sur la cour que l'on trouve les éléments de l'hôtel médiéval : la tour d'escalier, partiellement remaniée, et une façade dotée de fenêtres à croisées et fenêtres à traverse ornées par des éléments sculptés (ainsi que d'une porte Renaissance). Les éléments sculptés en pierre ornant les baies représentent les motifs de chou frisé, de dragon, d'une femme portant un phylactère, d'anges[8].

L'hôtel Delfau[modifier | modifier le code]

Adresse : 20 rue de la Bourse. Inscrit MH.

C'est dans la rue de la Bourse, dévastée par le grand incendie de 1463, que Pierre Delfau, marchand de pastel, fait bâtir entre 1493 et 1497 un hôtel d'une ampleur nouvelle à Toulouse : la cour intérieure n'est plus une cour de service mais une cour d'honneur aux belles façades. La boutique est couverte de quatre voûtes sur croisée d'ogives retombant sur des culots sculptés de têtes d'anges. À droite de la boutique la belle porte en accolade porte le monogramme du Christ et un écu avec la marque du marchand : dans une bordure ondée, un cœur timbré d'un losange et surmonté d'une croix de Lorraine. Elle ouvre sur un couloir latéral voûté d'ogives sur cinq travées menant à la cour intérieure. Sur la rue les baies gothiques ont malheureusement été remplacées au XVIIIe siècle par de grandes fenêtres, mais elles ont été conservées sur ce même bâtiment côté cour, ainsi que sur la tour d'escalier haute de vingt-deux mètres. Les galeries à arcades qui desservent le bâtiment en fond de cour, aujourd'hui murées, ont été prévues dès l'origine mais sont bâties à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe, avec un dernier niveau décoré de pilastres doriques et ioniques[3].

L'hôtel de Bernuy (parties gothiques)[modifier | modifier le code]

Adresse : 1 rue Gambetta. Classé MH.

Arrivé d'Espagne à Toulouse en 1499, Jean de Bernuy devient rapidement un grand acteur international dans le commerce du pastel. C'est en 1502 qu'il commence l'édification de son hôtel particulier, tout d'abord par une petite cour gothique où il fait bâtir en 1504 une grande tour d'escalier par le maçon Merigo Cayla. Un soin tout particulier est apporté à cette tour : garde-corps flamboyant, nombreuses gargouilles, trompe de pierre à la base de la tourelle, fenêtres pliées sur l'angle, médaillons (aujourd'hui très abîmés) au-dessus des fenêtres, et une pièce haute sous la terrasse. La façade sur rue s'inscrit dans la tradition du gothique flamboyant avec son portail en accolade et ses choux frisés[3].

La Renaissance[modifier | modifier le code]

À la Renaissance, Toulouse connut un âge d'or. La présence dans la ville du deuxième parlement de France, du siège d'un vaste archevêché, d'une université réputée et d'une bourgeoisie marchande et financière à l'opulence et aux ambitions croissantes entretint un climat d'émulation sociale dans lequel il était important de s'afficher. Les répercussions sur le paysage urbain ne se firent pas attendre : Toulouse se dota en quelques décennies d'une remarquable parure d'hôtels particuliers, au point qu'à la fin du XVIe siècle l'érudit Joseph Juste Scaliger décrivait Toulouse comme la plus belle ville de France : « Toulouse était bâtie de sapins, il y a 70 ans ; le feu s'y prit, il brûla 800 maisons ; depuis ils ont bâti de brique et de marbre. C'est la plus belle ville de France. Ce sont des palais que les maisons. »[9]. Parmi la vingtaine d'hôtels particuliers Renaissance toulousains parvenus plus ou moins intacts jusqu'à notre époque, le poids des marchands de pastel, s'il est emblématique, ne doit cependant pas être surestimé. On leur doit principalement deux des plus célèbres hôtels particuliers de Toulouse : l’hôtel d'Assézat et l’hôtel de Bernuy, ainsi qu'une partie de l’hôtel Boysson-Cheverry. Mais la majorité des autres hôtels Renaissance furent bâtis par des parlementaires, et le reste par des marchands qui ne faisaient pas commerce du pastel[6] ou par des médecins.

Exemple d'influence des gravures de Serlio.

Les hôtels Renaissance de Toulouse se caractérisent par une architecture savante qui reposait sur les livres illustrés de gravures montrant les monuments de Rome ainsi que sur les traités d'architecture comme ceux de Vitruve, d'Alberti ou de Serlio. Les chantiers royaux de Louis XII et de François Ier en val de Loire, les châteaux franciliens de Madrid, du Louvre, de Fontainebleau furent aussi une importante source d'inspiration[6]. Les propriétaires éclairés réclamaient des éléments « à l'anticque », que l'on retrouve surtout sur les fenêtres, portails, cheminées et moulures[10].

S'ils recherchaient ces nouveautés de la Renaissance, nombre de propriétaires souhaitèrent toutefois conserver également des marqueurs architecturaux qui faisaient le prestige des hôtels gothiques précédents : faux créneaux, faux mâchicoulis, tour d'escalier avec terrasse... ainsi à l'hôtel d'Assézat, très novateur avec ses façades Renaissance classiques où se superposent les ordres d'architecture, l'escalier à rampes droites prend place dans une tour que sa partie supérieure en brique ancre dans une tradition bien toulousaine.


Un siècle d'hôtels Renaissance : de ˜1520 à ˜1620[modifier | modifier le code]

Comme dans les principales zones de création artistique d'Europe, le vocabulaire architectural considéré comme « antique », qui s'était développé en Italie au Quattrocento, fit son apparition à Toulouse dès les premières décennies du XVIe siècle[9]. Se caractérisant d'abord par un décor superficiel de motifs végétaux, grotesques et candélabres, où s'affirme la figure humaine sur des structures encore gothiques[10], ce nouveau style connut ensuite un épanouissement classique puis, malgré les guerres de Religion, s'enrichit de développements maniéristes des plus inventifs qui perdurèrent jusque dans les années 1610-1620[9].

L'hôtel du Vieux-Raisin (première campagne)[modifier | modifier le code]

Adresse : 36 rue du Languedoc. Classé MH.

En 1515 le juriste et capitoul Béringuier Maynier acquiert un hôtel du XVe siècle faisant autrefois partie de la grande parcelle de l'hôtel Dahus. Sur un nouveau logis encadré de deux tours d'escalier prolongées de deux courtes ailes (première travée des ailes actuelles), il fait placer de nombreuses fenêtres richement ornées de pilastres, de candélabres et de rinceaux. Des bustes en médaillon viennent décorer la grande tour d'escalier[11], alors qu'une devise en latin est gravée sur le linteau de la porte : VIVITUR INGENIO CETERA MORTIS ERUNT, (« On vit par l'esprit, tout le reste appartient à la mort »).

Dans l'hôtel une cheminée d'apparat met à l'honneur la grande culture humaniste du propriétaire, son décor constitue une apologie de la fortune, de l'abondance et de la fertilité[11].

L'hôtel de Pins[modifier | modifier le code]

Adresse : 46 rue du Languedoc. Maintenant hôtel Antonin, inscrit MH.

Après un séjour en Italie comme ambassadeur de 1515 à 1522, Jean de Pins entreprend vers 1530 la construction de sa demeure composée de deux corps de logis et de galeries superposées. Inspiré par ce qu'il a vu en Italie, il rompt avec la tradition toulousaine de la grande tour d'escalier pour lui préférer des galeries à arcades et un jardin. Des portraits en médaillon célèbrent la figure humaine et Jean de Pins fait sculpter des pilastres ioniques tirés de la gravure d'un traité consacré à l'architecture antique, publié en Italie en 1521, dont il a eu probablement connaissance lors de son séjour à Milan[11].

Jean de Nolet, le propriétaire suivant, fait construire en 1542 une boutique à arcades sur rue. Pour décorer ses galeries il fait sculpter des portraits en médaillon par Nicolas Bachelier.

L'hôtel est en grande partie détruit par le percement de la rue du Languedoc au début du XXe siècle. Plusieurs vestiges de ce bâtiment, considéré au XVIe siècle comme un « magnifique palais » sont toutefois conservés et intégrés à l’hôtel Antonin élevé sur le même emplacement en 1903, ainsi qu'à l'hôtel Thomas de Montval bâti en 1904 rue Croix-Baragnon. À l'hôtel Antonin, l'architecte Joseph Thillet superpose artificiellement deux galeries : celle du rez-de-chaussée provient de la partie transformée par Nolet alors que celle de l'étage est due à Jean de Pins[11]. À l'hôtel Thomas de Montval ce sont des arcades de Nolet qui sont remontées dans la cour.

L'hôtel d'Ulmo[modifier | modifier le code]

Adresse : 15 rue Ninau. Inscrit MH.

Construit entre 1526 et 1536 pour Jean d'Ulmo, président à mortier au Parlement, cet hôtel est le premier à Toulouse à adopter un escalier droit et non plus en vis. Il est également un des rares hôtels entre cour et jardin encore conservés.

L'escalier droit en œuvre ouvre à chaque niveau sur les deux parties de l'appartement. Dans la cage, des pilastres et plates-bandes sont décorés de petits chapiteaux composites surmontés de portions d'entablement. Au dernier étage se trouve une voûte flamboyante dont la rencontre avec des pilastres classiques illustre le caractère des solutions françaises : les artistes ont assimilé toutes les finesses du vocabulaire Renaissance, mais ils souhaitent également conserver la grande tradition des voûtes savantes « qui ennoblissent et peuvent apporter un signe d'éternité »[3].

Le pavillon du perron, avec ses colonnettes de marbre et son dôme de pierre, est probablement du XVIIe siècle. Il est possible toutefois qu'un baldaquin du XVIe siècle qui se trouvait alors dans la cour du Parlement de Toulouse ait servi de modèle à celui-ci[3].

L'hôtel de Bernuy (cour Renaissance)[modifier | modifier le code]

Adresse : 1 rue Gambetta. Classé MH.

Après avoir commandité une première campagne de travaux dès 1502, conduisant notamment à l'érection de la tour d'escalier gothique, vers 1530 c'est à l'architecte Louis Privat que Jean de Bernuy confie la construction d'une nouvelle cour où se développe avec abondance le langage de la Renaissance[11].

Les portraits en médaillon des propriétaires dominent la cour et le visiteur. Sur la galerie haute, les fenêtres présentent, pour la première fois à Toulouse, des colonnes corinthiennes dont le dessin est tiré d'un traité d'architecture. De longues colonnes-candélabres donnent une exceptionnelle monumentalité à la cour dont le prestige est encore rehaussé par l'emploi abondant de la pierre, matériau luxueux à Toulouse de par sa rareté et son prix sur le marché local, qui affiche la richesse du propriétaire[11].

Par son architecture ambitieuse et sa taille démesurée, la grande voûte surbaissée est le morceau le plus extraordinaire de cette cour. Les cloisons des caissons, comme les roses pendantes en leur centre, ne suivent pas la courbure de la voûte mais sont strictement verticales, ce qui a considérablement compliqué le travail du tailleur de pierre[11].

Considérée comme un magnifique témoin de l'introduction de la Renaissance à Toulouse et comme un symbole de l'opulence de la cité, cette cour de l'hôtel de Bernuy a été partiellement reproduite à la Cité de l'architecture et du patrimoine afin d'illustrer le style de la Première Renaissance en France.

L'hôtel Dahus-Tournoer[modifier | modifier le code]

Adresse : 9 rue Théodore-Ozenne. Inscrit MH.

En 1528, Guillaume de Tournoer, deuxième président du Parlement, rachète l'hôtel Dahus bâti dans les années 1460-1470. Vers 1532 il fait reconstruire la tour d'escalier. L'escalier en vis est, avec son pilier central torsadé, le plus spacieux et le plus beau de ce type de la Renaissance toulousaine. Au-dessus de la porte encadrée de pilastres à chapiteaux composites, deux beaux lions dressés entourent une urne funéraire qui évoquerait la mort du fils de Tournoer. La fenêtre qui surmonte la porte est couronnée d'un fronton trilobé orné de putti tenant une guirlande de fruits et une corne d'abondance. Une devise en latin prend place dans ce décor autour d'un blason martelé : ESTO MICHI DOMINE TURRIS FORTITUDINIS A FACIE INIMICI (« Sois pour moi, Seigneur, une tour de courage face à l'ennemi »)[3].

L'hôtel de Bagis[modifier | modifier le code]

Adresse : 25 rue de la Dalbade. Classé MH.

En 1538 le parlementaire Jean de Bagis confie la construction de son hôtel à Nicolas Bachelier et au maçon Antoine Lescalle, assistés dans la conception du projet par le prieur de La Réole, Jean Albert. Les idéaux classiques dictent la régularité de la cour carrée et la symétrie des façades. En référence à l'architecture antique, l'ordre dorique fait son apparition dans le décor de l'escalier ainsi que sur les baies en pierre qui donnent à la demeure un luxe digne du propriétaire, membre du Grand Conseil du roi[11].

L'escalier n'est plus placé dans une tour mais au cœur du logis. Sa présence en façade est indiquée par un portail aux splendides atlantes. En raison de leur expressivité et de leur qualité d'exécution, ils ont longtemps été attribués au sculpteur Nicolas Bachelier. Toutefois, les travaux sous sa responsabilité ne faisant pas mention de ce portail, la datation et l'attribution de ces sculptures sont encore au cœur des recherches actuelles[11].

L'hôtel de La Mamye[modifier | modifier le code]

Adresse : 31 rue de la Dalbade. Inscrit MH.

C'est dans la petite cour d'honneur de cet hôtel des années 1540 que le conseiller au parlement Guillaume de Lamamye fait élever une façade de galeries à ordres superposés. De grandes colonnes doriques, ioniques puis corinthiennes se succèdent à chaque niveau de l'élévation, rappelant des monuments romains prestigieux tels que le Colisée ou le théâtre de Marcellus. Dans la cour se dresse également une grande tour d'escalier polygonale de la Renaissance[11].

L'hôtel de Guillaume de Bernuy[modifier | modifier le code]

Adresse : 5 rue de la Pomme. Inscrit MH.

Entre 1540 et 1544, Guillaume de Bernuy, greffier au parlement et fils du célèbre marchand de pastel Jean de Bernuy, emploie l'architecte et sculpteur Nicolas Bachelier à la modernisation d'une demeure que lui avait transmise son père. Bachelier y fait étalage de sa culture savante : l'escalier du corps de logis, comme à l’hôtel de Bagis, est à rampes droites dans le corps du bâtiment. Il est signalé par un portail monumental, véritable morceau de bravoure suppléant la tour d'escalier dans son rôle symbolique[11]. Les colonnes jumelées sur l'angle et les chapiteaux doriques s'inspirent de la version antique la plus sophistiquée de cet ordre : celle de la basilique Æmilia à Rome[9].

Les décors s'inspirent des ornements de la galerie François Ier à Fontainebleau, diffusés par des graveurs tels que Fantuzzi, Androuet du Cerceau ou Léonard Thiry, témoignant de la rapidité avec laquelle les formes ont circulé à la Renaissance. La mode royale était tout particulièrement scrutée et les sculpteurs devaient sans cesse s'approprier les dernières innovations ornementales, réclamées par les propriétaires[11].

L'hôtel de Brucelles[modifier | modifier le code]

Adresse : 19 rue des Changes. Inscrit MH.

Édifié en 1544 par le marchand drapier Arnaud de Brucelles (élu capitoul en 1534-35) sur une petite parcelle ouverte sur la rue des Changes, l'hôtel de Brucelles est situé en plein cœur du quartier marchand. Contraint par la faible superficie de la cour, c'est en hauteur et par le moyen d'une très haute tour d'escalier, magnifiée par des sculptures en pierre, que le propriétaire exprime son ambition. Les bustes en pierre, représentant chacun un personnage vêtu à l'antique (cuirasse, toge) ou à la mode du XVIe siècle, couronnent des fenêtres dotées de petites colonnes[11].

L'hôtel de Mansencal[modifier | modifier le code]

Adresse : 1 rue Espinasse. Inscrit MH.

Grand protecteur des lettres et jugé « sçavant jusqu'aux dentz » par ses contemporains, le premier président au Parlement Jean de Mansencal fait construire vers 1540-1560 un hôtel qui s'organise entre cour et jardin, doté de l'une des plus hautes tours d'escalier de la ville[11].

La façade sur jardin, autrefois spectaculaire avec ses cinq travées ordonnancées, ne conserve plus aujourd'hui que deux de ces travées dont l'élévation témoigne d'une recherche de symétrie et de régularité[11]. Aux trois niveaux, des ouvertures à chambranle sont intégrées à une ordonnance de pilastres à l'antique taillés dans la brique (ainsi que les arcades) où les ordres se superposent, y compris sur les colonnettes en pierre intégrées à l'encadrement des baies[3].

Dans la cage d'escalier de la tour, une salle haute accessible par la tourelle est supportée par une voûte dont les nervures se développent depuis une colonne corinthienne. Se rencontrent ici de belle manière le savoir-faire traditionnel du maître tailleur de pierre et la fascination nouvelle à la Renaissance pour l'architecture classique[11].

L'hôtel de Felzins (ou de Molinier)[modifier | modifier le code]

Adresse : 22 rue de la Dalbade. Classé MH sous le nom Hôtel Felzins [12]

Le parlementaire Gaspard Molinier fait bâtir son hôtel à partir de 1550. Conçu d'après un modèle du Livre extraordinaire de Serlio de 1551, le portail de 1556 témoigne de la rapidité avec laquelle les modèles prestigieux pouvaient être adaptés à Toulouse. Orné de termes d'après Marcantonio Raimondi, de harpies, mascarons, cuirs, vases et guirlandes d'abondance d'esprit bellifontain, il est enrichi de plusieurs dizaines de marbres de couleur soigneusement taillés et polis enchâssés dans la pierre à la manière de bijoux sertis. Leur abondance, variété et qualité témoignent du rôle joué alors par Toulouse dans l'approvisionnement de plusieurs chantiers royaux. Dominique Bertin en effet, nommé « conducteur de marbre pour le roy », co-auteur d'une édition toulousaine de Vitruve et qui fréquente les grands architectes royaux (Lescot, le Primatice, De l'Orme), fait rouvrir dans les Pyrénées des carrières romaines et commence des envois vers Paris dès 1553, afin d'approvisionner en marbres de couleur de nombreux chantiers dont le Louvre. Ces marbres de l'hôtel Molinier illustrent ainsi l'une des particularités de la Renaissance toulousaine tout autant que son rayonnement, ils ont en outre la double qualité de renvoyer aux fastes de la Rome impériale et de s'accorder au goût le plus rare et le plus luxueux du souverain[9].

Dans ce qui était autrefois un jardin (désormais une cour) se trouve une tourelle en encorbellement ornée d'un décor savant (1552). Des putti magnifiquement sculptés jouent avec une guirlande végétale, symbole d'abondance et de fertilité. Trois siècles plus tard, cette tourelle servira de référence aux frères Virebent pour l'hôtel du 5 rue Baronie et pour le cul-de-lampe d'une chaire à prêcher de la cathédrale de Toulouse[11].

L'hôtel d'Assézat[modifier | modifier le code]

Adresse : 7 place d'Assézat. Classé MH.

Venu du Rouergue, Pierre Assézat fait fortune dans le commerce du pastel dont il devient l'un des principaux négociants internationaux. Son hôtel se distingue par ses dimensions et son décor exceptionnels mais aussi par son très bon état de conservation, ce qui lui vaut d'être cité dans toutes les synthèses consacrées à la Renaissance française[11].

Assézat charge le maçon Jean Castagné et l'architecte Nicolas Bachelier de réaliser la première campagne de travaux en 1555-1557, qui permet d'édifier le corps principal en L de l'hôtel ainsi que le pavillon d'escalier dans l'angle. L'ordonnance des façades, scandées régulièrement sur leurs trois niveaux par des colonnes jumelées doriques, ioniques puis corinthiennes, s'inspire des grands modèles antiques comme le Colisée mais aussi des traités de l'architecte royal Serlio[11].

La construction est interrompue à la mort de Castagnié et de Bachelier, puis reprise en 1560 sous la direction de Dominique Bachelier, fils de Nicolas. Il entreprend la réalisation de la loggia et de la coursière, qui ferment la cour, et du portail sur rue. Les nombreux jeux polychromes brique-pierre et certains ornements tels que les cabochons, pointes de diamant, masques, sont propres à l'esthétique de l'architecture maniériste[11].

Dominique Bachelier conçoit aussi le portail d'entrée monumental, l'arc de la porte est tiré du Livre extraordinaire de Serlio. La porte est encadrée de pilastres doriques décorés de pointes de diamant conférant à l'ensemble une dimension précieuse. En partie haute, les pilastres ioniques autour de la fenêtre à meneaux sont cannelés et délicatement ornés, l'ensemble évoque à la fois la puissance et une érudition délicate[11].

Dans la cour, la coursière repose sur de grandes consoles à volutes dont la face avant est ornée de masques grotesques tous différents. Sur les parties latérales, des gousses végétales, présentées parfois à tort comme des feuilles de pastel, naissent de l'enroulement de la volute. Ces consoles illustrent l'esthétique maniériste où se confondent les règnes minéral, végétal et animal. Ces motifs raffinés, mis en valeur par les jeux de polychromie et de relief qui composent la coursière, furent très appréciés des contemporains et imités sur d'autres chantiers comme à l'hôtel de Massas (aujourd'hui appelé d'Aldéguier) et au château de Laréole[11].

L'hôtel d'Astorg et de Saint-Germain[modifier | modifier le code]

Adresse : 16 rue des Changes. Inscrit MH.

Édifié en 1568 par le marchand Jean Astorg sur l'un des principaux axes de la ville de la Renaissance, cet édifice conserve plusieurs caractéristiques de la demeure marchande. Le bâtiment sur rue est occupé en rez-de-chaussée par des boutiques et présente une porte d'entrée latérale ouvrant sur un passage couvert qui donne accès à la cour d'honneur. La particularité de cet hôtel est d'avoir conservé dans la cour ses deux escaliers extérieurs en bois hors œuvre et leurs coursives - en bois également - desservant les bâtiments sur cour. Cette architecture de bois, décorée de balustres moulurés et de volutes affrontées, était très pratiquée à la Renaissance[11].

L'hôtel de Massas (ou hôtel d'Aldeguier)[modifier | modifier le code]

Adresse : 29 rue de la Dalbade. Non protégé MH.

Souvent nommé hôtel d'Aldéguier en référence à l'un de ses propriétaires devenu capitoul en 1603, l'histoire mal connue et mouvementée de cet hôtel entre cour et jardin semble plutôt commencer dans le dernier quart du XVIe siècle avec Géraud de Massas, conseiller au Parlement. Pour régulariser la cour, divers éléments furent déplacés ou remaniés en 1865, faisant notamment disparaître sur le mur nord de la cour une coursière en encorbellement dont il ne reste que les arcs en brique décorés de pointes de diamant, comme à l'hôtel d'Assézat. Les fenêtres sont abondamment décorées, les jeux de polychromie brique-pierre et certains motifs tels des masques, pointes de diamant, monstres hybrides, termes, relèvent de l'architecture maniériste de la seconde moitié du siècle[11].

L'hôtel Dumay[modifier | modifier le code]

Adresse : 7 rue du May. Inscrit MH.

Antoine Dumay, premier médecin de la reine de Navarre, fait bâtir son hôtel entre 1580 et 1600. Derrière un haut mur de brique et une grande porte cochère se trouve une cour d'une belle harmonie, ceinte de quatre corps de bâtiment. Les ailes sont desservies de manière traditionnelle par des escaliers en vis et des galeries. Tables et cabochons de marbres polychromes pyrénéens viennent décorer les façades[9].

L'hôtel du Vieux-Raisin (deuxième et troisième campagnes)[modifier | modifier le code]

Adresse : 36 rue du Languedoc. Classé MH.

En 1547, le parlementaire Jean de Burnet acquiert l'hôtel de Béringuier Maynier. Entre 1547 et 1577 il fait agrandir la cour d'honneur et lui donne une forme carrée avec le prolongement des ailes (au-delà de la première travée). Elle est fermée par un portique dont les colonnes doriques et l'alternance brique-pierre s'inspirent de la loggia d'Assézat.

Entre 1580 et 1591 l'évêque Pierre de Lancrau, devenu propriétaire, fait surélever la grande tour d'escalier et édifier plusieurs fenêtres à atlantes[11].

Dans la cour, certaines fenêtres à atlantes de l'étage pourraient dater de la deuxième campagne de travaux et être de la main de Nicolas Bachelier, celles du rez-de-chaussée seraient de la troisième campagne (fin du XVIe siècle). Les atlantes et cariatides décorant les fenêtres sont remarquables de diversité et de réalisme, à l'étage leurs musculatures crispées semblent difficilement porter l'entablement des baies, au rez-de-chaussée les personnages hybrides aux pattes de lion ou en pilastres affichent un grand réalisme anatomique et psychologique. D'autres motifs sculptés abondent dans les encadrements et font référence aux décors d'édifices royaux comme la Galerie François Ier à Fontainebleau et s'inspirent même parfois d'œuvres célèbres de Benvenuto Cellini et de Michel-Ange[11].

L'hôtel de Lestang[modifier | modifier le code]

Adresse : 20 rue Saint-Jacques. Inscrit MH.

C'est le prélat Christophe de Lestang qui fait bâtir cet hôtel entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle. Tour à tour évêque de Lodève, d'Alet puis de Carcassonne, il constitue en plein quartier ecclésiastique une parcelle de 3 000 m2 avec un vaste jardin. Imposant bâtiment rectangulaire à deux étages, l'édifice est tourné vers le jardin où se trouvent sa belle façade et la porte d'entrée. Le décor est dans les ouvertures agrémentées de motifs de brique et de pierre qui forment des consoles au dernier étage. Aux angles du bâtiment, deux pilastres cannelés montent de fond en comble. L'entrée actuelle du bâtiment n'est pas celle d'origine, mais l'escalier est intact avec ses parois de brique et son décor classique de pilastres et de grandes niches à coquilles[3].

Sur la place Saint-Jacques, le portail reprend les codes esthétiques toulousains de cette époque. Son encadrement est composé d'une alternance de briques et de pierres, traitées en bossage ou végétalisées, créant une bichromie reprise dans l'encadrement des fenêtres à meneaux et à ailerons du corps, donnant alors une harmonie visuelle à l'ensemble du bâtiment[8].

L'hôtel de Clary (ou hôtel de pierre)[modifier | modifier le code]

Adresse : 25 rue de la Dalbade. Classé MH.

Au début du XVIIe siècle, l’hôtel de Bagis est racheté par François de Clary, premier président au parlement, et sa femme. Pour la façade sur rue, Clary fait appel à l'architecte Pierre II Souffron et aux sculpteurs Pierre Bouc, Pierre Monge et Thomas Heurtematte. Unique dans la ville à la Renaissance, cette façade en pierre est rythmée par huit travées dans une composition symétrique. Inachevée à la mort des propriétaires, elle est terminée en 1857 par Urbain Vitry à partir des sculptures existantes[11].

Clary fait figurer ses armes (aigle et soleil) sur les chapiteaux des pilastres colossaux, tandis qu'au-dessus de l'entrée les dieux Apollon et Mercure et les déesses Junon et Minerve célèbrent le couple de propriétaires. Cette façade extraordinaire explique le surnom d'hôtel de pierre donné au bâtiment. La pierre, absente de la géologie locale et dont il fallait assurer le transport depuis le piémont pyrénéen, était de par sa rareté et son prix un véritable matériau de luxe à Toulouse. Aussi cette façade de Clary fit-elle forte impression et donna-t-elle naissance à un dicton populaire sous-entendant que Clary avait détourné à son profit les matériaux destinés aux travaux du Pont-Neuf dont il assurait la supervision : « Il y a plus de pierres du pont à l'hôtel de pierre que de pierres au pont »[11].

Les riches ornements maniéristes des façades est et sud de la cour, avec leurs incrustations de marbre et leur abondant décor sculpté, datent également du début du XVIIe siècle[11].

Autres hôtels ou vestiges de la Renaissance[modifier | modifier le code]

Le XVIIe siècle (hors fin Renaissance)[modifier | modifier le code]

Après la Renaissance, les décors se font moins nombreux et ostentatoires, du fait de la place accordée à la sobriété des structures architecturales et au développement des décors intérieurs. Les jeux de couleurs (entre la brique et la pierre) et de reliefs (bossage) constituent des solutions moins coûteuses et néanmoins efficaces pour animer les façades, la figure humaine ne s'exprime plus qu'à travers les mascarons[10].

La fin du XVIe siècle voit l'affaiblissement de l'activité marchande à Toulouse, et au XVIIe siècle les parlementaires s'affirment comme l'élite de la société toulousaine. Selon le mot de l'historien Michel Taillefer, Toulouse, ville de parlement, est devenue la ville du Parlement. À quelques exceptions près, ce sont donc les parlementaires qui font désormais bâtir la plupart des nouveaux hôtels particuliers[3].

Lors des premières décennies du siècle, l'accent est mis sur l'alternance brique-pierre sur les ouvertures, les petits motifs savants sur les linteaux, meneaux et traverses des fenêtres[3].

Vers le milieu du siècle, comme à Paris, les baies adoptent des encadrements simplifiés qui se détachent sur le nu du mur pour fournir, par le jeu d'alternance des matériaux, un effet de bossage. Les trumeaux s'animent de tables saillantes ou creuses et des dosserets recoupés par des bandeaux horizontaux réunissent les ouvertures. On retrouve là les dispositions proposées dans le recueil de Pierre Le Muet « La manière de bien bâtir pour toutes sortes de personnes », publié à Paris en 1623 et largement diffusé dans toute la France. Sur ces élévations répétitives, seul le portail tranche de façon spectaculaire et fournit à coup sûr le signe distinctif d'une présence aristocratique avec son format imposant dû à la vogue du carrosse[3].

À la fin du siècle l'architecte Jean-Pierre Rivalz introduit la formule du palais italien, avant d'être recruté par les capitouls comme architecte de la Ville. Par ailleurs un nouvel élément d'animation apparaît : le balcon avec son garde-corps en fer forgé[3].

L'hôtel de Caulet[modifier | modifier le code]

Adresse : 3 rue du colonel-lieutenant Pélissier. Inscrit MH.

Cet hôtel est construit au tout début du XVIIe siècle pour Jean-Georges de Caulet, seigneur d'Auterive, trésorier de France et, à la fin de sa vie, président à mortier au Parlement. Caulet a voulu son hôtel, dont il ne reste aujourd'hui pratiquement que la façade, somptueux et vaste pour ses nombreux enfants et domestiques. Dans les angles les tourelles carrées abritent des escaliers en vis, mais la porte d'entrée ouvrait sur un escalier rampe sur rampe. Au XVIIIe siècle on édifia le portail et agrandit les fenêtres. L'encadrement brique et pierre sert de motif commun aux ouvertures qui sont le seul ornement des façades[3].

L'hôtel de Chalvet[modifier | modifier le code]

Adresse : 12 place du Parlement. Non protégé MH.

Construit entre 1610 et 1620, l'hôtel de Chalvet est caractéristique des demeures que font édifier les parlementaires à proximité du Parlement (alors situé à l'emplacement de l'actuel Palais de justice). Son grand portail surmonté d'un fronton annonce les hautes fonctions des propriétaires de l'hôtel, on retrouve sur les ouvertures l'alternance brique et pierre caractéristique de ce siècle. Les étages sont desservis par un bel escalier tournant à retour rampe sur rampe, dont les deux piliers servant de noyaux font alterner la brique et la pierre. Il est pourvu d'une rampe en balustres de pierre[8].

L'hôtel de Marvéjol[modifier | modifier le code]

Adresse : 47 rue Pharaon. Inscrit MH.

Cet hôtel bâti au tout début du XVIIe siècle vit sa façade sur rue être remaniée à peine dix ans plus tard par le nouveau propriétaire, Jean de Marvéjol[8], marchand et capitoul (en 1631-1632). Cette façade donnant sur la grande rue a conservé son portail et son arc de boutique. La cour a gardé son puits et, pour accéder aux étages des deux corps de bâtiments, des galeries superposées aux balustres de bois. Des arcades livrent passage vers la cage d'escalier, formant sur chaque palier une sorte de loggia ouvrant sur la cour. Cette formule, inhabituelle à Toulouse, se rattache à une tradition méridionale dont les hôtels particuliers de Montpellier ont donné les plus spectaculaires variations[3].

L'hôtel Maleprade[modifier | modifier le code]

Adresse : 43 rue Gambetta. Non protégé MH.

Cet hôtel bâti dans les années 1620, dont il reste deux façades, se rattache à une famille d'édifices de la même époque : hôtel de Caulet, hôtel de Chalvet, hôtel Comère.

L'hôtel Comère[modifier | modifier le code]

Adresse : 3 rue St-Rome. Inscrit MH.

Daté des années 1620, l'hôtel de Pierre Comère réunit logis et boutique de marchands sur la grande rue. La façade principale concentre son décor sur les fenêtres et sur l'arc de boutique, l'effet en est renforcé par l'alternance de la brique et de la pierre. Dans une rue latérale le portail à carrosses, composition savante entièrement taillée dans la brique, illustre l'ambition nobiliaire d'un marchand devenu capitoul (charge anoblissante depuis le XVIe siècle)[3].

L'hôtel Desplats[modifier | modifier le code]

Adresse : 43 rue des Tourneurs. Inscrit MH.

Remonté dans la cour de l'hôtel Palaminy (XIXe siècle) alors qu'il donnait initialement sur la rue, un fastueux portail élevé dans un style de transition entre la Renaissance tardive et le baroque réunit pilastres à refends et décor exubérant comparable aux entrées des plus belles demeures parisiennes du quartier du Marais[3]. Il fut édifié par Jean-Pierre Desplats, président à mortier au Parlement de 1620 à 1622. L'aile nord conserve les caves, les cuisines du rez-de-chaussée à voûtes sur croisées d’ogives et les plafonds à la française à solives et poutres[8].

Au-dessus du portail monumental, un grand écusson (martelé à la Révolution) soutenu par deux superbes lions héraldiques est surmonté du casque de face empanaché et du mortier, et est entouré du manteau d'hermine, attributs des présidents à mortier.

L'hôtel Réquy[modifier | modifier le code]

Adresse : 9 rue St-Rémésy. Inscrit MH.

Construit en 1626 pour un avocat au Parlement, Augier de Lamotte, il est remanié au milieu de ce même siècle pour un riche marchand, Pierre de Réqui. Le maître d’œuvre en est Claude Pacot, qui vient d'achever l'hôtel Comère. L'entablement de la porte cochère est supporté par deux consoles sur lesquelles sont sculptés deux atlantes engainés, au dernier étage les meneaux des croisées sont ornés de grappes de fruits[8].

L'hôtel Reich de Pennautier[modifier | modifier le code]

Adresse : 16 rue Vélane. Classé MH.

Ce vaste hôtel entre cour et jardin, proche du Parlement, est bâti vers 1650 sur le modèle régulier des hôtels parisiens pour Henri Reich de Pennautier, conseiller aux requêtes du Parlement, membre d'une puissante famille de la région de Carcassonne. Au revers de la porte cochère sans décor se trouve la loge du concierge et une remise. Le corps principal de logis en fond de cour et les deux ailes en retour sur la rue forment une composition sobre confinant à l'austérité, cependant un enduit enlevé au XXe siècle recouvrait le fond des murs et devait apporter des effets de relief et de couleur en laissant en brique apparente la seule trame des bandeaux et des cordons. Le rez-de-chaussée est réservé au service, écuries et remise à carrosses se logeant dans les ailes[3].

En 1754 l'hôtel revient à Jean-Gabriel de Riquet qui fait rebâtir la façade sur jardin et refaire la décoration intérieure, aménageant notamment un ravissant boudoir qui a conservé son décor de stucs dorés rocaille sur fond bleu tendre[3].

L'hôtel de Nolet[modifier | modifier le code]

Adresse : 7 rue des Arts. Non protégé MH.

C'est en 1670 que le trésorier général Nolet fait bâtir son hôtel. L'encadrement de la porte cochère centrale est fait d'une alternance de briques et de pierres. Dans la première cour se trouve une galerie à arcades terminée par une tourelle en brique[8].

L'hôtel d'Orbessan[modifier | modifier le code]

Adresse : 11 rue Mage. Non protégé MH.

Construit pour Bernard Daignan, baron d'Orbessan et conseiller au Parlement (1652-1677), cet hôtel se caractérise par un portail d'entrée dont la présence est soulignée par une alternance de briques et de pierres, ainsi que par un riche programme ornemental finement sculpté[8].

L'hôtel Druilhet[modifier | modifier le code]

Adresse : 14 rue Peyras. Non protégé MH.

Fils d'Alexis Druilhet, conseiller du roi et premier président au parlement de Bordeaux, François-Joseph Druilhet hérite d'une maison de son père et fait construire son hôtel sur la parcelle entre 1666 et 1679. Les ouvertures marquées par l'alternance des matériaux brique et pierre sont typiques de leur époque.

L'hôtel d'Avizard[modifier | modifier le code]

Adresse : 24 Grande-rue Nazareth. MH Inscrit (depuis 2020).

L'hôtel d'Avizard a été bâti dans le dernier quart du XVIIe siècle pour Claude d’Avizard, conseiller du roi, président aux Enquêtes du Palais. Il se distingue par ses encadrements alternant la brique et la pierre, par ses motifs de table rectangulaire animant la façade et par ses chasse-roues sphériques dont la forme rappelle un bilboquet. La porte cochère centrale en plein-cintre est mise en valeur par un encadrement alternant la brique et la pierre et surmonté par une corniche à denticules. Deux garde-corps en fer forgé du XVIIe siècle à volutes formant des cœurs composent les deux balcons reposant sur de fortes consoles en pierre sculptées[8].

L'hôtel Dubourg[modifier | modifier le code]

Adresse : 6 place Saintes-Scarbes. Non protégé MH.

Léonard Dubourg, sieur de Lapeyrouse, fait bâtir vers 1683 cet hôtel dont le projet est sans doute confié à Nicolas Buterne, architecte et ingénieur de la province de Languedoc. L'hôtel occupe l'angle nord de la place Saintes-Scarbes, au débouché de la rue Fermat, et Dubourg obtient d'empiéter sur la voie publique pour élargir le pan coupé. Il peut ainsi y installer un balcon, utile pour voir et être vu lors des processions et cortèges empruntant ce carrefour stratégique proche de la cathédrale. Cette travée double devient l'élément central de la composition et le portail monumental, construit précédemment, se trouve déporté sur la partie droite de la nouvelle façade[3].

L'hôtel a conservé son remarquable escalier mis en place en 1685 par le tailleur de pierre Jean Ayriès, connu pour ses travaux à l'Hôtel de Ville. Il est d'un type nouveau à Toulouse, qu'on ne trouve alors qu'au Capitole : ouvrant sur le vestibule, voûté d'arcs suspendus à clés pendantes, il ne dessert que le premier étage (appelé bel étage) ainsi que cela se fait dans les grands hôtels parisiens que construisent les François Mansart, Louis Le Vau ou Antoine Lepautre pour leur clientèle aristocratique[3].