Incident 228 — Wikipédia
L’incident 228 (du chinois : 二二八事件 ; pinyin : ), aussi connu comme le massacre 228, est un soulèvement populaire anti-gouvernemental à Taïwan qui a débuté le , et qui a été violemment réprimé par le Parti nationaliste chinois au pouvoir : le Kuomintang, alors dirigé du continent par Chiang Kaï-shek. Les estimations du nombre de morts varient de 18 000 à 28 000 individus[2]. Ce massacre marque le début de la Terreur blanche pendant laquelle des dizaines de milliers de Taiwanais sont portés disparus, morts ou emprisonnés. L'incident est l'un des événements les plus importants de l'histoire moderne de Taïwan et a donné un élan majeur au mouvement d'indépendance de Taïwan.
Le nombre « 228 » fait référence au jour où le massacre a commencé, le ou « 02-28 ».
En 1945, après la reddition du Japon, les Alliés rendent le contrôle administratif de Taïwan à la République de Chine, terminant ainsi 50 ans de colonisation japonaise. Les habitants de l'île sont irrités de ce qu'ils perçoivent comme une conduite fréquemment corrompue des autorités du Kuomintang (KMT) incluant la saisie arbitraire de propriétés privées, une mauvaise gestion économique et l'exclusion des autochtones de la vie politique. La crise éclate le 27 février 1947 à Taipei quand des agents du Bureau du Monopole d'Etat arrêtent une veuve taïwanaise, suspectée de vendre des cigarettes de contrebande. Un policier tire ensuite dans la foule de badauds en colère, abattant un homme qui décède le lendemain. Des soldats font feu sur des manifestants le 28 février, après quoi une station de radio est saisie et la nouvelle de la révolte se répand dans toute l'île. Comme la révolte se développe, le gouverneur de l'île, installé par le KMT, Chen Yi, appelle des renforts militaires et le soulèvement est violemment réprimé par l'Armée nationale révolutionnaire. Pendant les 38 ans qui suivent, l'île est placée sous le régime de la loi martiale, pendant une période connue sous le nom de Terreur blanche.
Pendant la Terreur blanche, le KMT persécute les dissidents politiques ou perçus comme tels et l'incident 228 est tabou. Le président Lee Teng-hui devint le premier président de la République de Chine à parler ouvertement de l'incident lors de l'anniversaire de 1995. L'évènement est désormais ouvertement discuté et ses tenants et aboutissants font l'objet d'une enquête gouvernementale et d'une étude académique. Le 28 février est maintenant un jour férié officiel appelé Jour de Mémoire de la Paix (Peace Memorial Day). Ce jour-là, le président de la République de Chine se rassemble avec d'autres officiels pour sonner une cloche commémorative en mémoire des victimes. Des monuments et des places mémorielles ont été érigés dans nombre de cités taïwanaises, en particulier l'ancien Taipei New Park, qui est renommé 228 Peace Memorial Park et le National 228 Memorial Museum est inauguré le 28 février 1997.
Contexte historique
[modifier | modifier le code]À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la République de Chine, contrôlée par le Kuomintang, dirigé par Tchang Kaï-chek, reprend sa tutelle administrative sur Taïwan au colonisateur japonais, installé sur l'île depuis 1895. Elle est localement représentée par le gouverneur Chen Yi qui impose à la population taïwanaise un régime autoritaire[3].
L'incident
[modifier | modifier le code]Le , dans les rues de Taipei, des inspecteurs du bureau du monopole gouvernemental du tabac effectuent des contrôles. Dans un vieux quartier de la capitale taïwanaise, ils confisquent des cigarettes de contrebande à une femme, vendeuse sur le marché noir local. Alors que cette dernière se rebiffe contre les policiers venus épauler les agents de l'État, elle est passée à tabac. À la vue de la femme gisant sur le trottoir, des passants interviennent. Des affrontements commencent ; un homme est tué par balle[3],[4].
Développement
[modifier | modifier le code]Dès le lendemain , dans de nombreuses villes de Formose, l'indignation soulevée par l'incident entraîne des manifestations de rue contre le gouvernement nationaliste. Des confrontations violentes opposent des Taïwanais et des Chinois nouvellement arrivés du continent, et l'armée, appelée en renfort début mars, tire sur la foule des manifestants[3],[4]. Quelques mois plus tard, une fois les foyers de rébellion réprimés, et l'ordre rétabli, la loi martiale est instaurée[3] ; et la « Terreur blanche » entretenue par le Kuomintang se répand dans toute la République de Chine[5],[4]. Des milliers de Taïwanais sont exécutés, portés disparus ou emprisonnés[6],[4].
En 1987, la loi martiale est levée[3],[7],[8] La même année, à l'initiative de personnalités taïwanaises, dont le psychiatre Chen Yung-hsing (en), l'association du jour de la paix du est créée, rompant quarante années de silence sur la question[9].
Mémoire de l'incident
[modifier | modifier le code]Pendant des décennies, l'événement tragique reste tabou, et source de ressentiment entre communautés insulaires. En 1993, un comité d'historiens, constitué par la branche exécutive du gouvernement de la République de Chine (en), rédige et publie un rapport sur le sujet[3]. Deux ans plus tard, Lee Teng-hui, le président en exercice de la République, présente des excuses publiques aux familles des victimes dans le parc du Mémorial de la Paix 228, et introduit dans le calendrier national un nouveau jour férié : le Jour de la paix (zh)[7],[10],[4]. Depuis, chaque , un hommage officiel est rendu aux victimes et martyrs de 1947[4]. En 2016, lors de la journée commémorative, Tsai Ing-wen, victorieuse dans l'élection présidentielle de janvier sous les couleurs du Parti démocrate progressiste, exprime son souhait de mettre en place une commission « vérité et réconciliation » sur « l’incident du », malgré les réticences du Kuomintang[5].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (zh) The Liberty Times (en), « 台灣文史噩耗!見證228事件歷史建物將拆除改建 », (consulté le ).
- (en) Michael Forsythe, « Taiwan Turns Light on 1947 Slaughter by Chiang Kai-shek’s Troops », The New York Times, (lire en ligne , consulté le ).
- Taiwan Mag, « Le massacre du 28 février 1947 », sur Taiwan Mag : le portail francophone de Taiwan, (consulté le ).
- Vera Su, « Des milliers de Formosans massacrés au printemps 1947 », sur Le Huffington Post, Le HuffPost, (consulté le ).
- Brice Pedroletti, « Massacres de 1947 à Taïwan : « L’Etat doit faire toute la lumière sur ses responsabilités » », Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
- (en) Huang Tai-lin, « White Terror exhibit unveils part of the truth », Taipei Times, (consulté le ).
- Taiwan Info, « Une décennie de changements politiques », ministère des Affaires étrangères de Taïwan, (consulté le ).
- Chronique du 20e siècle : 1987 - Editions Larousse (ISBN 2-03-503226-1)
- Courrier international, « La véritable cause de l'Incident du 28 février », (consulté le ).
- (en) Michael Dillon (dir.), Jason Lim, Young-tsu Wong, Lik Hang Tsui et al., Encyclopedia of Chinese history [« Encyclopédie de l'histoire de la Chine »], New York, Routledge, (1re éd. 2010), 861 p. (ISBN 978-0-415-42699-2, OCLC 949922942), p. 197.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- George H. Kerr (trad. de l'anglais par Pierre Mallet), Formose trahie [« Formosa betrayed »], Bélaye, Éditions René Viénet, coll. « Bibliothèque formosane », (1re éd. 1965), 511 p. (ISBN 978-2-84983-000-0, OCLC 800563333, BNF 42629766).
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (zh + en) The 228 memorial foundation