Jacques Guérin — Wikipédia
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Jacques Guérin, né le à Paris et mort le à Luzarches[1],[2], est un industriel français ès parfumerie, entrepreneur, philanthrope et collectionneur de manuscrits et de livres.
Parcours
[modifier | modifier le code]Fils naturel de Jeanne Louise Guérin, et de Gaston Monteux, richissime industriel de la chaussure et créateur des chaussures "Raoul", Jacques Guérin découvre très jeune sa passion des livres rares et des manuscrits d'écrivains. « J'ai acheté, raconte Jacques Guérin[3], le premier « Chant de Maldoror », plaquette éditée par Ducasse en 1868, lorsque j'étais étudiant, au prix de 300 francs, quand j'en avais 200 par mois. Pendant mon service militaire, à Remiremont, rentrant dans ma chambrette, j'ouvrais ma valise et prenais Lautréamont comme une maîtresse qu'on cache soigneusement. C'était mon luxe, ma joie. J'ai fait faire un emboîtage par un relieur de la ville ».
Il acquiert, entre autres, les manuscrits du Diable au corps et du Bal du comte d'Orgel de Raymond Radiguet en 1928 auprès de Jean Cocteau[4]. Par la suite, il achète différents cahiers manuscrits d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust (connus sous le nom de « Cahiers Guérin »), ainsi que des lettres de l'auteur, des photographies, et du premier jeu d'épreuves corrigées de Du Côté de chez Swann, à Marthe Amiot, la veuve de Robert Proust[5]. Jacques Guérin a été ami avec Erik Satie, Picasso, Maurice Rostand, Madeleine et Marcellin Castaing, Maurice Sachs, Jean Cocteau, Colette, Glenway Wescott, René Béhaine, Fénosa et de nombreux autres artistes et écrivains. Il a connu, entre autres, Djuna Barnes, Mireille Havet, les peintres Soutine, Bonnard et Vuillard.
En 1936, il prend la direction des Parfums d'Orsay et partage sa vie entre son appartement parisien, l'usine située à Puteaux et son domaine de Luzarches acquis en 1947. Il crée plusieurs parfums qui font date et fait travailler, entre autres, René Lalique pour ses flacons[6]. En , il rencontre Violette Leduc dont il a admiré le premier livre, L'Asphyxie, grâce à Jean Genet rencontré en et auquel il a acheté le manuscrit de Querelle de Brest. Ce roman lui est d'ailleurs dédié (« à Jacques G. »).
Violette Leduc s'éprend sans retour, avec une intensité qui frôlera la folie, de Jacques Guérin[7]. C'est le début d'une amitié fidèle mais difficile. Jacques fait publier à ses frais les éditions de luxe de deux livres de Violette : L'Affamée (qu'elle lui dédie) et Thérèse et Isabelle (toujours dédié à Guérin), première partie de son roman nommé Ravages, censuré par Gallimard en 1954 et que Jacques Guérin publiera à part en 1955 (un tirage fort restreint, de 28 exemplaires).
En 1953, il acquiert le manuscrit d'Une saison en enfer d'Arthur Rimbaud, auprès du libraire parisien Henri Matarasso.
En 1982, il quitte la présidence des Parfums d'Orsay. L'année suivante, il organise une première vente de ses manuscrits. La Bibliothèque nationale de France réussit à préempter quelques pièces, dont les manuscrits de Proust. Le , une nouvelle vente est organisée par Michel Castaing, la huitième : l’État préempte le manuscrit d'Une saison en enfer pour 2,9 millions de francs. S'y trouvaient également dix poèmes autographes de Rimbaud et deux lettres originales signées Isidore Ducasse.
La bibliothèque de Jacques Guérin comportait plus de 2 000 pièces, allant de Montaigne à Genet, en passant par la première édition en huit volumes des pièces de Molière, ce qui en fait l'un, sinon le, plus grand collectionneur de livres et manuscrits français du XXe siècle.
En 1991, il lègue à la ville de Chartres les tableaux de son frère, le peintre Jean Guérin (-)[8].
Vie privée
[modifier | modifier le code]Jacques Guérin a vécu, pendant près de cinquante ans, avec son fidèle compagnon, Jean Boy (1907-1980), modiste, originaire d'Arcachon. Il est l'oncle de François Reichenbach, celui-ci étant le fils de Germaine Monteux demi-sœur de Jacques G.
Dans une représentation
[modifier | modifier le code]Jacques Guérin est joué par Olivier Gourmet dans le film Violette de Martin Provost (2013).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Relevé des fichiers de l'Insee.
- Article nécrologique, Le Monde, 16 août 2000.
- « Une vie au fil des livres » par Valérie Marin La Meslée in Le Point, 14 novembre 1998.
- V. Marin la Meslée (1998), op. cit.
- Jean-Yves Tadié, « Historique des manuscrits » in À la recherche du temps perdu, t. I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, p. CXLV.
- Notice biographique de Jacques Guérin, Artecosa, en ligne.
- Violette Leduc, La Folie en tête, Gallimard, 1970 : l'ouvrage fut censuré par Simone de Beauvoir, mais Guérin y apparaît sous le prénom de « Jacques ».
- http://data.bnf.fr/13177468/jean_guerin/ Fiche sur Jean Guérin de la BNF.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Marie-Odile Beauvais, Proust vous écrira, Paris, Melville, 2005.
- Maïthé Vallès-Bled (dir.), Jean Guérin, 1903-1966, catalogue du musée des Beaux-Arts de Chartres, 1991. Sur son frère peintre.
- Lorenza Foschini, Il cappotto di Proust, Rome, 2008 (trad. à Londres en 2010 sous le titre de Proust's overcoat: the true story of one man's passion for all things Proust).
- Franco Marcoaldi, « Proust va al bordello », in La Repubblica, .
- Carlo Jansiti, « Le roman balzacien des souvenirs de Proust », in Le Figaro littéraire, .
- Carlo Jansiti, Violette Leduc, biographie, Grasset, 1999 (réédition ).
- Carlo Jansiti, « Violette Leduc et Jacques Guérin : la tentation de l'impossible », in L'Amour Fou, Paris, Maren Sell, 2006.
- René de Ceccatty, La Sentinelle du rêve, Points, 1997.
- René de Ceccatty, Violette Leduc, éloge de la bâtarde, Stock, 2013.
- Violette Leduc, La Folie en tête, Gallimard, 1970. Jacques Guérin y apparait sous son prénom.
- Violette Leduc, La Chasse à l'amour, Gallimard, 1973.
- Violette Leduc, Correspondance 1945-1972, Cahiers de la NRF, Gallimard 2007, édition établie par Carlo Jansiti. Voir en particulier la longue note biographique consacrée à Jacques Guérin (p. 57).
- Erik Satie, Correspondance presque complète, éd. par Ornella Volta, Paris, Fayard, 2000.
- Marie-Odile Beauvais, "Manger", Paris, Fayard, 2013.
- Carlo Jansiti, "Avec Jacques Guérin. Une amitié à contresens". Cahiers de l'Herne consacré à Maurice Sachs, Paris, 2017. Extrait d'une biographie de Jacques Guérin par Carlo Jansiti à paraître.
Liens externes
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