Léonard Leymarie — Wikipédia
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Léonard Leymarie, né le à Seilhac et mort le à Port-Fontenoy, est un militaire français de la Première Guerre mondiale. Cultivateur dans le civil, il était soldat de 2e classe dans le 305e régiment d'infanterie, 19e compagnie. Il est connu pour avoir été fusillé pour l'exemple pendant la guerre de 1914-1918.
Biographie
[modifier | modifier le code]Léonard Leymarie naît au hameau de Champeil, commune de Seilhac, chef-lieu de canton du département de la Corrèze. Son père, Léonard Leymarie, âgé de 40 ans, et sa mère Marie dite Françoise Gaud, âgée de 37 ans, sont cultivateurs. Il épouse, le , Marie Françoise Mialoux, cuisinière, née le à Chamboulive, domiciliée au Coudert, village de Chamboulive, alors résidant à Libourne (Gironde).
Incorporé à compter du au 2e bataillon de chasseurs à pied (B.C.P.), il arrive au corps le dit jour. Il est envoyé dans la disponibilité le étant devenu dispensé (il a un frère au service), en attendant son passage dans la réserve. Un certificat de bonne conduite (C.B.C.) lui est accordé. Il accomplit par la suite deux périodes d'exercice à Tulle, la première au 100e R.I. et la seconde au 300e R.I.. Rappelé en tant que réserviste par le décret de mobilisation générale, il est versé, le 1, au 305e régiment d'infanterie (Riom).
Invité par ses camarades de tranchée à aller se faire soigner pour une blessure à une main, il est traduit devant le Conseil de guerre spécial de la 63e division d'infanterie pour abandon de poste en présence de l'ennemi par « mutilation volontaire », sur les données très contestables d'un simple rapport médical, acte pour lequel il avait toujours protesté de son innocence, ayant été blessé à la main à son poste de guetteur[1].
À l'unanimité du jury, il est condamné à mort et aux dépens envers l'État le . La minute du jugement no 47 du Conseil de guerre permanent de la 63e division d'infanterie, séant à Saint-Bandry (Aisne), nous donne l'identité du président, le colonel Joseph Louis Marie Andlauer (1869-1956), commandant la 126e brigade d'infanterie, et des quatre juges (Roux, Ballay, Gignoux et Boucharie), tous nommés par le général Georges Louis Edmond Jullien (1858-1933) qui se trouve lui-même sous les ordres du général Étienne Godefroy Timoléon, comte de Villaret (1854-1931), commandant le 7e Corps d'armée. L'accusé est « inculpé d’abandon de poste devant l’ennemi. » Les circonstances de cet « abandon de poste » ne sont pas indiquées ; les déclarations de l'accusé, des témoins et de son défenseur — le maréchal des logis François Guillaume, du 14e dragons (dans le civil, avocat inscrit au barreau de Clermont-Ferrand) — ne sont pas non plus rapportées. Enfin, on ne trouve pas mention de sa blessure à la main.
C'est en vain que l’abbé François Rochias (1880-1961), aumônier de la division, est venu intercéder auprès du général Jullien la clémence pour le condamné. La sentence est exécutoire le jour même à 16h30 à Port-Fontenoy, sur les bords de l'Aisne gelée. Leymarie laissera une lettre dans laquelle il clame son innocence[2].
Le même tribunal de guerre condamnera, le , et fera exécuter, à trois kilomètres de là, par un autre peloton, Jean Grataloux (né le à Saint-Just-sur-Loire, Loire), soldat 2e classe au 238e R.I., accusé de mutilation volontaire.
Léonard Leymarie laisse deux enfants nés à Seilhac : André Louis () et Marie-Louise (), adoptés par la Nation (pupilles de la nation) par jugement du tribunal civil de Tulle daté du . Pour survivre, Marie Françoise Mialoux quitte Seilhac trois mois après le drame. Elle s'installe à Tulle, au no 1, impasse Saint-Martin, où elle exerce le métier de ménagère.
Réhabilitation et mention « mort pour la France »
[modifier | modifier le code]Léonard Leymarie aurait été réhabilité si l’on en croit sa fiche, visible sur le site S.G.A. / Mémoire des hommes[3]. Mais aucune date n'est donnée. C’est qu'en fait sa réhabilitation a échoué malgré les efforts répétés de la Ligue des droits de l'homme (LDH) dans les années 1920 :
- rejet, le , de sa demande de réhabilitation par la Chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Limoges[4],
- confirmation par la Cour de cassation, le , de l’arrêt rendu par Limoges,
- échec de l’ultime recours transmis au ministère de la Justice en 1925.
En revanche, Leymarie a bien eu la mention « mort pour la France » dont la création, postérieure à sa mort, remonte à la loi du . Son acte de décès qui porte le numéro 99 a été rédigé à Ambleny (Aisne) le par le lieutenant officier de l’état civil du 305e R.I.. La transcription sur le registre d’état civil de Seilhac a été effectuée le (acte no 12). Cette mention a été inscrite rétroactivement sur les actes cités[5]. C’est le cas pour tous les militaires décédés entre et l’entrée en vigueur de la loi de . Son attribution suit des critères bien précis. Le décès de Léonard Leymarie répond à deux d’entre eux : la mort est survenue en zone de guerre et il a été déclaré « tué à l'ennemi ». Cette ambiguïté s'est poursuivie en 1919 puisque, dans les documents constituant le dossier des enfants pupillaires[6], le père est dit « tué à Fontenoy » sans autre précision[7]. Et les juges du tribunal civil de Tulle n'ont pas cherché à en savoir davantage sous peine d'empêcher la veuve et les enfants de bénéficier des lois aidant les familles des militaires défunts.
Le corps de Leymarie repose au cimetière militaire d'Ambleny. Pourtant, jusqu'en 2008, le nom du fusillé est demeuré absent du monument aux morts de Seilhac inauguré le dimanche [8]. Il a fallu attendre l’année 1994 pour que le maire de Fontenoy inaugurât, en novembre, à proximité de l'église, une stèle en l’honneur du Corrézien et d’un autre malheureux, Lucien Bersot, né le à Authoison (Haute-Saône) et fusillé pour avoir refusé de porter le pantalon couvert de sang d'un soldat mort sur le champ de bataille.
Le discours prononcé par le Premier ministre Lionel Jospin à Craonne le a ouvert des perspectives sur l'amnistie à accorder aux soldats fusillés pour l'exemple en 1917. Il a exprimé le souhait que ces militaires « réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale »[9].
Michel Agnoux, secrétaire-adjoint de la section ARAC (Association républicaine des anciens combattants) de Saint-Jal, délégué à la Mémoire du comité départemental, s'est battu sans relâche pour que la Nation répare l’outrage consécutif à la condamnation « pour l’exemple » du soldat Leymarie et l’outrage à sa mémoire qui s’est ensuivi. Ses recherches ont commencé en 1999, après avoir lu l'ouvrage Paroles de poilus où la lettre laissée par le condamné est reproduite[10]. Sa première évocation du sort du militaire seilhacois remonte au dimanche à Saint-Jal, dans le cadre des activités de l'Amicale laïque. Michel Agnoux n'a cessé, depuis, de réclamer l’inscription du nom du fusillé sur le monument de Seilhac.
2006-2008 : évolution des mentalités
[modifier | modifier le code]En 2006, le sénateur de la Corrèze Georges Mouly attire l'attention de Hamlaoui Mekachera, alors ministre délégué aux anciens combattants, sur les « fusillés pour l'exemple ». Il lui demande l'état de la réglementation actuelle quant à l'inscription du nom des fusillés pour l'exemple réhabilités sur les monuments aux morts des communes, où ils ne figurent pas[11].
Dans sa réponse, le ministre rappelle que les noms des militaires fusillés pour l'exemple puis réhabilités peuvent être inscrits sur les monuments aux morts communaux, s'ils se sont vu attribuer la mention « mort pour la France ». Cette décision d'inscription incombe aux communes, sous la tutelle du préfet. Il n'existe toutefois aucune obligation d'inscription pour les communes.
L'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre distingue cinq catégories de morts pour la France :
- 1°) les militaires qui ont été tués à l'ennemi,
- 2°) ceux qui sont morts de blessures de guerre,
- 3°) les décédés de maladie contractée en service commandé en temps de guerre,
- 4°) les victimes d'accident survenu en service,
- 5°) ceux qui sont morts à l'occasion du service en temps de guerre[12].
Le , jour du 91e anniversaire du déclenchement de l’offensive du chemin des Dames, le conseil général de l’Aisne vote symboliquement et à l’unanimité, un vœu invitant « la République française à prendre dans sa générosité […] la décision de reconnaître les soldats condamnés pour l’exemple comme des soldats de la Grande Guerre à part entière […] de façon que leurs noms puissent être légitimement inscrits sur les monuments aux morts des communes de France, à la demande de leurs familles ou des associations et collectivités concernées[13]. » Le , le conseil général du Doubs délibérera dans le même sens[14].
Le , le président de la République Nicolas Sarkozy profite des célébrations du 90e anniversaire de l'armistice de la guerre de 1914-1918 pour évoquer, au fort de Douaumont, les fusillés pour l'exemple :
« […] Quatre-vingt-dix ans après la fin de la guerre, je veux dire au nom de notre Nation que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s'étaient pas déshonorés, n'avaient pas été des lâches mais que, simplement, ils étaient allés jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. […][15]. »
La déclaration présidentielle est saluée, le suivant, par Denis Tillinac, chroniqueur à La Montagne-Dimanche. L’écrivain corrézien se dit satisfait qu’au nom du « devoir de mémoire », les soldats envoyés au « poteau d’infamie » soient désormais associés aux hommages publics que l’on rend aux héros anonymes de la Grande Guerre[16].
La commune de Seilhac passe à l’acte en décidant de réparer l'injustice qui pèse sur son concitoyen fusillé et ses descendants. En 2008, un accord unanime du conseil municipal autorise l’inscription de Léonard Leymarie sur le monument aux morts dont la liste comptera désormais 93 noms. Une cérémonie spéciale est organisée le vendredi à l’initiative de la municipalité. Le maire Marc Géraudie y prononce un discours qui est suivi d'un dépôt de gerbe au nom de la commune[17]. Une délégation de l’Aisne participe à cet hommage. Le conseil général de ce département est représenté par le vice-président chargé de la culture, divers conseillers généraux dont ceux de Craonne et de Vic-sur-Aisne, des représentants de l’association Soissonnais 14-18[18].
Autres Corréziens fusillés pour l'exemple
[modifier | modifier le code]Le département compte trois autres Corréziens, tous fusillés en 1915 :
- Mathieu Léon Gasparoux, né le à Meymac, fils de Louis, maçon, et de Françoise Goudenèche. Soldat 2e classe à la 21e compagnie du 300e régiment d'infanterie, il a été fusillé pour désertion à Villers-Bocage (Somme) le .
- François Marsaleix, né le à Saint-Jal, fils de Martial et de Jeanne Besse, cultivateur. Chasseur à la 3e compagnie du 22e bataillon de chasseurs à pied, il a été exécuté le au camp de Tinfronce, près d’Aubure (Haut-Rhin) pour tentative de désertion.
- Léon François Peyrical, né le à Albussac, fils de Géraud et de Marie Leymarie, cultivateur. Soldat 2e classe à la 2e compagnie du 47e régiment d'infanterie, il a été fusillé le à Saint-Thomas-en-Argonne (Marne) pour refus d’obéissance en présence de l’ennemi.
Seuls François Marsaleix et Léon François Peyrical ont leurs noms inscrits, dès l'origine, sur les monuments aux morts de leur commune de naissance respective. Tous trois n’ont jamais été reconnus comme « Morts pour la France ».
Autres communes honorant les « fusillés pour l'exemple »
[modifier | modifier le code]Depuis 2006, Seilhac a été la troisième commune en France à avoir fait inscrire, en connaissance de cause, le nom d'un soldat fusillé sur un monument aux morts. Seules deux communes l’avaient précédée dans ce devoir de mémoire :
- Blangy-sur-Bresle (Seine-Maritime) où, le , fut dévoilée sur le monument aux morts, une plaque du souvenir en l’honneur d'un enfant de l’assistance publique, André-Albert Lecroq, ouvrier verrier, soldat au 39e régiment d'infanterie, qui fut condamné à mort pour absence devant l'ennemi le à Coulommes-la-Montagne (Marne) puis fusillé pour l'exemple, le suivant, à Vrigny (même département)[19].
- Saint-Ybars (Ariège) où, le , la municipalité a fait ajouter sur son monument aux morts le nom de Louis Flourac, soldat du 60e bataillon de chasseurs à pied, fusillé 90 ans plus tôt, le à Chacrise, dans l'Aisne, pour mutinerie organisée avec ses camarades[20].
Depuis l'inscription de Léonard Leymarie sur le monument de Seilhac, trois autres communes ont suivi le mouvement :
- Aydius (Pyrénées-Atlantiques), où, le , fut apposée, sur son monument aux morts, une plaque commémorative au nom de Jean-Louis Lasplacettes, soldat 2e classe du 18e régiment d'infanterie condamné à la peine capitale et passé par les armes le à Maizy (Aisne) pour sa participation à une révolte de soldats survenue quelques jours plus tôt, à l’arrière du front, dans le village de Villers-sur-Fère[21].
- Saint-Michel-de-Chavaignes (Sarthe) où la municipalité fit graver sur le monument communal, le , le nom de l’un des siens, Maurice Joubert, soldat au 115e régiment d'infanterie, fusillé à Suippes le (Marne), deux jours après l’exécution sur les mêmes lieux de Maupas et des trois autres caporaux de Souain[22].
- Yvré-l'Évêque (Sarthe) où, le , fut ajouté sur le monument le nom d'Émile Lherminier, fusillé le avec trois de ses camarades du 96e régiment d’infanterie, pour refus d’obéissance, à Roucy, dans l'Aisne[23].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Yves Le Naour, Fusillés : enquête sur les crimes de la justice militaire, Paris, Larousse, , 332 p. (ISBN 978-2-035-85048-5, OCLC 690289564), (chap. « Les recalés », p. 293, Léonard Leymarie, p. 311).
- Gilles Quincy et Michel Agnoux, Léonard Leymarie (1880-1914). Un enfant de Seilhac « fusillé pour l’exemple », Éditions Lemouzi, no 191 ter, 2009.
- Association républicaine des anciens combattants [collectif], Les Crimes des conseils de guerre, Éditions Clarté, 1922.
- R.-G. Réau, Les Crimes des conseils de guerre, Éditions du Progrès, Tours, 1925.
- Henry Andraud, Quand on fusillait les innocents, Éditions Gallimard, 1935.
- Jean-Pierre Guéno, Yves Laplume, Collectif, Paroles de poilus : lettres et carnets du front, 1914-1918, Éditions J'ai Lu, coll. « Librio Document », 1998.
- André Bach, Fusillés pour l'exemple - 1914-1915, Tallandier, 2003.
- Robert Attal et Denis Rolland, La Justice militaire en 1914 et 1915 : le cas de la 6e armée[24], s.d., p. 133-158.
- Roger Monclin, Les damnés de la guerre. Les crimes de la justice militaire (1914-1918), Paris, Mignolet & Storz, 1934.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Les Fusillés de la grande guerre, de Nicolas Offenstadt, 1999, p. 127, 153, 223.
- Lettre publiée notamment dans Paroles de Poilus, 1998, p. 87-88.
- Ce site met à la disposition du public les bases de données réalisées à partir de la numérisation et de l’indexation de fiches biographiques des morts pour la France de la Grande Guerre qui sont conservées par le ministère de la Défense.
- Arch. dép. Haute-Vienne 3 U 919.
- Depuis cette loi, la mention marginale « mort pour la France » est attribuée automatiquement à tous les combattants tués par l’ennemi.
- Archives départementales de la Corrèze, série U.
- . Il en est de même, dans son registre matricule (classe 1910, no 1466) où est portée la mention « Tué à l’ennemi le , à Port-Fontenoy » sans autre précision (Archives départementales de la Corrèze, série R).
- Annonce parue dans le journal La Croix de la Corrèze du dimanche 28 novembre 1926.
- Propos qui avaient fait scandale dans une partie de la classe politique à l'époque.
- Michel Agnoux s’est senti concerné par le sujet car il n'avait entendu parler ni de Léonard Leymarie alors qu'il avait enseigné au collège de Seilhac de 1968 à 1987, ni de sa veuve née au Coudert de Chamboulive où lui réside depuis 1958.
- Question écrite no 25440 publiée dans le JO du Sénat du 30 novembre 2006, p. 2983.
- Réponse du ministère délégué aux anciens combattants publiée dans le J.O. du Sénat le , p. 454.
- Analyse de la session du conseil général..
- Délibération du conseil général du Doubs.
- « France Soir : Hommage de Nicolas Sarkozy aux fusillés. »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « Inclinons-nous devant les innombrables héros anonymes de la Grande Guerre, ils méritent le témoignage de notre reconnaissance […] Mais n’oublions pas non plus leurs frères d’infortune, occultés, dénigrés ou méprisés par la mémoire collective. Ils ont combattu eux aussi pour la France, ils méritent sinon notre hommage, du moins notre respect… » (La Montagne-Dimanche, « Chronique du temps présent », 30 novembre 2008).
- Article de Jacky Durand du journal Libération.
- Pour plus de détails, lire l’article du journal La Montagne publié le 2 décembre 2008 et un nouvel article paru article sur le blog ldh19.over-blog.com.
- [PDF] Témoignage d'une enfant réfugié au Tréport pendant la guerre 1914/1918..
- après l’échec de l’offensive Nivelle sur le Chemin des Dames Soirée conférence à la mémoire de Louis Flourac..
- Discours de Bernard Bourguinat Maire de Aydius - Prononcé le 17 mai 2009 devant le monument aux morts .
- Cérémonie d'inscription de Maurice Joubert sur le monument de Saint Michel de Chavaignes .
- Lucien Baleux, fusillé en 1916, mort pour la France.
- Texte en pdf.