Le Grain magique — Wikipédia
Le Grain magique | |
Auteur | Taos Amrouche |
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Pays | Algérie |
Genre | Conte |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | |
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Le Grain magique est un recueil de contes publiés par Taos Amrouche, publié en , est un ouvrage majeur de la littérature francophone[réf. nécessaire], mais constitue aussi, sans qu'il y ait contradiction, une sorte d'abrégé portatif de la culture kabyle.
Contenu
[modifier | modifier le code]L'ouvrage présente une anthologie de chants, de proverbes et de contes que l'auteure a reçus en langue kabyle de la bouche de sa mère, Fadhma Aït Mansour. Il peut être lu comme une introduction à la culture populaire d'Afrique du nord, même s'il est très loin de présenter tous les aspects du répertoire oral. On ne rend compte ici que des textes les plus longs, c'est-à-dire des contes.
Liste des contes
[modifier | modifier le code]Les titres des contes figurant dans le recueil sont les suivants :
- Le grain magique[1]
- Loundja, fille de Tsériel[2]
- Histoire de la Grenouille[3]
- Qui de nous est la plus belle, ô lune ?[4]
- La mare où éteindre ces flammes, ô Aïcha, ma fille ![5]
- La vache des orphelins[6]
- La princesse Soumicha[7]
- La flûte d’os[8]
- Les chevaux d’éclair et de vent[9]
- Le subtil et l’innocent[10]
- Ma mère m’a égorgé, mon père m’a mangé, ma sœur a rassemblé mes os[11]
- Le chêne de l’ogre[12]
- Les sept ogres[13]
- Histoire du coffre[14]
- Ô Vouïëdhmim, mon fils ![15]
- Histoire du vieux lion et du vol de perdrix[16]
- Histoire de Moche et des sept petites filles[17]
- Histoire de la puce et du pou[18]
- Roundja, la jeune fille plus belle que lune et que rose[19]
- Histoire de Velâjoudh et de l’ogresse Tsériel[20]
- Le chat pèlerin[21]
- Le foie du capuchon[22]
- L’oiseau de l’orage[23]
Commentaires sur les contes
[modifier | modifier le code]Certains contes, comme le no 6 (La vache des orphelins), le no 12 (Le chêne de l’ogre ; il s'agit ici du conte auquel fait allusion la fameuse chanson A Vava Inouva (« Ô père Inouva ») de Ben Mohamed et Idir) ou le no 15 (Ô Vouïëdhmim, mon fils !) sont considérés aujourd'hui comme des emblèmes de la culture kabyle. De fait, il existe de nombreuses autres versions publiées de ces trois contes. Pour comparaison, on peut se référer à d'autres grandes anthologies de contes, publiées en français, qui présentent des garanties d'authenticité comme le Fichier de Documentation berbère ou celles de René Basset, Leo Frobenius, Émile Dermenghem, Auguste Mouliéras/ Camille Lacoste-Dujardin, Mouloud Mammeri, Rabah Belamri, Melaz Yakouben, Salima Aït Mohamed ou Larbi Rabdi. On peut noter que les trois contes cités appartiennent aussi à une culture commune amazighe, diffusée dans toute l'Afrique du nord, qui a également rayonné dans la Méditerranée antique et médiévale. Ils sont encore contés aujourd'hui, quoique plus rarement, soit dans un dialecte amazigh (berbère) soit en arabe dialectal.
Les contes du recueil mériteraient d'être étudiés plus systématiquement du point de vue de leur écriture littéraire et de leur liens avec les différentes traditions orales méditerranéennes ou autres (l'ouvrage ne comporte pas de récapitulatif typologique, qui se réfèrerait à la classification Aarne-Thompson). Cependant, on peut déjà remarquer que le conte no 4 (Qui de nous est la plus belle, ô lune ?) appartient à la même branche narrative que Blanche-Neige, sans que l'on doive expliquer ce fait par une influence du conte des Grimm. De même, le conte no 23 (L’oiseau de l’orage) constitue un indice de la présence de l'histoire de Psyché en Afrique du nord, avant qu'Apulée ne la réécrive en l'habillant de mythologie gréco-romaine dans ses Métamorphoses, au IIe siècle[24].
Tradition orale et littérature
[modifier | modifier le code]Même si le passage à l'écrit comporte un risque, celui de « figer » une littérature qui a évolué jusqu'à nous, l'auteure a fait le choix de transmettre ces éléments de la culture traditionnelle kabyle à un large public. Ainsi, elle a pour but de rendre hommage à sa mère et à la culture kabyle traditionnelle, en donnant ses lettres de noblesse à une littérature orale jusque-là dénigrée et négligée. Mais elle se conçoit aussi comme un écrivain francophone à part entière.
Dans son étude classique sur le conte kabyle, l'ethnologue Camille Lacoste-Dujardin se contente de citer cet ouvrage en bibliographie[25]. Elle justifie ce choix en ces termes[26] : « Le style, plus encore lorsque les contes sont présentés dans la seule traduction française, a perdu toutes ses propriétés orales ; c'est un style de français écrit, comme celui du Grain magique de Marguerite Taos-Amrouche, qui emploie de nombreuses expressions typiquement françaises, use de propositions subordonnées, de termes abstraits. Il en résulte une forme littéraire fort agréable à la lecture, mais qui prive le conte d'une partie de son authenticité. C'est fort regrettable, car ces contes, récités par une femme de grande culture kabyle, Madame Fadhma Aït Mansour Amrouche, présentent une structure pourtant cohérente. » Ce faisant, elle s'est sans doute privée d'un corpus important.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Ce conte comporte des éléments des contes-types AT 451 (« La Petite Fille qui cherche ses frères », voir Les Douze Frères, de Grimm), AT 403 (« La Fiancée noire et la Fiancée blanche ») / AT 408 (« Les Trois Oranges » ; voir comme exemple Les Trois Cédrats, de Giambattista Basile).
- Contient entre autres le thème de la Fuite magique (conte-type AT 313) et le motif Z65.1 (« Rouge comme le sang, blanche comme la neige ».
- Conte d'animaux, faisant intervenir initialement la Grenouille et le Crapaud, et, qui évolue vers une série de saynètes similaires (dialogue entre un animal et le Crapaud). L'expression récurrente « Qui marche au-dessus de mon toit ? Des débris tombent sur mon dîner ! » se trouve également dans un conte tadjik, adapté en français par Marie-Madeleine Callard sous le titre de La Chèvre aux pattes bouclées. Dans la version tadjike, il s'agit d'une chèvre et de ses trois chevreaux.
- Ce conte, qui évoque une jeune fille chassée par sa mère jalouse, et adoptée par un serpent qui est en fait un homme métamorphosé, contient divers motifs relevant de contes-types multiples.
- Se rapproche des contes de la catégorie de l'Ogre stupide (ici l'ogresse Tseriel).
- Tradition orale africaine, mais toute la seconde partie est très proche du conte-type AT 450 : Frérot et Sœurette (Grimm), ou Alionouchka et Ivanouchka (Afanassiev).
- Un prince tombe amoureux d'une princesse qu'il n'a jamais vue (Soumicha) et part à sa recherche. En chemin, il sauve la vie d'un gros poisson qui s'avèrera être le Génie de la Mer et qui l'aidera à guérir et conquérir la princesse.
- Conte-type AT 780 « L'Os qui chante ».
- Pour l'essentiel, conte-type AT 303 (« Les Jumeaux, ou Les Frères de sang ») ; voir Les Deux Frères.
- Aventures de deux frères, l'un subtil, l'autre « innocent », partis à l'aventure pour échapper à des remontrances de leurs parents, et qui, ayant échappé à l'ogresse Tseriel, finissent par rentrer au bercail et se réconcilier avec eux.
- Conte-type AT 720 (« Ma mère m'a tué, mon père m'a mangé » ; voir Le Conte du genévrier, de Grimm).
- Conte proche du Petit Chaperon rouge (AT 333) et du Loup et les Sept Chevreaux (AT 123).
- Conte-type AT 315 (« La Sœur infidèle » ; voir Le Lait de bête sauvage).
- Conte à énigmes.
- Conte à épisodes multiples, d'apparence africaine (?).
- Conte d'animaux. Le chacal tente de piéger le lion, qui est sauvé grâce aux perdrix.
- Ce conte, très littéraire, démarre sur le thème du Petit Poucet (AT 700, mais au féminin), puis embraye sur la curieuse histoire du chat Moche, qui menace régulièrement de « pisser sur le feu pour l'éteindre » et s'en prend à sa propre queue parce qu'on a pénétré chez lui en son absence. Un conte marocain (auteur : Aïcha Aït Berri) mentionne également un chat qui punit sa queue, mais à la suite d'une tromperie du hérisson.
- Conte-randonnée, similaire au conte Le Petit Pou et la Petite Puce de Grimm (KHM 30, Läuschen und Flöhchen, conte-type AT 2022).
- Conte à épisodes multiples, d'apparence orientale (?)
- Conte de la catégorie de l'Ogre dupé, avec réminiscences de AT 327A (Hansel et Gretel), AT 327C (L'Enfant dans le sac), etc.
- Conte d'animaux, sur le thème du chat fourbe qui, sous prétexte de réconciliation (il revient de pèlerinage), invite rats et souris chez lui, et les dévore.
- À l'instigation de son épouse, un homme tue sa mère, dont le foie se met à parler et le dénonce.
- Avatar de La Belle et la Bête, AT 425C (Amour et Psyché ; voir par exemple À l'est du soleil et à l'ouest de la lune ou La Plume de Finist-Clair-Faucon), mais incomplet : il manque la partie où la jeune femme, après sa faute, part à la recherche de son mari perdu.
- Emmanuel et Nedjima Plantade, « Du conte berbère au mythe grec: le cas d'Éros et Psyché », Revue des Études Berbères, no 9, , p. 533-563
- Camille Lacoste-Dujardin, Le conte kabyle. Étude ethnologique, Paris, Maspéro, , p.490
- C. Lacoste-Dujardin, op.cit., pp. 38-39.
Sources
[modifier | modifier le code]- Marguerite Taos Amrouche, Le Grain magique, édition La Découverte-Poche, collection Littérature et Voyages, 1966. Réédition 2007 (ISBN 978-2-7071-5221-3).
Lien externe
[modifier | modifier le code]- Club Adlis, site de promotion de la littérature berbère