Lisp — Wikipédia

Lisp
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Date de première version 1958
Paradigmes fonctionnel, impératif
Auteur John McCarthy
Typage dynamique
Dialectes Common Lisp, Emacs Lisp, Scheme, Clojure
Influencé par Information Processing LanguageVoir et modifier les données sur Wikidata
Système d'exploitation Multiplate-forme

Lisp est la plus ancienne famille de langages de programmation à la fois impératifs et fonctionnels[1]. Développé initialement en tant que modèle pratique pour représenter des programmes (par contraste avec la notion théorique de machine de Turing), il est devenu, dans les années 1970 et 80, un des langages de choix (comme le langage Prolog) pour la recherche en intelligence artificielle. Les langages Lisp sont aujourd'hui utilisés dans de nombreux domaines, de la programmation Web à la finance[2], et dans certains cursus de formation en informatique[3].

Le terme Lisp a été forgé à partir de l'anglais « list processing » (« traitement de listes »). Tous les dialectes de Lisp partagent les mêmes opérateurs de manipulation de listes chaînées simples. Lisp se distingue en outre par une syntaxe simple en notation préfixée, son typage dynamique des données, le support pour la programmation fonctionnelle, sa gestion automatique de la mémoire et la faculté de manipuler le code source en tant que structure de données.

Les langages Lisp sont reconnaissables immédiatement à leur apparence. Le code source des programmes est écrit en utilisant la même syntaxe que celle des listes — la syntaxe parenthésée des S-expressions. Chaque sous-expression d'un programme (ou structure de données) est délimitée par des parenthèses. Cela simplifie grandement l'analyse syntaxique des programmes Lisp et rend simple la métaprogrammation — la création de programmes qui créent d'autres programmes ou modifient le programme courant.

Si l'on excepte le langage machine et le langage d'assemblage (ou plus communément « assembleur »), Lisp est le deuxième langage le plus ancien (juste après Fortran) parmi les langages qui se sont largement diffusés. Lisp a beaucoup évolué depuis le début des années 1960 et a ainsi donné naissance à de nombreux dialectes.

Le langage Lisp fut inventé par John McCarthy en 1958 alors qu'il était au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il publia un article intitulé « Recursive Functions of Symbolic Expressions and Their Computation by Machine, Part I »[4] (soit « Fonctions Récursives d'expressions symboliques et leur évaluation par une Machine, partie I ») dans la revue CACM en 1960 ; la partie II ne fut jamais publiée.

Le premier interpréteur fonctionnait sur un ordinateur IBM 704 et deux instructions de cette machine devinrent les deux opérations primitives de Lisp pour décomposer les listes :

  • car (contents of address register) : le premier élément de la liste ;
  • cdr (contents of decrement register) : le reste de la liste.

L'opération qui consiste à fabriquer une liste à partir d'un premier élément et d'une liste est notée cons.

Dans son article, John McCarthy introduit deux syntaxes : les S-expressions (expressions symboliques, parfois appelées « sexp ») et les M-expressions (en) (méta-expressions permettant l'homoïconicité pour exprimer les fonctions manipulant des S-expressions autrement dit pour mettre en œuvre la réflexion ). Les M-expressions n'ont jamais été très appréciées et la plupart des Lisps de nos jours utilisent des S-expressions pour les programmes comme pour les données. C'est la syntaxe des S-expressions qui fait reprocher à Lisp son abondance de parenthèses, mais c'est aussi une des raisons de la puissance et de la souplesse du langage.

En raison de son expressivité et de sa flexibilité, Lisp eut beaucoup de succès dans la communauté de l'intelligence artificielle (cf. Apports).

Dans les années 1970, on créa des ordinateurs spécialisés dans l'exécution de programmes Lisp : les machines Lisp.

Durant les années 1980 et 1990, on fit de grands efforts pour unifier les nombreux dialectes de Lisp qui étaient apparus. Le résultat fut la normalisation de Common Lisp dont la norme ANSI fut publiée en 1994 sous la référence « ANSI X3.226-1994 Information Technology Programming Language Common Lisp ». L'ISO publia de son côté en 1997 la norme ISLISP (en) ISO/IEC 13816:1997(E), révisée en 2007 par la norme ISO/IEC 13816:2007(E). À ce moment, Lisp était bien moins florissant qu'à sa grande époque.

Bien qu'éclipsé par des langages proches de la machine (C, C++) ou des langages plus structurés et typés (Haskell), Lisp reste un langage relativement utilisé, en particulier en tant que langage embarqué dans des applications, où il sert de langage d'extension[réf. nécessaire]. Les cas les plus connus d'utilisation embarquée de Lisp sont l'éditeur de texte Emacs et le langage AutoLISP (en) d'AutoCAD. On notera par ailleurs que Lisp vient en quatrième position en termes de lignes de codes utilisées pour implémenter les 8 600 paquets sources disponibles dans le système d'exploitation Debian publié en . Les huit premiers langages se distribuent ainsi : C (57 %), C++ (16,8 %), Shell (9 %), Lisp (3 %), Perl (2,8 %), Python (1,8 %), Java (1,6 %), Fortran (1,2 %)[5]. En , Lisp se place en 15e position de l'index TIOBE. En juillet 2020, il est classé 34e.

Les listes sont délimitées par des parenthèses et leurs éléments sont séparés par des espaces : (1 2 "foo"). Un programme Lisp est un arbre de syntaxe composé avec des listes. Cette utilisation des parenthèses donne lieu à des moqueries utilisant l'acronyme LISP : « Lots of Irritating and Silly Parentheses » (« Des tas de parenthèses irritantes et idiotes »), ou « Lots of Insipid and Stupid Parentheses » (« Des tas de parenthèses insipides et stupides »), ou « Langage Informatique Stupidement Parenthésé », ou « Langage Insipide Saturé de Parenthèses ».

Lisp est un langage orienté expression : il ne fait pas de distinction entre « expressions » et « instructions » comme le font de nombreux langages (par exemple Pascal) ; tout est expression et retourne une valeur ou un ensemble de valeurs.

La plupart des expressions Lisp sont des applications de fonction. Ce que d'autres langages écrivent

f(a,b,c) 

Lisp l'écrit

(f a b c) 

Ainsi une somme ne se note pas

1+2+3+4 

ni

somme(1,2,3,4) 

mais

(+ 1 2 3 4) 

On utilise la même notation préfixée (dite notation polonaise[6]) pour les « formes spéciales » et les « macros » : le premier élément dans la liste, dans ces cas, détermine comment les éléments suivants seront traités. Une expression peut être une application de fonction, une forme spéciale ou une application de macro suivant la nature du premier élément.

Syntaxe en notation EBNF

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Le langage Lisp dispose d'une syntaxe très simple et élégante, utilisant un minimum de concepts. Cette économie de concepts mène Gregory Chaitin à qualifier cette syntaxe de « joyau de splendeur mathématique et de beauté intellectuelle austère »[7].

À contrario, elle ne permet pas la détection d'erreur.

L'essentiel du langage Lisp est défini par seulement trois règles EBNF :

list -> '(' expression* ')' expression -> atom | list atom -> number | name | string | operator 

Ces règles peuvent se traduire de la manière suivante en français :

  • un programme Lisp est une liste d'expressions :
  • une expression peut être un atome ou une liste (récursion) ;
  • un atome est soit : un nombre, un nom, une chaîne de caractères, un opérateur.

Les programmes suivants ne sont pas typiques des vrais programmes Lisp. Ils sont typiques de la présentation que l'on fait de Lisp dans les cours d'informatique. Les exemples sont donnés en syntaxe Common Lisp.

La factorielle est un grand classique :

(defun factorial (n)   "Calcule la factorielle de l'entier n."   (if (<= n 1)       1     (* n (factorial (- n 1))))) 

On peut aussi écrire plus efficacement (voir récursion terminale) :

(defun factorial (n &optional (acc 1))   "Calcule la factorielle de l'entier n."   (if (<= n 1)       acc     (factorial (- n 1) (* acc n)))) 

Un autre exemple typique est cette fonction qui renverse une liste (Lisp a une fonction intégrée reverse à cet effet) :

(defun reverse (l &optional (acc '()))   "Renverse la liste l."   (if (null l)       acc     (reverse (cdr l) (cons (car l) acc)))) 

Par opposition à la programmation numérique développée jusqu'alors, Lisp qui travaille sur des symboles plutôt que des nombres a permis de créer un style de programmation différent, rendant possible l'intelligence artificielle.[réf. nécessaire]

D'où, par exemple, des dialogues pseudo-naturels (cf Eliza, test de Turing).

De plus, ses fonctions et programmes ont la même forme que ses données (propriété d'homoiconicité).

On peut donc en Lisp passer à travers le miroir. Ainsi,

  • on peut simuler un robot qui, au reçu d'une mission (liste de commandes à exécuter avec une certaine liberté), en raisonnant d'abord sur cette liste et son environnement, ordonnance ces commandes, puis les exécute dans l'ordre qu'il a adopté ; en effet, (eval commande) traitera le libellé de commande, jusque-là donnée statique, en expression à évaluer ;
  • en rétroconception, on peut partir de la trace d'une fonction inconnue pour tenter de retrouver cette fonction ; combiner diverses techniques (différences premières, secondes... et quotients similaires) permet alors
    • de proposer des identifications, et caractériser leur plausibilité ;
    • à l'aide d'une fonction génératrice utilisant la fonction (define ) qui lie un nom de fonction et une définition, engendrer le code Lisp concrétisant chaque identification, afin de pouvoir la tester plus finement ;
  • on peut même donner en Lisp le principe d'un interprète Lisp.

Une particularité du langage Lisp, qui pendant longtemps resta uniquement un langage interprété, est que contrairement aux autres langages interprétés des années 1960 et 1970 son exécution était aussi — voire parfois plus — rapide que celle des langages compilés. Cette particularité provient de sa syntaxe qui fait que la place de chaque type d'objet (fonction, opérateur, donnée) est prévisible et ne requiert pas l'analyse préalable d'une séquence de code source avant de construire la séquence de code d'exécution.

Ce langage comportait un ramasse-miettes dès sa première version[8].

Extension : Lisp et les objets

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Sous l'influence de Simula, divers systèmes à objets ont été construits à partir de Lisp, notamment :

  • Flavors, conçu au MIT
  • Le Common Lisp Object System (CLOS), un descendant de Flavors

CLOS offre de l'héritage multiple, la sélection multiple et un puissant système de combinaison de méthodes. Common Lisp (dont CLOS fait partie) fut le premier langage orienté-objet standardisé.

« LISP a un petit nombre de concepts élémentaires puissants, et tout le reste est construit au-dessus de ça, ce qui correspond à la façon de travailler des mathématiciens ; c'est à ça que ressemblent les théories mathématiques. Ces théories, les bonnes théories, consistent à définir quelques nouveaux concepts clefs, et à partir de là le feu d'artifice commence : elles révèlent de nouvelles allées, elles ouvrent la porte à des mondes radicalement nouveaux. LISP est comme ça aussi ; il est plus proche des maths que la plupart des langages de programmation. Du moins si vous éliminez les parties utiles qui ont été ajoutées, les ajouts qui ont fait de LISP un outil pratique. Ce qui reste si vous faites cela, c'est le LISP original, le cœur conceptuel de LISP, un cœur qui est un joyau de beauté mathématique et de beauté intellectuelle austère. »

— Gregory Chaitin, Meta Maths : The quest of Omega, 2006, Atlantic, p. 46

Aujourd'hui, certains diraient que Scheme est le dérivé de Lisp atteignant la beauté décrite par Chaitin ; et il est certain que Common Lisp, le descendant en ligne droite des grandes cuvées des dialectes passés de LISP (Maclisp, Interlisp, Zetalisp) penche plus du côté de la boîte à outils géante, bien qu'ayant conservé intact son cœur conceptuel.

G. Chaitin a utilisé ce Lisp idéalisé pour ses recherches : Elegant LISP Programs[9].

« The most powerful programming language is Lisp. If you don't know Lisp (or its variant, Scheme), you don't know what it means for a programming language to be powerful and elegant. Once you learn Lisp, you will see what is lacking in most other languages.
Unlike most languages today, which are focused on defining specialized data types, Lisp provides a few data types which are general. Instead of defining specific types, you build structures from these types. Thus, rather than offering a way to define a list-of-this type and a list-of-that type, Lisp has one type of lists which can hold any sort of data.
 »

— Richard Stallman , How I do my computing[10]

« Le langage de programmation le plus puissant est Lisp. Si vous ne connaissez pas Lisp (ou sa variante, Scheme), vous ne savez pas ce qu'est un langage de programmation puissant et élégant. Après avoir appris Lisp, vous verrez ce qu'il manque dans la majorité des autres langages.
Contrairement à la plupart des langages d'aujourd'hui, qui se concentrent sur la définition de types de données spécialisés, Lisp offre peu de types de données, mais ils sont génériques. Au lieu de définir des types spécifiques, vous construisez des structures à partir de ceux-là. Ainsi, au lieu d'offrir une méthode pour définir un type de liste-de-ceci ou un type de liste-de-cela, Lisp a un type de liste qui peut contenir n'importe quel genre de données. »

— How I do my computing[10]

Généalogie et variantes

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Notes et références

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  1. (en) D. A. Kent « Some History of Functional Programming Languages » () (lire en ligne) [PDF]
    TFP12 (lire en ligne)
  2. awesome-lisp-companies.
  3. Description du cours « Structure and Interpretation of Computer Programs », MIT
  4. John McCarthy, Recursive Functions of Symbolic Expressions and Their Computation by Machine, Part I, Communications of the ACM, Vol. 3 Issue 4, April 1960 DOI 10.1145/367177.367199
  5. UPGRADE (European Journal for the Informatics Professional), juin 2005, p. 14
  6. Formellement, il s'agit de notation préfixée, mais l'usage particulier des parenthèses dans le langage Lisp induit qu'il s'agit réellement de notation polonaise, le rôle même de l'interpréteur étant de réduire les expressions parenthésées en expressions linéaires interprétables de gauche à droite, les opérateurs en premier.
  7. Gregory Chaitin Hasard et complexité en mathématiques Flammarion 2009.
  8. Comme le dit Daniel J. Edwards dans l'interview qu'il donne à Jeffrey R. Yost « Oral history interview with Daniel J. Edwards », Charles Babbage Institute,
  9. Elegant LISP Programs
  10. (en) « How I do my computing » (consulté le )
  11. Eligis
  12. ISO/IEC 13816:1997(E)
  13. ISO/IEC 13816:2007(E)

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Articles connexes

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  • Lambda calcul : langage mathématique dont Lisp, comme d'autres langages informatiques fonctionnels, est inspiré.
  • Common Lisp : descendant direct du Lisp de McCarthy ; le terme Lisp est aujourd'hui autant employé pour se rapporter au Lisp originel qu'au Common Lisp.
  • Scheme : autre descendant du Lisp, plus axé sur la programmation fonctionnelle que sur la programmation de macros.
  • S-expression

Liens externes

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