Région administrative du Québec — Wikipédia

Une région administrative, au Québec, est la première division du territoire après celle de l'État. Le Québec est divisé en 17 régions administratives. Comme leur nom l'indique, il s'agit de divisions administratives et non politiques.

Il n'existe pas d'instance politique élective responsable de gérer une région et celles-ci ne bénéficient pas de la personnalité morale. Cependant, un ministre responsable, appelé à traiter des enjeux locaux avec le gouvernement provincial ou au nom de ce dernier auprès de la population, est nommé pour chaque région.

Les régions servent à organiser les services gouvernementaux et le développement du territoire en fonction des particularités régionales. Elles jouent également un rôle identitaire important, les réalités socio-économiques et historiques variant parfois beaucoup en raison de la superficie et de la densité démographique du Québec.

Les dix premières régions sont créées le , puis une réorganisation est faite le .

Gouvernements particuliers

[modifier | modifier le code]

Les plus anciennes divisions régionales sur le territoire qui constitue aujourd'hui le Québec remontent à la colonie française du Canada, au XVIIe siècle. Elles sont alors au nombre de trois « gouvernements particuliers » :

Ce type de division régionale fut sans doute celui ayant possédé le plus de pouvoir dans l'histoire du Québec. Chaque gouvernement est alors dirigé par un gouverneur, assisté d'une fonction publique, avec une administration civile, militaire et judiciaire. À la Conquête, ces trois régions existent encore jusqu'à la fin de la guerre en 1763.

Districts provinciaux

[modifier | modifier le code]
Carte découpant le Bas-Canada en 4 districts, en 1838.
Carte des districts municipaux du Bas-Canada, en 1841.

Quelques mois après la proclamation royale de 1763 et la création de la province britannique de Québec, le territoire est divisé en deux districts : Québec et Montréal. Sous le régime britannique, le pouvoir est centralisé au sein du gouvernement provincial. Le rôle des districts est donc limité : ils sont essentiellement conçus pour gérer le système de justice à l'échelle locale. Un troisième district, Gaspé, est créé en 1787[1]. Du côté de Trois-Rivières, il faut attendre le avant que l'ancienne division française réapparaisse[2].

Au sein du Bas-Canada, les quatre districts sont conservés, bien que Gaspé se voit attribuer le statut de sous-district (dit « district inférieur »). Un deuxième sous-district, Saint-François, est créé le par scission de Montréal et Trois-Rivières. Sa création est motivée par l'augmentation de la population dans les Cantons-de-l'Est, en raison de l'afflux de colons au Buckinghamshire. Saint-François et Gaspé deviendront des districts judiciaires à part entière respectivement en 1833 et 1843. Puis en 1849 s'ajoutent les districts de Kamouraska et d'Ottawa[3].

En 1857, douze districts judiciaires sont créés, pour un total de dix-neuf. Chicoutimi deviendra le vingtième en 1858. Cette forte augmentation s'explique par l'effervescence du monde juridique au Bas‐Canada durant cette période[4], laquelle conduira à l'entrée en vigueur du Code civil du Bas-Canada[5]. Les réformes en font des entités au territoire de plus en plus restreint uniquement consacré à la justice. Les districts judiciaires existent toujours et sont actuellement au nombre de 36.

Parallèlement, dans les années 1840 et 1850, les gouvernements tentent de mettre en place des « districts municipaux » ou « municipalités de comtés ». Ce sont les comtés, dès 1855, qui deviendront alors la principale subdivision administrative régionale[6].

« Les régions de la province de Québec » (1923)

Ce n'est qu'à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle qu'on commence à employer le terme « région », entre autres pour faire référence aux nouveaux espaces de colonisation comme le Saguenay et le lac Saint-Jean. C'est à ce moment que sont créés des toponymes décrivant un espace régional, soit un ensemble de plusieurs comtés partageant une même réalité géographique ou historique, comme les Laurentides (1845)[7] ou le Bas-Saint-Laurent (1855)[8]. À travers sa propagande (comme avec ses ouvrages Les régions de colonisation de la province de Québec), le ministère de la Colonisation contribuera à populariser le nom de ces régions. Le tourisme participera aussi au rayonnement du nom de certaines régions, comme la Gaspésie, autrefois district désigné simplement « Gaspé ». D'autres régions recevront leur nom actuel plus tardivement, comme la Mauricie (1933)[9] ou l'Estrie (1946)[10]. Tous ces territoires n'ont toujours pas d'existence légale et leurs frontières demeurent parfois floues.

Création des régions administratives

[modifier | modifier le code]

Il faut attendre les années 1960 avant que s'entame une nouvelle réflexion sur l'administration territoriale du Québec. Le gouvernement Jean Lesage donne un statut juridique aux régions le [11]. L'arrêté en conseil n° 524 adopté par le Conseil exécutif du Québec divise officiellement le territoire québécois en 10 régions et 25 sous-régions administratives[12]. Un des objectifs est de mettre fin à une anarchie dans les découpages administratifs des divers ministères et organismes du gouvernement du Québec. Une quarantaine de systèmes de régions existaient alors. Le nouveau système est une conception du Bureau de recherches économiques du ministère de l'Industrie et du Commerce[13].

Réformes subséquentes

[modifier | modifier le code]

En 1981, les limites des régions sont ajustées pour prendre en compte celles des municipalités régionales de comté, créées en 1979[14]. La même année, le 3 juin, un décret du Conseil des ministres fait en sorte que les toponymes Cantons-de-l'Est et Nord-Ouest sont respectivement remplacés par Estrie et Abitibi-Témiscamingue[15].

Le , le décret n° 2000-87 révise les limites régionales en faisant passer le nombre de régions de 10 à 16. La grande région de Montréal est scindée en cinq : Montréal, Laval, Lanaudière, Laurentides et Montérégie. Du côté de la grande région de Québec, elle est scindée en deux : Québec et Chaudière-Appalaches. Finalement, le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie est aussi scindé en deux : Bas-Saint-Laurent et Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Trois-Rivières est renommé en Mauricie-Bois-Francs.

En 1997, la région de Mauricie-Bois-Francs est à son tour scindée en deux : Mauricie et Centre-du-Québec. Cette révision fixe le nombre de régions à dix-sept. Un ministère des Régions voit le jour le [16], mais il est aboli en 2003. En 1999, Québec est rebaptisé Capitale-Nationale sous l'impulsion du gouvernement nationaliste de Lucien Bouchard.

En 2021, l'est de la Montérégie (MRC Brome-Missisquoi et Haute-Yamaska) se joignent à l'Estrie[17]. Cependant, dans d'autres découpages administratifs utilisés en parallèle (santé, tourisme) elles y étaient déjà depuis longtemps (avec quelques différences qui ne suivent pas le contour des MRC).

Conférences régionales des élus

[modifier | modifier le code]

Entre 2003 et 2016, chaque région a possédé une conférence régionale des élus (CRE), à l'exception de la Montérégie et du Nord-du-Québec qui en ont possédé plusieurs. Une CRE était composée de personnes nommées par le gouvernement du Québec et par des élus municipaux de la région. Son mandat était de conseiller le gouvernement et de superviser à l'échelle régionale les politiques adoptées par les municipalités régionales de comté. Un droit de regard et de surveillance appartient alors, de manière égale, à toutes autres municipalités de la région ou CRE, sur le territoire de l'une d'elles, dans les affaires relevant des compétences régionales[Quoi ?]. Ce système est disparu avec le projet de loi no 28, adopté le [18]. Le processus d'abolition est achevé le .

Régions administratives

[modifier | modifier le code]

Liste des régions administratives

[modifier | modifier le code]

Chaque région administrative possède un code numérique, en plus de son nom. Elle regroupe un ou plusieurs paliers supra-locaux : soit une municipalité régionale de comté ou un territoire qui lui est équivalent (dont certaines agglomérations urbaines). Il n'existe plus de siège régional depuis l'abolition du système de conférence régionale des élus, mais la ville la plus populeuse est ici mentionnée.

Nom Code Subdivisions Population (2020) Superficie terrestre (km²) Densité (hab./km²) Plus grande ville Ministre responsable
Bas-Saint-Laurent 01
197 736 22 185 8,9 Rimouski Maïté Blanchette Vézina
Saguenay–Lac-Saint-Jean 02
277 897 95 760 2,9 Saguenay Andrée Laforest
Capitale-Nationale 03
751 366 18 644 40 Québec Jonatan Julien
Mauricie 04
270 016 35 447 7,6 Trois-Rivières Jean Boulet
Estrie 05
329 747 12 485 32 Sherbrooke François Bonnardel
Montréal 06
2 050 053 497,05 4 124 Montréal Pierre Fitzgibbon
Outaouais 07
396 000 30 467 13 Gatineau Mathieu Lacombe
Abitibi-Témiscamingue 08
148 216 57 349 2,6 Rouyn-Noranda Jean Boulet
Côte-Nord 09
91 121 236 502 0,4 Sept-Îles Kateri Champagne Jourdain
Nord-du-Québec 10
46 202 700 461 0,07 Chibougamau Jean Boulet
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine 11
90 634 20 272 4,5 Gaspé Maïté Blanchette Vézina
Chaudière-Appalaches 12
428 924 15 074 28 Lévis Bernard Drainville
Laval 13
439 754 246,14 1 787 Laval Christopher Skeete
Lanaudière 14
515 682 12 308 42 Terrebonne Caroline Proulx
Laurentides 15
621 736 20 559 30 Saint-Jérôme Benoit Charette
Montérégie 16
1 581 697 8 824 142 Longueuil Suzanne Roy
Centre-du-Québec 17
249 216 6 921 36 Drummondville André Lamontagne

Source : ministère des Affaires municipales et de l'Habitation du Québec[19].

Liste des anciennes régions administratives

[modifier | modifier le code]
  • Bas-Saint-Laurent–Gaspésie (1966-1987) : Dissoute le , elle était composée des actuelles régions administratives du Bas-Saint-Laurent et d'une partie de Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.
  • Cantons-de-l'Est (1966-1981) : En 1981, elle est devenue principalement la région administrative de l'Estrie. Les anciens cantons d'Arthabaska, Brome, Compton, Drummond, Frontenac, Mégantic, Missisquoi, Shefford, Stanstead et Wolfe furent intégrés dans d'autres régions administratives : Montréal (06) (aujourd'hui Montérégie (16)), Trois-Rivières (04) (aujourd'hui Centre (17)), et Québec (03) (aujourd'hui Chaudière-Appalaches (12)). D'autres portions des Cantons-de-l'Est avaient été redistribuées un siècle plus tôt[20].
  • Mauricie–Bois-Francs (1987-1997) : Avant le , elle était la région administrative de Trois-Rivières. Dissoute le , elle était composée des actuelles régions administratives de la Mauricie (04) et du Centre-du-Québec (17).
  • Montréal-Laval-Lanaudière-Laurentides-Montérégie (1966-1987) : Cette région administrative qui portait le numéro 06 a été subdivisée en cinq régions administratives : Montréal (06), Laval (13), Lanaudière (14), Montérégie (16) et la moitié sud-est de Laurentides (15).
  • Nord-Ouest (1966-1981) : En 1981, elle est devenue la région administrative de l'Abitibi-Témiscamingue.
  • Nouveau-Québec (1966-1987) : Le , elle est devenue la région administrative du Nord-du-Québec.
  • Québec : Le , elle est devenue la région administrative de la Capitale-Nationale (sans changer de frontières).
  • Trois-Rivières (1966-1987) : Le , elle est devenue la région administrative de Mauricie–Bois-Francs.
  • Saguenay-Lac-St-Jean-Chibougamau (?-1987) : La région 02 a été amputée de sa portion nord-ouest selon la ligne de partage des eaux du St-Laurent tout en changeant de nom. Le reste a été transféré à la région Nord (10)[21].

Autres changements :

  • Outaouais (07) était anciennement une région de forme ronde. Son nord-est est devenu la moitié nord-ouest de Laurentides (15) à la formation de cette dernière en 1987.
  • Abitibi-Témiscamingue (09) s'étendait plus au nord jusqu'en 1966 ou 1981 (?) puis presque jusqu'à la Baie-James jusqu'en 1987, quand la moitié nord de la région (donc une partie importante de l'Abitibi) a été réassignée à la région Nord-du-Québec. La nouvelle frontière nord est tellement au sud que des villages fondés comme faisant partie de l'Abitibi durant la crise économique des années 1930 n'en font désormais plus partie. Notamment, le célèbre roman Les Filles de Caleb 2 se passait de part et d'autre de la frontière de 1987, dont une bonne partie à Villebois (Jamésie).
  • La sous-région Chibougamau faisait partie de l'Abitibi jusqu'à son transfert à la région 02 en 1966 ou 1981 (?), puis à la région 10 en 1987.

La société Brault et Bouthillier a publié la carte des 10 régions administratives du Québec de la réforme de 1981, généralement pour usage dans les classes d'écoles primaires.

Incertitudes frontalières

[modifier | modifier le code]

Quoique les frontières interrégionales sont toutes clairement définies, les frontières avec d'autres provinces le sont moins, et les trois principaux cas concernent chacun une seule région administrative. En particulier;

  • La frontière terrestre de Côte-Nord/Labrador telle que définie en 1927 est contestée depuis 1927, ce qui fait une grosse différence de superficie de la Côte-Nord selon qu'on choisit la définition du gouvernement du Québec ou celle des autres (gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador).
  • La région Nord (10) ne possède pas les eaux de sa propre côte, contrairement à la coutume, ce qui rend la région Nord plus dépendante de décisions fédérales.
  • La région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (01) n'a pas ce problème, mais sa frontière marine avec Terre-Neuve pourrait être contestée dans le futur : par exemple, au début des années 2010, on parlait de pétrole du Golfe qui serait le long de cette frontière (« gisement Old Harry », au large du village madelinot du même nom).

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Mario Mimeault, « Les débuts du district judiciaire de Gaspé », sur Encyclobec, (consulté le ).
  2. « Chronologie trifluvienne », sur Patrimoine Trois-Rivières, (consulté le ).
  3. (en) Donald Fyson, « The Court Structure of Quebec and Lower Canada, 1764-1860 », sur Université Laval, (consulté le )
  4. Evelyn Kolish, « L'histoire du droit et les archives judiciaires », sur Les Cahiers de droit, (consulté le )
  5. Jacinthe Plamondon, « Capsules historiques : Cour du Québec : L'organisation judiciaire au moment de l'entrée en vigueur du nouveau Pacte fédératif en 1867 » [PDF], sur Tribunaux judiciaires du Québec, (version du sur Internet Archive)
  6. Une source pour cette affirmation se retrouve ici : « Jacques Leclerc, Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d'expression française en Amérique du Nord (CEFAN), « (1) Informations préliminaires », sur L'aménagement linguistique dans le monde (consulté le ) », mais d'autres sources plus précises doivent être trouvées. Le lien suivant mentionne que durant le régime britannique (1763-1867), quatre districts existaient (Québec, Montréal, Trois-Rivières et Gaspé) « Gwenaël Cartier, « Québec 1608-2008 : 400 ans de statistiques démographiques tirées des recensements », Cahiers québécois de démographie,‎ (ISSN 0380-1721, e-ISSN 1705-1495, lire en ligne, consulté le ) », mais au courant du XIXe siècle ce sont les comtés qui sont devenus la principale subdivision administrative du Québec.
  7. Commission de toponymie du Québec - Laurentides
  8. Commission de toponymie du Québec - Bas-Saint-Laurent
  9. Commission de toponymie du Québec - Mauricie
  10. Commission de toponymie du Québec - Estrie
  11. Territoires et développement: La richesse du Québec
  12. Annonce de la division du Québec en régions administratives
  13. Division du Québec en dix régions et vingt-cinq sous-régions administratives
  14. https://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/profils/panorama-regions-2017.pdf
  15. « Commission de toponymie », sur Gazette officielle du Québec, (consulté le )
  16. Entrée en vigueur de la Loi créant le ministère des Régions
  17. Les MRC Brome-Missisquoi et de La Haute-Yamaska désormais en Estrie
  18. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2015C8F.PDF.
  19. [« Cartes régionales et réseau municipal », sur mamh.gouv.qc.ca
  20. axl.cefan.ulaval.ca.
  21. Pierre Bérubé, L'organisation territoriale du Québec: dislocation ou restructuration ?: Urgence d'agir, Québec, Les Publications du Québec, , 172 p. (ISBN 2551155894).

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]