Louise-Julie-Constance de Brionne — Wikipédia
Naissance | |
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Décès | (à 81 ans) Presbourg (aujourd'hui Bratislava) |
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Mère | Éléonore Eugénie de Béthisy |
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Statut |
Louise Julie Constance de Rohan-Rochefort, comtesse de Brionne, châtelaine de Limours, née le 5 mars 1734, décédée le 20 mars 1815 à Presbourg (Bratislava) est la seule femme à avoir exercé la fonction de grand écuyer de France, en charge des « chevaux de main » - c’est-à-dire dressés pour la chasse et la guerre.
Si la comtesse de Brionne fut une passion platonique de Louis XV (1715-1774), elle fut la maîtresse d'Étienne-François de Choiseul, ministre d'État (1758-1770). Tous deux tombérent en disgrâce sous Louis XVI. Ainsi l'accompagna-t-elle dans son exil au château de Chanteloup (Indre-et-Loire).
Sous la Révolution française, elle émigra et mourut le 20 mars 1815 à Presbourg (Bratislava).
Biographie
[modifier | modifier le code]Une grande famille
[modifier | modifier le code]« Grande aristocrate à la beauté légendaire »[1], après Éléonore-Louise-Constance (1728-?) et Charles Jules Armand de Rohan, vicomte de Lavedan (1729-1811), Louise de Rohan-Rochefort est la troisième des enfants nés du mariage de Charles de Rohan-Rochefort, prince de Montauban (1693-1766) avec Éléonore Eugénie de Béthisy (1707-1757).
Descendante des ducs de Bretagne, elle est reçue dans sa neuvième année, le 10 décembre 1742, Chanoinesse de l'Abbaye de Remiremont, titre justifiable par ses deux cents ans (au moins) d'ascendance dans la noblesse[2].
Le 3 octobre 1748 en l'abbaye de Panthemont à Paris, dont sa tante maternelle, Marie-Catherine de Béthizy de Mézières est abbesse depuis 1743, à quinze ans à peine, elle est mariée au comte de Brionne, de dix ans son ainé.
À la mort de Charles de Lorraine en 1751, son mari héritera de la charge royale des écuries. Louis XV, fin cavalier, appréciait les talents du comte. Malheureusement, dix ans plus tard, la comtesse perd son mari. Jeune mère de quatre enfants, elle sait que son aîné qui n’a que 10 ans, le petit prince de Lambesc, n’est pas en mesure de reprendre la charge de son père qui lui revient de droit. Louis-Charles de Lorraine, comte de Brionne (1725-1761)[3], cousin de l'empereur François Ier du Saint-Empire. Officier, il devient Grand écuyer de France. Le mariage est célébré par le prince Louis-Constantin de Rohan. Le couple a quatre enfants :
- Charles-Eugène de Lorraine (1751-1825),
- Joséphine de Lorraine (1753-1797) épouse en 1768 Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan (1743-1780)
- Anne-Charlotte de Lorraine-Brionne (1755-1786) , abbesse de Remiremont (1775-1786),
- Joseph-Marie de Lorraine-Vaudémont (1759-1812) épouse en 1778 Louise de Montmorency-Logny (1763-1832).
Une femme de tête
[modifier | modifier le code]Son mari est victime d'an accident de chasse en 1761.
Malgré la promesse du roi au défunt de transmettre ses charges à son fils, la comtesse doit se battre pour que le monarque tienne parole. Amie intime du duc de Choiseul, elle obtient du roi à la mort de son mari, bien que son fils soit encore un enfant, la survivance de la charge de grand écuyer de France en sa faveur.
Elle demeure la seule femme à avoir exercé cette charge qu'elle transmet à son fils lorsque celui-ci atteignit l'âge de 20 ans[4]. La cour l'appelle "Madame la Grande".
Les Mémoires de Jean-François Marmontel la restituent fréquentant le salon de madame du Deffand et recevant également elle-même en son propre salon de la place du Carrousel : « les nouveaux contes que je faisais alors, et dont ces dames avaient la primeur, étaient, avant ou après le souper, une lecture amusante pour elles. On se donnait rendez-vous pour l'entendre ; et, lorsque le petit souper manquait par quelque événement, c'était à dîner chez madame de Brionne que l'on se rassemblait. J'avoue que jamais succès ne m'a plus sensiblement flatté que celui qu'avaient mes lectures dans ce petit cercle, où l'esprit, le goût, la beauté, toutes les grâces étaient mes juges ou plutôt mes applaudisseurs. Il n'y avait, ni dans mes peintures, ni dans mon dialogue, pas un trait tant soit peu délicat ou fin, qui ne fût vivement senti ; et le plaisir que je causais avait l'air du ravissement »[5].
La comtesse de Brionne achète le 18 mars 1775 aux héritiers de Guillaume de Lamoignon de Montevrault le château de Limours qui avait appartenu successivement à Richelieu et à Gaston d'Orléans[6]. Sa décision de ne pas conserver l'aile ouest alors fort délabrée fait disparaître la grande salle de bal avec ses boiseries et sa toiture due à l'architecte Philibert Delorme, tout en offrant un nouvel éclairage de la cour intérieure[7].
La disgrâce, l'impopularité et l'exil
[modifier | modifier le code]Sous le règne du roi Louis XVI de France, bien qu'appartenant par mariage à la Maison de Lorraine dont est également issue la reine Marie-Antoinette, la comtesse de Brionne n'est pas bien reçue à la cour. La jeune reine apprécie avant tout les gens de son âge et fait grise mine à ses aînées quel que soit leur rang.
La Maison de Rohan est aussi l'objet de deux scandales retentissants: en 1782, la banqueroute du prince de Guémené dont l'épouse est gouvernante des "enfants de France" (le dauphin et ses sœurs) puis en 1786, la condamnation du Grand aumônier de France, cardinal de Rohan, compromis dans l'affaire du collier de la reine, mettent en lumière le train de vie dispendieux des membres des grandes familles et la corruption de la cour provoquant la disgrâce de tous les membres de la Maison de Rohan.
La comtesse émigre sous la Révolution française. Arrêtée dans une ville que, dans ses Mémoires, Laure Junot d'Abrantès croit être Chalons-en-Champagne où Jean-Andoche Junot, époux de la narratrice, se trouve alors avec son régiment : « on disait que madame de Brionne emportait les diamants de la couronne ; elle était mère du prince de Lambesc, dont le nom était en horreur au peuple pour son affaire des Tuileries ; de plus, elle était de la maison de Lorraine, et c'en était assez pour la rendre suspecte : elle fut donc arrêtée ; mais, grâce à Junot, cette démarche, qui aurait pu avoir un caractère fort alarmant pour celle qui en était l'objet, n'eut d'autre suite fâcheuse que le fait même de son arrestation ». Elle peut de fait alors repartir, non sans avoir offert à Junot un boîtier contenant son portrait que celui-ci conservera toute sa vie[8].
Sa fille cadette, abbesse de Remiremont, de santé fragile, mourut dès 1786. L'aînée mourut en 1797. Enfin le prince Joseph, émigré avec son frère en 1791 et officier dans l'armée autrichienne mourut en Hongrie en 1812. Son unique petit-enfant, le prince de Carignan, meurt prématurément en 1800 laissant un fils, Charles-Albert. Bien que mère de l'héritier du trône de Sardaigne, la veuve du prince, Marie-Christine de Saxe, nièce du roi de Saxe, se rallie à l'empire.
Le 20 mars 1815, soit quelques jours après avoir reçu la visite de « son vieil ami » Talleyrand se trouvant alors au congrès de Vienne[9], elle meurt à Presbourg, aujourd'hui Bratislava. Elle repose en la crypte de la cathédrale Saint-Martin. On compte parmi ses descendants directs (par sa fille Joséphine) le roi d'Italie Humbert Ier dont elle est la trisaïeule.
Jugements
[modifier | modifier le code]- « Elle était la beauté même, et la sagesse infuse. Elle avait une taille bien prise et haute, avec un maintien digne, un air imposant, obligeant et doux. C'était une Junon chrétienne, héraldique, et toujours bien poudrée, bien appuyée sur les hermines de Bretagne et mouchetée de croix de Lorraine à profusion. Elle avait une manière toute particulière de faire placer son rouge, c'est-à-dire en ligne absolument droite au plus près des yeux, dont cette couche de brillant carmin glacé d'argent ne diminuait pas l'éclat, tandis que les trois autres lignes inférieures et latérales allaient s'arrondissant en courbe avec une grâce parfaite, à distance égale du nez et des oreilles, et sans jamais tomber au-dessous du niveau de la bouche, ce qui donnait à tout son air de tête une grande distinction. Elle avait du bon sens avec un très bon goût, peu d'esprit avec une réserve charmante. Elle n'était pas toujours également satisfaite de la bonne tenue de son mari (le Prince Louis de Lorraine, Grand-écuyer de France), attendu qu'il ne se montrait pas toujours en assez bonne compagnie ; aussi lui dit-elle un jour en ma présence, avec un air solennel de parti pris : "Monsieur, si je vous rencontre encore dans les Tuileries vous y promenant avec MM. Rivarol et Champcenetz, vous pouvez compter, et je vous donne ma parole d'honneur, que je leur fera la révérence !" » - Madame de Créquy[10].
- « Dans un hôtel de la place du Carrousel, la société trouvait madame de Brionne. Princesse dans toute l'étendue du mot et avec tous les dehors de l'orgueil, elle était digne, imposante, haute dans son maintien, sévère dans ses manières et tenant les gens à distance. Elle avait l'air de compter ses regards pour des grâces, ses paroles pour des services, sa familiarité pour des bienfaits. Elle avait l'âme de son visage, la chaleur, la vivacité lui manquaient ; mais la sûreté de son jugement, la finesse de son tact, un sens rare acquis dans la pratique des affaires politiques, une facilité de parole qui était merveilleuse, la constance de son amitié, un mélange de raideur, de grandeur froides, lui valaient les respects du monde qui n'abordait son salon qu'avec une certaine gêne. » - Edmond et Jules de Goncourt[11]
Portraits
[modifier | modifier le code]Louise-Julie-Constance de Brionne
[modifier | modifier le code]- Jean-Baptiste Lemoyne (1704-1778), Portrait en buste de Louise-Julie-Constance de Brionne, marbre, n°162 du Salon de 1763, Nationalmuseum, Stockholm[12]. Ce buste inspira quelques vers à Voltaire[13] :
« Brionne, de ce buste admirable modèle,
Le fut de la vertu comme de la beauté ;
L'amitié le consacre à la postérité,
Et s'immortalise avec elle. »
Galerie de portraits
[modifier | modifier le code]- D'après Carmontelle, Madame du Deffand
Références
[modifier | modifier le code]- Benoît Florin, La superbe comtesse de Brionne, 1734-1815, Mémoire et documents, 2009.
- « Louise-Julie-Constance de Brionne », Favorites royales, 29 juillet 2012
- Le Mercure, octobre 1748.
- Julie Wasselin, « Louise-Julie-Constance de Rohan », Le saviez-vous ?, 13 mars 2018
- Jean-François Marmontel, Mémoires de Marmontel publiés avec préface, notes et tables par Maurice Tourneux, Librairie des bibliophiles, 1816.
- Noël Bouvet, Richelieu, Gaston d'Orléans et la comtesse de Brionne à Limours, d'après le manuscrit de Prévost, régisseur de la comtesse de Brionne
- Michaël Decrossas, « Les travaux au château de Limours durant le second exil de Gaston d'Orléans », Documents d'Histoire parisienne, n°5, 2005, pp. 33-36
- Laure Junot d'Abrantès, Mémoires de madame la duchesse d'Abrantès - Souvenirs historiques sur Napoléon, la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration, Hauman, Cattoir et Cie, Bruxelles, 1837, tome premier, pp. 129-131.
- Mémoires du Prince de Talleyrand publiés avec une préface et des notes par le duc de Broglie de l'Académie française, tome 3, Calmann-Lévy, 1891.
- Souvenirs de madame de Créquy de 1710 à 1803, tome troisième, chapitre V, H.-L. Delloye, 1842.
- Edmond et Jules de Goncourt, La femme au XVIIIe siècle, Firmin-Didot, 1887.
- Nationalmuseum Stockholm, Jean-Baptiste Lemoyne dans les collections
- Voltaire, « Lettre à la princesse de Ligne, 6 juin 1764 », Correspondance générale, chez Th. Desoer, libraire à Paris, 1817, p. 782.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Manuel chronologique et généalogique des familles souveraines de l'Europe, Imprimerie des Frères Wegener, Berlin, 1797.
- Jean-François Marmontel, Mémoires de Marmontel publiés avec préface, notes et tables par Maurice Tourneux, Librairie des bibliophiles, Paris, 1816.
- Laure Junot d'Abrantès, Mémoires de madame la duchesse d'Abrantès - Souvenirs historiques sur Napoléon, la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration, tome premier, Hauman, Cattoir et Cie, Bruxelles, 1837 (consulter en ligne).
- Souvenirs de madame de Créquy de 1710 à 1803, tome troisième, H.-L. Delloye, Paris, 1842 (consulter en ligne).
- Edmond et Jules de Goncourt, La femme au XVIIIe siècle, Firmin-Didot, 1887.
- Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Mémoires du prince de Talleyrand publiés avec une préface et des notes par le duc de Broglie de l'Académie française, tome 3, Calmann-Lévy, 1891 (consulter en ligne).
- Charles Maugras, La disgrâce du duc et de la duchesse de Choiseul, la vie à Canteloup, le retour à Paris, la mort, Plon, Paris, 1903.
- Benedetta Craveri, Madame du Deffand et son monde, Seuil, 1987.
- Benoît Florin, La superbe comtesse de Brionne, 1734-1815, Mémoire et documents, Versailles, 2009.
- Jacques Levron, Les inconnus de Versailles - Les coulisses de la Cour, collection « Tempus », Perrin, 2009 (consulter en ligne).
Fonts d'archives
[modifier | modifier le code]- Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux.
- Archives nationales, Paris, Minutes et répertoires du notaire Pierre Louis Laideguive, janvier 1741 - décembre 1750, dont contrat de mariage entre Louis-Charles de Lorraine et Louise-Julie-Constance de Rohan-Rochefort (descriptif en ligne).