Messages de bonne volonté d'Apollo 11 — Wikipédia

Le disque de silicium, qui mesure 1,5 pouce (38 mm).
Le disque de silicium à côté d'un pièce d'un demi-dollar Kennedy, pour donner une idée de sa taille.

Les messages de bonne volonté d'Apollo 11 (anglais : Apollo 11 Goodwill Messages) sont des déclarations rédigées, à la demande de la NASA, par les dirigeants de nombreux pays du monde, afin de les reproduire en fac-similé sur un disque de silicium de la taille d'une pièce de monnaie, que les astronautes d'Apollo 11 ont déposé en à la surface de la Lune.

Ce disque fait partie de plusieurs symboles que les États-Unis ont prévus pour donner une dimension internationale aux premiers pas de l'Homme sur la Lune, dans un contexte de course à l'espace engendrée par la guerre froide avec l'Union soviétique.

Description

[modifier | modifier le code]

Le disque mesure 1,5 pouce (38 mm) de diamètre[1]. Il est constitué de silicium pur à 99,999 %[2]. Pour le protéger des chocs, il est enchâssé dans un étui en aluminium, sur lequel est écrit « From Planet Earth » (« De la planète Terre ») et « July 1969 » («  »)[3].

Les inscriptions à la surface du disque, qui ont été miniaturisées 200 fois, ne sont pas visibles à l'œil nu et nécessitent un microscope pour être lues.

Développement

[modifier | modifier le code]

Le disque a été développé avec la NASA par Sprague Electric Company (en), une société de North Adams dans le Massachusetts. Le silicium a été choisi pour sa capacité à résister aux conditions extrêmes, car il était évident que la technologie de microfilm, habituellement utilisée pour ce type d'application, ne résisterait pas aux radiations, aux températures et au vide presque complet auxquels le disque serait soumis à la surface de la Lune[1].

Le procédé de stockage de données est novateur, si bien que Sprague l'a breveté[4],[5]. La technique d'impression est similaire à celle des circuits intégrés (la photolithographie), utilisant des ultraviolets sur une surface photosensible[3], avec un lavage à l'acide fluorhydrique.

Inscriptions

[modifier | modifier le code]
Communiqué de presse de la NASA du à propos de ce disque, qui en décrit notamment le contenu[6].
Reproduction des messages, offerte par la NASA au Planétarium de Bogota.
Reproduction des messages, offerte par la NASA au Planétarium de Bogota.

Déclarations de chefs d'État

[modifier | modifier le code]

Échanges avec la NASA

[modifier | modifier le code]

Sur les 127 pays reconnus par les Nations unies à l'époque, 116 pays ont été contactés par Thomas O. Paine, administrateur de la NASA, via leur ambassade à Washington[7]. Les dirigeants ayant répondu à temps à cette demande sont au nombre de 73. Les délais de réponse étant très courts pour une demande aussi officielle (moins d'un mois), un grand nombre de pays – dont la France – n'ont pas pu répondre à temps[8]. Certains pays, comme la Thaïlande, ont demandé davantage de détails avant d'envoyer un message. Enfin, Dudley Senanayake, alors Premier ministre du Sri Lanka, a répondu à Paine qu'il déclinait l'offre[7].

Guerre froide

[modifier | modifier le code]

Ce disque contribue à donner une dimension internationale à la mission Apollo 11, à l'instar d'autres symboles, en particulier la plaque commémorative laissée sur la Lune, portant l'inscription « We came in peace for all mankind » (« Nous sommes venus en paix pour toute l'humanité »).

Ces symboles s'opposent ainsi au drapeau américain déployé sur la Lune, qui répond aux aspirations des contribuables américains ayant financé le programme Apollo, et assoit la victoire des États-Unis contre l'Union soviétique dans la course à l'espace provoquée par la guerre froide.

Mais malgré la symbolique internationale du disque, le contexte de la guerre froide s'y traduit tout de même. En effet, les États-Unis ne reconnaissent pas les régimes communistes de plusieurs pays et y soutiennent des forces d'opposition, qui sont donc choisies pour représenter ces pays sur le disque :

Buzz Aldrin affirme dans ses mémoires qu'un message de l'Union soviétique elle-même figure sur le disque[9],[10], mais il semble que ce ne soit pas le cas. En revanche, quatre pays communistes ont participé à l'opération[11] (république populaire de Pologne, république socialiste de Roumanie, république fédérative socialiste de Yougoslavie et ...[Quoi ?] — la Yougoslavie ayant toutefois rompu en avec le bloc de l'Est).

Les messages félicitent les États-Unis et ses astronautes, et expriment l'espoir de paix pour toutes les nations du monde. Plusieurs messages font référence à Dieu, et celui du pape Paul VI, dirigeant du Vatican, contient le psaume 8 en latin, suivi de la dédicace écrite de la main du pape[12] : « Ad Dei nominis gloriam, qui tantam praestat hominibus virtutem, miro huic incepto bene precamur »[13]. Certaines déclarations sont manuscrites, d'autres dactylographiées, celle de Paul VI fait preuve d'une recherche artistique[14]. Elles sont rédigées dans la langue officielle du pays ou la langue maternelle du dirigeant.

Leurs auteurs et les pays qu'ils représentent sont les suivants[6] :

Pays Dirigeant Fonction
Afghanistan Mohammad Zaher Shah roi d'Afghanistan (padishah)
Afrique du Sud Jacobus Johannes Fouché président de la république d'Afrique du Sud
Argentine Juan Carlos Onganía président de la Nation argentine
Australie John Gorton premier ministre d'Australie
Belgique Baudouin roi des Belges
Brésil Arthur da Costa e Silva président de la république fédérative du Brésil
Canada Pierre Elliott Trudeau premier ministre du Canada
Chili Eduardo Frei Ruiz-Tagle président de la république du Chili
Colombie Carlos Lleras Restrepo président de la république de Colombie
Corée du Sud Park Chung-hee président de la république de Corée
Costa Rica José Joaquín Trejos Fernández président de la république du Costa Rica
Côte d'Ivoire Félix Houphouët-Boigny président de la république de Côte d'Ivoire
Chypre Makários III président de la république de Chypre
Dahomey (actuel Bénin) Émile Derlin Henri Zinsou président de la république du Dahomey
Danemark Frédéric IX roi de Danemark
Équateur José María Velasco Ibarra président de la république d'Équateur
Estonie Ernst Jaakson consul général à New York, au nom du gouvernement estonien en exil à Oslo
Éthiopie Haïlé Sélassié Ier empereur d'Éthiopie
Ghana Akwasi Afrifa président du Conseil de libération national
Grèce Georges Zoitakis régent de Grèce
Guyana Forbes Burnham premier ministre du Guyana
Haute-Volta (actuel Burkina Faso) Aboubacar Sangoulé Lamizana président de la république de Haute-Volta
Inde Indira Gandhi premier ministre de l'Inde
Iran Mohammad Reza Pahlavi Chah
Irlande Éamon de Valera président de l'Irlande
Islande Kristján Eldjárn président de la république d'Islande
Israël Zalman Shazar président de l'État d'Israël
Italie Giuseppe Saragat président de la République italienne
Jamaïque Hugh Shearer premier ministre de la Jamaïque
Japon Eisaku Satō premier ministre du Japon
Kenya Jomo Kenyatta président de la république du Kenya
Laos Savang Vatthana roi du Laos
Lesotho Joseph Leabua Jonathan premier ministre du Lesotho
Lettonie Anatols Dinbergs (en) conseiller à la légation de Washington, au nom du corps diplomatique letton en exil (en)
Liban Charles Hélou président de la République libanaise
Liberia William Tubman président de la république du Liberia
Madagascar Philibert Tsiranana président de la République malgache
Malaisie Ismail Nasiruddin Shah[15] roi de Malaisie
Maldives Ibrahim Nasir Rannabandeyri Kilegefan[15] président de la république des Maldives
Mali Moussa Traoré président de la république du Mali
Malte Giorgio Borg Olivier premier ministre de Malte
Maurice Seewoosagur Ramgoolam premier ministre de Maurice
Mexique Gustavo Díaz Ordaz président de la république des États-Unis mexicains
Maroc Hassan II roi du Maroc
Nicaragua Anastasio Somoza Debayle président de la république du Nicaragua
Nouvelle-Zélande Keith Holyoake premier ministre de Nouvelle-Zélande
Norvège Olav V roi de Norvège
Pakistan Muhammad Yahya Khan président de la république islamique du Pakistan
Panama Bolívar Urrutia Parrilla président du Panama
Pays-Bas Juliana reine des Pays-Bas
Pérou Juan Velasco Alvarado président du gouvernement révolutionnaire des forces armées du Pérou
Philippines Ferdinand Marcos président de la république des Philippines
Pologne Jerzy Michałowski (de) ambassadeur aux États-Unis (en)
Portugal Américo Tomás président de la République portugaise
République démocratique du Congo Joseph-Désiré Mobutu président de la république démocratique du Congo
République dominicaine Joaquín Balaguer Ricardo président de la République dominicaine
Roumanie Nicolae Ceaușescu président de la république socialiste de Roumanie
Royaume-Uni Élisabeth II reine du Royaume-Uni
Sénégal Léopold Sédar Senghor président de la république du Sénégal
Sierra Leone Siaka Stevens premier ministre de Sierra Leone
Swaziland (actuel Eswatini) Sobhuza II roi du Swaziland
Taïwan Tchang Kaï-chek président de la république de Chine
Tchad François Tombalbaye président de la république du Tchad
Thaïlande Rama IX roi de Thaïlande
Togo Étienne Eyadéma président de la République togolaise
Trinité-et-Tobago Eric Williams premier ministre de Trinité-et-Tobago
Tunisie Habib Bourguiba président de la République tunisienne
Turquie Cevdet Sunay président de la république de Turquie
Uruguay Jorge Pacheco Areco président de la république orientale de l'Uruguay
Vatican Paul VI pape
Viêt Nam Nguyễn Văn Thiệu président de la république du Viêt Nam
Yougoslavie Josip Broz Tito président de la république fédérative socialiste de Yougoslavie
Zambie Kenneth Kaunda[16] président de la Zambie

En , James R. Hansen raconte, dans la préface d'une réédition de First Man, qu'au cours d'une entrevue qu'il a eue en avec Neil Armstrong, celui-ci lui a cité les trois messages qui l'ont le plus marqué[17] :

Noms de parlementaires américains

[modifier | modifier le code]

Le disque contient les noms de certains parlementaires américains alors en exercice, membres de la 91e législature (en) du Congrès. Ainsi, pour chacune des deux chambres (la Chambre des représentants et le Sénat) on trouve les noms de :

  • ses dirigeants :
    • président(s) de chambre,
    • chefs de majorité et d'opposition,
    • whips de majorité et d'opposition ;
  • les membres de ses commissions permanentes liées à la NASA :
    • la commission responsable du programme spatial (Committee on Science and Astronautics),
    • au sein de la commission responsable de l'allocation du budget (Committee on Appropriations) :
      • la sous-commission ayant la NASA sous sa juridiction (Subcommittee on Independent Offices and Department of Housing and Urban Development).

Chambre des représentants

[modifier | modifier le code]
  • George H. Mahon (en) (président, majorité)
  • Frank T. Bow (en) (vice-président, opposition)
  • Subcommittee on Independent Offices and Department of Housing and Urban Development :

Noms d'officiels de la NASA

[modifier | modifier le code]

Le disque contient les noms d'officiels de la NASA :

Citations de présidents américains

[modifier | modifier le code]

Le disque contient des citations des quatre derniers présidents américains en date :

Dépôt sur la Lune

[modifier | modifier le code]

Autres objets

[modifier | modifier le code]

Le disque a été déposé sur la Lune en même temps que d'autres objets symboliques[18] :


Position du disque sur la Lune, indiquée par un cercle.

Ces objets ont été déposés sur la Lune au dernier moment, juste avant que les deux astronautes, Neil Armstrong et Buzz Aldrin, ne terminent leur sortie extravéhiculaire sur le sol lunaire et ne retournent dans Eagle, le module lunaire. Ces objets étaient conservés par Aldrin dans un petit sac glissé dans une poche de sa combinaison.

Les deux astronautes les avaient oubliés, et Aldrin était déjà sur l'échelle en train de remonter dans le module lunaire, quand Armstrong, toujours à l'extérieur, se les rappela et lui demanda s'il s'était occupé de les déposer (« How about that package out of your brief? » – ou « sleeve? » selon les transcriptions – « Get that? »). Aldrin répondit par la négative ; Armstrong lui proposa donc de venir les récupérer, mais Aldrin jeta le sac au sol. Armstrong le poussa légèrement avec sa botte puis demanda à Aldrin si l'emplacement convenait, et celui-ci acquiesça. Il n'y eut pas davantage de cérémonial[19], même si les deux astronautes avaient espéré pouvoir faire une petite cérémonie, s'ils en avaient eu le temps[20]. Le disque repose donc depuis lors sur la surface de Mare Tranquillitatis, à la base de la Tranquillité, à côté de l'étage de descente du module lunaire.

Trois heures plus tard, alors qu'ils se reposaient dans le module lunaire avant de rejoindre Columbia, le module de commande resté en orbite, l'un des contrôleurs de mission, Owen Garriott, leur demanda pour vérification s'ils avaient bien déposé les objets[21].

Versions restées sur Terre

[modifier | modifier le code]

Sprague a produit plusieurs disques avant la version finale envoyée sur la Lune. Parmi ces disques restés sur Terre, l'un est conservé par le National Air and Space Museum[22], un autre par la Richard Nixon Presidential Library[23], et un autre appartient à Steve Jurvetson (en)[24].


Références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b (en) « And now, aiming beyond the moon », Electronics (en), McGraw-Hill, vol. 42, no 16,‎ , p. 48, § « Hello, moon » (lire en ligne).
  2. (en) « Moon Disc Etched by Photosensitive Resist », British Journal of Photography, vol. 116, no 5700,‎ , p. 981.
  3. a et b Harland 2007.
  4. (en) John L. Sprague, Robert S. Pepper, Eugene P. Donovan et Frederick W. Howe pour Sprague Electric Company, Brevet U.S. 3,607,347 : Data reduction and storage, déposé le 4 août 1969, publié le 21 septembre 1971, sur Google Patents.
  5. Rahman 2008, p. 21.
  6. a et b Communiqué de presse 1969.
  7. a et b (en) Nalaka Gunawardene, « How Sri Lanka Missed the Moon », The Sunday Leader (en), vol. 15, no 53,‎ (lire en ligne) [lire en ligne sur Groundviews].
  8. « Apollo 11 : oublis et légendes », Cité de l'espace, , republié le et le .
  9. (en) Buzz Aldrin et Malcolm McConnell, Men from Earth, New York, Bantam Books, , 312 p. (ISBN 0-553-05374-4), p. 243.
  10. (en) Buzz Aldrin et Ken Abraham, Magnificent Desolation : The Long Journey Home from the Moon, Harmony Books, , 326 p. (ISBN 978-0-307-46345-6 et 978-0-307-46346-3), p. 41 [lire en ligne].
  11. « Cent cinquante-trois messages sur la Lune », Le Monde, (version du sur Internet Archive).
  12. (en) « Papal Message Sent On Moon Trip », The Voice, vol. 11, no 19,‎ , p. 26 (lire en ligne).
  13. (it) Giovanni Rulli, « Grandezza e limiti di un'impresa (Lo sbarco dell'uomo sulla Luna) », La Civiltà Cattolica, vol. 120, nos 2859-2860,‎ 2-16 août 1969, p. 271 (lire en ligne).
  14. (en) Robert Z. Pearlman, « The untold story: how one small silicon disc delivered a giant message to the Moon », collectSPACE (en), .
  15. a et b Rahman 2008, p. 265.
  16. Rahman 2008, p. 272.
  17. (en) James R. Hansen, First Man : The Life of Neil A. Armstrong, New York, Simon and Schuster, (1re éd. 2005), 441 p. (ISBN 978-1-9821-0316-3 et 978-0-7432-8171-3), xxii [lire en ligne], et Londres, Simon and Schuster (ISBN 978-1-4711-7787-3 et 978-1-4711-7788-0) [lire en ligne] ; éd. en français : First Man : Le Premier Homme sur la Lune (trad. Anna Souillac), Neuilly-sur-Seine, Michel Lafon, , 537 p. (ISBN 978-2-7499-3548-5 et 978-2-7499-3817-2, lire en ligne).
  18. (en) John Uri, « 50 Years Ago: One Small Step, One Giant Leap », sur nasa.gov, Centre spatial Lyndon B. Johnson, .
  19. (en) 111:36:38 dans « EASEP Deployment and Closeout », transcription des communications radio, corrigée et commentée par Eric M. Jones, Apollo 11 Lunar Surface Journal, sur nasa.gov.
  20. Rahman 2009, p. 206.
  21. (en) 114:52:28 dans « Trying to Rest », transcription des communications radio, corrigée et commentée par Eric M. Jones, Apollo 11 Lunar Surface Journal, sur nasa.gov.
  22. (en) « Apollo 11 Goodwill Disc », Out of This World, National Air and Space Museum (version du sur Internet Archive).
  23. (en) « NASA Goodwill Messages Silicone Disc in Presentation Box », National Archives Identifier : 6922348, Local Identifier : D1970-2908-2_1, D1970-2908-2_2, NARA.
  24. (en) Julie Bort, « This SpaceX Board Member's Office Is Filled With Fantastic Objects From The Moon », sur Business Insider, .

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Source primaire :

Sources secondaires :

Articles connexes

[modifier | modifier le code]