Minorité anglophone du Cameroun — Wikipédia

Minorité anglophone du Cameroun

Populations importantes par région
Drapeau du Cameroun Cameroun 3 521 900[1] (2015)
Autres
Régions d’origine Nord-Ouest, Sud-Ouest
Langues Anglais, pidgin camerounais, langues locales et français
Religions Protestantisme, islam, catholicisme et religions traditionnelles africaines
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de répartition

La minorité anglophone du Cameroun, également appelée Camerounais anglophones ou anglophones camerounais (en anglais : Cameroon's English-speaking minority et Anglophone Cameroonians), est une minorité linguistique anglophone vivant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun[2]. Elle représente 20 % de la population[3] et regroupe tous les groupes ethniques de ces deux régions.

Colonisation britannique (1922-1961)

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Rattachement au Cameroun et République fédérale (1961)

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Le , les habitants du Cameroun britannique sont invités par référendum à dire s'ils préfèrent s'unir à la République du Cameroun ou la Fédération du Nigeria[4]. À l'issue du référendum, 70,5 % du Cameroun méridional opte pour son rattachement au Cameroun[5] formant ainsi une République fédérale le [6].

Fin du fédéralisme et début du « problème anglophone » (1972-2001)

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En 1972, un référendum met fin au fédéralisme, entraînant l'émergence de revendications identitaires de la part de la minorité anglophone[7],[8]. De nombreux anglophones se considèrent comme marginalisés, voire discriminés, et dénoncent une répartition inéquitable des richesses. Dans les années 1990, les anglophones commencent à réclamer un référendum sur l'indépendance. En 2001, des manifestations interdites pour marquer le 40e anniversaire de l'unification dégénèrent, avec plusieurs morts et l'arrestation de leaders séparatistes[9].

Résurgence du « problème anglophone » et conflit armé (depuis 2016)

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Les tensions resurgissent en novembre 2016, avec des revendications d'enseignants déplorant la nomination de francophones dans les régions anglophones, ou de juristes rejetant la suprématie du droit romain au détriment de la common law anglo-saxonne. La majorité des leaders de la contestation réclament un retour au fédéralisme, tandis qu'une minorité réclame l'indépendance et la proclamation d'un nouvel Etat, l'« Ambazonie ». Le pouvoir exécutif, dirigé par le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et son Premier ministre anglophone, Philémon Yang, rejette ces deux revendications. Dès décembre 2016, les manifestations en zone anglophone, réprimées par les forces de l'ordre, font les premiers morts civils. D'autres suivront lors de manifestations, durement réprimées par les forces de l'ordre[9].

Le , plusieurs leaders anglophones à la tête des manifestations sont arrêtés et inculpés d'« actes de terrorisme ». Paul Biya abandonne les poursuites en août[10]. Entre janvier et mars, Internet est coupé en zone anglophone[11]. Le , au moins 17 personnes sont tuées lors d'une proclamation symbolique d'indépendance par des séparatistes[12]. Fin 2017, une frange séparatiste radicale de la minorité anglophone prend les armes. Dispersés en plusieurs groupes, ils s'en prennent aux forces de sécurité ainsi qu'aux symboles de l'État, comme les écoles, qu'ils incendient. Ils kidnappent également des policiers, des fonctionnaires et des hommes d'affaires, parfois étrangers. Les séparatistes accusent le gouvernement d'avoir « militarisé » les régions anglophones. En 2018, les combats entre soldats et séparatistes sont devenus quasi quotidiens, tuant 170 membres des forces de sécurité et « au moins 400 civils », selon le centre d'analyse International Crisis Group (ICG). Quelque 200 000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile[9]. Selon des rapports récents de l'ICG, le conflit a fait plus de 6 000 morts et plus d'un million de déplacés[13].

Représentation politique

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En 1990, le principal parti d'opposition, le Front social démocrate (SDF), est fondé à Bamenda, capitale de la région du Nord-Ouest, sous la présidence de John Fru Ndi. Le parti étend son influence dans les régions anglophones. Lors de l'élection présidentielle de 1992, John Fru Ndi remporte 86,3 % et 51,6 % des suffrages exprimés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest respectivement.

La libéralisation politique de 1990 conduit à la création de plusieurs associations et groupes de pression plus radicaux que le SDF sur la question anglophone, tels que le Free West Cameroon Movement (FWCM), l'Ambazonia Movement de Fongum Gorji Dinka ou le Conseil national du Cameroun méridional (CNCM), qui prônent la sécession[14].

En 2017, sur 36 ministres ayant un portefeuille, un seul est anglophone[15].

La culture camerounaise anglophone est héritée de la colonisation britannique.

Système juridique

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Les juristes anglophones pratiquent la common law[16].

Système éducatif

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Élèves (form 3) d'un lycée public à Ebonji dans la région du Sud-Ouest en 2015.

L'anglais est la principale langue d'enseignement dans le système éducatif anglophone. À la fin de l'école primaire, les élèves reçoivent leur premier certificat de fin d'études. L'enseignement secondaire général dure sept ans, structuré selon un modèle de cinq ans plus deux ans[17].

Le premier cycle général de l'enseignement secondaire dure cinq ans et conduit au Cameroon General Certificate of Education - Ordinary Level (GCE O-level). Le deuxième cycle général de l'enseignement secondaire dure deux ans et conduit au General Certificate of Education - Advanced Level (GCE A-level). Un minimum de deux A-levels et de quatre O-levels est requis pour accéder à l'enseignement supérieur[17].

Dans l'enseignement secondaire supérieur, les élèves peuvent choisir entre une filière artistique (A) ou scientifique (S), avec les combinaisons de matières suivantes[17]:

Arts :

  • A1 – Littérature anglaise, français et histoire
  • A2 – Histoire, géographie et économie
  • A3 – Littérature anglaise, économie et histoire
  • A4 – Géographie, économie et mathématiques
  • A5 – Littérature anglaise, philosophie et histoire

Sciences :

  • S1 – Mathématiques, chimie et physique
  • S2 – Physique, chimie et biologie
  • S3 – Mathématiques, chimie et biologie
  • S4 – Chimie, biologie et géologie
  • S5 – Chimie, biologie et géographie

L'enseignement technique secondaire inférieur conduit au certificat GCE O (technique) et l'enseignement technique secondaire supérieur au certificat GCE A (technique)[17].

Les Camerounais anglophones sont généralement protestants (anglicans ou évangéliques) ou musulmans, mais il y a aussi des catholiques[18].

Maîtrise et utilisation de l'anglais et de son créole

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Les anglophones du Cameroun vivant en milieu urbain (29 %) maîtrisent mieux l'anglais que ceux vivant en milieu rural (18 %). Les hommes (27%) sont plus nombreux que les femmes (21%) à maîtriser l'anglais, et les jeunes sont plus nombreux que les personnes âgées à maîtriser l'anglais[19].

L'anglais est plus largement parlé dans la région du Sud-Ouest (75%) que dans la région du Nord-Ouest (66%)[20].

Le pidgin camerounais, un créole anglais, est également très répandu, avec 75 % de la population des régions anglophones qui l'utilise[21].

Diaspora et émigration

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Manifestation d'indépendantistes de la minorité anglophone à New York, le .

En raison de la proximité linguistique, les membres de la diaspora camerounaise anglophone tendent à s'installer aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Nigeria. Entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, de nombreux jeunes Camerounais anglophones s'installent en Grande-Bretagne pour y suivre des études supérieures. Après leur arrivée en Grande-Bretagne, certains de ces jeunes, dont Victor Mukete, décident de créer l'Association des étudiants camerounais de Grande-Bretagne et d'Irlande (AECGBI) en 1951[22]. Après leur rattachement au Cameroun, ils quittent le pays par vagues successives. Du début des années 1970 au milieu des années 1980, la première vague est principalement motivée par la nécessité de poursuivre leurs études, l'enseignement universitaire anglophone étant quasiment inexistant au Cameroun (l'enseignement se faisant exclusivement en français). La fin des années 1980 et le début des années 1990 voient le début de deux nouvelles vagues d'immigration. La première, essentiellement économique, se poursuit jusqu'aux années 2010. La seconde concerne des opposants, des journalistes et des intellectuels fuyant les turbulences politiques de l'époque[23].

Personnalités

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Littérature

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. « Cameroon: Regions, Major Cities & Towns - Population Statistics, Maps, Charts, Weather and Web Information », sur www.citypopulation.de (consulté le )
  2. (en) « Anglophones in Cameroon », minorityrights.org,‎ (lire en ligne)
  3. « Conflit. D’où vient la colère des anglophones camerounais ? », sur Courrier international,
  4. « Référendum dans les Camerous Nord et Sud sous tutelle britannique », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Sub-National Referendums in Sub-Saharan Africa » (consulté le )
  6. « Cinq choses à savoir sur la crise anglophone au Cameroun », sur Voice of America,
  7. Le Monde Afrique, « Crise anglophone : pourquoi le Cameroun s’enflamme ? » (consulté le )
  8. « Cameroun : la crise anglophone à la croisée des chemins | Crisis Group », sur www.crisisgroup.org, (consulté le )
  9. a b et c « Cinq choses à savoir sur la crise anglophone au Cameroun », sur Voice of America,
  10. « Cameroun : Paul Biya décrète l’arrêt des poursuites contre des leaders anglophones », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. « Après trois mois de coupure, Internet est de retour dans la partie anglophone du Cameroun », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. « Le Cameroun anglophone, en ébullition, compte ses morts », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  13. « Cameroun : au moins vingt morts dans une attaque de « séparatistes » anglophones », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  14. Piet Konings et Georges Courade, « Le «problème anglophone» au Cameroun dans les années 1990 », Politique africaine, vol. 62, no 1,‎ , p. 25–34 (ISSN 0244-7827, DOI 10.3406/polaf.1996.5959, lire en ligne, consulté le )
  15. « Cameroun : la crise anglophone à la croisée des chemins », sur www.crisisgroup.org, (consulté le )
  16. Célestin Sietchoua Djuitchoko, « Souvenir de la common law et actualité du droit administratif dans les provinces anglophones du Cameroun », Revue générale de droit, vol. 27, no 3,‎ , p. 357–374 (ISSN 2292-2512 et 0035-3086, DOI 10.7202/1035783ar, lire en ligne, consulté le )
  17. a b c et d « Guide sur l’éducation internationale – Cameroun | Alberta.ca », sur www.alberta.ca, (consulté le )
  18. « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  19. (en) « Cameroon », sur uottawa.ca
  20. « Provinces administratives du Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca
  21. « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  22. « « La réunification du Cameroun a été une supercherie » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  23. « Les « anglos » de l’étranger », sur Jeune Afrique,