Opérateur pseudo-différentiel — Wikipédia

En analyse mathématique, un opérateur pseudo-différentiel est une extension du concept familier d'opérateur différentiel, permettant notamment l'inclusion d'ordres de dérivation non entiers. Ces opérateurs pseudo-différentiels sont abondamment utilisés dans la théorie des équations aux dérivées partielles et en théorie quantique des champs.

Rappels et notations

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On reprend ci-dessous les notations introduites dans l'article opérateur différentiel.

Opérateur différentiel

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Rappelons qu'un opérateur différentiel linéaire d'ordre s'écrit :

où les , appelées coefficients de l'opérateur , sont des fonctions des variables d'espace .

Introduction de la transformée de Fourier

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Définition

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On définit ici la transformée de Fourier de la fonction de variables par :

.

La formule de transformation inverse s'écrit alors :

.

Application aux opérateurs différentiels

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Le symbole de l'opérateur différentiel d'ordre est la fonction des variables polynomiale en  :

.

L'opérateur différentiel linéaire d'ordre vérifie alors la relation :

.

On constate que cette formule pourrait en fait permettre de définir l'opérateur à partir de son symbole . Nous allons mettre cette idée à profit dans le paragraphe suivant.

Introduction : opérateur pseudo-différentiel à coefficients constants

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Opérateur différentiel à coefficients constants

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Si les coefficients de l'opérateur différentiel d'ordre sont indépendants des variables d'espace , son symbole est seulement une fonction des variables polynomiale en  :

de telle sorte que :

soit encore, en utilisant la transformation de Fourier inverse[1] :

.

Définition : opérateur pseudo-différentiel à coefficients constants

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Soit une fonction des variables . On associe à cette fonction un opérateur pseudo-différentiel à coefficients constants, dont l'action sur une fonction est définie par l'intégrale suivante :

.

Pour que l'intégrale ait un sens, il faut que le symbole présente quelques « bonnes » propriétés :

  • la fonction doit être lisse ;
  • la fonction doit avoir une croissance tempérée lorsque , cette croissance tempérée devant de plus s'améliorer par dérivation. Par analogie avec le cas d'un opérateur différentiel d'ordre , où cette croissance est polynomiale, on est amené à demander ici qu'il existe un nombre tel que :

où les sont des constantes, qui peuvent dépendre de .

Calcul symbolique exact

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Soient et deux opérateurs pseudo-différentiels à coefficients constants, définis respectivement par les symboles et . Alors, l'opérateur est encore un opérateur pseudo-différentiel à coefficients constants, dont le symbole est le produit .

Opérateur pseudo-différentiel : cas général

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Définition

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Soit une fonction des variables . On associe à cette fonction un opérateur pseudo-différentiel , dont l'action sur une fonction est définie par l'intégrale suivante :

.

Remarque : on note parfois cet opérateur pseudo-différentiel à partir de son symbole de la façon suivante : .

Il existe une autre définition, celle de Weyl[2] :

.

Propriétés requises du symbole

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Pour que l'intégrale ait un sens, il faut que le symbole présente quelques « bonnes » propriétés, énoncées ci-dessous :

  • la fonction doit avoir une croissance tempérée lorsque , cette croissance tempérée devant de plus s'améliorer par dérivation. Par analogie avec le cas d'un opérateur différentiel d'ordre , où cette croissance est polynomiale, on est amené à demander ici qu'il existe un nombre tel que
    où les sont des constantes, qui peuvent dépendre de  ;
  • la fonction doit avoir une variation lente dans les variables d'espace . On demande explicitement que
    .

Ces deux conditions peuvent être combinées en une seule, utilisée ci-dessous pour définir plus précisément la classe des symboles d'ordre .

Classe des symboles d'ordre m

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Soit un compact, et une fonction lisse de . Soit un nombre réel quelconque. La classe des symboles d'ordre est définie par :

pour tout , , et pour tous les multi-indices . Les sont des constantes, qui peuvent dépendre de et .

Remarque : lorsque la mention du compact est indifférente, on note simplement : .

On note souvent l'ensemble des opérateurs pseudo-différentiels à symbole dans

Propriété de pseudo-localité

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Support singulier d'une distribution

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On appelle support singulier d'une distribution le complémentaire de l'ensemble des points au voisinage desquels est une fonction .

Calcul symbolique

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Soient des éléments de . Alors l'opérateur est aussi un opérateur pseudo-différentiel, dont le symbole, qui appartient à est donné par une somme asymptotique dont le premier terme est

Continuité dans les espaces de Sobolev

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On note l'espace de Sobolev standard d'ordre sur . Soient et deux nombres réels. Un opérateur pseudo-différentiel d'ordre sur (c.-à-d. un élément de ) est continu de dans .

Propriété de pseudo-localité

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Soit et soit le noyau de . Alors est pour . En particulier, pour toute distribution tempérée , supp sing supp sing .

Notes et références

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  1. Cette formule est fausse lorsque les coefficients de l'opérateur différentiel ne sont pas constants.
  2. On trouvera plus de détails dans le livre Nicolas Lerner, Metrics on the phase space and non-selfadjoint pseudo-differential operators, Basel, Birkhäuser, coll. « Pseudo-Differential Operators. Theory and Applications » (no 3), .

Bibliographie

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  • Serge Alinhac et Patrick Gérard, Opérateurs pseudo-différentiels et théorème de Nash-Moser, coll. « Savoirs actuels », EDP Sciences/CNRS éditions, 1991 (ISBN 2-86883-363-2). Issu d’un cours professé à l’École normale supérieure dans le cadre du magistère de mathématiques, ce livre s’adresse aux étudiants de troisième cycle de mathématiques désireux d’acquérir une formation de base en analyse.
  • Jacques Chazarain et Alain Piriou, Introduction à la théorie des équations aux dérivées partielles linéaires, Gauthier-Villars, 1981 (ISBN 2-04-012157-9).
  • (en) Yu. V. Egorov et M. A. Shubin (en), Elements of the Modern Theory of Partial Differential Equations, Springer-Verlag, 2e éd., 1999 (ISBN 3-540-65377-5). Cet ouvrage fait suite au volume d'introduction : Foundations of the Classical Theory of Partial Differential Equations, Springer-Verlag, 2e éd., 1998 (ISBN 3-540-63825-3).
  • (en) Lars Hörmander, The Analysis of Linear Partial Differential Operators, Springer-Verlag, 1983-1985. Traité de référence en quatre volumes, par le récipiendaire de la médaille Fields 1962. Le volume III est sous-titré : Pseudo-Differential Operators, et le volume IV : Fourier Integral Operators.
  • (en) Lars Hörmander, Linear Partial Differential Operators, Springer-Verlag, 1963. Ce livre contient les travaux pour lesquels l'auteur a obtenu la médaille Fields en 1962.
  • (en) Nicolas Lerner, Metrics on the phase space and non-selfadjoint pseudo-differential operators, Pseudo-Differential Operators. Theory and Applications, 3. Birkhäuser Verlag, Basel, 2010.
  • (en) M. A. Shubin, Pseudodifferential Operators and Spectral Theory, Springer-Verlag, 2001 (ISBN 3-540-41195-X).
  • (en) Michael E. Taylor (en), Pseudodifferential Operators, Princeton Univ. Press, 1981 (ISBN 0-691-08282-0).
  • (en) Michael E. Taylor, Partial Differential Equations II - Qualitative Studies of Linear Equations, coll. « Applied Mathematical Sciences » (no 116), Springer-Verlag, 2e éd., 1997 (ISBN 0-387-94651-9). Cet ouvrage fait suite au volume d'introduction : Partial Differential Equations - Basic Theory, coll. « Texts in Applied Mathematics » (no 23), Springer-Verlag, 2e éd., 1999 (ISBN 0-387-94654-3).
  • (en) Michael E. Taylor, Partial Differential Equations III - Nonlinear Equations, coll. « Applied Mathematical Sciences » (no 117), Springer-Verlag, 2e éd., 1997 (ISBN 0-387-94652-7).
  • (en) François Treves, Introduction to Pseudo Differential and Fourier Integral Operators, coll. « University Series in Mathematics », Plenum Publ., 1981 (ISBN 0-306-40404-4).
  • (en) André Unterberger, Pseudo-differential operators and applications: an introduction, Lecture Notes Series, 46. Aarhus Universitet, Matematisk Institut, Aarhus, 1976.

Liens externes

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