Philibert Rouvière — Wikipédia

Philibert Rouvière
Portrait photographique de Philibert Rouvière par Étienne Carjat.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nationalité
Activités
Tombe de Rouvière au cimetière de Montmartre.

Philibert Rouvière, né le à Nîmes[1] et mort le à Paris 9e[2], est un comédien français.

Fils de négociants méridionaux aisés, Rouvière, destiné au notariat, fit de solides études et partagea de bonne heure ses affections entre la peinture et l’art dramatique. Il se lança d’abord dans une carrière de peintre, entrant dans l’atelier d’Antoine-Jean Gros en 1827. de 1830 à 1837, il s’est livré à la peinture avec un certain éclat. Ses toiles ont été reçues aux expositions, où les portraits du Docteur Guérard et de M. Portal, ainsi qu’une Barricade au Palais Royal ont été remarquées. Cependant, s’étant pris de passion pour le théâtre dès son enfance, la scène continuait de l’attirer[3].

Alors que le grand mouvement romantique battait son plein, aidé par Joanny[4], il sollicita, le , dans une lettre adressée à Cherubini, directeur du Conservatoire, Paris[n 1], une pension et son admission dans cette école. Admis, il y reçut les leçons de Michelot. Revenu à son inclination première, il fit un court passage à la Comédie-Française en 1837, avant d’être engagé à l’Odéon en 1839. Pendant quatre années, de à Rouvière donna à ce théâtre la mesure de son talent dans le Duc d’Albe, le Vieux Consul, le Médecin de son honneur et, dans le théâtre étranger : Macbeth, le Roi Lear. Il se fit surtout remarquer en incarnant Hamlet dans l’adaptation par Alexandre Dumas et Paul Meurice de la pièce de Shakespeare (1846) et par le rôle de Charles IX dans la Reine Margot (1847). Son style de jeu impétueux, énergique, original, mais inégal, en fit alors le champion de toutes les hardiesses, encouragé par le public des écoles[3].

En 1844, il quitta l’Odéon pour aller répandre en province le gout du théâtre romantique. Alexandre Dumas et Paul Meurice venaient alors d’adapter Hamlet à la scène française. L’occasion était belle pour Rouvière de se produire dans ce rôle puissant, et c’est ainsi qu’à titre d’essai il monta la pièce avec sa troupe volante, et créa ce rôle, en sur le Théâtre de Saint-Germain-en-Laye, épreuve renouvelée plus tard au Théâtre-Historique. Ce rôle convenait à merveille à son tempérament croyant et inspiré. Au même théâtre, il sera encore Charles IX de la Reine Margot, Fritz du Comte Hermann[5].

Le théâtre de la Porte-Saint-Martin le réclamant, à peine avait-il joué Masaniello de Salvator Rosa que le théâtre fermait ses portes. Après avoir joué encore le rôle de Mordaunt dans les Mousquetaires, il revint, en 1855, à l’Odéon, où il créa d’une façon superbe Maitre Favilla de George Sand, succès qui lui valut un engagement de trois ans à la Comédie-Française, où il débuta dans Comme il vous plaira[6]:74.

Il fut reçu pensionnaire en 1856, mais la Comédie-Française n’était pas fait pour un artiste de cette envergure qui avait surtout pour lui sa fougue et son imprévu. Son jeu nerveux, puissant, déréglé même, détonnait dans ce sanctuaire de la tradition. Il retourna au boulevard, jouant le Roi Lear au Cirque, reprenant ses rôles de Hamlet à la Porte-Saint-Martin, et de Charles IX de la Reine Margot. Dans Faust, il fit la création de Méphistophélès. On le vit encore au théâtre de la Gaité dans Henri III et sa cour[3].

Comme tous les acteurs discutés, il avait des admirateurs fanatiques, mais également des ennemis acharnés. Il finit par mourir dans la misère, âgé de cinquante-six ans seulement, au terme d’« une vie agitée et tordue[5] ». Pour l’encourager, George Sand lui avait promis un beau rôle, espoir qui prolongea sa vie de quelques jours. Il a été inhumé au cimetière de Montmartre[n 2]. Sa tombe est ornée de son portrait en médaillon par Auguste Préault, fondu par Ferdinand Barbedienne[n 3]. Et elle porte également un bas-relief rectangulaire du même Préault représentant la scène du fantôme dans Hamlet, son plus grand succès de scène. Ce bas-relief est un moulage en résine de l’original en bronze, volé en 1966 ; cette copie est abusivement signée du nom de Jules Dalou, grossièrement gravé[7].

Postérité

[modifier | modifier le code]

Des pages remarquables ont été écrites sur Rouvière, notamment par Théophile Gautier, dans la Presse et le Moniteur. Il a inspiré à Champfleury le personnage de sa nouvelle le Comédien Trianon (1853)[8]:272. Charles Baudelaire lui a consacré deux articles élogieux, le premier en 1855, le second à l’occasion de la mort de l’acteur en 1865[n 4]. Dans la notice dans la Galerie Geoffroy, il observe : « Ce qui caractérise plus particulièrement son talent, a écrit ce dernier, c’est une solennité subjuguante ; une grandeur poétique l’enveloppe. Sitôt qu’il est entré en scène, l’œil du spectateur s’attache à lui et ne veut plus le quitter. » Le goût qui présidait à ses costumes, l’art de se grimer ne faisaient encore que rehausser sa personnalité[8]:274-5.

Il a été vendu, le , deux lettres de Rouvière à d’Épagny, relatives à la représentation du Cromwell de cet auteur sur le théâtre d’Elbeuf où la pièce avait réussi.

Iconographie

[modifier | modifier le code]

Rouvière a servi de modèle initial à Édouard Manet pour sa toile intitulée l’Acteur tragique, 1866, huile sur toile, 187,2 × 108,1 cm, New York, coll. W. H. Vanderbilt, puis Washington, National Gallery of Art, et Galerie Geoffroy[9].

En pied, de profil à gauche, dans Hamlet. Paris-Théâtre, n° 140, médaillon, photogr., cliché Carjat[10].

En buste, lithographie de Nicolas-Eustache Maurin, d’après un croquis de Jacques Arago[11].

Paul Beurdeley, maire du 8e arrondissement de Paris, a fait don à la Comédie-Française d’une peinture de Rouvière, représentant Hamlet et Ophélie[12].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Collection autogr. A. Bovet 1386.
  2. 26e division.
  3. Signature de Préault à droite, du fondeur à gauche.
  4. Les deux textes ont été recueillis posthumément dans l’Art romantique (1868).

Références

[modifier | modifier le code]
  1. Acte de naissance à Nîmes, vue 260/496. Il est bien né an 1805 et non en 1809.
  2. Acte de décès à Paris 9e, n° 1269, vue 4/31.
  3. a b et c Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, ceux d’hier : biographie, bibliographie, iconographie, t. 2. E-Z, Genève, 717 p., 2 vol. : ill., portr. ; 29 cm (lire en ligne sur Gallica), p. 611.
  4. Félix Jahyer, « Camées artistiques », Paris-Théâtre, 3e série, no 140,‎ 20/26 janvier 1876, p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  5. a et b Charles Baudelaire, « Rouvière », Nouvelle galerie des artistes dramatiques vivants, Librairie théâtrale, vol. 2,‎ , p. 191-4 (lire en ligne, consulté le ).
  6. Émile Abraham, Les Acteurs et Actrices de Paris : Biographie complète, Paris, Michel Lévy, , 108 p., in-18 (OCLC 466557785, lire en ligne).
  7. chriswac, « Tombe de Philibert Rouvière. Cimetière Montmartre », sur Montmartre secret (consulté le ).
  8. a et b Charles Baudelaire, « Philibert Rouvière », Œuvres complètes de Charles Baudelaire, Calmann Lévy, vol. III,‎ , p. 267-75 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Théodore Duret, Histoire d’Édouard Manet et de son œuvre, Paris, H. Fleury, , 301 p., in-8° (OCLC 162664141, lire en ligne), p. 40.
  10. « Théâtre-Historique : Rouvière », Paris-Théâtre, 3e série, no 140,‎ 20/26 janvier 1876, p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  11. Émile Dacier (préf. Jules Claretie), Le Musée de la Comédie-française : 1680-1905, Paris, Librairie de l’art ancien et moderne, , xii-202, illustrations, figure, portraits et planches ; 31 cm (OCLC 468608396, lire en ligne), p. 191.
  12. « Courrier des théâtres », Le Figaro, no 291,‎ , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Émile Abraham, Les Acteurs et Actrices de Paris : Biographie complète, Paris, Michel Lévy, , 108 p., in-18 (OCLC 466557785, lire en ligne).
  • Charles Baudelaire, « Rouvière », Nouvelle galerie des artistes dramatiques vivants, Librairie théâtrale, vol. 2,‎ , p. 191-4 (lire en ligne, consulté le ).
  • Charles Baudelaire, « Philibert Rouvière », Œuvres complètes de Charles Baudelaire, Calmann Lévy, vol. III,‎ , p. 267-75 (lire en ligne, consulté le ).
  • Félix Jahyer, « Camées artistiques », Paris-Théâtre, 3e série, no 140,‎ 20/26 janvier 1876, p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
  • Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, ceux d’hier : biographie, bibliographie, iconographie, t. 2. E-Z, Genève, 717 p., 2 vol. : ill., portr. ; 29 cm (lire en ligne sur Gallica), p. 611.

Liens externes

[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :