Populisme de gauche — Wikipédia
Le populisme de gauche est une idéologie politique qui combine les valeurs de gauche et les thèmes et la rhétorique du populisme. Cette rhétorique est souvent constituée de sentiments anti-élitistes, antisystèmes et parlant au nom des « petites gens »[1]. Habituellement, les thèmes importants pour les populistes de gauche comprennent l'anticapitalisme, la justice sociale, le pacifisme et l'opposition à la mondialisation. La critique du capitalisme et de la mondialisation est liée à l'antiaméricanisme, qui est devenu plus important dans les mouvements populistes de gauche à la suite des interventions de l'armée américaine[2].
Les populistes de gauche n'excluent pas d'autres horizons et s'appuient sur des idées d'égalitarisme[1]. Certains chercheurs soulignent le nationalisme de gauche dans ces mouvements populistes, comme en Turquie avec le kémalisme[3].
Théorisation
[modifier | modifier le code]Le populisme de gauche est théorisé par les politologues Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, qui s'inspirent de cas sud-américains et inspirent la constitution de formations comme Podemos en Espagne et La France insoumise en France.
Le populisme théorisé par Laclau et Mouffe suit une logique formelle de « dichotomisation de l’espace social, entre le peuple et les élites considérées comme responsables de la frustration du plus grand nombre », selon le résumé du chercheur Arthur Borriello. Ce dernier estime « qu’il faut ajouter que le populisme a aussi malgré tout un contenu politique (ce n’est pas une pure logique formelle, comme le concevait Laclau) : en tant que mouvement populaire, il vise à une extension des droits politiques et sociaux des classes populaires ». Arthur Borriello considère ainsi que le populisme est « fondamentalement « de gauche », ou en tout cas, orienté vers l’émancipation populaire »[4].
Historique
[modifier | modifier le code]Les premiers et seuls mouvements qui ont ouvertement revendiqué le label populiste et combattu en son nom sont apparus à la fin du dix-neuvième siècle et ont été promus soit par des intellectuels russes soit par les petits fermiers et ouvriers agricoles américains du Parti populiste[5]. Ils cherchaient à défendre les intérêts des groupes défavorisés par le système de domination social et politique existant en donnant une voix politique à ceux qui n'en avaient pas[5].
Des formations populistes de gauche émergent en Europe au milieu des années 2010, notamment Podemos en Espagne et La France insoumise en France, puis connaissent un reflux à l'occasion des élections européennes de 2019[4]. Le chercheur Arthur Borriello considère à cet égard que « la résistance des anciennes logiques ou l’institutionnalisation rapide de nouvelles logiques, qui est un impensé des théories de Laclau, est une spécificité européenne. Contrairement à l’Amérique du Sud, le Vieux Continent est pétri d’une longue histoire institutionnelle et politique qui empêche l’émergence de formations populistes au sens strict… »[4]
Par pays
[modifier | modifier le code]Le Parti du socialisme démocratique a été explicitement étudié pour le populisme de gauche, en particulier par des universitaires allemands[6]. Le parti a été formé après la réunification allemande et comparé aux populistes de droite fondé sur des discours anti-élitiste et attire l'attention des médias[7]. Le parti a participé, avec une certaine mesure, à la même base électorale que les populistes de droite, même si elle s'est appuyée sur un programme plus grave en Allemagne de l'Est[pas clair]. Cela a été limité par les sentiments anti-immigration préférés par certains électeurs[7]. Le PDS a fusionné avec Die Linke en 2007, et de nouveaux éléments populistes sont susceptibles de trouver un habitat plus accueillant à gauche qu'à droite[8].
Pour les politologues Gaël Brustier et David Djaïz, Alexander Van der Bellen doit son élection comme président fédéral de la République d'Autriche en 2016 « à l'intelligence stratégique impulsée par le stratège des Grünen autrichien Stefan Wallner » qui « a fait du « populisme de gauche », d'allure post-marxiste, le moteur de la stratégie électorale du candidat vert »[9].
L'avocat Jorge Eliécer Gaitán, probable futur président colombien et dont l'assassinat en 1948 précipita la Colombie dans la guerre civile, ne se référait pas explicitement au socialisme en dépit de ses positions marquées contre l'oligarchie et est par conséquent considéré comme populiste de gauche[10].
Le président Hernán Siles Zuazo a adopté un discours populiste de gauche[11] ainsi que Evo Morales[12].
Rafael Correa mène une politique combinant souveraineté nationale et aide aux plus pauvres[13].
Huey Long, l'ardent gouverneur puis sénateur de la Louisiane au début de la Grande Dépression, qui préconisait — entre autres — une large redistribution des richesses dans le cadre de son programme Share Our Wealth (en), est un des premiers exemples de populisme de gauche aux États-Unis.
Le candidat à la présidentielle de 2016, et sénateur du Vermont, Bernie Sanders a été décrit comme populiste[14].
Jean-Luc Mélenchon, fondateur du mouvement La France insoumise créé en , inscrit son discours dans ce qui est parfois qualifié par la presse de populisme de gauche[15],[16] : redistribution des richesses, multiculturalisme, progressisme.
Le Parti socialiste a mené des discours populistes de gauche après la chute des régimes communistes en Europe durant les années 1990[17]. Bien que certains ont fait remarquer que le parti devient de moins en moins populiste au fil des années, il comprend encore des sentiments anti-élitistes dans ses programmes électoraux récents[18]. Il s'oppose à ce qu'il appelle le « super-État européen ».
Partis de gauche populiste dans le monde
[modifier | modifier le code]- États-Unis - Parti démocrate (factions internes)[29],[30],[31], Socialistes démocrates d'Amérique[32],[33]
- Grèce - SYRIZA[37], Trajet de liberté (créé par Zoé Konstantopoúlou), Unité populaire
- Italie - L'autre Europe avec Tsipras, Pouvoir au peuple ![39], Mouvement 5 étoiles (factions interne)
- Russie - Patriotes de Russie, Russie juste, L'Autre Russie, Parti communiste (factions internes)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]- Argumentum ad populum
- Chantal Mouffe
- Démagogie
- Élitisme
- Ère post-vérité
- Ernesto Laclau
- État-providence
- Gauche radicale
- Lumpenprolétariat
- National-populisme
- Ochlocratie
- Opportunisme
- Paternalisme
- Populares
- Populisme (politique)
- Populisme de droite
- Pragmatisme
Notes
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Left-wing populism » (voir la liste des auteurs).
- Albertazzi and McDonnell, p. 123.
- Hartleb, Florian Rechts- und Linkspopulismus. Eine Fallstudie anhand von Schill-Partei und PDS, p. 162.
- Ozel, Soli After the tsunami, Journal of Democracy, v. 14, p. 80-94.
- « Arthur Borriello: «La parenthèse du populisme de gauche est en train de se refermer» », sur Mediapart, (consulté le ).
- Annie Collovald, « Le populisme : de la valorisation à la stigmatisation du populaire, Populism : From the Eulogy to the Stigmatization of “People’s Politics” », Hermès, La Revue, no 42, , p. 154–160 (ISSN 0767-9513, lire en ligne, consulté le ).
- De Lange, Sarah Political extremism in Europe, European Political Science, p. 476–488.
- Albertazzi and McDonnell, p. 132.
- Albertazzi and McDonnell, p. 133.
- Gaël Brustier et David Djaïz, « Vers un nouveau monde : les monstres sont dans l'isoloir (1/3) », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
- « COLOMBIE. 9 avril 1948: le jour où la guerre a commencé », Courrier international, (lire en ligne).
- Mayorga, Rene Antonio Bolivia's Silent Revolution, Journal of Democracy, vol.8, p. 142-156.
- Kirk Andrew Hawkins, Venezuela's Chavismo and Populism in Comparative Perspective. New York: Cambridge University Press, 2010, (ISBN 978-0-521-76503-9), page 84
- de la Torre, Carlos Populismus in Lateinamerika. Zwischen Demokratisierung und Autoritarismus http://library.fes.de/pdf-files/iez/10210.pdf
- (en-US) John Cassidy, « Bernie Sanders and the New Populism », The New Yorker, (consulté le ).
- Jean-Laurent Cassely, « Le populisme "vintage" de Jean-Luc Mélenchon, trop élaboré pour être efficace », slate.fr, 15 avril 2013.
- Tugdual Denis, « Le Pen-Mélenchon: la mode est au langage populiste », lexpress.fr, 5 avril 2013.
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- Otjes, Simon Populists in Parliament: Comparing Left-Wing and Right-Wing Populism in the Netherlands, Political Studies
- « Red Tide: From 'economic freedom' to 'white genocide', extremism grabs the spotlight (in English) », Daily Maverick, (consulté le ).
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- Cristóval Rovira Kaltwasser, The Promise and Perils of Populism: Global Perspectives, University Press of Kentucky, , 484 p. (ISBN 978-0-8131-4687-4, lire en ligne), « Explaining the Emergence of Populism in Europe and the Americas », p. 211.
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- (ja) Akai Ohi, « 山本太郎は日本のバーニー・サンダースか » [« Tarō Yamamoto est-il la version japonaise de Bernie Sanders? »], sur webronza.asahi.com, Asahi Shimbun, (consulté le ), p. 1, 4
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- http://www.bisla.sk/sk/wp-content/uploads/2015/05/Chamulova_Barbora-Bakalarska_praca.pdf
- Miro Kern, « 11 nesplnených alebo meškajúcich sľubov premiéra Fica ».
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Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Daniele Albertazzi et Duncan McDonnell, Twenty-First CenturyPopulism : the spectre of Western European democracy, Basingstoke, Palgrave MacMillan, , 251 p. (ISBN 978-0-230-01349-0).
- Kurt Weyland, « The Threat from the Populist Left », Journal of Democracy, vol. 24, no 3, , p. 18-32 (DOI 10.1353/jod.2013.0045).
- Luke March, « From Vanguard of the Proletariat to Vox Populi: Left-Populism as a 'Shadow' of Contemporary Socialism », SAIS Review of International Affairs, vol. 27, no 1, , p. 63-77 (DOI 10.1353/sais.2007.0013).