Révolution des Roses — Wikipédia

Révolution des Roses
Image illustrative de l’article Révolution des Roses
Manifestation sur la place de la Liberté, à Tbilissi.

Type Manifestations généralisées et massives
Pays Géorgie
Organisateur
Cause Fraudes aux élections législatives précédentes
Date Du au
Revendications
Résultat

La révolution des Roses (en géorgien : ვარდების რევოლუცია, romanisé : vardebis revolutsia) est une révolution pacifique nationaliste se déroulant en Géorgie en novembre 2003. Cette révolution se caracterise par de vastes manifestations menées par l'opposition à la suite d'élections législatives contestées qui aboutirent à la démission du président Edouard Chevardnadze, soupçonné de corruption, d'un côté perpétuant le recours aux soutiens claniques et de l'autre, politiquement « piégé » par des organisations non gouvernementales. À l'élection présidentielle anticipée qui s'ensuivit, Mikheil Saakachvili, chef de l'opposition nationaliste pro-européenne est élu, provoquant une ouverture diplomatique du pays vers l'occident.

Ce type de révolution s'étendra à d'autres anciennes républiques de l'URSS sous l'appellation générique de « révolutions de couleur ».

Fragmentation de l'élite politique

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L'Union des citoyens de Géorgie (UGC), parti au pouvoir pendant la majeure partie de la présidence d'Edouard Chevardnadze[1](lui-même secrétaire général du parti) subit une crise interne due à la baisse de popularité du régime et du président, entraînant la défection de nombreux députés et soutiens du parti au pouvoir dès 2000. En 2001, le Parti des nouveaux droits (PND), proche des milieux d'affaire, quitte l'UGC en 2001 et marque le début de l'effondrement du parti, de nombreux responsables et députés faisant défection pour rejoindre ou former d'autres partis. Chevardnadze lui-même démissionne de la présidence de l'UGC en septembre 2001[2] et son ministre de la Justice Mikheil Saakachvili part former le parti d'opposition Mouvement national uni. Les défections se poursuivent pendant les deux années suivantes, affaiblissant le parti au pouvoir dont le soutien se concentra dans quelques régions du pays et dont les dirigeants étaient connus pour avoir été enrichis par la corruption et le détournement de fonds publics grâce à leurs postes au gouvernement. La désintégration du parti met alors en évidence la faiblesse du régime de Chevardnadze et disperse l'élite politique dans un certain nombre de nouveaux partis et de plates-formes indépendantes.

L'UGC est battue par l'opposition aux élections locales de 2002, scrutin voyant les indépendants obtenir 2 754 sièges, le Parti des nouveaux droits (NRP), alors principal parti d'opposition, 558 sièges parlementaires tandis que l'UGC ne remporta que 70 des quelque 4 850 sièges parlementaires.

Après les élections locales de 2002, Chevardnadze tente de refonder l'UGC, mais sa tentative de redressement est entravée par l'impopularité croissante de son régime autoritaire post-soviétique. La côte de popularité de Chevardnadze tomba à environ 5 %, son parti miné par des divisions internes et l'absence de dirigeants charismatiques alternatifs[3].

Essor des organisations non gouvernementales

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Dans le même temps, les organisations non gouvernementales (ONG) se multiplient dans le pays jusqu'à atteindre le nombre de 4 000 fin 2000. En effet, leur création est facilitée depuis l'adoption du code civil de 1997 : l'enregistrement d'une ONG relativement facile permettait à celles-ci d'opérer avec peu de restrictions[1]. Une infime partie d'entre elles a eu une influence politique, notamment sur le parlement[1], les deux plus importantes étant l'Association des jeunes avocats géorgiens et l'Institut de la liberté, toutes deux actives dans la promotion des droits de l'homme et de la liberté d'expression[4].

La faiblesse de l'économie géorgienne permit à ces ONG de devenir populaires — donc influentes — en soutenant la population démunie[5]. Dès l'été 2002, les dirigeants des ONG géorgiennes les plus influentes dénoncèrent l'obstination du président Chevardnadze à garder le pouvoir et affirmèrent qu'une révolution pacifique serait nécessaire pour sortir de la crise sociale et économique secouant le pays.

Soutien de l'étranger
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Le soutien de l'étranger au régime diminua entre 2000 et 2003, des personnalités ayant ouvertement appelé à une transition plus démocratique[2], notamment Richard Miles (ambassadeur des États-Unis en Géorgie) et des membres de l'administration Bush, dont James Baker (ancien secrétaire d'État américain) qui firent pression sur Chevardnadze pour qu'il accepte d'établir des normes électorales libres[6].

Au cours des trois années qui précédèrent la révolution des roses, le soutien financier étranger au régime commença à se réduire, les États et les organisations étrangères préférant donner des aides financières aux ONG et aux partis d'opposition en Géorgie, aggravant ainsi la situation budgétaire du gouvernement. Les États-Unis annoncèrent réduire leur aide, annonce coïncidant avec la décision du Fonds monétaire international (FMI) de suspendre son aide à la Géorgie[6]. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) envoya des observateurs électoraux[3] tandis que l'Agence américaine pour le développement international (USAID) fournit 1,5 million de dollars pour informatiser les listes électorales de la Géorgie. L'Open Society Institute (OSI), financé par George Soros, finança Mikheil Saakachvili et un réseau d'organisations pro-démocratiques[3]. Les promoteurs occidentaux de la démocratie firent également circuler des sondages d'opinion et examinèrent les données électorales dans toute la Géorgie[2].

Rôle des médias
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La chaîne de télévision indépendante Rustavi 2 devint avant la révolution la principale chaîne d'opposition, profitant de la loi géorgienne sur la liberté d'information, très large, qui donna aux médias la protection juridique nécessaire pour critiquer le gouvernement[6], bien que ce dernier tenta à plusieurs reprises de faire fermer la chaîne en harcelant et en intimidant les journalistes. Rustavi 2 a été partiellement soutenue financièrement et protégée par l'USAID et One Asia Foundation, qui mobilisèrent l'opinion publique et le soutien international pour empêcher l'ingérence du gouvernement dans les reportages de la station[7], permettant à la chaîne de jouer un rôle déterminant dans la construction de l'opposition et l'encouragement des protestations.

Deux événements survenus en 2001 provoquèrent un tollé de l'opinion publique contre le gouvernement : en juillet, un présentateur populaire de la chaîne Rustavi 2, Giorgi Sanaia, est assassiné. Les journalistes géorgiens et le public s'accordèrent à dire qu'il a été tué en raison de son travail anti-gouvernemental sur le conflit tchétchène et les enquêtes sur la corruption[3]. Puis en octobre, des agents du ministère de la sécurité nationale perquisitionnèrent le siège de Rustavi 2, tandis que la perquisition fut retransmise en direct à la télévision depuis l'extérieur du bâtiment. Plus de sept mille manifestants dirigés par des étudiants, dont beaucoup étaient mobilisés par l'ONG Liberty Institute, se rassemblèrent devant le siège et exigèrent la démission du gouvernement. Le président réagit en limogeant son cabinet et son ministre de la sécurité, entraînant la démission de Mikheil Saakachvili et de Zourab Jvania de leurs postes au sein de l'Union des citoyens de Géorgie, et conduisit à la formation des partis d'opposition Mouvement national uni et Démocrates unis.

Facteurs économiques
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La fragilité du gouvernement de Chevardnadze et la chute de sa popularité entre 2000 et 2003 s'expliquèrent en partie par des problèmes économiques et une mauvaise gestion financière. À partir de 1998, les recettes réelles du budget national commencèrent à être nettement inférieures aux prévisions et en 1999, l'État géorgien n'a perçu que 70 % des recettes prévues, une situation qui se maintint jusqu'en 2003. Pour résoudre ce problème, le gouvernement commença à truquer les chiffres du ministère des finances afin de masquer les déficits budgétaires[8]. Le régime se retrouva à la fois privé de fonds et incapable de respecter les normes du FMI en matière de prêts internationaux. Le FMI a finalement suspendu son propre financement pour la Géorgie en 2002. Sans accès aux prêts internationaux, la Géorgie n'est alors plus en mesure de restructurer ou de rembourser ses dettes importantes[6].

Le taux de croissance de l'économie géorgienne chute en 2002, économie déjà ébranlée par la crise économique de 1998 en Russie, principal fournisseur d'énergie et partenaire commercial de la Géorgie et qui mit fin à la modeste reprise de l'économie géorgienne[2] .La reprise partielle de la croissance économique en 2003 ne permit pas de régler la crise budgétaire qui frappait l'État, le maigre programme de biens publics et de services de base du gouvernement géorgien étant chroniquement sous-financé pendant des années[9]. À la fin de 2003, la dette sous forme de salaires et de pensions impayés atteignit 120 millions de dollars et les entreprises géorgiennes perdirent en moyenne 110 jours ouvrables par an en raison des défaillances des infrastructures (généralement dans le secteur de l'énergie). Les conditions sociales se détériorèrent, provoquant une crise sociale où plus de la moitié de la population se retrouva sous le seuil de pauvreté, renforçant le mécontentement de la population à l'égard du pouvoir[8].

Dans le même temps, la corruption des fonctionnaires et de la police demeurait endémique, exacerbée par le manque de recettes budgétaires de la Géorgie, le salaire officiel d'un ministre géorgien étant d'environ 150 lari en 1998 (environ 75 dollars américains). La faiblesse des salaires contraignit de nombreux fonctionnaires à se tourner vers d'autres sources de revenus, souvent par le biais d'activités de corruption[1]. À son sommet, la corruption était devenue si endémique qu'elle pouvait représenter 60 à 70 % de l'activité économique totale de la Géorgie[5].

Fraudes aux élections et manifestations

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Le 2 novembre, les résultats officiels donnent l'UGC et ses soutiens en tête des élections législatives avec une majorité au parlement, résultats contestés immédiatement par l'opposition donnée en tête selon les sondages de Rustavi 2 et qui dénonce des fraudes importantes pendant le scrutin.

Le 3 novembre, la mission internationale d'observation des élections, composée des assemblées parlementaires de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, du Parlement européen et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE, a conclu que les élections législatives du 2 novembre en Géorgie n'avaient pas respecté un certain nombre d'engagements de l'OSCE et d'autres normes internationales en matière d'élections démocratiques[10]. Mikheil Saakachvili affirma pendant ce temps qu'il avait remporté les élections (affirmation confirmée par des sondages indépendants réalisés à la sortie des bureaux de vote et par une tabulation parallèle des votes (PVT) menée par l'ISFED (International Society for Fair Elections and Democracy, un groupe local d'observation des élections). Saakachvili et l'opposition unie reconnurent les résultats de la PVT de l'ISFED « officiels » et ont exhorté les Géorgiens à manifester contre le gouvernement et à s'engager dans une désobéissance civile non-violente à l'égard des autorités. Les principaux partis d'opposition démocratiques s'unissent pour exiger l'éviction du président et l'organisation de nouvelles élections.

À la mi-novembre, des manifestations antigouvernementales massives commencent dans les rues centrales de Tbilissi, impliquant bientôt presque toutes les grandes villes de Géorgie dans une campagne concertée de résistance civile[11] L'organisation de jeunesse Kmara (mot géorgien signifiant « assez »), homologue géorgien de l'Otpor serbe et plusieurs ONG, participent activement à toutes les activités de protestation. Le gouvernement de Chevardnadze est parallèlement soutenu par Aslan Abashidze et ses soutiens, le leader semi-séparatiste de la région autonome d'Adjarie, qui envoya des milliers de ses partisans pour organiser une contre-manifestation pro-gouvernementale à Tbilissi.

Démission du président et victoire de l'opposition

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La protestation atteignit son apogée le 22 novembre, lorsque Mikheil Saakachvili, roses à la main, et ses partisans firent irruption dans le parlement en pleine session, forçant le président en plein discours à quitter le parlement avec ses gardes du corps. Le président déclara dans la soirée l'état d'urgence et commença à mobiliser les troupes et la police près de sa résidence, à Tbilissi. Cependant, les unités militaires d'élite refusèrent de soutenir le gouvernement et fraternisèrent avec l'opposition. Dans la soirée du 23 novembre (jour de la Saint-Georges en Géorgie), Chevardnadze rencontra les dirigeants de l'opposition pour discuter de la situation, lors d'une réunion organisée par le ministre russe des affaires étrangères Igor Ivanov. À l'issue de cette rencontre, le président annonça sa démission, provoquant l'euphorie dans les rues de Tbilissi.

Des élections parlementaires et présidentielles portèrent par la suite Saakachvili et son parti l'UNM au pouvoir, ouvrant le pays vers l'ouest. La révolution des Roses enclencha les révolutions de couleur qui frappèrent d'autres anciennes républiques de l'URSS, dont l'Ukraine.

Notes et références

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  1. a b c et d (en) Jonathan Wheatley, Georgia From National Awakening to Rose Revolution, Burlington, VT: Ashgate, , pp 85, 155
  2. a b c et d (en) Valérie Bunce, Defeating Authoritarian Leaders in Postcommunist Countries, Cambridge University Press, , p. 155-156
  3. a b c et d (en) Charles Fairbanks, « Georgia's Rose Revolution », Journal of Democracy,‎ (lire en ligne)
  4. (en) Jonathan Wheatley, Georgia From National Awakening to Rose Revolution, Burlington, VT: Ashgat, , p. 146
  5. a et b (en) Theodor Tudoroiu, Rose, Orange, and Tulip: The failed post-Soviet revolutions, (lire en ligne)
  6. a b c et d (en) Corey Welt, Georgia's Rose Revolution: From Regime Weakness to Regime Collapse, Center for Strategic and International Studies,
  7. (en) David Anable, « The Role of Georgia's Media and Western Aid in the Rose Revolution », The Harvard International Journal of Press/Politics.,‎ (lire en ligne Accès limité)
  8. a et b (en) Vladimer Papava, « The Political Economy of Georgia's Rose Revolution », Orbis,‎ (lire en ligne)
  9. (en) Thomas de Wall, The Caucasus: An Introduction, Oxford University Press, , p.192
  10. « Civil.Ge | OSCE Parliamentary Assembly President Visits Georgia », sur old.civil.ge (consulté le )
  11. (en) Jones Stephen, Adam Roberts et Timothy Garton Ash, Georgia's "Rose Revolution" of 2003: Enforcing Peaceful Change, Oxford & New York, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-955201-6), pp.317-334

Articles connexes

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