Royaume de Lituanie (1918) — Wikipédia
(lt) Lietuvos Karalystė
1918 –
Drapeau du royaume de Lituanie. | blason |
Statut | Monarchie, occupation militaire. |
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Capitale | Vilnius |
Langue(s) | Lituanien |
Indépendance. | |
Proclamation de la République. |
1918 | Mindaugas II |
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Le royaume de Lituanie est une monarchie proclamée par les représentants lituaniens dans le contexte de la paix de Brest-Litovsk. Issue des territoires conquis par le Reich en 1915, les territoires du futur royaume sont soumis à un régime d'administration militaire entre leur conquête et le début de l'année 1918. À la suite du traité de Brest-Litovsk, en vertu duquel la Russie abandonne sa souveraineté sur les territoires baltes, biélorusses, ukrainiens et caucasiens, la Lituanie proclame son indépendance sous la tutelle du Reich. Rapidement érigée en royaume, la Lituanie constitue en réalité un territoire sous strict contrôle politique, militaire et économique du Reich, tandis que la couronne de ce royaume éphémère a été dévolue à un prince de la famille régnante du Wurtemberg. Le royaume disparaît dans la tourmente de la défaite allemande de l'automne 1918.
Indépendance de la Lituanie
[modifier | modifier le code]La Lituanie entre la révolution et la paix de Brest-Litovsk
[modifier | modifier le code]La Lituanie, conquise durant l'été 1915[1], vit depuis cette période sous un régime d'occupation militaire allemande, dans le cadre de l'Ober Ost[2].
Dans ce cadre, Erich Ludendorff, le principal stratège allemand, souhaite faire de la Lituanie un grenier à blé pour le Reich, tout en lui conférant une certaine autonomie, compatible avec les intérêts allemands dans la région[3].
Conformément aux déclarations du nouveau pouvoir russe mis en place à partir du mois de , les responsables politiques lituaniens ont mis en place le Conseil de Lituanie, assemblée législative lituanienne[4].
Au cours des négociations précédant la conclusion de la paix de Brest-Litovsk, le principe du plébiscite est validé pour définir le devenir des régions séparatistes de l'Empire russe[5]. Le sort des régions baltes est ainsi laissé de côté lors de la conclusion de l'armistice du entre les États de la Quadruplice d'une part et la nouvelle république russe[N 1] d'autre part[6].
Dans le même temps, la Lituanie, comme toutes les autres marges de l'Empire russe, fait l'objet d'âpres négociations entre les représentants du Reich et les Bolcheviks durant les phases préalables à la signature du traité de paix de Brest-Litovsk, les modalités de la tenue d'un plébiscite devant décider le devenir de la région constituant un des enjeux les plus importants[N 2],[4].
Proclamation et reconnaissance internationale
[modifier | modifier le code]Le Conseil de Lituanie (Lietuvos Taryba), mis en place sous la tutelle du Reich[5], proclame l’indépendance du pays le [7] et confirmée par l'article 3 du traité de Brest-Litovsk, qui stipule la renonciation de la Russie à toute souveraineté sur la Pologne, la Lituanie et la Courlande[8].
Le , Guillaume II reconnaît cette indépendance, mais les représentants du Reich restent flous sur la nature de l'influence allemande dans le pays nouvellement indépendant[7], conformément à la ligne directrice fixée par Ludendorff[3].
Par le traité du entre le Reich et la Russie bolchevique, le gouvernement de Moscou reconnaît officiellement et explicitement l'indépendance de la Lituanie[9].
Une indépendance de façade
[modifier | modifier le code]En dépit de cette déclaration, le nouveau gouvernement qui tente de se mettre en place ne dispose d'aucun pouvoir du fait de la présence de troupes et d'un commissaire allemands.
La déclaration d'indépendance ne définit pas les frontières du nouvel État, rappelées aux représentants lituaniens de la Taryba par une note sèche du haut-commandement allemand : le nouveau pays se voit privé de façade maritime, le gouvernement allemand souhaitant une continuité territoriale entre le Reich et la Courlande[3],[10]. En effet, le , les représentants allemands imposent à la Taryba lituanienne la résurrection de la monarchie lituanienne, dont la couronne royale serait dévolue à un prince allemand, proche parent de Guillaume II[11].
De plus, les Allemands exercent d’ailleurs de fortes pressions sur les Lituaniens afin que la Lituanie soit incorporée dans l'Empire allemand, dans le cadre d'une union personnelle avec le Reich[12]. Ainsi, en , alors que la forme de l'État est imposée par les représentants allemands aux députés lituaniens, plutôt partisans de la mise en place d'une république, Guillaume II, dans une proclamation officielle, déclare que le nouveau royaume serait lié à l'Empire allemand par une union personnelle[13]
Mise en place du nouvel État
[modifier | modifier le code]Au mois de , le Conseil de la Couronne prussienne[réf. à confirmer] étudie les liens qui doivent unir le Reich avec le nouvel État[14].
Dévolution de la couronne de Lituanie
[modifier | modifier le code]Le , la Taryba, sur les conseils de Matthias Erzberger[7], élit au trône de Lituanie Guillaume, 2e duc d'Urach. Celui-ci a l'avantage d'être catholique (religion dominante en Lituanie), de ne pas être un Hohenzollern[N 3], et d'avoir effectué une brillante carrière militaire.
La dévolution du trône à un prince allemand laissait espérer aux représentants lituaniens non seulement que l'Allemagne déploierait des troupes en Lituanie en cas d'intrusion russe ou soviétique, mais aussi l'absence d'union personnelle entre leur royaume et le royaume de Prusse ou de Saxe[15]. Mais la dévolution de la couronne à Guillaume d'Urach ne fait pas l'unanimité. Non seulement, les quatre membres socialistes de la Taryba sont opposés à cette élection, mais aussi le chancelier allemand, partisan d'une union personnelle entre le royaume et la Prusse ou la Saxe[15].
Institutions
[modifier | modifier le code]Le , la Taryba, au départ corps législatif, se proclame conseil d'État, proclame la monarchie et se met en quête d'un souverain pour le nouveau royaume[15]. Le , en vertu des pouvoirs qu'elle s'est octroyée, la Taryba adopte une constitution provisoire, garantissant la couronne à Guillaume d'Urach et à sa descendance[16].
Les Lituaniens et le Reich
[modifier | modifier le code]Au mois de , le conseil d'État doit affronter les autorités allemandes, qui lui reconnaissent un rôle consultatif, et non législatif[16].
Jusqu'à la reconnaissance de la Taryba, le , les rapports entre la Taryba, conseil national lituanien, et les autorités d'occupation allemandes demeurent empreintes d'arrière-pensées de part et d'autre, le Reich souhaitant une mise sous tutelle stricte du nouvel État, en échange notamment de la reconnaissance de la Taryba comme Conseil d'État, tandis que les membres de cette assemblée souhaitent cette reconnaissance en préalable à tout traité avec le Reich[16].
Le , le nouveau chancelier, Max de Bade, reconnaît la Taryba comme organe légal du royaume, et de ce fait, interlocuteur du Reich[16].
Liens avec les puissances centrales
[modifier | modifier le code]Placée sous occupation militaire allemande, la Lituanie connaît, à partir de 1917, une effervescence égale à celle connue par l'ensemble des périphéries russes.
Projets du Reich
[modifier | modifier le code]Cependant, cette effervescence entre rapidement en contradiction avec les projets du Reich dans la région.
Ainsi, en , lors des échanges précédant la première conférence de Kreuznach, les responsables allemands, notamment les militaires, appellent de leurs vœux, l'annexion des territoires lituaniens au Reich[17].
La Lituanie ainsi que les autres espaces baltes constituent le but de guerre le plus populaire au sein de la population du Reich : la proximité avec la province de Prusse-Orientale, la formation de groupes de pression favorables à l'annexion, la promesse d'un vaste projets de colonisation agricole sont autant de moteurs pour la popularité des projets allemands dans la région[18].
En effet, le ministère du Reich à l'Intérieur a proposé aux responsables politiques et militaires allemands sa définition des liens qui doivent exister entre le Reich et le futur royaume, le projet Ober Ost. Dans ce projet, les représentants de l'administration militaire allemande se montrent partisans de mettre en place des États fortement liés au Reich à la fois par des conventions à vocation politique, militaire et économique et par leur dynastie régnante, choisie parmi les membres de la famille de Hohenzollern[15]. Le royaume de Lituanie, comme les autres États baltes, est appelé à gérer de façon autonome ses affaires intérieures, mais se verra imposer sa politique étrangère par le Reich[14].
De plus, le royaume doit être placé en situation de dépendance économique du Reich, dans le cadre d'une union douanière le liant fortement au Reich et aux autres États baltiques mis en place au printemps 1918[7]. Cette union douanière, ainsi que le détail de la dépendance économique des territoires du futur royaume, est ainsi discutée dans le détail en entre des représentants des pouvoirs politiques et militaires du Reich : le royaume doit ainsi faire son entrée dans le Zollverein, tandis que les réseaux ferrés doivent être placés sous le contrôle strict du Reich et les terres jouir d'un statut favorable à la mise en œuvre d'une politique coloniale[19].
Ces dispositions soulèvent des réserves de la part des militaires, Erich Ludendorff notamment, qui souhaite non seulement permettre la continuation du régime d'occupation, mais aussi voir préciser les obligations du nouvel État envers le Reich en cas de reprise du conflit à l'Est[N 4],[14].
L'annonce de ce projet entraîne une opposition de la part des représentants lituaniens réunis au sein de la Taryba, assemblée provisoire, qui tente de gagner ses adversaires de vitesse en proclamant non seulement l'indépendance du nouvel État mais aussi en affirmant son caractère monarchique[20].
Un facteur d'équilibre régional au profit du Reich
[modifier | modifier le code]Enfin, ce royaume doit contrebalancer l'influence du nouveau royaume de Pologne[15] ; cependant, au cours des négociations germano-lituaniennes du mois d', devant aboutir à la mise en place du royaume sous tutelle allemande, Max de Bade, nouveau chancelier du Reich, souhaite ne pas interférer dans les choix constitutionnels ou dans le choix des frontières, posant de manière implicite la question de la dévolution de Vilna, originellement promise aux Polonais[15].
Dissolution du royaume
[modifier | modifier le code]Dans les derniers jours du conflit, le , l'élection de Guillaume d'Urach est annulée, remettant en cause les liens du nouvel État avec le Reich et la république proclamée. Le , un cabinet est constitué, sous l'autorité d'Augustinas Voldemaras[16].
Dans le contexte du début du mois de , les clauses de l'armistice de Rethondes remettent en cause le contrôle du Reich sur le pays, obligeant l'armée impériale allemande à retirer ses unités à l'intérieur du Reich défini selon ses frontières de 1914[21].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- La République russe désigne la forme de l'État russe entre le et le .
- Les négociateurs russes souhaitent que cette consultation ait lieu après le départ des troupes d'occupation allemandes, les négociateurs allemands opposant leur veto à ce calendrier.
- Les Hohenzollern sont la famille de l'empereur allemand Guillaume II.
- Les projets des militaires consistent de fait à placer le territoire du futur royaume sous contrôle exclusif de la Prusse.
Références
[modifier | modifier le code]- Renouvin 1934, p. 311.
- Renouvin 1934, p. 321.
- Meyer 2013, p. 390.
- Renouvin 1934, p. 525.
- Renouvin 1934, p. 324.
- Meyer 2013, p. 391.
- Fischer 1970, p. 599.
- Renouvin 1934, p. 530.
- Soutou 1989, p. 702.
- Renouvin 1934, p. 494.
- Minczeles 2000, p. 138.
- Soutou 1989, p. 626.
- Minczeles 2000, p. 139.
- Fischer 1970, p. 598.
- Fischer 1970, p. 600.
- Fischer 1970, p. 603.
- Renouvin 1934, p. 495.
- Soutou 1989, p. 6264.
- Soutou 1989, p. 625.
- Fischer 1970, p. 601.
- Renouvin 1934, p. 645.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Fritz Fischer (trad. Geneviève Migeon et Henri Thiès), Les Buts de guerre de l’Allemagne impériale (1914-1918) [« Griff nach der Weltmacht »], Paris, Éditions de Trévise, , 654 p. (BNF 35255571).
- Philippe Meyer, Baltiques : Histoire d'une mer d'ambre, Paris, Perrin, , 504 p. (ISBN 978-2-262-04215-8, lire en ligne).
- Henri Minczeles, Vilna, Wilno, Vilnius : La Jérusalem de la Lituanie, La découverte, coll. « TAP / série histoire contemporaine », , 508 p. (ISBN 9782707132017, lire en ligne)
- Pierre Renouvin, La Crise européenne et la Première Guerre mondiale, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Peuples et civilisations » (no 19), , 779 p. (BNF 33152114).
- Georges-Henri Soutou, L'or et le sang : Les Buts de guerre économiques de la Première Guerre mondiale, Paris, Fayard, coll. « Nouvelles études historiques », , 963 p. (ISBN 978-2-213-02215-4, OCLC 905765263).