Ryōkan — Wikipédia

Ryōkan
良寛
Description de l'image RYOKAN PORTRAITE.JPG.
Nom de naissance Eizō Yamamoto
Alias
Ryōkan Taigu
Naissance
Izumozaki, Niigata, Japon
Décès
Japon
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture japonais
Genres

Ryōkan Taigu (大愚 良寛, Taigu Ryōkan?, 1758-1831) est un moine bouddhiste et ermite, poète et calligraphe japonais. Né Eizō Yamamoto (山本 栄蔵, Yamamoto Eizō?), il est plus connu sous son seul prénom de moine Ryōkan (良寛?, signifiant « Grand-Cœur »). Ryōkan est l'une des grandes figures du bouddhisme zen de la fin de la période Edo. Au Japon, sa douceur et sa simplicité ont fait de lui un personnage légendaire.

Sa vie d'ermite est souvent la matière de ses poèmes. Un soir que sa cabane a été dépouillée de ses maigres biens, il compose ce qui deviendra son haïku le plus connu et dont il existe de nombreuses traductions en diverses langues ; en voici deux en français :

« Le voleur parti / n'a oublié qu'une chose – / la lune à la fenêtre. »

— (trad. Titus-Carmel, 1986)[1]

« le voleur / a tout pris sauf / la lune à la fenêtre »

— (trad. Cheng et Collet, 1994)[2]

Ryōkan est né à une date incertaine, en 1758, à Izumozaki, petit village sur la côte ouest du Japon, dans l'actuelle préfecture de Nīgata, le pays des neiges. Son nom de naissance est Eizō Yamamoto (山本 栄蔵, Yamamoto Eizō?). Son père est chef du village et prêtre shinto. Enfant, il étudie les classiques japonais et chinois. Vers l'âge de 20 ans, Ryōkan se rend dans un temple zen Sōtō du voisinage et devient novice. Il y rencontre un maître de passage, Kokusen, et part avec lui pour le sud du pays. Pendant douze ans, il se forme à la pratique du zen. En 1790, Kokusen le nomme à la tête de ses disciples et lui confère le nom de Ryōkan Taigu (大愚 良寛, Taigu Ryōkan?, « esprit simple au grand cœur », ou litt. « grand benêt bien gentil »). À la mort du maître un an plus tard, Ryōkan abandonne ses fonctions et entame une longue période d'errance solitaire à travers le Japon. Il finit par s'installer, à l'âge de 40 ans, sur les pentes du mont Kugami, non loin de son village natal, et prend pour domicile une petite cabane au toit de chaume, Gogōan.

L'endroit où Ryōkan est né.
Dans la forêt verdoyante,
mon ermitage.
Seuls le trouvent
ceux qui ont perdu leur chemin.
Aucune rumeur du monde,
le chant d'un bûcheron, parfois.
Autoportrait et calligraphie de Ryôkan : « Lorsque vous saurez que mes poèmes ne sont pas des poèmes, nous pourrons alors parler de poésie ». Début du XIXe siècle, copie antérieure à 1970.
Mille pics, dix mille ruisseaux,
pas une âme qui vive.

Mendiant chaque jour sa nourriture selon la stricte règle monacale et pratiquant assidûment la méditation assise ou zazen, Ryōkan cependant ne célèbre aucun rituel ni ne dispense aucun enseignement. Jamais non plus il n'évoque un point de doctrine ou ne fait état d'un quelconque éveil, petit ou grand. En été, il se promène ; en hiver, il souffre, trop souvent, du froid, de la faim et la solitude. Parti pour mendier, il s'attarde pour jouer à cache-cache avec les enfants de ses voisins, cueillir un brin de persil au bord d'un sentier, soigner un malade au village, ou partager un flacon de saké avec les fermiers du pays.

Michel Mohr suggère que le fanatisme d'un de ses maîtres, Gentō Sokuchū, qui s'est employé à « purifier » l'école Sōtō, a peut-être conduit Ryōkan à choisir la voie du moine itinérant, sans lien avec aucun temple[3].

Demain ?
Le jour suivant ?
Qui sait ?
Nous sommes ivres
de ce jour même.

Les calligraphies de Ryōkan, aujourd'hui très prisées par les musées, suscitaient déjà bien des convoitises autour de lui. Aussi, chaque fois qu'il va en ville, c'est à qui, petit boutiquier ou fin lettré, se montrera le plus rusé pour lui soutirer quelque trésor issu de son pinceau. Ryōkan, qui a pour modèle Hanshan, le grand ermite chinois de la dynastie Tang, calligraphe et poète comme lui, n'en a cure.

Moine benêt l'an passé,
cette année tout pareil.
Tombe de Ryōkan. Temple Ryusenji (Shimazaki, Nagaoka, préfecture de Niigata).

Au bout de vingt ans passés dans la forêt, affaibli par l'âge, Ryōkan doit quitter Gogōan. Il trouve alors refuge dans un petit temple un peu à l'écart d'un village. Il soupire après la montagne, compare sa vie à celle d'un oiseau en cage. À l'âge de 70 ans, il s'éprend d'une nonne appelée Teishin, elle-même âgée de 28 ans. Ils échangent de tendres poèmes. À Ryōkan qui se lamente de ne pas l'avoir vue de tout l'hiver, Teishin répond que la montagne est voilée de sombres nuages. Ryōkan lui réplique qu'elle n'a qu'à s'élever au-dessus des nues pour voir la lumière. Il meurt entre ses bras le , âgé de 72/73 ans.

Son mode de vie non conformiste, sa totale absence de religiosité, ont suscité bien des querelles d'érudits. Son bouddhisme était-il authentique ? Était-il oui ou non un homme éveillé ? À ces questions, Ryōkan, pour qui le zen ne pouvait être que profonde liberté, avait livré sa réponse :

Que laisserai-je derrière moi ?
Les fleurs du printemps,
le coucou dans les collines,
et les feuilles de l'automne.

Références

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  1. Voir Bibliographie: Traduction, Les 99 haiku de Ryōkan, 1986.
  2. Voir Bibliographie: Traductions, Pays natal, 1994.
  3. Mohr 2000, p. 245

Bibliographie

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Éditions en japonais

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  • Hachisu no tsuyu (蓮の露?, trad. La Rosée d'un lotus) — Compilation posthume par sa compagne Teishin, 1835.
  • Ryōkan no haiku (良寬の俳句?, litt. « les haïkus de Ryōkan », trad. Les 99 haiku de Ryōkan), éd. Yukawa Shobō, 1977

Traductions en français

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Sauf indication contraire (telle l'anthologie de 1978), toutes les traductions sont directement depuis le japonais.

  • (ja) + (fr) Les 99 haiku de Ryōkan (trad. Joan Titus-Carmel de Ryōkan no haiku), éditions Verdier, 1986, 98 p. (ISBN 2-864-32053-3)
  • (ja) + (fr) Le Moine fou est de retour (trad. CHENG Wing-Fun et Hervé Collet), Millemont, Moundarren, 1989 (ISBN 2-907312-02-2) — Sélection de sa poésie chinoise, précédée d'un portrait
  • (ja) + (fr) Recueil de l'ermitage au toit de chaume. Portrait et tankas (trad. CHENG Wing-Fun et Hervé Collet), Millemont, Moundarren, 1994 96 p., (ISBN 2-907-31224-3) — Sélection de sa poésie waka, précédée d'un portrait
  • (ja) + (fr) Pays natal (trad. CHENG Wing-Fun et Hervé Collet), Millemont, Moundarren, 1994, 82 p. (ISBN 2-907-31225-1) — Sélection de sa poésie haiku, précédée d'un portrait
  • (fr) Contes zen : Ryôkan, le moine au cœur d'enfant (trad. par Claire S. Fontaine et Kasono Mitsutane), Paris, Courrier du livre, 2001, 233 p.
  • (ja) + (fr) La Rosée d'un lotus (trad. Alain-Louis Colas de Hachisu no tsuyu), Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l'Orient » n° 104, 2002, 236 p. — Recueil posthume de waka et de longs poèmes, tel Le Lapin de la lune, compilé et publié par sa compagne Teishin
  • (fr) Le Chemin vide : vie et poèmes d'un moine Zen (traduit par Catherine Yuan et Erik Sablé ), Paris, Dervy, coll. « Chemins de sagesse », 2003, 108 p. (ISBN 978-2-844-54210-6) — Choix de poèmes, précédé d'une biographie
  • (ja + fr) Ryôkan. Moine errant et poète. Portrait et poèmes , (trad. avec un « Portrait biographique » par CHENG Wing-Fun et Hervé Collet), Paris, Albin Michel, coll. « « Spiritualités vivantes » » (no 265 (Inédit)), , 335 p. (ISBN 978-2-226-24073-6)
    Comprend : Poèmes chinois (p. 57-161), Wakas (p. 163-257), Haïkus (p. 259-335). Wakas et Haïkus sont accompagnés du texte en japonais; les poèmes chinois sont donnés seulement en traduction.
  • (ja) + (fr) Poèmes de l'ermitage (Sôdô shishù) (trad. avec introduction et notes par Alain-Louis Colas ; bilingue chinois classique [avec lecture japonaise, transcription phonétique], Gouville-sur-Mer, Le Bruit du temps, 2017, 332 p. (ISBN 978-2-35873-110-2) — 181 poèmes qui appartiennent à un manuscrit autographe connu sous le titre Poèmes de l'Ermitage.
  • (ja + fr) Avertissements. Suivi de Histoires curieuses touchant le maître de zen Ryôkan (trad. Alain-Louis Colas), Gouville-sur-Mer, Le Bruit du temps, , 190 p. (ISBN 978-2-358-73111-9)
  • (ja) + (fr) Ô pruniers en fleurs / Ume no hana (trad. Alain-Louis Colas ; bilingue chinois classique [avec lecture japonaise, transcription phonétique]), Paris, Gallimard, coll. « Folio bilingue », 2018, 144 p. (ISBN 978-2-072-78501-6), éd. illustrée; Rééd. coll. « Folio sagesses », 2019, 112 p. (ISBN 978-2-072-86157-4)

Dans diverses anthologies

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  • Haïku (retraduit depuis l'anglais par Roger Munier, d'après R. H. Blyth (en), Haiku, 1950-1952 ; texte français seulement), Paris, Fayard, coll. « Documents spirituels », 1978, 210 p. ; rééd. 2006, Haïkus [sic], Paris, Seuil, coll. « Points poésie » no 1450, 231 p., (ISBN 978-2-020-86387-2), 116 auteurs, 568 haïkus (dont trois de Ryōkan)
  • (ja) + (fr)2002 : Haiku : anthologie du poème court japonais (traduit par Corinne Atlan et Zéno Bianu ; texte français seulement), Paris, Gallimard, coll. « Poésie » no 369, 239 p. (ISBN 978-2-070-41306-5), 133 auteurs, 504 haïkus (dont dix de Ryōkan)

Traductions en anglais

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  • (en) Ryuichi Abe et Peter Haskel (translated with essays (p. 3-87) by Ryuichi Abe and Peter Haskel), Great Fool: Zen Master Ryokan: Poems, Letters, and Other Writings, Honolulu, University of Hawaii Press, , xv + 294 p. (ISBN 978-0-824-81777-0, lire en ligne)
  • (en) John Stevens, Three Zen Masters: Ikkyū, Hakuin, and Ryōkan, Tokyo, Kodansha, 1993
  • (en) Michel Mohr, « Emerging from Nonduality : Kōan Practice in the Rinzai Tradition since Hakuin », dans Steven Heine (en) & Dale S.Wright (Eds.), The Kōan. Texts and Contexts in Zen Buddhism, Oxford, Oxford University Press, , 334 p. (ISBN 978-0-195-11749-3, lire en ligne), p. 244-280
  • (en) Steven Heine (en) & Dale S.Wright, The Kōan : Texts and Contexts in Zen Buddhism, Oxford, Oxford University Press, , 334 p. (ISBN 978-0-195-11749-3, lire en ligne)

Liens externes

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