Sémantique des langages de programmation — Wikipédia
En informatique théorique, la sémantique formelle (des langages de programmation) est l’étude de la signification des programmes informatiques vus en tant qu’objets mathématiques.
Lien avec la linguistique
[modifier | modifier le code]Comme en linguistique, la sémantique, appliquée aux langages de programmation, désigne le lien entre un signifiant, le programme, et un signifié, objet mathématique[1]. L'objet mathématique dépend des propriétés à connaître du programme.
La sémantique est également le lien entre :
- le langage signifiant : le langage de programmation
- le langage signifié : logique de Hoare, automates...
Sémantiques usuelles d’un langage de programmation
[modifier | modifier le code]Les sémantiques les plus couramment utilisées pour donner du sens à un langage de programmation sont :
La sémantique opérationnelle
[modifier | modifier le code]En sémantique opérationnelle[2], la signification d’un programme est la suite des états de la machine qui exécute le programme. Autrement dit, un programme est considéré comme la description d’un système de transition d'états.
Dans cette sémantique, les programmes :
a=1; b=0
et
a=1; b=0
sont équivalents car ils ont la même signification.
Par contre le programme :
b=0; a=1
ne leur est pas équivalent. En effet, même si le résultat final est le même, les actions d'affectation de valeurs aux variables a et b n’ont pas lieu dans le même ordre.
Il est possible d'abstraire cette sémantique en n’observant qu’une partie de la mémoire de la machine, telle que :
- les interactions du programme avec l’extérieur
- la trace du programme.
La sémantique dénotationnelle
[modifier | modifier le code]Initiée par Christopher Strachey et Dana Scott, la sémantique dénotationnelle[3] est une approche dans laquelle une fonction mathématique appelée dénotation est associée à chaque programme, et représente en quelque sorte son effet, sa signification. Cette fonction prend par exemple pour argument l’état de la mémoire avant exécution, et a pour résultat l’état après exécution.
Dans cette sémantique, tous les exemples donnés ci-dessus pour la sémantique opérationnelle sont équivalents, mais le programme :
a=1; b=1;
ne leur est pas équivalent.
Il existe plusieurs variantes de la sémantique dénotationnelle, dont l’une des plus célèbres est la sémantique dénotationnelle par continuation qui, au lieu d’associer à un programme une fonction qui transforme la mémoire, lui associe une fonction qui transforme la continuation (le futur) de la machine après exécution du programme en la continuation avant exécution du programme. Autrement dit, la sémantique dénotationnelle par continuation fonctionne à rebours du programme, elle considère ce qui se passe après une instruction pour en déduire ce qui doit se passer avant cette instruction[4].
Un des aspects importants de la sémantique dénotationnelle est la propriété de compositionnalité : la dénotation d'un programme est obtenue par combinaison des dénotations de ses constituants.
La sémantique axiomatique
[modifier | modifier le code]En sémantique axiomatique[5], le programme n’est plus qu’un transformateur de propriétés logiques sur l’état de la mémoire : si on a p vrai avant exécution, alors on a q vrai après. On ne s’intéresse plus à l’état précis de la mémoire tant que l’on sait dire si la propriété tient.
Si la propriété qui nous intéresse, c’est de savoir si a et b sont positifs après exécution du programme, alors tous les exemples précédents sont équivalents au sens où quel que soit l’état de la machine avant exécution du programme, la propriété en sortie tient. Ce que l’on note en logique de Hoare :
- a=1; b=0
Rapport entre les différentes sémantiques
[modifier | modifier le code]Ces trois sémantiques, comme le suggèrent les exemples, ne sont pas complètement indépendantes les unes des autres, en effet :
- deux programmes syntaxiquement équivalents le sont opérationnellement ;
- deux programmes opérationnellement équivalents le sont dénotationnellement ;
- et deux programmes dénotationnellement équivalents le sont axiomatiquement.
Mais les réciproques sont fausses.
Ainsi on peut hiérarchiser les sémantiques en disant qu’une sémantique est l’abstraction d’une autre si et seulement si deux programmes équivalents dans la dernière le sont aussi dans la première. Ces relations ont été formalisées par la théorie de l’interprétation abstraite.
On peut compléter cette hiérarchie (ordre partiel) sur les équivalences sémantiques, en plaçant au sommet l’identité (deux programmes sont identiques si et seulement s'ils sont la même suite de caractères), et tout en bas, l’abstraction la plus grossière que l’on appelle le chaos, où tout programme est équivalent à tout autre programme.
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- Roger Apéry, « Nature des objets mathématiques », sur NUMDAM, (consulté le ).
- (en) Peter Landin, « the next 700 programming Langages », CACM, no Vol 9, numero 3, , p 157 - 166.
- (en) Joseph E. Stoy, « Denotational Semantics: The Scott-Strachey Approach to Programming Language Theory. », MIT Press., (ISBN 0-262-19147-4).
- Cette idée de sémantique à rebours a été aussi considérée par Dijkstra dans ses transformateurs des prédicats
- (en) Tony Hoare, « A Basis For a Mathematical Theory of Computation », Computer Programming and Formal Systems, North-Holland, .