Tailleur (vêtement) — Wikipédia
Un tailleur, ou un « ensemble tailleur », est un vêtement féminin, composé d'une veste et d'une jupe ou d'un pantalon, le plus souvent assortis. L'ensemble peut être confectionné dans un même tissu et la veste, appelée aussi jaquette, est généralement à manches longues. Le tailleur se porte souvent de nos jours avec un chemisier, des escarpins et parfois un chapeau, accessoire indispensable à la femme au XIXe et début du XXe siècle.
Largement diffusé par la maison anglaise John Redfern aux alentours des années 1900, puis rendu iconique par Christian Dior en 1947 ainsi que Coco Chanel avec son Tailleur Chanel au milieu des années 1950, le tailleur est un élément basique de la garde robe féminine.
Historique
[modifier | modifier le code]Au XVIIe siècle, les femmes portent la hongreline, une veste agrafée sur le devant et cintrée portée avec une jupe dans la même étoffe[1]. Vers la même époque, l'habit d'amazone est fréquent pour monter à cheval; celui-ci est très proche de l'habillement des hommes[2]. Au XVIIIe siècle, le casaquin ou le caraco remplace la veste.
Après le milieu du XIXe siècle, le féminisme, l'urbanisation et la pratique du sport vont faire évoluer la mode féminine vers un côté plus « pratique »[3] et ainsi répandre le tailleur[1]. Le costume « genre tailleur » devient un vêtement pour femme[3] « moderne »[4] avec l'utilisation du drap de laine habituellement utilisé pour les costumes masculins[2]. Ce vêtement est confectionné alors par des tailleurs pour homme et non pas par les couturiers de l'époque[5], sur l'initiative de John Redfern à qui est attribuée la création du métier de « tailleur pour dames »[3].
La date de l'invention du tailleur est attribuée symboliquement à cet Anglais, John Redfern, en 1885[6],[7],[8],[9] bien que ce dernier se soit déjà fait remarquer par ses créations de « costumes tailleur » dès le début des années 1870[3]. Redfern, au même titre que la maison Creed, en font un élément phare de leurs créations[10],[11]. La date de 1885 marque également le passage du tailleur d'origine anglaise vers un retour aux « modes françaises » demandé par les journalistes de l'époque[3]. Dès la décennie suivante, le tailleur est également fabriqué par les couturiers établis en France qui instaurent dans leurs maisons des « ateliers tailleur » ou par les confectionneurs[3],[n 1]. Ce vêtement n'est plus uniquement réservé aux activités sportives[12] mais devient peu à peu un vêtement de jour[13], porté en matinée[3],[14].
Le tailleur est, vers le début du siècle suivant, la « pièce centrale de la garde-robe féminine[15] »[10]. La longueur de la jupe, jusque-là très longue, raccourcit légèrement[16] ; au même titre que la robe, le tailleur fait alors partie de la tenue vestimentaire des événements mondains[16],[17]. Celui-ci est décliné en de multiples versions ; il sert toujours à monter à cheval (avec une jupe plus longue d'un côté pour bien tomber sur le cheval[18]), à bicyclette[5],[19],[20] nouveau sport de l'époque, mais également à voyager[n 2]. Très rapidement, par son côté pratique et élégant, le vêtement s'étend à toutes les couches de la société[22] et devient « la tenue idéale pour rendre des visites ou faire les boutiques »[4].
Durant la Première Guerre mondiale, l'ensemble jupe et manteau est plus pratique que la traditionnelle robe pour le travail des femmes[4].
À l'aube des années 1940, les femmes travaillent ou se marient en tailleur, le vêtement s'impose partout[4]. Pendant la Guerre, celui-ci est produit en plus grandes séries, adapté aux contraintes et réglementations du conflit[4].
Après la guerre
[modifier | modifier le code]Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Creed perpétue la tradition de la maison Creed[23]. En 1947, Christian Dior révolutionne la mode en présentant sa première collection composée de la ligne Corolle et de ce qui deviendra l’iconique Tailleur Bar. Celui-ci, est composé d'une veste à la taille cintrée s'élargissant sur les hanches et d'une jupe tombant jusqu'aux mollets[24]. À la suite de Dior, Gabrielle Chanel lance son « tailleur Chanel » au milieu des années 1950[8],[25].
Dans les années 1960, Yves Saint Laurent popularise le look androgyne pour les femmes en les habillant avec un smoking-pantalon[1] puis un tailleur-pantalon, continuité du tailleur[4].
Oublié dans les années 1970, donnant une image réactionnaire[9], il devient le symbole de la career woman des années 1980[1] et du Power dressing, entre autres représenté par les créations hyperféminines de Thierry Mugler ou de Claude Montana ou le classicisme de Giorgio Armani[9]. Marque de pouvoir, le cinéma hollywoodien s'en empare comme tel dans Working Girl, Liaison fatale ou Le Client[9]. Plus tard, Donna Karan en fait une pièce d'inspiration pour ses créations, perpétuant l'image du tailleur dans le monde du travail[4].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Alexandra Bosc, conservatrice du patrimoine au Palais Galliera, précise que « dès la fin des années 1880, on estime communément que la garde-robe idéale d'une élégante doit comporter des costumes de jour griffés Redfern et des vêtements du soir signés Worth[3]. »
- Au début du XXe siècle, le costume de voyage est décrit ainsi : « Il y a deux manières de comprendre la toilette de voyage : ou bien elle est composée de la robe et du manteau, ou bien d'un tailleur à robe entière ou blouse séparée augmentée d'une cape mobile que l'on jette sur les épaules […] »[21]
Références
[modifier | modifier le code]- Le vêtement, M.N. Boutin-Arnaud, S. Tasmadjian, Éditions Nathan, 1997. (ISBN 2-09-182472-0)
- Olivier Saillard (dir.), Anne Zazzo (dir.), Dominique Revellino et al. (préf. Bertrand Delanoë), Paris Haute Couture, Paris, Skira, , 287 p. (ISBN 978-2-08-128605-4), « L'amazone et la couture », p. 63
- Olivier Saillard (dir.), Anne Zazzo (dir.), Alexandra Bosc et al. (préf. Bertrand Delanoë), Paris Haute Couture, Paris, Skira, , 287 p. (ISBN 978-2-08-128605-4), « Le costume tailleur, histoire d'un succès », p. 32
- Harriet Worsley (trad. de l'anglais), 100 idées qui ont transformé la mode [« 100 ideas that changed fashion »], Paris, Seuil, , 215 p. (ISBN 978-2-02-104413-3), « Le tailleur », p. 13
- Cally Blackman 2013, p. 69
- « 1868 - 1889 », sur lesartsdecoratifs.fr, Musée des arts décoratifs de Paris
- Didier Grumbach, Histoires de la mode, Paris, Éditions du Regard, (1re éd. 1993 Éditions du Seuil), 452 p. (ISBN 978-2-84105-223-3), « Charles Poynter Redfern », p. 21
- Federico Rocca (textes) et Valeria Manferto de Fabianis (dir.) (trad. de l'anglais par Cécile Breffort, préf. Alberta Ferreti), La mode : Accessoires mythiques [« Essential Fashion »], Paris, Éditions Gründ, , 223 p. (ISBN 978-2-324-00621-0, présentation en ligne), « Le Tailleur Chanel », p. 148 et 150
- Antonio Mancinelli (trad. de l'italien), Fashion Box : les icônes de la mode, Paris, Éditions du Chêne, , 480 p. (ISBN 978-2-8123-0426-2), « Tailleur », p. 100 à 101
- Cally Blackman 2013, p. 10 « […] les maisons britanniques comme Redfern et Creed, qui possèdent des succursales à Paris, sont spécialisées dans l'ensemble tailleur, un élément important du vestiaire féminin. »
- Comtesse Xila, « Costumes de sport », La Grande dame - Revue de l'Élégance et des Arts, vol. I, , p. 239 et ss. (lire en ligne) article avec la description des différents costumes de sport, ancêtres du tailleur moderne, ainsi que plusieurs illustrations des créations de la maison Redfern. « Il y a bien des sortes de costumes de sport, […] La maison Redfern, à côté du manteau et de la robe, s'est donc, en quelque sorte, fait une spécialité de ce genre de costume, […] »
- « La femme sportive doit rester élégante », Vogue (France), vol. 4, , p. 23 (lire en ligne)
« Le succès du costume de sport, fut tel que, dès son apparition, toutes les femmes l'adoptèrent d'enthousiasme […] »
- Marnie Fogg (dir.) et al. (trad. de l'anglais par Denis-Armand Canal et al., préf. Valerie Steele), Tout sur la mode : Panorama des chefs-d’œuvre et des techniques, Paris, Flammarion, coll. « Histoire de l'art », (1re éd. 2013 Thames & Hudson), 576 p. (ISBN 978-2-08-130907-4), « Des vêtements pratiques pour les femmes », p. 204
« La maison anglaise Redfern & Sons applique alors les principes de la coupe masculine aux tenues de sport pour les femmes, en concevant toutefois une version plus féminine du tailleur. Ses vestes et jupes coordonnées sont coupées dans des tissus robustes comme le tartan ou le tweed à chevrons, mais la diffusion du tailleur en milieu urbain, au xxe siècle, exige ensuite des tissus plus légers comme le serge (en hiver) et le lin (en été). »
- Pour une description du tailleur du matin dans les années 1920, lire : « Un tailleur du matin », Vogue (France), vol. 4, , p. 9 (lire en ligne)
- Cally Blackman 2013, p. 32
- Cally Blackman 2013, p. 34
- Cally Blackman 2013, p. 41
- Cally Blackman 2013, p. 98
- Cally Blackman 2013, p. 90
- Cally Blackman 2013, p. 162
- « Même en voyage, la Parisienne veut rester chic », Vogue France, vol. 4, , p. 39 (lire en ligne)
- Cally Blackman 2013, p. 71
- Cally Blackman 2013, p. 195
- Cally Blackman 2013, p. 176
- Katell Pouliquen, « La veste Chanel dans tous ses éclats », L'Express Styles, no 3168, , p. 10-13 (ISSN 0014-5270)
Détails des références
[modifier | modifier le code]- Cally Blackman (trad. de l'anglais par Hélène Tordo), 100 ans de mode [« 100 years of fashion »], Paris, La Martinière, , 399 p. (ISBN 978-2-7324-5710-9, présentation en ligne)
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Xavier Chaumette, Le costume tailleur. La culture vestimentaire en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, Esmod, 1995
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Lien externe
[modifier | modifier le code]- Les matins du bois, Vogue France, , p. 35 à 37.