Théorème min-max de Courant-Fischer — Wikipédia
En algèbre linéaire et en analyse fonctionnelle, le théorème min-max de Courant[1]-Fischer[2] donne une caractérisation variationnelle des valeurs propres d'une matrice hermitienne. Il permet donc de caractériser les valeurs singulières d'une matrice complexe quelconque. Il s'étend aux opérateurs compacts autoadjoints sur un espace de Hilbert, ainsi qu'aux opérateurs autoadjoints bornés inférieurement.
Énoncé
[modifier | modifier le code]Soit A une matrice hermitienne n × n, de valeurs propres λ1 ≥ … ≥ λn (répétées selon leur multiplicité). Notons, pour tout k de 1 à n, Gk l'ensemble des sous-espaces vectoriels de dimension k de ℂn et pour tout vecteur x non nul, R(A, x) le quotient de Rayleigh 〈Ax, x〉〈x, x〉, où 〈∙, ∙〉 désigne le produit scalaire hermitien canonique. Alors,
ou encore, par homogénéité :
Si A est de plus réelle (donc symétrique), on a les mêmes égalités en remplaçant Gk par l'ensemble des sous-espaces de dimension k de ℝn[3].
Démonstration
[modifier | modifier le code]Comme A est normale, il existe une base orthonormée (u1, … , un) formée de vecteurs propres pour A, associés (dans cet ordre) aux λi.
D'après la formule de Grassmann, tout sous-espace V de dimension k contient au moins un vecteur unitaire du sous-espace engendré par (uk, … , un). Un tel vecteur s'écrit
donc vérifie
ce qui prouve que
(il s'agit bien d'un minimum car la borne inférieure est atteinte, par compacité et continuité).
Pour V égal au sous-espace engendré par (u1, … , uk), ce minimum est atteint pour x = uk et est égal au majorant λk, ce qui achève la preuve de la première égalité. La seconde se démontre de même, ou se déduit de la première appliquée à –A.
Applications
[modifier | modifier le code]Caractérisation des valeurs singulières
[modifier | modifier le code]Soit M une matrice complexe m × n avec n ≤ m. Les valeurs singulières σ1 ≥ … ≥ σn de M sont les racines carrées des valeurs propres de la matrice positive M*M. Un corollaire immédiat du théorème de Courant-Fischer est donc[4] :
Théorème d'entrelacement de Cauchy
[modifier | modifier le code]Soient A une matrice hermitienne n × n et B une matrice m × m déduite de A par compression (en) (B = P*AP, où P est une matrice n × m telle que P*P = Im). Alors, les valeurs propres α1 ≥ … ≥ αn de A et β1 ≥ … ≥ βm de B vérifient[5] : pour tout k ≤ m,
En particulier si m = n − 1 alors[6] α1 ≥ β1 ≥ α2 ≥ … ≥ βn–1 ≥ αn, d'où le nom d'entrelacement.
Opérateurs compacts
[modifier | modifier le code]Soit H un espace de Hilbert. Tout opérateur autoadjoint sur H se décompose canoniquement en la différence de deux opérateurs positifs (en) de produit nul (par calcul fonctionnel continu, en lui appliquant les fonctions partie positive et partie négative).
Soit A un opérateur compact positif sur H. Ses valeurs propres non nulles sont de multiplicité finie et forment une suite décroissante λ1 ≥ λ2 ≥ … et l'on a encore (en notant Gk l'ensemble des sous-espaces vectoriels de dimension k de H)[7] :
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (de) Ernst Fischer, « Über quadratische Formen mit reellen Koeffizienten », Monatshefte für Mathematik und Physik, vol. 16, , p. 234-249.
- (de) Richard Courant, « Über die Eigenwerte bei den Differentialgleichungen der mathematischen Physik », Math. Z., vol. 7, nos 1-4, , p. 1-57.
- Alain Yger et Jacques-Arthur Weil, Mathématiques appliquées L3, Pearson Education France, (ISBN 978-2-74407352-6, lire en ligne), p. 70.
- (en) Carl D. Meyer, Matrix Analysis and Applied Linear Algebra, SIAM, (lire en ligne), p. 555.
- (en) Rajendra Bhatia (en), Matrix Analysis, Springer, coll. « GTM » (no 169), (lire en ligne), p. 59-60.
- Pour une autre preuve dans ce cas, voir (en) Steve Fisk, « A very short proof of Cauchy's interlace theorem for eigenvalues of Hermitian matrices », Amer. Math. Monthly, vol. 112, no 2, , p. 118 (arXiv math/0502408).
- (en) D. H. Griffel, Applied Functional Analysis, Dover, (1re éd. 1981) (lire en ligne), p. 287 ne mentionne que la seconde expression.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) M. Reed (en) et B. Simon, Methods of Modern Mathematical Physics IV: Analysis of Operators, Academic Press, 1977
- (en) Elliott H. Lieb et Michael Loss (en), Analysis, AMS, coll. « GSM » (no 14), , 2e éd. (1re éd. 1997) (lire en ligne)
- (en) Gerald Teschl, Mathematical Methods in Quantum Mechanics, AMS, coll. « GSM » (no 99), (lire en ligne)