Transcription (linguistique) — Wikipédia

La transcription, au sens linguistique, est la représentation systématique du langage sous forme écrite. Certains linguistes considèrent que la seule base de la transcription doit être l’énoncé, même si des textes déjà existants dans un autre système d’écriture peuvent également servir de support.

Il s’agit de dissocier la transcription non seulement de la traduction, qui a pour objectif de rendre le sens d’un texte de la langue source vers la langue cible (par exemple : traduire un texte de l’anglais vers l’espagnol tout en conservant le sens), mais aussi de la translittération, qui a pour objectif de représenter les graphèmes d’un système d’écriture par les graphèmes correspondants d’un autre système d’écriture (ex : translittérer un texte de l’alphabet cyrillique vers l’alphabet latin).

Au sein de la linguistique, la transcription est un domaine essentiel des méthodologies de (entre autres) la phonétique, de l’analyse conversationnelle, de la dialectologie et de la sociolinguistique. Elle joue également un rôle important pour plusieurs sous-domaines de la technologie vocale. L’exemple typique de transcription est l’enregistrement écrit par un greffier d’un compte-rendu d’une audience devant un tribunal, par exemple en cas de procédure pénale. Cet article se concentre sur la transcription dans le domaine de la linguistique.

La transcription phonétique en opposition à la transcription orthographique

[modifier | modifier le code]

De manière générale, il existe deux approches possibles à la transcription linguistique. La transcription phonétique se concentre sur les propriétés phonétiques et phonologiques du langage parlé. Les systèmes de transcription phonétique fournissent ainsi les règles de représentation des sons individuels ou des phonèmes en symboles écrits. Les systèmes de transcription orthographique, au contraire, définissent les règles de représentation des mots exprimés sous leur forme orale sous la forme écrite d’un langage donné, tout en respectant ses règles d’orthographe. La transcription phonétique utilise des ensembles de caractères expressément définis, dans la plupart des cas l’Alphabet Phonétique International (API).

Le type de transcription choisi dépend majoritairement des intérêts de recherches poursuivis.

Étant donné que la transcription phonétique met en avant la nature phonétique du langage, elle est plus utile dans le cadre d’analyses phonologiques ou phonétiques. En revanche, la transcription orthographique dispose d’un élément lexical et morphologique aux côtés de l’élément phonétique (l’aspect représenté, et à quel point celui‑ci est représenté, dépend du langage en question et de son orthographe). Elle est ainsi plus commode à utiliser en cas d’analyses qui étudient les aspects liés au sens d’un langage parlé. La transcription phonétique est sans aucun doute plus systématique au sens scientifique, mais est également plus difficile à assimiler, demande plus de temps à réaliser, et est moins aisée à mettre en pratique que la transcription orthographique.

La transcription en tant que théorie

[modifier | modifier le code]

Représenter le langage parlé en symboles écrits n’est pas un processus aussi simple qu’il n’y y paraît. Le langage écrit est une idéalisation, constitué d’un ensemble limité de symboles discrets et clairement distincts. Le langage parlé, en revanche, est un phénomène continu (opposé à discret, qui ne peut être isolé), constitué d’un nombre potentiellement illimité d’éléments. Il n’existe pas de système prédéterminé pour distinguer et classifier ces éléments et, par conséquent, pas de manière prédéfinie de représenter ces éléments en symboles écrits.

La littérature est relativement constante pour souligner l’absence de neutralité des pratiques de transcription. Il n’existe pas, et il ne peut exister, de système de transcription neutre. La connaissance d’une culture sociale entre directement en compte dans la réalisation d’une transcription. Celle‑ci se retrouve dans la structure de la transcription (Baker, 2005).

Systèmes de transcription

[modifier | modifier le code]

Les systèmes de transcription sont des ensembles de règles qui définissent comment un langage parlé doit être représenté en symboles écrits. La plupart des systèmes de transcription phonétique se fondent sur l’Alphabet Phonétique International ou, en particulier dans le domaine de la technologie vocale, sur son dérivé, SAMPA (Speech Assessment Methods Phonetic Alphabet).

Les systèmes suivants sont des exemples de systèmes de transcription orthographique (tous traiteant du domaine de l’analyse conversationnelle ou de domaines connexes) :

Analyse conversationnelle (AC)

[modifier | modifier le code]

Probablement le premier système du genre, il fut décrit à l’origine en 1978 (Sacks et al.). Il fut plus tard adapté en 2000 (MacWhinney) pour être utilisé au sein des corpus informatisés tels que CA-CHAT. Le domaine de l’analyse conversationnelle comprend un nombre d’approches distinctes de la transcription et des ensembles des conventions de transcription. Celles-ci incluent, entre autres, le système de notation de Jefferson Notation. Pour analyser une conversation, les données enregistrées sont généralement transcrites sous une forme écrite qui convient aux analystes. Il existe deux approches générales. La première, appelée transcription étroite ou transcription phonétique, reproduit les détails des interactions conversationnelles, comme l’accentuation et l’articulation de certains mots, la prononciation plus bruyante d’autres mots, la superposition des voix, etc. Si de tels détails ont moins d’importance, par exemple si l’analyste s’intéresse plus à la structure globale de la conversation, alors il est possible d’utiliser un second type de transcription, connue sous le nom de transcription large ou transcription phonémique (Williamson, 2009).

Notation de Jefferson

[modifier | modifier le code]

Le système de notation de Jefferson est un ensemble de symboles, développé par Gail Jefferson, utilisé pour transcrire les conversations. Jefferson fut engagée en 1963 comme agente de saisie de données au sein du département de la santé publique de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), afin de transcrire les sessions de formation de sensibilisation pour les gardiens de prisons. Quelques années plus tard, et forte de cette expérience préalable, Jefferson commença à transcrire certains des enregistrements qui ont mené au développement des premiers travaux d’Harvey Sacks. En l’espace de quatre décennies, durant la majeure partie desquelles elle n’occupait aucun poste à l’université et ne recevait pas de salaire, les recherches de Jefferson sur le « parler en interaction » établirent la norme de ce qui devint connu sous le nom d’analyse conversationnelle. Son travail a fortement influencé non seulement l’étude sociologique de l’interaction, mais également d’autres disciplines telles que la linguistique, la communication et l’anthropologie[1]. Ce système est utilisé par tous ceux qui travaillent du point de vue de l’analyse conversationnelle, et est considéré comme regroupant quasiment toutes les conventions de transcription[2].

Transcription de discours (DT)

[modifier | modifier le code]

Ce système fut décrit en 1992 (DuBois et al.) et utilisé pour la transcription du Santa Barbara Corpus of Spoken American English (SBCSAE). DT2, l’évolution de ce système, est le premier système du genre, décrit pour la première fois en 1978 (Sacks et al.). Il fut ensuite adapté en 2000 (MacWhinney) pour être utilisé au sein des corpus informatisés tel que CA-CHAT.

Système de transcription analytique de conversation (GAT)

[modifier | modifier le code]

Ce système, décrit en 1998 (Selting et al.), a donné naissance au GAT2 (Selting et al., 2009), fréquemment utilisé dans les pays germanophones pour l’analyse prosodique des conversations et de la linguistique interactionnelle.

Transcription semi-interprétative (HIAT)

[modifier | modifier le code]

Ce système, décrit en 1976 (Ehlich et Rehbein), fut adapté en 2004 (Rehbein) pour être utilisé au sein des corpus informatisés. Il est très répandu dans le domaine de la pragmatique.

Logiciels de transcription

[modifier | modifier le code]

La transcription était à l’origine un processus effectué manuellement, se basant sur des enregistrements audio stockés sur un support, tel qu’une cassette audio. De nos jours, la plupart des transcriptions sont effectuées sur ordinateur. Les enregistrements sont en général des fichiers audio ou vidéo, et les transcriptions sont des documents numériques. Les logiciels informatiques spécialisés existent pour aider le transcripteur à créer de manière efficace une transcription numérique, à partir d’un enregistrement numérique, de manière efficace. Parmi les outils de transcription les plus utilisés dans le domaine de la recherche linguistique, on retrouve :

D’autres logiciels de transcription sont développés pour la vente.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. (en) « Gail Jefferson (1938-2008) »
  2. Davidson, C. (2007). Independent writing in current approaches to writing instruction: What have we overlooked? English Teaching: Practice and Critique. Volume 6, Number 1. [lire en ligne]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • DuBois, John / Schuetze-Coburn, Stephan / Cumming, Susanne / Paolino, Danae (1992): Outline of Discourse Transcription. In: Edwards/Lampert (1992), 45-89.
  • Ehlich, K. (1992). HIAT - a Transcription System for Discourse Data. In: Edwards, Jane / Lampert, Martin (eds.): Talking Data – Transcription and Coding in Discourse Research. Hillsdale: Erlbaum, 123-148.
  • Ehlich, K. & Rehbein, J. (1976) Halbinterpretative Arbeitstranskriptionen (HIAT). In: Linguistische Berichte (45), 21-41.
  • Jenks, C.J. (2011) Transcribing Talk and Interaction: Issues in the Representation of Communication Data. Amsterdam: John Benjamins.
  • MacWhinney, Brian (2000): The CHILDES project: tools for analyzing talk. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.
  • Rehbein, J.; Schmidt, T.; Meyer, B.; Watzke, F. & Herkenrath, A. (2004) Handbuch für das computergestützte Transkribieren nach HIAT. In: Arbeiten zur Mehrsprachigkeit, Folge B (56). Version en ligne (en)
  • Ochs, E. (1979) Transcription as theory. In: Ochs, E. & Schieffelin, B. B. (ed.): Developmental pragmatics, 43-72. New York: Academic Press.
  • Sacks, H.; Schegloff, E. & Jefferson, G. (1978) A simplest systematics for the organization of turn taking for conversation. In: Schenkein, J. (ed.): Studies in the Organization of Conversational Interaction, 7-56. New York: Academic Press.
  • Selting, Margret / Auer, Peter / Barden, Birgit / Bergmann, Jörg / Couper-Kuhlen, Elizabeth / Günthner, Susanne / Meier, Christoph / Quasthoff, Uta / Schlobinski, Peter / Uhmann, Susanne (1998): Gesprächsanalytisches Transkriptionssystem (GAT). In: Linguistische Berichte 173, 91-122.
  • Selting, M., Auer, P., Barth-Weingarten, D., Bergmann, J., Bergmann, P., Birkner, K., Couper-Kuhlen, E., Deppermann, A., Gilles, P., Günthner, S., Hartung, M., Kern, F., Mertzlufft, C., Meyer, C., Morek, M., Oberzaucher, F., Peters, J., Quasthoff, U., Schütte, W., Stukenbrock, A., Uhmann, S. (2009): Gesprächsanalytisches Transkriptionssystem 2 (GAT 2). In: Gesprächsforschung (10), 353-402. [lire en ligne]

Liens externes

[modifier | modifier le code]