Triangle de la mort — Wikipédia

Le triangle de la mort en Italie.

Le triangle de la mort ou terre des feu, est une zone située en Campanie (Italie), où les cancers sont beaucoup plus nombreux que la moyenne nationale en raison de l'enfouissement des déchets récoltés par la Camorra, la mafia locale[1].

Localisation

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Le triangle de la mort est situé à mi-chemin entre Naples et Caserte[2],[3] et est délimité par les communes d'Acerra, Nola et Marigliano[4]. Dans cette région, la Camorra est accusée de diriger un réseau international de trafic illégal de déchets, considéré comme le quatrième business illégal d'Italie[5].

Contexte historique

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À partir de la fin des années 80, les industriels du nord et du centre de l'Italie se sont tournés vers cette région pour éliminer leurs déchets à moindre coût[3], une partie étant envoyée en Somalie. Cependant, l'assassinat de la journaliste Ilaria Alpi à Mogadiscio, enquêtant sur ce trafic impliquant l'armée italienne, mettra fin à ces pratiques[6].

Cette zone appelée le triangle de la mort, est aussi connue sous le nom de «terra dei fuochi» (terre des feux) en raison des fréquents incendies visant à brûler des déchets toxiques (amiante, colles industrielles, bitume, solvants, pneus, frigo, conteneurs, voir même des déchets nucléaires), illégalement enterrés ou jetés dans les champs par la Camorra[6].

D'après l'Association de protection de l'environnement Legambiente, dix millions de tonnes de déchets industriels, pour la plupart provenant de l'Italie du Nord, auraient ainsi été brûlées ou enfouies dans cette région entre 1991 et 2013[7],[2]. Elle dénonce, dans un rapport d'enquête resté silencieux pendant quinze ans, la corruption de nombreux fonctionnaires et magistrats, ainsi que l'implication de multinationales et d'établissements bancaires dans le secteur des déchets. Selon elle, ce système aurait généré 43 milliards d'euros en dix ans[6].

Conséquences

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Sur la santé

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En 1997, le repenti de la mafia Carmine Esquione avait prédit une hausse des décès dans la région en raison des déchets enterrés par celle-ci. En vingt ans, le taux de mortalité par cancer a augmenté de plus de 40 % chez les femmes et de 47 % chez les hommes, d'après l'Institut de cancérologie Pascale[6]. Ce ne sont pas uniquement les cancers qui ont augmenté, mais aussi des conditions comme les allergies, les malformations graves du fœtus entraînant des interruptions de grossesse chez certaines jeunes femmes, ainsi que l'infertilité[2],[8].

En 2008, un scandale éclate lorsque la police italienne découvre que la mozzarella a été contaminée par de la dioxine, à la suite de l'utilisation de décharges publiques par la mafia pour éliminer des déchets toxiques. La contamination a touché le fourrage dont se nourrissent les bufflonnes[6],[9].

Sur l'environnement

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Pour libérer de l'espace et rendre les déchets non traçables, la mafia incendie les ordures déchargées illégalement, libérant ainsi dans l'air de nombreuses substances toxiques et cancérogènes, telles que la dioxine[10].

Acerra détient le record national, avec 80% des terres impropres à l'agriculture[10].

Un rapport de l'Association Legambiente prévoit que certaines nappes phréatiques connaîtront un pic de pollution d'ici 2064[2].

Sur le plan politique

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La Camorra est souvent accusée par les autorités d'entraver les solutions à la crise des déchets pour maintenir son exploitation de ce marché lucratif. La crise de 2008 à Naples a influencé les élections législatives, contribuant à la victoire de Silvio Berlusconi. La région, déjà sous-équipée en infrastructures de décharge, a également connu des crises similaires en 2010 et 2011[6].

En 2013, une manifestation à Naples a réuni environ cent mille personnes pour protester contre la situation. De son côté, l'association Stop Biocido dresse un bilan détaillé des sites pollués et met en lumière les responsabilités de la criminalité organisée[10].

En janvier 2014[3], après cette manifestation, le gouvernement d'Enrico Letta a reconnu la situation et annoncé l'utilisation de l'armée pour s'opposer aux mafias et une aide de 600 millions d'euros pour les opérations de nettoyage, en complément des 300 millions déjà engagés par le gouvernement régional de Campanie[2],[6]. Le décret instaure des contrôles plus rigoureux sur les terrains agricoles, contaminés par le dépôt illégal de déchets non contrôlés. Le gouvernement annonce qu' « il est urgent de cartographier les zones affectées par la pollution qui pourraient nécessiter l'imposition de limitations sur la culture »[6].

Le , le cardinal Crescenzio Sepe et des évêques de Naples, ont dénoncé dans une lettre ouverte, une grave situation humanitaire, appelant à des opérations de dépollution, des contrôles médicaux, et la saisie des terrains contaminés. En réponse, le gouvernement a formé un groupe d'action pour prévenir les incendies et lancer un plan de décontamination afin de protéger la santé publique et l'environnement dans la région[6].

Références

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  1. Philippe Ridet, « L'Italie promet de s'attaquer à la mafia des déchets », sur lemonde.fr/planete, (consulté le )
  2. a b c d et e Mathilde Auvillain, « Triangle de la mort en Italie: le scandale des terres empoisonnées » Accès libre, sur RFI, (consulté le )
  3. a b et c Sciences et Avenir, « Italie: l'armée à la rescousse du "Triangle de la mort" des déchets », sur Sciences et Avenir, (consulté le )
  4. Benoît Blanquart, « « Terre des Feux » : mafia et métaux lourds » Accès libre, sur www.esanum.fr, (consulté le )
  5. Matthieu Pepe, « Le trafic de déchets en Campanie : la Camorra est-elle toute puissante ? » Accès libre, sur Questions Géopolitiques, (consulté le )
  6. a b c d e f g h et i Dominique Cettour-Rose, « «Triangle de la mort» : l'armée italienne appelée à la rescousse » Accès libre, sur Franceinfo, (consulté le )
  7. France Info, « La Terre des feux ou le Triangle de la mort », 9 décembre 2013 (consulté le 23 janvier 2014).
  8. AFP, « Italie: «Le triangle de la mort», un territoire empoisonné » Accès libre, sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  9. Daniel Psenny, « Quand Mozzarella rime avec Mafia », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le )
  10. a b et c Olivier Favier, « Quand l'agriculture biologique répare les crimes de la mafia napolitaine » Accès libre, sur Reporterre, (consulté le )

Articles connexes

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Liens externes

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