Tro Breiz — Wikipédia
Le Tro Breiz (sans h car le nom est fixé au XIXe siècle avant l'apparition d'une orthographe normalisée du breton), qui en breton signifie « tour de Bretagne », est un pèlerinage catholique qui relie les villes des sept saints fondateurs de la Bretagne. Ces sept saints sont, selon une construction tardive, à la fois littéraire et hagiographique, des moines venus du pays de Galles et des Cornouailles britanniques vers les Ve et VIe siècles, apportant le christianisme dans l'ouest de l'Armorique et y fondant les premiers évêchés.
Les sept villes étapes du Tro Breiz sont :
- Saint-Malo fondée par saint Malo (ou Maclou),
- Dol-de-Bretagne fondée par saint Samson
- Saint-Brieuc fondée par saint Brieuc
- Tréguier fondée par saint Tugdual
- Saint-Pol-de-Léon fondée par saint Paul Aurélien
- Quimper fondée par saint Corentin
- Vannes fondée par saint Paterne (ou Patern)
Histoire
[modifier | modifier le code]Un mythe historiographique
[modifier | modifier le code]Le Tro Breiz est un pèlerinage qui se serait fait à l'origine en un mois et 600 kilomètres de marche, les pèlerins rendant visite aux reliques des sept saints fondateurs de la Bretagne qui étaient exposées dans les cathédrales des grandes étapes. Il remonte selon les érudits[1] au IXe, Xe ou XIIe siècle et connaît son apogée au XIIIe siècle[Note 1].
Le Tro-Breiz médiéval s'effectue lors des quatre temporaux (Pâques, Pentecôte, Saint-Michel et Noël, chaque temporal débutant quinze jours avant et finissant quinze jours après la solennité retenue)[3]. Les historiens médiévistes remettent en cause l'historiographie bretonne de la fin du XIXe siècle qui, à l'intérieur d'un courant de pensée appelé celtomanie, invoque un passé glorieux du Tro-Breiz au Moyen Âge avec des foules compactes réalisant ce pèlerinage avec ferveur, cette invocation reposant sur un « mirage hagiographique[1] » alors que « la réalité du Tro-Breiz médiéval était à la fois plus modeste, plus diverse et plus discontinue »[4].
Une femme de Lanmeur, qui faisait le pèlerinage aux Sept-Saints de Bretagne avec une amie, aurait rencontré saint Yves et fait route avec lui de Tréguier à Kermartin (en Pléguien) le lundi de la Pentecôte 1299 ou 1300. Ce témoignage, produit lors du procès de canonisation de saint Yves en 1330, est le plus ancien connu évoquant l'existence du pèlerinage aux Sept-Saints de Bretagne[5]. Voir aussi la note 2 de la page 181 du cartulaire de Quimper (Bibliothèque diocésaine de Quimper) qui mentionne le tronc du pèlerinage des Sept-Saints en 1278.
Historiquement, il est désigné sous les termes Pèlerinage des Sept-Saints de Bretagne. Parfois qualifié de circuitus Britanniae (« le tour de la Bretagne » en latin), ce terme a été donné en breton au XIXe siècle.
Un nouveau souffle
[modifier | modifier le code]Ce pèlerinage tombe en désuétude au XVIIe siècle, dans des circonstances mal établies[6], mais perdure toutefois : Anatole Le Braz évoque dans "La Terre du passé", publié en 1901, Marguerite Philippe (Macharit Fulup en breton)[Note 2], pèlerine professionnelle, qui effectuait, moyennant rémunération, le pèlerinage pour le compte de clients.
Sa pratique tente d'être relancée dans la première partie du XXe siècle par l'association catholique bretonne Bleun-Brug mais peine à retrouver son souffle[7].
Après une longue période d'absence, il est relancé en 1993 par l'association laïque La Route Historique du Tro-Breiz (label CNMHS) créée par Benoît Boyer pour faire la promotion et la revalorisation du Tro-Breiz, comme itinéraire culturel et touristique. Puis en 1994 par l'association « Les Chemins du Tro Breiz » créée par Philippe Abjean qui décide de limiter la marche à une étape d'une semaine par an, soit en partant d'une ville-étape pour arriver à la suivante, dans l'ordre habituel des étapes. Plusieurs associations ont depuis repris l'idée et organisent maintenant ce pèlerinage selon des itinéraires qui, contrairement aux routes de Compostelle, n'ont jamais été vraiment fixés.
Caractéristiques
[modifier | modifier le code]Une des particularités de ce pèlerinage est d'être « circulaire », car la dernière étape de son pèlerinage ramènerait le pèlerin à son point de départ. À l'instar des troménies, la circularité dans l'esprit celtique symbolise l'accomplissement et la plénitude.
Une légende promet le Paradis à tout Breton qui fait le Tro Breiz, mais veut que celui qui ne l'a pas effectué de son vivant soit condamné à l'accomplir après sa mort, en avançant, chaque jour[8] ou chaque année[9] selon les versions, de la seule longueur de son cercueil.
Il n'y a pas d'ordre de départ, l'important est d'être passé par toutes les étapes. Le circuit fait entre 600 et 1000 kilomètres suivant le tracé.
Comme pour Compostelle, les motivations ne sont pas seulement religieuses. Généralement les motivations des marcheurs sont multiples : spirituelles, culturelles, sportives... Par exemple, beaucoup de personnes « font » le Tro Breiz pour la découverte du patrimoine et de la culture du pays, pour le plaisir de randonner ou encore de rencontrer de nouvelles personnes partageant les mêmes intérêts.
Les chemins du Tro Breiz comptent sept cathédrales mais surtout des centaines de chapelles, des enclos paroissiaux, des abbayes, des calvaires, des manoirs et châteaux... Le projet des années 2010 est de restaurer des chapelles qui sont sur le tracé afin d'en ouvrir une cinquantaine pour en faire des chapelles hospitalières, comme au Moyen Âge[10]. L'année 2015 voit l'ouverture du premier refuge à Saint-Pol-de-Léon[11].
En chanson
[modifier | modifier le code]Denez Prigent évoque le renouveau du Tro Breiz dans sa chanson An hentoù adkavet (les chemins retrouvés), où il rend hommage aux marcheurs qui se donnent du mal sans espérer de récompense.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Les plus anciennes mentions de la pratique d'un culte collectif aux Sept-Saints, sont des testaments de nobles du XIIIe siècle[2].
- Marguerite Philippe, née le à Pluzunet, décédée le à Pluzunet.
Références
[modifier | modifier le code]- Jean-Christophe Cassard 1997, p. 93-119.
- René Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, t. I, Nantes, Société des bibliophiles bretons, (BNF 34100609, lire en ligne), p. CXIX-CXXXIV (introduction)
- Chantal Leroy, Dominique de La Rivière, Cathédrales et basiliques de Bretagne, Éditions Ereme, , p. 194.
- Yvon Tranvouez, Catholiques en Bretagne au xxe siècle, Presses universitaires de Rennes, , p. 187.
- Julien Trevedy 1898, p. 16.
- Chantal Leroy, Dominique de La Rivière, Cathédrales et basiliques de Bretagne, Éditions Ereme, , p. 200.
- Eugène Royer et Joël Bigot, Les chapelles bretonnes, Éditions Jean-Paul Gisserot, , p. 12.
- Les guides Lepère, « Le Tro Breizh », sur www.chemin-compostelle.fr, .
- Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, Guide des randonnées à pied 2018, Petit Futé, , 240 p. (ISBN 979-10-331-8008-1, lire en ligne), « Tro Breiz », p. 92.
- Maiwenn Raynaudon-Kerzerho (photogr. Emmanuel Pain), « La Vallée des Saint, le Tro Breiz, la sauvegarde des chapelles. Philippe Abjean : "Les gens ont besoin de sacré" », Bretons, no 102, , p. 41
- Tro Breiz : les pèlerins pourront crécher dans des refuges
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Xavier Accart, Tro Breiz : ma Bretagne intérieure, Salvator, 2023.
- Gaële de La Brosse, François Lepère et Ronan Perennou, Sur les chemins du Tro-Breiz, le tour de Bretagne, éditions Lepère, coll. « guide de poche du randonneur et du pèlerin », (ISBN 978-2-915156-31-7).
- Gaële de La Brosse, Tro Breiz, les chemins du Paradis : Pèlerinage des Sept Saints de Bretagne, Presses de la Renaissance, (ISBN 2856169112).
- Jean-Christophe Cassard, « Le Tro-Breiz médiéval : Un mirage historiographique ? », Kreiz (Études sur la Bretagne et les Pays celtiques), Brest, CRBC, no 6 « Les hauts lieux du sacré en Bretagne », .
- Yves-Pascal Castel, Le chant du Tro-Breiz, éditions nouvelles du Finistère, (ISBN 2-9506659-7-7).
- Mickaël Gendry, « Le Tro Breiz, entre mémoire et histoire », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, nos 128-2, , p. 47-73.
- Jean-Baptiste Grison, Philippe Le Guillou (préface) et Patrick Bernier (postface), Tro Breiz (Album photographique), Rue des Scribes, (ISBN 2-906064-37-8).
- Alain Guigny et Yvon Boëlle, Les chemins du Tro Breiz. Au cœur de la mémoire bretonne, éditions Ouest-France, .
- Charles Mendes, Au sujet du Tro-Breiz, pèlerinage médiéval des Sept Saints bretons, Éditions du Moulin vieux, (ISBN 2907502034).
- Yannick Pelletier, Le Tro Breiz, Éditions Jean-Paul Gisserot, .
- Bernard Rio et Yvon Autret, Topoguide Tro-Breiz, 47 étapes, Coop Breizh, .
- Bernard Rio, Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne, Le Passeur, (BNF 44340808), « Sept saints, sept évêques, sept frères / les chemins du Tro Breiz ».
- Florian Le Roy, Tro-Breiz. Le pèlerinage aux Sept-Saints de Bretagne, .
- Joseph Thomas, Le Tro Breiz en tête ou fou comme l'oiseau, auto-édition, .
- J.-T. Trevedy, « Les Sept Saints de Bretagne et leur pèlerinage », Bulletin archéologique de l'Association Bretonne, Congrès de Rennes, , p. 112-167.
- Julien Trevedy, Les Sept-Saints de Bretagne et leur pèlerinage, Saint-Brieuc, R. Prud'homme, (BNF 34101071, lire en ligne).
- Brochure de la Route Historique du Tro-Breiz en 6 versions linguistiques dont le Breton édité par l'Association la Route Historique du Tro-Breiz (C.N.M.H.S)
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Ressource relative à la religion :