Union démocratique belge — Wikipédia

L'Union démocratique belge (UDB) est un parti politique belge éphémère, fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par Pierre Clerdent et Antoine Delfosse.

Pensé à Londres pendant la Deuxième Guerre mondiale au moment où les ministres belges y siégeaient et basé sur le modèle des travaillistes, le parti était issu des mouvements de la Résistance[1] et visait à rapprocher les socialistes et les sociaux-chrétiens. Il est fondé le 16 juillet 1945 par des représentants de l'aile gauche de la démocratie-chrétienne[2].

L'UDB eut deux ministres, à la suite de la démission des ministres sociaux-chrétiens, dans le gouvernement Achille Van Acker du au ): le ministre de la justice Marcel Grégoire, le ministre de la reconstruction et de dommages de guerre Jacques Basyn[3]. Franz de Voghel, proche de l'UDB sans en être membre, fut ministre des Finances dans ce même gouvernement, ainsi que dans les gouvernements Paul-Henri Spaak () et Van Acker (mars-). Le parti est soutenu publiquement par quelques syndicalistes chrétiens wallons, mais il est désavoué par l'archevêque de Malines Joseph-Ernest Van Roey[4].

Aux premières élections législatives d'après-guerre en 1946, il s'avéra qu'il s'agissait d'un parti de 'chefs', sans assise réelle dans le pays. Il ne récolta en tout que quelque 50 000 voix, principalement à Bruxelles.

Après cet échec cuisant, résultant en l'élection d'un seul représentant, le parti fut dissous. Comme en témoignent des épisodes postérieurs, l'idée du rassemblement des progressistes restera cependant vivace en Wallonie.

Émergence de l'U.D.B.

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Après la Seconde Guerre mondiale, la question du retour du roi Léopold III provoque un véritable débat politique en Belgique. Le roi avait refusé de suivre le gouvernement belge en exil à Londres après l'invasion allemande en 1940, préférant rester en Belgique où il avait rencontré Adolf Hitler. Exilé en Suisse après la guerre, l'idée de son retour divise profondément le pays. Le gouvernement belge, sous la direction d'Achille Van Acker, s'oppose fermement à ce retour, considérant cette possibilité comme un problème politique majeur[5].

Dans ce climat tendu, des discussions se déroulent pour envisager un rapprochement entre les socialistes et certains démocrates-chrétiens autour d'un projet de rassemblement travailliste[6]. Ces échanges réunissent des personnalités des deux camps : Marcel Grégoire, Jacques Basyn, Pierre Clerdent, Léon Servais et Joseph Fafchamps pour les chrétiens-démocrates ; Achille Van Acker, Léon Delsinne et Victor Larock pour les socialistes. Cependant, ces discussions n'aboutissent pas à la création d'un commun accord[7].

Dès 1941, un groupe de jeunes intellectuels francophones publie un Avant-projet de pacte sur l'union travailliste. Parmi eux, des catholiques de sensibilité démocrate-chrétienne comme Marcel Grégoire, journaliste à La Cité chrétienne, et Jacques Basyn, membre de plusieurs cabinets ministériels durant l'entre-deux-guerres. Des socialistes tels que Léon Delsinne et Achille Van Acker collaborent également à ce projet. Ce groupe partage un objectif commun : dépasser le clivage confessionnel qui divise les travailleurs et repenser le paysage politique sur une base socio-économique[8].

Parallèlement, l'idée d'un nouveau parti prend forme à Londres durant la guerre, où plusieurs responsables politiques belges en exil réfléchissent à créer une formation politique travailliste qui dépasserait les clivages philosophiques traditionnels. Bien que le projet d'une alliance entre le Parti socialiste belge et les courants démocrates-chrétiens ne voie pas le jour, certains acteurs politiques poursuivent l'idée d'un parti plus ouvert[9].

C'est dans ce contexte que naît l'Union Démocratique Belge (UDB), fondée le 24 septembre 1944, juste après la libération de la Belgique. D'abord simple mouvement, elle devient un parti politique officiel en juin 1945. Ce nouveau parti est porté par des personnalités comme Antoine Delfosse, Marcel Grégoire et Jacques Basyn, qui veulent rompre avec l'approche confessionnelle du Parti Social-Chrétien (PSC-CVP), jugé trop conservateur et sous l'influence de l'Église[10].

L'UDB tente, en vain, d'orienter le sens du parti catholique dans un sens travailliste. Bien qu'elle rassemble principalement des catholiques démocrates-chrétiens francophones, elle attire aussi des socialistes et des libéraux. L'absence de soutien du PSB et du PSC ruine tout espoir de dépasser les clivages traditionnels hérités du passé[8].

L'UDB se veut un parti non confessionnel de type travailliste[11], revendiquant des idées progressistes, inspirées du personnalisme. Malgré sa volonté de se détacher de l'Église, son indépendance est relative, car l'influence religieuse reste forte en Belgique[10].

Activité politique de l'U.D.B.

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Dès sa création, l'UDB s'engage rapidement sur la scène politique. Avant même de participer à des élections, le parti entre au gouvernement en juillet 1945 après la démission des ministres catholiques. Il rejoint alors une coalition aux côtés du Parti socialiste belge (PSB), du Parti libéral et du Parti communiste de Belgique[9].

En juillet 1945, les parlementaires socialistes, libéraux et communistes votent une loi soumettant le retour du roi à l'autorisation préalable des Chambres. Antoine Delfosse, président de l'UDB, soutient cette mesure provoquant la démission des ministres catholiques du gouvernement Van Acker I. Ce contexte permet à l'UDB d'entrer au gouvernement avec trois portefeuilles ministériels : Marcel Grégoire (Justice), Jacques Basyn (Dommages de guerre) et Franz de Voghel (Finances)[8].

Cependant, l'UDB rencontre un échec électoral lors des élections législatives de mars 1946. Avec seulement 51 095 voix, le parti n'obtient qu'un siège au Parlement. Une des raisons principales de cet échec est l'influence toujours forte de l'Église sur l'électorat catholique. Le sermon du cardinal Van Roey du 26 octobre 1945, appelant à l'unité des catholiques contribue largement à affaiblir l'UDB en détournant de nombreux électeurs potentiels[9].

Les divisions internes entre l'UDB et le PSC limitent également les chances de réussite du projet travailliste. L'UDB critique l'aile droite du PSC, qu'elle juge trop conservatrice, et refuse tout rapprochement avec, dès juin 1945. Après les élections de février 1946, l'UDB modifie sa stratégie et prône une coalition PSC/PSB pour contraindre les sociaux-chrétiens à se débarrasser de leur aile droite et inciter le PSB à clarifier ses intentions réformistes. Cependant, la défaite électorale entraîne la désaffection des militants et l'érosion progressive du parti[8].

Malgré ses efforts pour incarner un parti progressiste et indépendant, l'UDB ne parvient pas à s'imposer dans le paysage politique belge. Face aux structures politiques traditionnelles, le parti disparaît quelques mois après l'élection de 1946, faute de soutien électoral suffisant. Trois membres de son Bureau national donnent leur démission et le parti se retrouve sans président. Le reste du parti se disperse au cours des mois suivants[6].

L'après UDB

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Plusieurs dirigeants de l'UDB se tournèrent vers le Parti social-chrétien (PSC) :

  • Pierre Clerdent, devint gouverneur du Luxembourg et de Liège, avant de finir en tant que sénateur libéral.
  • Alfred Califice fut député et à plusieurs ministres, représentant du MOC au sein du PSC.
  • Antoine Delfosse, pour qui ce fut un retour au bercail.
  • Oscar Behogne qui était retourné au PSC dès avant les élections de 1946.

Marcel Grégoire , Paul Michel Lévy, Max Bastin, Jacques Basyn, Arthur Bertinchamps, René Vandeghinste, Irénée van der Ghinst, Franz de Voghel et William Ugeux poursuivirent tous des carrières dans la société civile.

Référence

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  1. (en) Walter Lipgens, Documents on the History of European Integration. Vol 1, Continental Plans for European Union 1939-1945 ; (Including 250 Documents in their Original Language on 6 Microfiches), (ISBN 978-3-11-090740-7 et 3-11-090740-2, OCLC 1129202552, lire en ligne), p. 217
  2. (en) Walter Lipgens et Wilfried Loth, Documents on the History of European Integration. Vol 3, The Struggle for European Union by Political Parties and Pressure Groups in Western European Countries 1945-1950 ; (Including 252 Documents in their Original Languages on 6 Microfiches), (ISBN 978-3-11-087642-0 et 3-11-087642-6, OCLC 1129185298, lire en ligne), p. 270
  3. Pierre Van den Dungen, Hubert Pierlot 1883-1963, Le Cri, , 452 p. (ISBN 2-87106-609-4 et 978-2-87106-609-5, OCLC 1265084952, lire en ligne)
  4. (en) Emiel Lamberts, Christian democracy in the European Union, 1945/1995 : proceedings of the Leuven colloquium, 15-18 November 1995, Leuven University Press, (ISBN 90-6186-808-4 et 978-90-6186-808-8, OCLC 1048154479, lire en ligne), p. 69
  5. Vincent Dujardin et Mark Van den Wijngaert, « La Belgique sans roi », Le Cri,‎ (lire en ligne Accès libre [doc])
  6. a et b Alain Colignon, « L'Union Démocratique Belge » Accès libre
  7. Jean-Claude Williame, « L'Union Démocratique Belge (U.D.B.). Essai de création "travailliste" », CRISP,‎ , p. 5 (lire en ligne Accès libre)
  8. a b c et d Jean-Louis Jadoulle et Paul Wynants, « Les engagements en dehors du parti catholique et du Parti social-chrétien », ARCA,‎ , p. 232 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  9. a b et c Pascal Delwit et Benoit Hellings, Du parti catholique au Centre démocrate humaniste : les questionnements de la démocratie chrétienne en Belgique francophone, (lire en ligne), p. 17
  10. a et b (nl) Rik Hemmerijckx et Wilfried Berteen, « Le rêve travailliste en Belgique. Histoire de l'Union Démocratique Belge », Revue belge de philologie et d'histoire,‎ (lire en ligne Accès libre)
  11. « Manifeste de l’Union démocratique belge »

Bibliographie

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  • (nl) Wilfried Beerten, Ontstaan en ontwikkeling van een politieke beweging: Union démocratique belge, Louvain
    • traduction en français : Wilfried Beerten (trad. Maurice Galderoux), Le rêve travailliste en Belgique : histoire de l'U.D.B., 1944-1947, Bruxelles, .
  • Wilfried Beerten, « L'Union Démocratique Belge, une expérience avortée », dans Marie-Thérèse Coenen, Serge Govaert, Serge (dir.), Le Rassemblement des progressistes, 1944-1976, Bruxelles, De Boeck Université, (ISBN 2-8041-3208-0).
  • David Levaux, Liège et l'Union Démocratique Belge (thèse de doctorat), Université de Liège, .
  • Jean-Claude Willame, « L'Union démocratique belge (U.D.B.). Essai de création "travailliste" », Courrier Hebdomadaire du CRISP, vol. 37-8, nos 743-744,‎ , p. 1–43 (lire en ligne Accès libre).
  • Vincent Dujardin et Mark Van den Wijngaert, « La Belgique sans roi », Le Cri, 2021.
  • Jean-Claude Williame, « L'Union Démocratique Belge (U.D.B.). Essai de création "travailliste"», CRISP, 1976.
  • Alain Colignon, « L'Union Démocratique Belge », disponible sur https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/articles/union-democratique-belge.html
  • Jean-Louis Jadoulle et Paul Wynants, « Les engagements en dehors du parti catholique et du Parti social-chrétien », ARCA,‎ 2003.
  • Rik Hemmerijckx et Wilfried Berteen, « Le reve travailliste en Belgique. Histoire de l'Union Démocratique Belge », Revue belge de philologie et d'histoire,‎ 1992.
  • Pascal Delwit et Benoit Hellings, « Du parti catholique au Centre démocrate humaniste : les questionnements de la démocratie chrétienne en Belgique francophone », 2002, disponible sur https://dipot.ulb.ac.be/dspace/bitstream/2013/24767/1/AS2002-Delwit-hellings-duparti.pdf
  • https://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/1er-octobre-1944-manifeste-de-lunion-democratique-belge