Vallée de Chumbi — Wikipédia
La vallée de Chumbi est une vallée du Tibet, à l'intersection de l'Inde (Sikkim), du Bhoutan et du Tibet dans les Himalayas. Deux passages principaux entre l'Inde et le Tibet s'ouvrent ici : les cols de Nathu La et de Jelep La.
La vallée est à une altitude de 3 000 mètres et était au premier rang de la mission britannique de 1904 au Tibet. La vallée fleurit au printemps. Elle bénéficie d'un climat modéré.
Histoire
[modifier | modifier le code]Entre 1670 et 1685, sous le règne du 5e Dalaï Lama, le Tibet conquiert notamment la vallée de Chumbi au sud du Tibet.
Annie Royle Taylor (1855 - 1922), une missionnaire évangélique anglaise, s'installa dans la vallée de Chumbi [1]. Elle s'y trouvait encore en 1903 quand arriva l'expédition militaire britannique au Tibet[2].
Le , la convention entre la Grande-Bretagne et le Tibet est signée entre les Britanniques et le gouvernement tibétain. Ce traité, qui permettait l'occupation de la vallée par les Anglais, est rapidement remis en cause, notamment par le traité de Pékin en 1906[3].
Sir William Wright Smith, un botaniste britannique, explora la vallée de Chumbi et d'autres régions du Tibet entre 1909 et 1910. Il amasse alors suffisamment de documents pour publier Records of the Botanical Survey of India.
C'est en traversant la vallée de Chumbi que le 13e dalaï-lama s'exila du Tibet en Inde en 1909-1910, grâce, selon Claude Arpi, au soutien de la population locale qui l'escorta jusqu'à la frontière pour le protéger des troupes chinoises de Zhao Erfeng qui étaient à sa recherche, avec pour ordre de le capturer ou de le tuer[4].
Devant l'avancée de l'armée chinoise, Heinrich Harrer quitte Lhassa en et se réfugie dans la vallée de Chumbi avant de quitter le Tibet en .
En décembre 1951, le 14e dalaï-lama et son entourage se réfugièrent à Yatoung dans la vallée de Chumbi, à la frontière du Sikkim, près de Nathu La. Selon Alexandra David-Néel – qui a quitté définitivement l'Asie en juin 1946[5] mais donne, en 1953, dans un ouvrage d'actualité, Le vieux Tibet face à la Chine nouvelle, « un avis sûr et documenté » sur le conflit entre la République populaire de Chine et le Tibet – les paysans de la ville et des environs[6], non sans parfois quelques récriminations, durent nourrir gratis, plusieurs mois durant, « le Précieux Protecteur, sa horde et son troupeau de mules »[7].
Population
[modifier | modifier le code]Selon William Montgomery McGovern (1924), si les habitants de la vallée sont d'origine tibétaine comme les Bhoutanais et les Sikkimais, par contre ils ont un dialecte et nombre d'habitudes qui leur sont propres. Ils sont réputés être les plus beaux de tous les peuples de souche tibétaine. À la différence des vrais Tibétains, chez qui la saleté est une vertu prisée des dieux, les habitants de la vallée se lavent parfois[8].
Perdurance de l'esclavage
[modifier | modifier le code]L'agent britannique (political officer) au Bhoutan, Sikkim et Tibet Charles Alfred Bell, qui, de à , eut sous sa responsabilité la vallée de Chumbi, rapporte que l'esclavage continuait à y être pratiqué à l'époque de l'occupation britannique tout en ayant fortement décliné les trente années précédentes. Il ne restait qu'une ou deux douzaines d'esclaves, contrairement à la situation du Bhoutan voisin où l'esclavage était plus répandu. Il note que l'esclavage dans la vallée du Chumbi était d'un type très atténué. Si l'esclave n'était pas bien traité, il lui était facile de fuir et de chercher refuge au Sikkim ou en Inde britannique[9].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Bibliographie très détaillée in Julie G. Marshall, Britain and Tibet 1765-1947. A Select Annotated Bibliography of British relations with Tibet and the Himalayan states including Nepal, Sikkim en Bhutan, revised and updated to 2003, London & New York, Routledge Curzon, vers 2003, du n°1946 au n°1954, pp. 270-271.
- Michael Taylor, Le Tibet - De Marco Polo À Alexandra David-Néel, Payot, Office du Livre, Fribourg (Suisse), 1985 (ISBN 978-2-8264-0026-4).
- Laurent Deshayes, Histoire du Tibet, Fayard, 1997, Page 235, (ISBN 978-2-213-59502-3).
- Claude Arpi, Tibet, le pays sacrifié, Calmann-Lévy, 2000, chap. 11, p. 126.
- Jean Chalon, Le Lumineux Destin d’Alexandra David-Néel, p. 418-419.
- Jacques Brosse, Alexandra David-Néel, Albin Michel, 1991, 334 p., p. 283.
- Alexandra David-Néel, Le vieux Tibet face à la Chine nouvelle, op. cit., pp. 980-981 : « Le Dalaï-lama, ses gens et sa caravane s'arrêtèrent donc à Yatung, le dernier village tibétain situé à l'extrême pointe sud du pays, à la frontière du Sikkim et y attendirent les événements. [...] Les paysans de Yatung et des environs commençaient à trouver encombrants le Précieux Protecteur, sa horde et son troupeau de mules qu'ils avaient à nourrir, gratis bien entendu, et des murmures s'élevaient parfois au lieu des formules habituelles de vénération. »
- (en) William Montgomery McGovern, To Lhasa in Disguise: A Secret Expedition Through Mysterious Tibet, Asian Educational Services, 1924, 462 p., p. 34 « Ethnologically, as well as geographically, Chumbi is quite distinct from Tibet; for though the Chumbi people in common with the Bhutanese and Sikkimese are of Tibetan origin, they have a dialect and many customs entirely their own. They have the deserved reputation of being the most beautiful of all the peoples of Tibetan stock, and many of the young men and women I passed were really remarkably handsome. Unlike the true Tibetans, with whom filthiness is a virtue esteemed by the gods, the Chumbi people are occasionally known to wash themseles. »
- (en) Charles Bell, Tibet Past and Present, Motilal Banarsidass Publ., 1992, 376 pages, pg. xviii et pp. 78-79 : « Slavery was not unknown in the Chumbi Valley during our occupation, but proximity to British India had greatly lessened the numbers of the slaves, so that only a dozen or two remained. Across the frontier in Bhutan there were a great many. Slaves were sometimes stolen, when small children, from their parents. Or the fother and mother being too poor to support their child, woukld sell it to a man, who paid them sho-ring, 'price of mother's milk', brought up the child and kept it, or sold it, as a slave. These children come mostly from south-eastern Tibet and the territories of the wild tribes who dwell between Tibet and Assam. Slaves received food and clothing from their masters on the same scale as servants, but no pay. [...] The slavery in the Chumpi valley was of a very mild type. If a slave was not well treated, it was easy for him to escape into Sikkim and British India. »