Vibration moléculaire — Wikipédia

Une vibration moléculaire se produit lorsque les atomes d'une molécule sont dans un mouvement périodique pendant que la molécule dans son ensemble subit un mouvement de translation et de rotation. La fréquence du mouvement périodique est appelée fréquence de vibration. Une molécule non linéaire constituée de n atomes possède 3n-6 modes normaux de vibration, alors qu'une molécule linéaire n'en possède que 3n-5, puisque la rotation autour de son axe moléculaire ne peut être observée. Une molécule diatomique ne possède ainsi qu'un mode normal de vibration. Les modes normaux des molécules polyatomiques sont indépendants les uns des autres, chacun d'entre eux impliquant des vibrations simultanées des différentes parties de la molécule.

Une vibration moléculaire est produite lorsque la molécule absorbe un quantum d'énergie, E, qui correspond à une vibration de fréquence, ν, selon la relation E=hν, où h est la constante de Planck. Une vibration fondamentale est excitée lorsqu'un tel quantum d'énergie est absorbé par la molécule dans son état fondamental. Lorsque deux quanta sont absorbés la première harmonique est excitée, et ainsi de suite pour les harmoniques suivantes.

En première approximation, le mouvement de vibration normal peut être décrit comme une sorte de mouvement harmonique simple. Dans cette approximation, l'énergie de vibration est une fonction quadratique (parabole) des déplacements atomiques et la première harmonique est de deux fois la fréquence de la fréquence fondamentale. En réalité, les vibrations sont anharmoniques et la première harmonique a une fréquence qui est légèrement inférieure à deux fois la fondamentale. L'excitation des harmoniques supérieures demande progressivement de moins en moins d'énergie supplémentaire et conduit à la dissociation de la molécule, l'énergie potentielle de la molécule ressemblant plus à un potentiel de Morse.

Les états vibrationnels d'une molécule peuvent être étudiés selon plusieurs voies. La plus directe est la spectroscopie infrarouge, les transitions vibrationnelles requérant une quantité d'énergie qui correspond typiquement à la région infrarouge du spectre. La spectroscopie Raman, qui utilise typiquement la lumière visible, peut aussi être utilisée pour mesurer les fréquences de vibration directement.

L'excitation de vibration peut se produire de manière conjuguée à l'excitation électronique (transition vibronique), donnant une structure vibrationnelle fine aux transitions électroniques, particulièrement avec les molécules à l'état gazeux.

L'excitation simultané d'une vibration et des rotations donne naissance au spectre de rotation-vibration.

Coordonnées vibrationnelles

[modifier | modifier le code]

La coordonnée d'une vibration normale est une combinaison de « changements » dans les positions des atomes d'une molécule. Lorsque la vibration est excitée, la coordonnée change de manière sinusoïdale avec une fréquence ν, la fréquence de vibration.

Coordonnées internes

[modifier | modifier le code]

Les coordonnées internes sont des types suivants, comme illustré à partir de la molécule plane d'éthène, et très souvent désignés par les termes anglophones :

Ethylène
Ethylène
  • Stretching (élongation) : variation de la longueur d'une liaison, comme C-H ou C-C.
  • Bending (déformation) : variation dans l'angle fait par deux liaisons, comme l'angle HCH dans un groupe méthylène.
  • Rocking (balancement) : variation dans l'angle entre un groupe d'atomes, comme un groupe méthylène et le reste de la molécule.
  • Wagging (agitation) : variation de l'angle entre le plan d'un groupe d'atomes, comme un groupe méthylène et un plan passant par le reste de la molécule.
  • Twisting (torsion) : variation dans l'angle fait par les plans respectifs de deux groupes d'atomes, comme entre les deux groupes méthylènes.
  • Hors du plan : mouvement non présent dans l'éthène, mais qui peut se rencontrer par exemple dans BF3 lorsque l'atome de bore sort et revient dans le plan formé par les trois atomes de fluor.

Dans les coordonnées de rocking, wagging ou twisting, les angles et longueurs de liaisons dans les groupes concernés ne changent pas. Le rocking peut être distingué du wagging par le fait que les atomes dans le groupe restent dans le même plan.
Dans l'éthène, il y a douze coordonnées internes : 4 stretchings C-H, 1 streching C-C, 2 bendings H-C-H, 2 rockings CH2, 2 waggings CH2, 1 twisting. Les angles H-C-C ne peuvent être utilisés comme coordonnées internes, les angles à chaque carbone ne pouvant varier en même temps.

Coordonnées adaptées à la symétrie

[modifier | modifier le code]

Des coordonnées adaptées à la symétrie peuvent être créées en appliquant un projecteur à un ensemble de coordonnées internes[1]. Le projecteur est construit avec l'aide de la table de caractères du groupe ponctuel de symétrie moléculaire. Ainsi, les quatre coordonnées de stretching C-H (non-normalisées) de la molécule d'éthène sont données par :

Qs1 = q1 + q2 + q3 + q4
Qs2 = q1 + q2 - q3 - q4
Qs3 = q1 - q2 + q3 - q4
Qs4 = q1 - q2 - q3 + q4

où q1 - q4 sont les coordonnées internes pour les stretching de chacune des quatre liaisons C-H.
Des illustrations de coordonnées adaptées à la symétrie pour la plupart des petites molécules peuvent être trouvées dans l'ouvrage de Nakamoto[2].

Coordonnées normales

[modifier | modifier le code]

Une coordonnée normale, Q, peut parfois être construite directement comme une coordonnée adaptée à la symétrie. C'est possible lorsque la coordonnée normale appartient uniquement à une représentation irréductible particulière d'un groupe ponctuel de symétrie moléculaire. Ainsi, les coordonnées adaptées à la symétrie pour l'étirement de liaison de la molécule linéaire de dioxyde de carbone, O=C=O, sont toutes deux des coordonnées normales :

  • étirement symétrique : la somme des deux coordonnées de stretching de C-O, les deux longueurs de liaisons C-O sont modifiées identiquement et l'atome de carbone est stationnaire. Q = q1 + q2.
  • étirement asymétrique : la différence des deux coordonnées de stretching de C-O ; une liaison C-O croît lorsque l'autre décroît. Q = q1 - q2.

Lorsque deux coordonnées normales ou plus appartiennent à la même représentation irréductible d'un groupe de symétrie ponctuelle moléculaire (c'est-à-dire ont la même symétrie), il y a « mélange » et les coefficients de la combinaison ne peuvent être déterminé a priori. Ainsi par exemple, dans la molécule linéaire de cyanure d'hydrogène, HCN, les deux vibrations de stretching sont :

  1. streching C-H majoritaire avec stretching C-N faible ; Q1 = q1 + a q2 (a ≪ 1).
  2. streching C-N majoritaire avec stretching C-H faible ; Q1 = b q1 + q2 (b ≪ 1).

Les coefficients a et b sont déterminés par analyse complète des coordonnées normales au moyen de la méthode GF de Wilson[3].

En mécanique classique

[modifier | modifier le code]

Les vibrations moléculaires peuvent être traitées en utilisant la mécanique classique afin de calculer les fréquences de vibrations correctes. Le postulat de base est que chaque vibration peut être traitée comme si elle correspondait à un ressort. Dans l'approximation harmonique, un ressort obéit à la loi de Hooke : la force requise pour étirer le ressort est proportionnelle à son extension. Le coefficient de proportionnalité est connue sous le nom de constante de force f. L'oscillateur anharmonique sera considéŕe par ailleurs[4].

Selon la deuxième loi du mouvement de Newton, cette force est égale au produit de la masse m par l'accélération a :

Par identité, on obtient l'équation suivante :

La solution à cette équation du mouvement harmonique simple est :

A est le maximum d'amplitude de la coordonnée de vibration Q. Il reste à définir la masse, m. Dans une molécule homonucléaire diatomique comme N2, il s'agit de la masse des deux atomes. Dans le cas d'une molécule diatomique hétéronucléaire, AB, elle correspond à la masse réduite, μ définie par :

L'utilisation de la masse réduite permet d'assurer que le centre de masse de la molécule ne soit pas affecté par la vibration. Dans l'approximation harmonique, l'énergie potentielle de la molécule est une fonction quadratique de la coordonnée normale. Il s'ensuit que la constante de force est égale à la dérivée seconde de cette énergie potentielle.

Lorsque deux vibrations normales ou plus ont la même symétrie, une analyse des coordonnées normales complète doit être effectuée (voir méthode GF). Les fréquences de vibrations,νi, sont obtenues à partir des valeurs propres, λi, du produit matriciel GF. G est la matrice de nombres dérivés des masses des atomes et de la géométrie de la molécule[3] et F est une matrice dérivée des constantes de forces. De plus amples informations sur la détermination de ces valeurs propres peuvent être obtenues en consultant l'ouvrage de P. Gans[5].

En mécanique quantique

[modifier | modifier le code]

Dans l'approximation harmonique, l'énergie potentielle est une fonction quadratique des conditions normales. En résolvant l'équation de Schrödinger, les états énergétiques pour chaque coordonnée normale sont données par :

,

n est un nombre quantique pouvant prendre comme valeurs 0, 1, 2 ... La différence dans l'énergie lorsque n varie de 1 est ainsi égale à l'énergie dérivée utilisée en mécanique classique. On pourra se reporter à l'article oscillateur harmonique quantique pour plus de précisions. Connaissant les fonctions d'ondes, certaines règles de sélection peuvent être formulées. Ainsi, pour un oscillateur harmonique, les transitions sont permises seulement quand le nombre quantique est modifié d'une unité,

mais cela ne s'applique pas à un oscillateur anharmonique ; l'observation des harmoniques est seulement possible car les vibrations sont anharmoniques. Une autre conséquence de l'anharmonicité est que les transitions comme entre les états n=2 et n=1 ont un tout petit peu moins d'énergie que les transitions entre l'état fondamental et le premier état excité. Une telle transition donne une croissance vers une bande chaude.

Intensités

[modifier | modifier le code]

Dans un spectre infrarouge, l'intensité d'une bande d'absorption est proportionnelle à la dérivée au moment dipôlaire moléculaire par rapport à la coordonnée normale[6]. L'intensité des bandes Raman dépend de la polarisabilité.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. F.A. Cotton Chemical applications of group theory, Wiley, 1962, 1971
  2. K. Nakamoto Infrared and Raman spectra of inorganic and coordination compounds, 5th. edition, Part A, Wiley, 1997
  3. a et b E.B. Wilson, J.C. Decius and P.C. Cross, Molecular vibrations, McGraw-Hill, 1955. (Reprinted by Dover 1980)
  4. S. Califano, Vibrational states, Wiley, 1976
  5. P. Gans, Vibrating molecules, Chapman and Hall, 1971
  6. D. Steele, Theory of vibrational spectroscopy, W.B. Saunders, 1971

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • P.M.A. Sherwood, Vibrational spectroscopy of solids, Cambridge University Press, 1972

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]