Yves Navarre — Wikipédia
Naissance | |
---|---|
Décès | (à 53 ans) Paris 4e |
Nom de naissance | Yves Henri Michel Navarre[1] |
Nationalité | |
Formation | |
Activité | |
Père |
Distinction | prix Goncourt (1980) |
---|
|
Yves Navarre, né le à Condom et mort le à Paris, est un écrivain français, cofondateur en 1976, avec Marie Cardinal, du Syndicat des écrivains de langue française.
Il a obtenu le prix Goncourt pour Le Jardin d'acclimatation en 1980 et le prix Amic de l'Académie française en 1992 pour l'ensemble de son œuvre.
Biographie
[modifier | modifier le code]Après des études de lettres modernes (anglais, espagnol) à l'université de Lille, Yves Navarre est diplômé de l'École des hautes études commerciales du Nord (Edhec), promotion 1964. Durant les premières années de sa vie professionnelle, Yves Navarre travaille dans la publicité comme concepteur-rédacteur, notamment à Publicis. Il devient même directeur de création chez BBDO (1969-1971) ; il y engage un jeune rédacteur qui fera son chemin, Thierry Ardisson.
Yves Navarre, dont une thématique récurrente de l'œuvre est l'homosexualité, disait vouloir mettre l'emphase sur une sensualité plutôt qu'une sexualité.
Navarre commence à publier en 1971, initiant une prolifique carrière avec Lady Black, dont le personnage principal se travestit à l'occasion (c'est Jean-Louis Bory qui recommande son manuscrit à Flammarion et chez l'éditeur, c'est Paul Otchakovsky-Laurens qui annonce à Navarre l'acceptation de son texte).
Les Loukoums[2], histoire d'une maladie (de type IST) frappant certaines personnes vivant à New York, le fait connaître en 1973.
Il enchaîne alors les parutions, souvent autour du thème de l'amour entre deux hommes (Le Petit Galopin de nos corps, 1977 ; Portrait de Julien devant la fenêtre, 1979).
Il s'essaie également au théâtre avec des pièces comme Il pleut, si on tuait papa-maman, Dialogue de sourdes, La Guerre des piscines, Lucienne de Carpentras (où l’on retrouve l’un des personnages principaux des Loukoums, Lucy Balfour) ou encore Les Dernières Clientes.
Son roman Le Jardin d'acclimatation, histoire d'un jeune homme de bonne famille envoyé à l'internement et à la lobotomie parce qu'homosexuel, reçoit le prix Goncourt en 1980.
En 1984, un accident vasculaire cérébral le contraint à un repos forcé de plusieurs mois. Cependant, dès 1986, une nouvelle distinction littéraire, le prix 30 millions d'amis (ou Goncourt des animaux), récompense son roman Une vie de chat (Albin Michel).
Navarre devient le porte-parole de François Mitterrand pour les homosexuels en 1981 et 1989[3], mais il se sent incompris comme romancier et snobé par le milieu littéraire parisien.
À l'automne 1989, il part donc vivre à Montréal[4] (Québec). Il y situe son roman Ce sont amis que vent emporte (1991), dans lequel un couple d'artistes (Roch et David, l'un sculpteur, l'autre danseur) lutte contre le sida.
Réalisant bientôt que le Canada n'est pas la terre promise qu'il espérait, l'écrivain rentre à Paris[5] et y retrouve les problèmes qui l'avaient incité à s'expatrier. En 1992, il reçoit le prix Amic de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
Il avait écrit, dans Biographie, qu'il sortirait « de la gueule du loup par la gorge du loup ». Mais accablé de soucis (entre autres, financiers, car ses droits d'auteur, depuis longtemps sa seule ressource, sont devenus très modestes), complètement déprimé, il se suicide aux barbituriques le . Le titre d'un dernier recueil de nouvelles (publié à titre posthume, en 2006), Avant que tout me devienne insupportable, résume bien l'état d'esprit dans lequel il a commis son geste.
Un roman inédit de l'auteur, Pour dans peu, a été publié en aux éditions H&O.
Son Journal inédit (extraits) paraît en 2024.
Postérité
[modifier | modifier le code]On peut citer cet extrait d'un article[6] toujours actuel de l'écrivain et critique Patrick Besson :
« On lit (Navarre) comme on téléphone à un ami rigolo et ronchon : pour entendre le son de sa voix fatiguée raconter toujours les mêmes choses sans intérêt, sauf pour lui et nous. Il est grand temps de retourner dans cette maison abandonnée de presque tous les lecteurs et éditeurs : le propriétaire y habite toujours. Il n'a pas vieilli, puisqu'il est mort. »
Fonds d'archives
[modifier | modifier le code]Des fonds d'archives d'Yves Navarre sont conservés en France et à l'étranger.
En France
[modifier | modifier le code]- La bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence détient des documents liés à l'écrivain lorsqu'il était étudiant à l'Edhec, une correspondance de jeunesse et quelques nouvelles et poèmes de la même époque.
- La médiathèque centrale Émile-Zola à Montpellier a reçu en les archives de l'écrivain légué par l'Association des amis d'Yves Navarre et les éditions H&O. Ce fonds rassemble des tapuscrits, des bons à tirer, des romans, des photos, des revues de presse et de la correspondance[7].
À l'étranger
[modifier | modifier le code]- au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec[8].
- à la bibliothèque de la Penn State University aux États-Unis.
Les amis d'Yves Navarre
[modifier | modifier le code]L'association Les amis d'Yves Navarre, créée en 2016, s’attache à faire connaître l’œuvre d’Yves Navarre grâce à des éditions d'ouvrages inédits[9], des colloques internationaux[10] (5e colloque[11],[12] à l'Institut de France en 2021) et la publication des Cahiers Yves Navarre[13],[14]. Elle travaille sur les archives, dont la création du Fonds national d’archives Yves Navarre (Médiathèque centrale de Montpellier)[15].
Œuvres
[modifier | modifier le code]Romans
[modifier | modifier le code]- Lady Black, Flammarion, 1971 ; réédition, H&O, coll. « H&O Poche », 2011 (ISBN 978-2-84547-225-9)
- Evolène, Flammarion, 1972
- Les Loukoums, Flammarion, 1973
- Le Cœur qui cogne, Flammarion, 1974
- Killer, Flammarion, 1975
- Plum Parade : vingt-quatre heures de la vie d'un mini-cirque, Flammarion, 1975
- Niagarak, Grasset, 1976
- Le Petit Galopin de nos corps, 1977, Robert Laffont ; rééd. avec une préface de Serge Hefez, Béziers, H&O, coll. « Classiques H&O poche », 2005, 256 p. (ISBN 2-845-47109-2))
- Kurwenal ou la Part des êtres, Robert Laffont, 1977 ; rééd. H&O, coll. « H&O Poche », 2009 (ISBN 978-2-84547-171-9)
- Je vis où je m'attache, Robert Laffont, 1978
- Portrait de Julien devant sa fenêtre, Robert Laffont, 1979 ; rééd. H&O, coll. « H&O Poche », 2006 (ISBN 978-2-84547-135-1)
- Le Temps voulu, Flammarion, 1979 ; rééd. H&O, coll. « H&O Poche », 2010 (ISBN 978-2-84547-211-2)
- Le Jardin d'acclimatation, Flammarion, 1980 ; rééd. H&O, coll. « H&O Poche », 2019 (ISBN 978-2-84547-343-0)
- Biographie, Flammarion, 1981 (la première de couverture précisant qu'il s'agit d'un roman)
- Romances sans paroles, Flammarion, 1982
- Premières Pages, Flammarion, 1983
- L'Espérance de beaux voyages, Flammarion, 1984
- 1 : Été-automne
- 2 : Hiver-printemps
- Louise, Flammarion, 1985
- Une vie de chat, Albin Michel, 1986 ; rééd. en 2013
- Fête des mères, Albin Michel, 1987
- Romans, un roman, Albin Michel, 1988
- Hôtel Styx, Albin Michel, 1989
- Douce France, Montréal, Leméac, 1990
- La Terrasse des audiences au moment de l'adieu, Montréal, Leméac, 1990
- Ce sont amis que vent emporte, Flammarion, 1991
- Poudre d'or, Flammarion, 1993
- À titre posthume
- Dernier dimanche avant la fin du siècle, Flammarion, 1994
- La Ville Atlantique, Leméac-Actes Sud, 1996
- La Dame du fond de la cour, Leméac-Actes Sud, 2000
- Avant que tout me devienne insupportable, H&O, 2006
- Pour dans peu, H&O, 2016
Théâtre
[modifier | modifier le code]- 1974 : Théâtre 1, FlammarionRéunit : Théâtre des peurs et des pleurs ; Il pleut, si on tuait papa-maman, pièce en un acte et 18 scènes ; Dialogue de sourdes, pièce en un acte, une scène ; Freaks society, pièce en un acte, une scène ; Champagne, pièce en un acte, une scène ; Les Valises, pièce en un acte et 14 scènes
- 1976 : Théâtre 2, FlammarionRéunit : La Guerre des piscines, pièce en un acte et 9 scènes ; Lucienne de Carpentras, pièce en un acte et 16 scènes ; Les Dernières clientes, pièce en deux actes et 21 scènes ; Histoire d'amour, pièce en un acte et 8 scènes
- 1978 : Les Dernières Clientes, mise en scène Louis Thierry, Studio des Champs-Élysées
- 1981 : Freaks Society, mise en scène Jacques-René Martin, théâtre Comédie de Paris
- 1982 : Théâtre 3, FlammarionRéunit : Le Butoir ; September song ; Happy end ; Vue imprenable sur Paris
- 1999 : Dialogue de sourdes, réédition, Nice, La Traverse
Écrits divers
[modifier | modifier le code]- 1984 : Phénix, le paysage regarde, essai, illustré par Jean Dieuzaide et Lucien Clergue, Paul Montel
- 1992 : La Vie dans l'âme, carnets, Montréal, Le Jour / VLB
- 1997 : Un condamné à vivre s'est échappé, textes, entretiens et poèmes, avec Pierre Salducci, Hull (Québec), Vents d'Ouest
- 2024 : Journal, préf. Frédéric Andrau, Paris, Éditions Séguier, 512 p., (ISBN 978-2840499510)
Édition (en cours)
[modifier | modifier le code]- Oeuvres complètes 1 : 1971-1974, H&O, 2018Contient : Lady Black ; Sin-King City (inédit) ; Evolène ; Les Loukoums ; nouvelle ; poésie ; théâtre
- Oeuvres complètes 2 : 1974-1976, H&O, 2020 Contient : Le Cœur qui cogne ; Killer ; Niagarak ; poésie ; théâtre ; scénario ; livret de ballet ; jeunesse
- Oeuvres complètes 3 : 1977-1979, H&O, 2021Contient : Le Petit Galopin de nos corps ; Kurwenal ou La part des êtres ; La Nuit la plus longue ; Au petit bonheur ; Je vis où je m'attache ; Les Empreintes digitales ; Portrait de Julien devant la fenêtre ; Le Temps voulu ; nouvelles ; théâtre
- Oeuvres complètes 4 : 1980-1981, H&O, 2023Contient : Le Jardin d'acclimatation ; Le Vent nominal et autres poèmes ; Tic-tic ; Le Billet froissé ; nouvelle ; poésie ; scénario
Adaptations
[modifier | modifier le code]- 1988 : À corps perdu, film canado-suisse réalisé par Léa Pool, adaptation inspirée du roman Kurwenal (1977), avec Matthias Habich, Johanne Marie Tremblay et Michel Voïta
- 2014 : La Fibre des mots, scène pour baryton et orchestre de Julian Lembke, créé sous la direction de Patrick Davin[16]
Récompenses
[modifier | modifier le code]- 1980 : Prix Goncourt pour Le Jardin d'acclimatation
- 1986 : Goncourt des animaux pour Une vie de chat[17]
- 1992 : Prix Amic de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre[18]
Citations
[modifier | modifier le code]« La tendresse tue. L'absence de tendresse assassine. »
« Toute création vraie est un suicide que personne ne regarde. »
— Ce sont amis que vent emporte
« Je sortirai de la gueule du loup par la gorge du loup. »
— Biographie
Notes et références
[modifier | modifier le code]- https://deces.matchid.io/id/5Y0Fmp2qrN8H
- Voir la page ayant trait aux Loukoums sur le site d'Yves Navarre : http://www.yvesnavarre.org/htm/Lesloukoums.htm
- Voici une anecdote illustrant ce rôle de porte-parole dévolu à Yves Navarre sous les Présidences de Mitterrand, en même temps qu'un aspect moins connu de sa personnalité : l'humour pince-sans-rire, l'espièglerie. Elle est tirée d'un document (accédé depuis le site d'Yves Navarre) qui est un témoignage écrit par Laurent Lourson, un comédien ami de l'écrivain, et dont voici l'adresse web : http://www.yvesnavarre.org/pdf/laurent_lourson_loukoums.pdf : "Yves, like his (cat) Tiffauges, had his teasing tendency. He often showed it on the telephone by altering his voice or speaking in English to confuse the listener. One evening I unhooked the receiver. 'Could I speak to Mr Watson (ami de Lourson et traducteur de Navarre) please?' I had to decide quickly how much I should play the game. 'Sorry, Sir! Mr Watson is not here at the moment. Can I leave him a message?' 'Will you tell him I'm at the Ritz?' 'In London?' 'Yes!' 'I can give you Mr Watson's number at his residence in Bristol if you wish to speak to him personally.' There was a slight pause. This was the moment for another decision: Was Yves telling the truth or was he in Paris, in a rather despondent state which only a friend like Don (Watson), one of the few he admired, could alleviate? 'Bon, Yves, t'es où, chez toi ou à Londres?' 'I told you, at the Ritz in London.' I still could not sense whether he was joking or being serious. Why was he insisting in carrying on in English? 'So what are you doing at the Ritz?' 'I've just put my dinner jacket on and I'm trying to knot this blessed bow tie.' 'I can't come to help you but I'm sure some of the servants from the hotel would only be too delighted to tie your bow. Anyhow, what exciting place are you making for?' 'Buckingham Palace!' 'Oh yes!' I had to play the game as he obviously was taking the mickey out of me: 'Give my best wishes to the Queen, will you?' In a dead pan tone he answered: 'I'm invited to have dinner with the Queen so if she speaks to me I will.' At last the penny dropped: The President of France, François Mitterrand, was in London on an official visit. As the custom requires, the Queen was inviting the Head of State with his entourage to dinner. This type of events is organised by high civil servants around 10 Downing Street. The Prime Minister at the time was a woman. When the civil servant in charge suggested to her: 'It might be a good idea to invite also some intellectuals?' she was reported to have answered seriously: 'Oh! Do they have any?' The story might have reached the French President's office. François Mitterrand arrived, surrounded with twenty intellectuals. Yves Navarre was one of them."
- Pierre Salducci, Un condamné à vivre s'est échappé, Hull, Vents d'Ouest, , 215 p. (ISBN 2-921603-47-0), p. 157
- Le moment exact est incertain. Les sources consultées vont de décembre 1991 à 1993. Il aurait fait de multiples allers-retours entre Montréal et Paris au cours de l'année 1992, ce qui a probablement contribué au flou entourant son retour définitif à Paris.
- "Dernières nouvelles d'Yves Navarre", Journal "Marianne", 13.01.2007 http://www.yvesnavarre.org/pdf/Marianne13janvier2007.pdf
- « Fonds littéraire Yves Navarre », sur mediatheques.montpellier3m.fr, Réseau des médiathèques de Montpellier Méditerranée Métropole, (consulté le ).
- Fonds Yves Navarre (MSS250) - Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
- « Pourquoi il faut relire Yves Navarre, écrivain hors catégorie et prix Goncourt injustement oublié », sur telerama.fr, (consulté le ).
- « Gers: un colloque pour l'auteur condomois Yves Navarre », sur ladepeche.fr (consulté le ).
- « 5e colloque Yves Navarre : Liens familiaux, parenté littéraire, postérité », sur ActuaLitté.com (consulté le ).
- Équipe de recherche Fabula, « Liens familiaux, parenté littéraire, postérité (Colloque international Yves Navarre) », sur fabula.org (consulté le ).
- « "Cahiers Yves Navarre" Colloque Etudes œuvres Inédits Amis », sur Ent’revues (consulté le ).
- « Cahiers Yves Navarre n°3. Ecrire contre toute attente - Collectif », sur ActuaLitté.com (consulté le ).
- « patrimoine-fonds-ecrivains-Navarre », sur mediatheques.montpellier3m.fr (consulté le ).
- « La fibre des mots », sur musiquecontemporaine.fr (consulté le ).
- « Yves Navarre », sur amis-yvesnavarre.org.
- « Yves NAVARRE », sur academie-francaise.fr.
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressources relatives au spectacle :
- Ressource relative à la littérature :
- Ressource relative à l'audiovisuel :
- Le site de l'association de ses amis
- Fonds laissé au Québec (journal, dessins, pièces diverses)
- « Un code des usages entre auteurs et éditeurs », collectif pour un syndicat des écrivains de langue française, Liberté, vol. 17, no 6, (102) 1975, p. 3-5. (via le site erudit.org)