Algorithme de Gauss-Newton — Wikipédia

En mathématiques, l'algorithme de Gauss-Newton est une méthode de résolution des problèmes de moindres carrés non linéaires. Elle peut être vue comme une modification de la méthode de Newton dans le cas multidimensionnel afin de trouver le minimum d'une fonction (à plusieurs variables). Mais l'algorithme de Gauss-Newton est totalement spécifique à la minimisation d'une somme de fonctions au carré et présente le grand avantage de ne pas nécessiter les dérivées secondes, parfois complexes à calculer.

Les problèmes de moindres carrés non linéaires surviennent par exemple dans les problèmes de régressions non linéaires, où des paramètres du modèle sont recherchés afin de correspondre au mieux aux observations disponibles.

Cette méthode est due à Carl Friedrich Gauss.

Soit m fonctions () de n variables avec mn, l'algorithme de Gauss–Newton doit trouver le minimum de la somme des carrés[1] :

En supposant une valeur initiale β0 du minimum, la méthode procède par itérations:

où l'incrément δβ vérifie les équations normales

Ici, on note par r le vecteur des fonctions ri, et par Jr la matrice jacobienne m × n de r par rapport à β, tous les deux évalués en βs. La matrice transposée est notée à l'aide de l'exposant T.

Dans les problèmes d'ajustement des données, où le but est de trouver les paramètres β d'un certain modèle y = f(x , β) permettant le meilleur ajustement aux observations (xi, yi), les fonctions ri sont les résidus

En notant f le vecteur des fonctions , alors l'incrément δβ peut s'exprimer en fonction de la jacobienne de f (et du vecteur r) :

Dans tous les cas, une fois connue l'estimation à l'étape s, les équations normales permettent de trouver l'estimation à l'étape suivante ; pour résumer, on a :

L'ensemble du terme de droite est calculable car ne dépend que de βs et permet de trouver l'estimation suivante.

L'hypothèse mn est nécessaire, car dans le cas contraire la matrice JrTJr serait non inversible et les équations normales ne pourraient être résolues.

L'algorithme de Gauss–Newton peut être dérivé par approximation linéaire du vecteur de fonctions ri. En utilisant le théorème de Taylor, on peut écrire qu'à chaque itération

avec δβ = δβ - βs ; notons que β0 représente la vraie valeur des paramètres pour laquelle les résidus r(β0) s'annulent. Trouver l'incrément δβ revient à résoudre

ce qui peut se faire par la technique classique de régression linéaire et qui fournit exactement les équations normales.

Les équations normales sont un système de m équations linéaires d'inconnue δβ. Ce système peut se résoudre en une étape, en utilisant la factorisation de Cholesky ou, encore mieux, la décomposition QR de Jr. Pour de grands systèmes, une méthode itérative telle que la méthode du gradient conjugué peut être plus efficace. S'il existe une dépendance linéaire entre les colonnes Jr, la méthode échouera car JrTJr deviendra singulier.

Notons enfin que la méthode de Gauss-Newton est efficace lorsque l'erreur quadratique finale est faible, ou bien lorsque la non-linéarité est « peu prononcée »[2]. La méthode est en particulier sensible à la présence de points « aberrants » (c'est-à-dire situés loin de la courbe modèle).

Courbe calculée avec et (en bleu) contre les données observées (en rouge).

Dans cet exemple, l'algorithme de Gauss–Newton est utilisé pour ajuster un modèle en minimisant la somme des carrés entre les observations et les prévisions du modèle.

Dans une expérience de biologie, on étudie la relation entre la concentration du substrat [S] et la vitesse de réaction (rate) dans une réaction enzymatique à partir de données reportées dans le tableau suivant.

i 1 2 3 4 5 6 7
[S] 0.038 0.194 0.425 0.626 1.253 2.500 3.740
rate 0.050 0.127 0.094 0.2122 0.2729 0.2665 0.3317

On souhaite ajuster les données à la courbe de la forme :

L'estimation par moindres carrés porte sur les paramètres et .

On note et les valeurs de [S] et la vitesse de réaction, pour On pose et On cherche donc les valeurs de et qui minimisent la somme des carrés des résidus

  ()

La jacobienne du vecteur des résidus par rapport aux inconnus est une matrice dont la ligne n° i est

On initialise par une estimation . Il suffit alors de cinq itérations de l'algorithme de Gauss–Newton pour atteindre les estimations optimales et . Le critère de la somme des carrés des résidus chute de 1,202 à 0,0886 en 5 itérations. Le tableau suivant détaille les cinq itérations :

Itération Estimation Somme des carrés des résidus
1 [0,9;0,2] 1,4455000
2 [0,33266;0,26017] 0,0150721
3 [0,34281;0,42608] 0,0084583
4 [0,35778;0,52951] 0,0078643
5 [0,36141;0,55366] 0,0078442
6 [0,3618;0,55607] 0,0078440

La figure ci-contre permet de juger de l'adéquation du modèle aux données en comparant la courbe ajustée (bleue) aux observations (rouge).

Lissage et dérivation par Savitzky-Golay, permettant d'obtenir les paramètres initiaux du modèle.
Ajustement d'un modèle de pic dissymétrique. Cliquer sur l'image pour voir le code source Scilab.
Étapes de l'algorithme lorsque l'on part de valeurs très éloignées : courbe ajustée (haut) et évolution de l'écart quadratique normalisé (bas).

Dans un deuxième exemple, on essaie d'approcher une mesure de spectrométrie ou de diffractométrie présentant un pic dissymétrique, avec un bruit, par un modèle de pic dissymétrique composé de deux demi-gaussiennes ayant la même position (espérance) et la même hauteur, mais des « largeurs » (écarts types) différents : la fonction modèle est de la forme

La régression consiste à ajuster les paramètres A(1), A(2), A(3) et A(4).

Dans un premier temps, on détermine numériquement la dérivée et la dérivée seconde pour obtenir les paramètres initiaux du pic, avec l'algorithme de Savitzky-Golay :

  • sommet de la courbe estimé par le minimum de la dérivée seconde, A(1) = -0,03 ;
  • valeur de la courbe lissée à cet endroit : A(2) = 9,7 ;
  • demi-largeur à mi-hauteur à gauche valant hg = (0,84 - 0,03) (à partir de la position du point d'inflexion) ;
  • demi-largeur à mi-hauteur à droite valant hd = (0,45 + 0,03).

Pour une gaussienne pure, la demi-largeur à mi-hauteur h est reliée à l'écart type σ par :

et l'on a

,

soit

.

L'algorithme converge en 5 étapes (variation de l'écart quadratique normalisé inférieur à 10−7) avec les résultats suivants :

  • A(1) = 0,00404, pour une valeur théorique 0 ;
  • A(2) = 9,83, " 10 ;
  • A(3) = 1,02, " 1 ;
  • A(4) = 0,313, " 0,3.

Sur la figure ci-contre, les points expérimentaux (au nombre de 200) forment la courbe bleue, le modèle ajusté est représenté par la courbe rouge.

Si l'on part du jeu de paramètres initiaux arbitraire [1, 1, 1, 1], l'algorithme converge en dix étapes à condition d'utiliser un facteur d'amortissement α ajusté automatiquement à chaque étape (voir ci-après).

Propriété de convergence

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On peut démontrer que l'incrément est une direction de descente pour S[3], et que si l'algorithme converge, alors la limite est un point stationnaire pour la somme des carrés S. Toutefois, la convergence n'est pas garantie, pas plus qu'une convergence locale contrairement à la méthode de Newton.

La vitesse de convergence de l'algorithme de Gauss–Newton peut approcher la vitesse quadratique[4]. L'algorithme peut converger lentement voire ne pas converger du tout si le point de départ de l'algorithme est trop loin du minimum ou si la matrice est mal conditionnée.

L'algorithme peut donc échouer à converger. Par exemple, le problème avec équations et variable, donné par

L'optimum se situe en . Si alors le problème est en fait linéaire et la méthode trouve la solution en une seule itération. Si |λ| < 1, alors la méthode converge linéairement et les erreurs décroissent avec un facteur |λ| à chaque itération. Cependant, si |λ| > 1, alors la méthode ne converge même pas localement[5].

Dérivation à partir de la méthode de Newton

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Dans ce qui suit, l'algorithme de Gauss–Newton sera tiré de l'algorithme d'optimisation de Newton; par conséquent, la vitesse de convergence sera au plus quadratique.

La relation de récurrence de la méthode de Newton pour minimiser une fonction S de paramètres , est

g représente le gradient de S et H sa matrice hessienne.

Puisque , la j-ème composante du gradient de S est :

Les éléments de la Hessienne sont calculés en dérivant les éléments du gradient, , par rapport à

La méthode de Gauss–Newton est obtenue en ignorant les dérivées d'ordre supérieur ou égal à deux. La Hessienne est approchée par

est l'élément de la jacobienne . Le gradient et la hessienne approchée sont alors

Ces expressions sont remplacées dans la relation de récurrence initiale afin d'obtenir la relation récursive :

La convergence de la méthode n'est pas toujours garantie. L'approximation

doit être vraie pour pouvoir ignorer les dérivées du second ordre. Cette approximation peut être valide dans les deux cas suivants, pour lesquels on peut s'attendre à obtenir la convergence[6] :

  1. les valeurs de la fonction sont petites en magnitude, au moins près du minimum ;
  2. les fonctions sont seulement faiblement non linéaires, si bien que est relativement petit en magnitude.

Versions améliorées

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Avec la méthode de Gauss–Newton, la somme des carrés S peut ne pas décroître à chaque itération. Toutefois, (puisque) si est une direction de descente, à moins que soit un point stationnaire, il se trouve que pour tout suffisamment petit,

Ainsi, en cas de divergence, une solution est d'employer un facteur d'amortissement de l'incrément dans la formule de mise à jour :

En d'autres termes, le vecteur d'incrément est trop long, mais pointe bien vers le bas, si bien que parcourir une fraction du chemin fait décroître la fonction objectif S. Une valeur optimale pour peut être trouvée en utilisant un algorithme de recherche linéaire : la magnitude de est déterminée en trouvant le minimum de S en faisant varier α sur une grille de l'intervalle . On peut aussi réévaluer α de manière simple à chaque étape, par exemple par dichotomie :

  • en le diminuant (par exemple en lui appliquant un facteur 0,5) jusqu'à ce que l'on ait S(βs + αδβs) < S(βs) ;
  • en l'augmentant pour la fois suivante lorsque la condition est remplie (par exemple en le rapprochant de 1 en prenant (1 + α)/2).

Cet démarche n'est pas optimale, mais réduit l'effort nécessaire à déterminer α.

Dans le cas où la direction de l'incrément est telle que α est proche de zéro, une méthode alternative pour éviter la divergence est l'algorithme de Levenberg-Marquardt. Les équations normales sont modifiées de telle sorte que l'incrément est décalé en direction de la descente la plus forte

,

D est une matrice diagonale positive. Remarquons que lorsque D est la matrice identité et que , alors , par conséquent la direction de s'approche de la direction du gradient positivement lié à .

Le paramètre de Marquardt, , peut aussi être optimisé par une méthode de recherche linéaire, mais ceci rend la méthode fort inefficace dans la mesure où le vecteur d'incrément doit être re-calculé à chaque fois que change.

Algorithmes associés

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Dans une méthode quasi-Newton, comme celle due à Davidon, Fletcher et Powell, une estimation de la matrice Hessienne, , est approchée numériquement en utilisant les premières dérivées .

Une autre méthode pour résoudre les problèmes de moindres carrés en utilisant seulement les dérivées premières est l'algorithme du gradient. Toutefois, cette méthode ne prend pas en compte les dérivées secondes, même sommairement. Par conséquent, cette méthode s'avère particulièrement inefficace pour beaucoup de fonctions.

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Gauss–Newton algorithm » (voir la liste des auteurs).
  1. (en) Åke Björck, Numerical methods for least squares problems, Philadelphie, SIAM, , 408 p. (ISBN 978-0-89871-360-2, LCCN 96003908, présentation en ligne)
  2. R. Fletcher, Practical Methods of Optimization, New-York, John iley and Sons,
  3. Björck, p. 260
  4. Björck, p. 341-342
  5. (en) Roger Fletcher, Practical methods of optimization, New York, 2, , 436 p. (ISBN 978-0-471-91547-8), p. 113
  6. (en) Jorge Nocedal et Stephen J. Wright, Numerical optimization, New York, Springer, , 2e éd., 636 p. (ISBN 978-0-387-98793-4, présentation en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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  • Calcul d'incertitudes Un livre de 246 pages qui étudie la régression linéaire et non-linéaire. L'algorithme est détaillé et appliqué à l'expérience de biologie traitée en exemple dans cet article (page 79 avec les incertitudes sur les valeurs estimées).