Annexion du grand-duché de Luxembourg par la Belgique — Wikipédia

Les frontières de la Belgique, telles que déclarées par le gouvernement provisoire belge après l'indépendance, incluaient le grand-duché de Luxembourg.

L'annexion du grand-duché de Luxembourg par la Belgique désigne la période de l'histoire du Luxembourg pendant laquelle le grand-duché fut annexé et administré par la Belgique. Elle a lieu du [1], date de la déclaration de l'annexion par le gouvernement provisoire de Belgique, au , date de signature du traité des XXIV articles, qui consacre la scission du grand-duché de Luxembourg, octroyant la partie occidentale à la Belgique (la province de Luxembourg) et rétrocédant la partie orientale, au grand-duc de Luxembourg, Guillaume d'Orange-Nassau, avec les frontières de l'actuel pays du Luxembourg.

Elle trouve ses racines avec la participation luxembourgeoise à la Révolution belge de 1830, les luxembourgeois partageant globalement les mêmes griefs à l'égard de la gouvernance « hollandaise » qui considérait le grand-duché comme la dix-huitième province du Royaume, alors que le territoire n'était censé être lié aux Pays-Bas que par l'union personnelle qui faisait de Guillaume Ier, à la fois le roi des Pays-Bas mais aussi le grand-duc de Luxembourg.

La zone d'influence et d'administration belge fut toutefois limitée à un rayon de quatre lieues autour du glacis de la forteresse de Luxembourg, où résidait une garnison de l'armée prussienne, en vertu de l'appartenance du grand-duché à la confédération germanique. Ce rayon fut ensuite réduit à deux lieues par la convention militaire belgo-luxembourgeoise de 1831. Ce territoire réduit incluait la capitale, Luxembourg-ville, ainsi que quelques villages aux alentours qui demeuraient sous le contrôle du gouverneur du Luxembourg et soumis à la loi néerlandaise. Tout le reste du grand-duché était, quant à lui, administré par le gouverneur de la province de Luxembourg depuis le nouveau chef-lieu, Arlon.

Cette période fut marquée par plusieurs incidents, à commencer par une contre-révolution organisée par le mouvement orangiste, fidèle au grand-duc. Plusieurs manœuvres militaires, des deux côtés, menèrent à des périodes de tension entre les deux commandants des forces armées, le général belge Frédéric de Tabor et le général prussien Frédéric Dumoulin.

D'un point de vue international, si les puissances européennes ne tardèrent pas à reconnaître l'indépendance de la Belgique lors de la conférence de Londres, elles demeuraient plus prudentes au sujet de la « question du Luxembourg », ne voulant pas déclencher un nouveau conflit, après une année 1830 qui avait déjà vu la Grèce acquérir son indépendance de l'Empire ottoman, la France connaitre sa deuxième Révolution, la Pologne se soulever contre l'Empire russe ou encore la future Italie accroitre son Risorgimento. Elle proposèrent donc un rachat du Luxembourg par la Belgique[2], avant que la Campagne des Dix-Jours ne les fassent changer d'avis et ratifier le traité des XXVII articles, annonçant la scission du Luxembourg.

Carte du Moyen Âge, représentant les Pays-Bas autrichiens au sud (majoritairement catholiques) et la république des Provinces-Unies au nord (majoritairement protestante) avec leur frontière (en rouge).

Depuis le Moyen Âge, le duché de Luxembourg et les Pays-Bas méridionaux demeuraient étroitement liés et étaient d'ailleurs gouvernés par les mêmes souverains de la maison de Habsbourg lors de la période des Pays-Bas autrichiens, qui perdura jusqu'à l'annexion à la Première République française en 1795.

Après la fin du Premier Empire de Napoléon Bonaparte, le congrès de Vienne crée le grand-duché de Luxembourg qu'il octroie, à titre privé, à Guillaume Ier d'Orange-Nassau. Celui-ci devient donc le premier grand-duc de Luxembourg mais est alors également le roi d'un autre nouvel état : le royaume uni des Pays-Bas, regroupant grosso modo la Belgique et les Pays-Bas actuels. Le grand-duché devient également un État membre de la Confédération germanique, créée par la même occasion, et la forteresse de Luxembourg abrite dès lors une garnison conjointe de troupes de l'armée prussienne et de l'Armée du royaume uni des Pays-Bas, devenant une forteresse « fédérale »[3], notamment après la convention de Francfort conclue le .

Toutefois, le « roi grand-duc » considère le Luxembourg comme la dix-huitième province de son royaume, qu'il soumet notamment à la constitution du royaume des Pays-Bas. Les griefs des populations majoritairement catholiques des provinces méridionales se font de plus en plus insistants et mènent finalement à la Révolution belge, dirigée contre le régime « hollandais » protestant, entraînant la guerre belgo-néerlandaise puis la déclaration de l'indépendance de la Belgique le . Les revendications des luxembourgeois et des belges vis-à-vis de la politique de Guillaume Ier se rejoignant sur beaucoup de points, cela provoque un ralliement massif à la révolution des belges, incluant une participation militaire par l'envoi d'un corps franc luxembourgeois.

Déroulement

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Préambules militaires

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Le château de Bouillon est pris par la garde bourgeoise de la ville dès le après que la majorité de la troupe composant le bataillon des forces armées du Royaume uni des Pays-Bas qui y était en garnison, ait déserté.

Malgré le fait que le grand-duché de Luxembourg soit théoriquement indépendant du Royaume uni des Pays-Bas, le roi-grand-duc Guillaume Ier avait fait placer deux bataillons de son armée, issue d'une toute nouvelle Afdeeling. Il s'agit là d'un dix-huitième régiment d'infanterie, spécialement créé en 1829 alors qu'il n'y en avait initialement que dix-sept : un dans chacune des provinces du Royaume. Ce dernier possède officiellement son état-major à Namur mais les deux bataillons sont en garnison à Arlon et dans le château de Bouillon. Dans la forteresse de Luxembourg se trouve toujours une garnison de l'armée prussienne tandis que le maintien de l'ordre public est assurée par la maréchaussée royale, l'ancêtre de la gendarmerie grand-ducale.

Avec le déclenchement de la révolution belge lors de l'insurrection de 1830 dans les Pays-Bas méridionaux, les luxembourgeois se rallient massivement au mouvement. En effet, dès le , François d'Hoffschmidt rapporte le premier drapeau « noir-jaune-rouge » par la diligence venue de Bruxelles. Il est hissé en haut du clocher de l'église Saint-Pierre de Bastogne par une troupe d'insurgés menée par le commandant de la maréchaussée locale, Charles Mathelin[4].

Par la suite, les luxembourgeois envoient, d'une part, le corps franc luxembourgeois gonfler les rangs des volontaires belges lors de la guerre belgo-néerlandaise, et, d'autre part, ils désarment le bataillon d'Arlon alors que celui-ci est en mouvement à Neufchâteau le [5] et la garde bourgeoise de Bouillon prend le contrôle du château deux jours plus tard après la désertion massive des troupes, majoritairement locales[6].

Déclaration d'annexion

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Le le gouvernement provisoire de Belgique déclare unilatéralement l'annexion du grand-duché de Luxembourg à la Belgique[7] en tant que neuvième province du royaume : la province de Luxembourg. La ville de Luxembourg se trouvant dans le rayon demeuré sous l'autorité du grand-duc, elle ne put en devenir le chef-lieu et c'est à Arlon que fut progressivement aménagé l'autorité provinciale belge. Bruxelles y nomme un gouverneur : Jean-Baptiste Thorn.

Le 18 novembre, le Congrès national adopte un décret, précisant que[8] :

« Au nom du peuple belge, le Congrès national de la Belgique proclame l'indépendance du peuple belge, sauf les relations du Luxembourg avec la Confédération Germanique. »

En effet, la garnison de l'armée prussienne présente dans la forteresse de Luxembourg empêche le contrôle belge du territoire situé dans un rayon de quatre lieues à partir du glacis de la forteresse, en vertu de la convention de Francfort, signée le entre le grand-duc Guillaume Ier et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III.

Dans ce rayon subsiste un réduit du territoire luxembourgeois où les lois néerlandaises et grand-ducales font toujours foi, sous l'autorité du gouverneur du Luxembourg, Jean-Georges Willmar, remplacé à sa mort (le ) par le duc de Saxe-Weimar. Cette situation entraîne la « question du Luxembourg », quant à savoir à qui devait revenir le territoire luxembourgeois. Ce rayon sera ensuite réduit à deux lieues par la convention militaire belgo-luxembourgeoise de 1831.

Plusieurs incidents vinrent troubler la période d'administration belge du grand-duché de Luxembourg :

Conséquences

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Notes et références

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  1. « Le Palais provincial luxembourgeois. », sur gouverneur-luxembourg.be
  2. « Protocole n° 24 de la Conférence de Londres, du 21 mai 1831, sur les affaires de Belgique. (Acquisition éventuelle du Grand-duché de Luxembourg.) », sur carnetsdenotes.fr
  3. « Luxembourg, forteresse fédérale, mais seulement à partir de 1826. », sur phila-dudelange.lu
  4. Lefèvre 1980, p. 48-49.
  5. Lefèvre 1980, p. 63.
  6. Lefèvre 1980, p. 67.
  7. « Le Palais provincial luxembourgeois. », sur gouverneur-luxembourg.be.
  8. Décret constituant, du 18 novembre 1830, Bulletin officiel, n°41, p.584.
  9. « La famille Thorn. », sur luxemburgensia.lu
  10. « Biographie de Jean-Baptiste Thorn. », sur unionisme.be
  11. Jules Mersch, Biographie nationale du pays de Luxembourg. : La famille Thorn, t. 17 (lire en ligne), p. 42

Bibliographie

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  • Louis Lefèvre, Les luxembourgeois de 1830, Arlon, G. Everling sprl, coll. « Le vieil Arlon », , 166 p. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Alfred de Ridder, Histoire diplomatique du traité du 19 avril 1839, Bruxelles, Vromant, , 399 p.
  • Jean-Joseph Thonissen, La Belgique sous le règne de Léopold Ier. Etudes d’histoire contemporaine., t. II, Louvain, Vanlinhout et Peeters,