Béni-Snassen (ethnie) — Wikipédia
ⴰⵢⵜ ⵉⵣⵏⴰⵙⵙⵏ
بني يزناسن
Nom arabe | Banī Iznāssn |
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Région principale | |
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Territoire | |
Chef-Lieu |
Fait partie du groupe tribal | |
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Nombre de fractions | 4 fractions |
Fractions | Fractions établies avant le 19ème siècle : • Béni Khaled • Béni Mengouch • Béni'Atiq • Béni Ourimech |
Langue principale |
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Les Béni-Snassen (se prononce Béni-Znassen) ou Ayt-Iznassen (berbère : ⴰⵢⵜ ⵉⵣⵏⴰⵙⵙⵏ, arabe : بني يزناسن) sont une confédération tribale berbère zénète avec plusieurs fractions arabes. Cette tribu est originaire du Rif oriental et est la plus grande tribu du Rif en superficie.
Cette tribu est connue pour avoir été la première tribu rifaine à s'engager dans la résistance armée contre l'occupation française en Afrique du nord aux côtés de l'Émir Abd-el-Kader. C'est à cause de cette tribu que la France bombarda Tanger et Essaouira en 1844[1].
Étymologie
Les Beni Snassen sont une tribu parlant l'arabe et un dialecte berbère zénète[2]. Le nom « Zénètes » vient de « Iznaten », qui est le pluriel de « Aznat » qui est composé de « Azn » qui signifie « Envoyer, Expédier », et de « At », qui signifie « les fils ».
Avant l'époque coloniale, cette tribu arabo-berbère guerrière avait des inimitiés avec les tribus arabes marocaines voisines, notamment la tribu d'Angad, des Mhaya et des beni Guil (Oujda et environs). Leur engagement dans la lutte contre la colonisation française aux côtés de l'Émir Abd-el-Kader dès 1844, contribua fortement à la paix entre ces tribus[3].
Histoire
En 1844, la marine française bombarde Tanger, le territoire des Ayt Ifahsiyen à cause de l'implication des Ayt Iznassen et de quelques tribus du Moyen-Atlas (Oujda et environs) dans la lutte contre l'Algérie française aux côtés de l'Émirat Abd-el-Kader, ce qui se soldat par l'appel au retrait des armées marocaines présentes en Algérie française par le sultan alaouite marocain Abderrahmane ben Hicham, la bataille d'Isly et la signature du traité de Tanger, qui engage le sultan marocain à reconnaitre la légitimité de l'Algérie française et à ne plus soutenir l'Émir Abd-el-Kader dans sa révolte. Tout cela, afin d'éviter que d'autres villes marocaines ne soit bombardées.
En 1859, les Ayt Iznassen, alliés aux tribus arabe de Oujda et ses environs (Angad, Mhaya, Beni Oukil), décida de réattaquer la présence coloniale en dépit de la volonté du sultan. Cela se soldat par une expédition militaire et une occupation de leur territoire[4]. 63 ans plus tard, en 1907, une nouvelle expédition militaire française et une occupation territoriale a lieu sur le territoire des Ayt Iznassen et sur le territoire des tribus d'Oujda et ses environs, en raison de l'excès des agressions envers les français sur les territoires frontaliers de l'Algérie française . En 1912, la France place le sultan alaouite Mohammed ben Abderrahmane sous protectorat français, ainsi que l'intégralité du territoire marocain et cède une partie du Rif à l'Espagne (protectorat espagnol) huit mois plus tard, mais garde le territoire des Iznassen et le territoire des Ifahsiyen (région de Tanger) sous protectorat français, jusqu'à l'indépendance du Maroc en 1956. En 1926, avant la destitution officielle de la république du Rif de Mohammed el Khattabi (Abd-el-Krim) et sa réintégration dans le Maroc, son territoire s'était étendu sur toutes les tribus du protectorat espagnol ainsi que les tribus de Tanger (Ifahsiyen) et de Berkane (Iznassen), qui étaient sous protectorat français.
La tribu des Ayt Ifahsiyen (région de Tanger) et des Ayt Iznassen (région de Berkane) sont les premières tribus à avoir été impliquées dans les conflits contre la colonisation européenne en Afrique du nord[1]. L'occupation du Maroc par Hubert Lyautey commença par le territoire de la tribu des Ayt Iznassen, où il y bâti en 1908 la ville de Martimprey-du-Kiss, près de l'oued Kiss (actuelle ville Ahfir)[5], avant de placer le Maroc du sultan alaouite Mohammed ben Abderrahmane (Mohammed 4) sous protectorat français en 1912[6], et le Rif, huit mois plus tard, sous protectorat espagnol par la convention de Madrid[7]. Il nomma cette ville Martimprey-du-Kiss en hommage au général Edmond-Charles de Martimprey, qui fut le premier francais à combattre sur ce territoire en 1859. La ville de Martimprey-du-Kiss fut renommée Ahfir (qui signifie "trou" en berbère) lors de l'independance du Maroc en 1956, en référence à la carrière de pierres qui y était exploitée à cette époque[5].
Le gouvernement franquiste a réclamé en 1940 le rattachement des Ayt Iznassen à l'Espagne. Un protocole d'accord signé en 1925 entre dirigeants français et espagnols, à l'issue de la guerre du Rif, prévoyait d'ailleurs leur transfert dans le giron espagnol. Mais en 1940, les diplomates français refusent de se séparer de ce territoire qui revêt une importance stratégique car il longe à l'est la frontière avec l'Algérie, alors convoitée par le régime de Francisco Franco. Le , Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères de Vichy, propose, afin de mettre un terme aux pressions des nationalistes espagnols, de leur céder le territoire des Ayt Iznassen dès que la paix générale sera établie en Europe mais la cession ne se réalisera jamais[8],[9].
Territoire
Le territoire des Béni Snassen est délimité par la Moulouya à l'ouest, 4 tribus essentiellement arabes aujourd'hui marocaines ayant émigré d'Algérie et s'étant installées sur leur territoire actuel au XIXe siècle (La'thamna, Oulad Mansour, Oulad Sghir et Houaras), l'Algérie à l'est, et l'Atlas au sud.
Composition tribale
La tribu est divisée en 4 groupes, elles-mêmes divisées en plusieurs sous-fractions :
- Beni Khaled ;
- Beni Mengouch ;
- Beni Atiq ;
- Beni Ourimech.
Ces quatre groupes sont berbères mais contiennent néanmoins des fractions arabes, non berbères arabisées, mais arabes d'origine, en raison notamment de leur proximité avec les tribus hilaliennes du littoral.
Les Beni Atig (les fils de l'ancien, l'affranchi) et les Beni Khaled (les fils de Khaled) sont les factions les plus arabisées, contenant le plus de faction d'origine arabe[10],[11]. Chez certaines de ces sous-fractions, l'élément arabe devient majoritaire. Cette mutation prend aussi une dimension religieuse, où les familles de marabouts arabes s'insèrent dans le cadre tribal existant, ce qui mènera à une arabisation linguistique et culturelle au sein de celles-ci[12].
Aussi, Iznassen se traduit en arabe par Mursilun an-nhar (مرسلون النهار).
Culture
Langues
Les Beni Iznassen sont berbérophones et arabophones. Leur dialecte fait partie de l'ensemble berbère rifain[13],[2].
Musique
Héritière de l'Aarfa, danse guerrière des tribus rifaines, la Reggada est une danse traditionnelle née dans la région du Rif oriental. C'est à l'origine une danse guerrière des tribus arabes hillaliennes[14],[15],[16]. Les guerriers arabes dansaient en signe de victoire sur l'ennemi, d'où l'usage du fusil, les frappes de pieds au sol se font au rythme de la musique. "Reggada" signifie "Celle qui fait dormir" et vient de la ville Ain Reggada (Beni Mengouch), qui est située entre Ahfir et Berkane.
Cette musique est fortement rythmée par le bendir et la ghaïta ou le zamar (sorte de flûte à deux cornes), le galal ou la gasba.
Sa danse est rythmée par des mouvements d'épaules, un fusil ou un bâton, et des frappes de pieds contre le sol au rythme de la musique.
Ce style musical est très populaire dans le Rif, surtout dans le Rif oriental.
Cuisine
La cuisine des Beni Iznassen est rustique. Les principaux plats qui caractérisent la région sont :
- l'Awwoun, une pâte à base de farine d'orge non mûre grillée, d'eau et d'huile d'olive
- la Talekhcha, connue dans les autres régions du Maroc sous le nom de Bissara
- l'Irechmen, préparation à base de grains de blé bouillis
- le Tarekhsast, un pain de blé sans levure
- le Timbessest, une galette de semoule de blé, similaire à la Harcha
- le Timkhalaat, une galette farcie avec de la viande ou de la graisse
- l'Aryun, une farine d'orge non mûre grillée assortie de lait.
Personnalités
- Achour Bekkai Lahbil, historien de Berkane, dont l'ancêtre était un caïd des Beni Atig, Mebarek Ben Mustapha Ben Ahmed Ben Abdallah[10].
- Hicham El Guerrouj, athlète détenant plusieurs records mondiaux, qui est né et a grandi à Berkane.
- Hakim Ziyech, footballeur international marocain, originaire des Béni Snassen.
- Abdelhafid Douzi, chanteur marocain originaire de la tribu des Béni Iznassen mais ayant grandi à Oujda.
- Badr Soultan, chanteur marocain originaire de la tribu des Béni Khaled des Ayt Iznassen.
- Mouss Maher, chanteur marocain originaire de la tribu des Béni Iznassen
- Mokhtar el Berkani, chanteur marocain originaire de la tribu des Béni Iznassen
- Hassan el Berkani, chanteur marocain originaire de la tribu des Béni Iznassen
- Mohammed el Berkani, chanteur marocain originaire de la tribu des Béni Iznassen
- Etc...
Galerie
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Le tombeau de Sidi Mohammed Berkane des Béni Snassen, saint de la ville de Berkane (XVe siècle). -
Paysage du massif des Béni Snassen. - Tombeau du marabout Sidi Mohamed Berkane à l'époque du protectorat français, dans la ville éponyme de Berkane, région des Ayt 'Atiq.
- Zouaves travaillants à la carrière de Martimprey-du-Kiss (actuelle Ahfir) à l'époque du protectorat francais, région des Ayt Khaled.
- Grotte du chameau à Zegzel, région des Ayt Ourimech.
- Grotte du chameau à Zegzel, région des Ayt Ourimech.
Références
- https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2010-1-page-7.htm
- Peter Behnstedt, « La frontera entre el bereber y el árabe en el Rif », dans: Estudios de dialectología norteafricana y andalusí - vol.6 (2002), p. 7-18.
- (ar) Oujda Et L'amalat (lire en ligne)
- Henri (1868-1943) Auteur du texte Mordacq, La guerre en Afrique : tactique des grosses colonnes, enseignement de l'expédition contre les Beni Snassen / par le commandant Mordacq,..., (lire en ligne).
- ALAIN MURCIER, « I. - Un colon avisé et d'autres moins favorisés », Le Monde, (lire en ligne , consulté le ).
- Delaunay, Jean-Marc, « Daniel Rivet, Lyautey et l'institution du protectorat français au Maroc, 1912- 1925, 3 vol », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, Persée, vol. 36, no 3, , p. 526–530 (lire en ligne, consulté le ).
- Marchat, Henry, « La France et l'Espagne au Maroc pendant la période du Protectorat (1912-1956) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Persée, vol. 10, no 1, , p. 81–109 (DOI 10.3406/remmm.1971.1122, lire en ligne, consulté le ).
- Alfred Salinas, Quand Franco réclamait Oran, L'Opération Cisneros, L'Harmattan, 2008, p. 101-103.
- « Jean Balazuc : Combats de la Légion étrangère face aux Beni Snassen : », sur legionetrangere.fr (consulté le ).
- Achour Bekkaï Lahbil, Si Bekkai: rendez-vous avec l'histoire, A. Bekkaï Lahbil, (ISBN 978-9981-63-001-7, lire en ligne)
- Auguste Mouliéras, Le Maroc inconnu ..., L'auteur [Impr. Fouque & cie], (lire en ligne)
- Charles (1845-1925) Auteur du texte Vélain, Le dolmen des Beni-Snassen (Maroc) / Ch. Vélain, (lire en ligne)
- S. Chaker, Les Beni Iznasen - Linguistique, dans: Encyclopédie berbère - vol.10 (Edisud, 1991), p. 1468-1470.
- (ar) Gaëtan Delphin, Recueil de textes pour l'étude de l'arabe parlé, E. Leroux, (lire en ligne)
- Abdelhamid HILMI, « ÉCOLE DOCTORALE [SHS] THÈSE : Le nord de l'Oriental marocain : une région frontalière », sur ImgBB, soutenue le : 19 décembre 2008 (consulté le )
- Abdelhamid HILMI, « ÉCOLE DOCTORALE [SHS] THÈSE : Le nord de l'Oriental marocain : une région frontalière page : 132 », sur ImgBB, soutenue le : 19 décembre 2008 (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- E.B. et S. Chaker, « Beni Snassen / Beni iznasen (en berb. : At Iznasn) », dans Encyclopédie berbère, vol. 10 : Beni Isguen – Bouzeis, (lire en ligne)
- Attilio Gaudio, « Les Beni-Snassen, défenseurs de l'indépendance marocaine », dans Maroc du nord : cités andalouses et montagnes berbères, Nouvelles Editions Latines, (lire en ligne).