Barrage d'Otrante — Wikipédia
Le barrage d'Otrante est une opération navale de la Première Guerre mondiale. Le canal d'Otrante est le détroit qui permet de passer de l'Adriatique en Méditerranée. Il se situe entre les côtes albanaises et le talon de la péninsule italienne.
Pendant la Première Guerre mondiale, les Alliés cherchaient à barrer ce détroit pour interdire aux navires de la marine austro-hongroise l'accès à la Méditerranée et d'y perturber les lignes de communication alliées. Le barrage est constitué de champs de mines, de patrouilles de chalutiers armés, ainsi que de forces de surface, principalement basées à Brindisi. Il est loin d'être hermétique et vise surtout à rendre difficile le passage des sous-marins austro-hongrois et allemands. Cela permet aussi de bloquer les quatre dreadnoughts austro-hongrois, même si une sortie de leur part est jugée peu probable. Le blocus mobilise 12 bâtiments de ligne alliés : 5 italiens, à Tarente, et 7 français, à Corfou.
Description
[modifier | modifier le code]Le barrage ne commence à être réellement actif qu'au cours de la seconde quinzaine du mois de avec l'arrivée de 65 harenguiers[1] britanniques venant de la mer du Nord, de Hull[2]. Traînant des filets de 20 mètres de haut et d'une longueur totale de près de 1 kilomètre, les bateaux de pêche, par groupes d'une demi-douzaine espacés de 3-4 milles marins, font des aller-retours en travers du détroit, espérant attraper, ou du moins détecter, des submersibles ennemis. Seul le bateau du chef de groupe est armé, d'un unique canon de 57 mm. En cas de rencontre, il doit appeler à l'aide et compter sur la rapidité des torpilleurs ou destroyers appelés en renfort[3].
À la fin de l'année 1915, il y a 100 de ces petits navires de pêche dont la moitié est à la mer. À cette même date, 10 sous-marins ont été attaqués et un réputé coulé[4].
Durant le mois de , une conférence a lieu à Malte. Elle décide de porter la largeur du barrage à 80 milles marins. Espérant ainsi obliger les sous-marins à rester en plongée et épuiser leurs batteries, les laissant incapables de se défendre contre des forces qui patrouilleraient en dehors de la zone du barrage[5]. Mais les alliés ne disposent pas d'un nombre suffisant de patrouilleurs pour couvrir une telle zone[6].
À la fin du mois d', une nouvelle conférence a lieu à Tarente. Là, il est décidé que le barrage se tiendra sur le parallèle d'Otrante, avec une largeur de 15 nautiques. De jour, des vedettes de la Royal Navy britanniques patrouilleront entre Otrante et Leuca. Au nord, de ce barrage, 22 harenguiers et 18 torpilleurs de la Regia Marina italienne surveilleront. Au sud, ce seront des unités de la Marine nationale française. On installe aussi des vigies à Otrante et Saseno, ainsi que des postes d'écoute TSF. Près des côtes, des champs de mines et des sous-marins à l'affût. Enfin, 22 avions italiens, basés à Brindisi, 16 à Valona et 30 français à Corfou survoleront la zone.
De la sorte, c'est une zone de 60 milles marins qui est couverte en travers du détroit. Mais le barrage est peu dense et d'une efficacité relative. Il est divisé en trois zones. Au nord, les Italiens ; au centre les Britanniques ; au sud, les Français. Les deux premiers sont sous commandement italien ; les Français restant sous les ordres du commandant en chef de leur armée navale. Cette multiplicité des nationalités et des commandements n'est pas pour renforcer l'efficacité du barrage.
En 1917, c'est l'idée d'un barrage fixe qui fait son chemin. En avril, on donne aux harenguiers des filets plus hauts. On installe aussi sur certains d'entre eux des hydrophones[7]. En octobre, sont posés les premiers éléments de barrages fixes. Mais, en deux mois, les tempêtes ont tout détruit[8].
Durant le mois de , on relance la pose d'un barrage fixe. Cinq mois plus tard, il est terminé. Il barre le détroit sur 66 km. Les filets sont des tronçons de 300 mètres environ. Ils sont placés sous la surface, à 10 mètres, et descendent jusqu'à 60 (les fonds du détroit atteignant la profondeur de 900 mètres par endroits)[9]. Ils sont supportés par des bouées et tenus par des ancres ou des blocs de béton. Ils portent des grenades. Un élément du filet peut être arraché, mais il déclenche alors l'explosion d'une grenade anti-sous-marine[10].
En plus du barrage fixe, il y a 7 lignes de patrouilles, les navires sont équipés d'hydrophones, D'autres tirent des ballons captifs, des sous-marins alliés patrouillent aussi. Du côté italien il y a 8 km de champs de mines avant le début du barrage. Le barrage a fini par devenir assez efficace mais très tardivement.
Utilité
[modifier | modifier le code]Pour les Austro-Hongrois et les Allemands qui viennent les renforcer, le passage du barrage est « énervant »[11], mais pas difficile. Les navires passent sans rencontrer d'obstacles ou, quand ils rencontrent des adversaires, ceux-ci sont rarement de taille à les inquiéter.
Il ne faut pas en déduire que le barrage ne sert à rien. Plusieurs sous-marins sont coulés lors de leur tentative de passage et il participe, de loin, au blocus des grandes unités austro-hongroises.
De nombreuses escarmouches interviennent tout au long de la guerre. Il s'agit soit de navires de passage, ou de raids lancés par les Autrichiens pour détruire les éléments du barrage. Le combat le plus important d'entre toutes ces escarmouches a eu lieu le 15 mai 1917. C'est aussi lors d'une tentative austro-hongroise contre ce barrage que le cuirassé SMS Szent István est coulé par les torpilles d'une vedette italienne[3].
Liste de combats sur le barrage d'Otrante
[modifier | modifier le code]- : Un premier sous-marin allemand, l'U-21, arrive à Cattaro. Il a passé le détroit sans encombre. Le , il est rejoint par l'U-34 et l'U-35. Ces sous-marins sont destinés à attaquer le trafic maritime en Méditerranée.
- : l'U-6 se prend dans un filet, fait surface et est coulé au canon par les harenguiers de garde.
- : 2 torpilleurs autrichiens coulent un harenguier.
- : un sous-marin, repéré, lance une torpille sur un harenguier, le manque, mais s'échappe.
- : le croiseur SMS Novara coule un harenguier.
- : l'UB-44 essaie de franchir le barrage. Repéré, il est grenadé et coulé.
- : trois avions autrichiens bombardent et coulent un harenguier.
- : L'U-16 essaie de franchir le barrage et se prend dans un filet. Attaqué par le torpilleur italien Nembo, il réussit à le couler avec une torpille mais il est détruit par les grenades anti-sous-marines que portait sa victime et qui détonnent dans son naufrage.
- : à la nuit, 3 contre-torpilleurs autrichiens attaquent les harenguiers mais 6 contre-torpilleurs français aperçoivent le combat et interviennent. Aucune perte de chaque côté.
- : Attaque austro-hongroise sur le barrage. C'est le plus important combat naval causé par le barrage.
- : le torpilleur italien Airone coule l'U-23 à l'aide d'une torpille remorquée.
- : Le sous-marin britannique HMS H4, de garde au barrage, torpille le sous-marin austro-hongrois UB-52 qui cherchait à le franchir.
- : Une force austro-hongroise, comprenant deux cuirassés et 7 torpilleurs, vise le barrage. L'opération avorte après le torpillage du cuirassé SMS Szent István par une vedette italienne[3].
- : l'U-23 est coulé par une des mines qu'il vient de poser à 25 milles marins d'Otrante.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Ces harenguiers sont nommés drifters par les Britanniques. Hors contexte, ce mot peut être traduit de différentes manières. C'est pour cela que l'on trouve, dans un certain nombre de textes français sur le barrage, des traductions curieuses comme « dériveurs », « remorqueurs ».
- Thomazi 1925, p. 104.
- Paul Chack. On se bat sur mer. Éditions de France, Paris, 1926, pp. 259-320.
- Thomazi 1925, p. 105.
- Thomazi 1925, p. 133.
- Thomazi 1925, p. 134.
- Thomazi 1925, p. 163. Il faut noter que l'usage des hydrophones n'est possible qu'à l'arrêt. Donc, à heures fixes, tout le monde s'arrête pour écouter (Thomazi 1925, p. 183 ; Antier, page 710).
- Thomazi 1925, p. 164.
- Thomazi 1925, p. 180.
- Rivoyre, page 392.
- Paroles des officiers de l'U-16, capturé, telles que rapportées par Thomazi.
Sources
[modifier | modifier le code]Les sources de cet article sont dans les deux premiers ouvrages cités en bibliographie. Pages 104 à 180 pour le premier, et pages 694 à 727 pour le second.
Pour en savoir plus
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Auguste Thomazi, La guerre navale dans l'Adriatique, Payot,
- Paul Chack et Jean-Jacques Antier, Histoire maritime de la Première guerre mondiale, Paris, France-Empire, , 846 p. (ISBN 978-2-7048-0698-0, OCLC 463935358)
- Maurice Dupont et Étienne Taillemite, Les guerres navales françaises : du Moyen âge à la guerre du Golfe, Paris, SPM, coll. « Kronos » (no 21), , 392 p. (ISBN 978-2-901952-21-3)
- De Rivoyre, Histoire de la guerre navale 1914-1918, 1922, Paris.
- François Cochet (dir.) et Rémy Porte (dir.), Dictionnaire de la Grande guerre 1914-1918, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Inédit ; Bouquins », , 1120 p. (ISBN 978-2-221-10722-5, OCLC 265644254).
Liens externes
[modifier | modifier le code]- pour avoir une idée du type de harenguier utilisé pour ce barrage, on pourra se reporter au lien suivant : [1]