État islamique (organisation) — Wikipédia

État islamique
(ar) الدولة الإسلامية
Daech
Image illustrative de l’article État islamique (organisation)
Devise : La ilaha illa Allah
(« Il n'y a de dieu que Dieu »)[1].

Idéologie Salafisme djihadiste
Panislamisme
Anti-chiisme
Objectifs Établissement d'un califat dans le monde musulman, instauration de la charia, destruction ou affaiblissement du monde occidental.
Statut Actif
Fondation
Date de formation
(18 ans, 2 mois et 17 jours)
Pays d'origine Drapeau de l'Irak Irak
Fondé par Conseil consultatif des moudjahidines en Irak
Actions
Mode opératoire Lutte armée, guérilla, terrorisme dont attentats-suicides et prise d'otages.
Zone d'opération
Période d'activité Depuis 2006
Organisation
Chefs principaux Abou Omar al-Baghdadi (« émir », tué en 2010)
Abou Bakr al-Baghdadi (« calife », tué en 2019)
Abou Ibrahim al-Hachimi
(« calife », tué en 2022)
Abou Hassan al-Hachimi (« calife », tué en 2022)
Abou al-Hussein
(« calife », tué en 2023)
Abou Hafs al-Hachimi (« calife »)
Membres En Irak et en Syrie :
~ 5 000 (en 2011)
11 000 à 13 000[35],[36] (en 2013)
20 000 à 100 000[37],[38],[39] (en 2014)
30 000 à 125 000[40],[41],[42] (en 2015)
3 000 à 30 000[43],[44] (en 2017 et 2018)
10 000 à 15 000 (en 2021)[45]
5 000 à 7 000 (en 2023)[46]
1 500 à 3 000 (en 2024)[47]
Financement Contrebande de pétrole et de gaz naturel, impôts et racket, production de phosphate, vente de ciment, exploitation agricole, pillage de banques, pillages de sites archéologiques, rançons, trafic d'êtres humains, vente d'esclaves, donations privées[48],[49],[50]
Groupe relié Forces démocratiques alliées
Ansar al-Sunna
Armée Khalid ibn al-Walid
Boko Haram
Brigade du Cheikh Omar Hadid
État islamique au Khorassan
État islamique au Yémen
État islamique en Afrique centrale
État islamique en Afrique de l'Ouest
État islamique dans le Grand Sahara
État islamique en Libye
Maute
National Thowheeth Jama'ath
Province du Sinaï
Soldats du califat en Algérie
État islamique en Somalie
Répression
Considéré comme terroriste par ONU[51] ;

Voir la section correspondante pour les pays à titre individuel

Guerre d'Irak
Première guerre civile irakienne
Seconde guerre civile irakienne
Guerre civile syrienne
Deuxième guerre civile libyenne
Insurrection de Boko Haram
Guerre d'Afghanistan
Insurrection du Sinaï
Insurrection djihadiste au Yémen
Guerre civile yéménite
Guerre de Somalie
Guérilla en Ciscaucasie
Conflit au Liban
Guerre du Sahel
Guerre du Mali
Insurrection djihadiste au Burkina Faso
Insurrection djihadiste au Mozambique
Insurrection djihadiste en Tunisie
Insurrection moro aux Philippines

L'État islamique (EI ; en arabe : الدولة الإسلامية, ad-dawla al-islāmiyya), aussi appelé Daech (également orthographié Daesh), est une organisation terroriste politico-militaire, d'idéologie salafiste djihadiste ayant proclamé le l'instauration d'un califat sur les territoires sous son contrôle. De l'été 2014 au printemps 2019, il forme un proto-État en Irak et en Syrie où il met en place un système totalitaire. Son essor est notamment lié aux déstabilisations géopolitiques causées par la guerre d'Irak et la guerre civile syrienne.

Sa création remonte à 2006, lorsqu'Al-Qaïda en Irak forme, avec cinq autres groupes djihadistes, le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak. Le , le Conseil consultatif proclame l'État islamique d'Irak (EII ; en arabe : دولة العراق الإسلامية, dawlat al-ʿirāq al-islāmiyya), lequel se considère à partir de cette date comme le gouvernement légitime de l’Irak.

En 2012, l'EII commence à s'étendre en Syrie et, le , il devient l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL ; en arabe : الدولة الاسلامية في العراق والشام, ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām, littéralement « État islamique en Irak et dans le Cham »), souvent désigné par son acronyme anglais ISIS (Islamic State of Iraq and Sham) ou par son acronyme arabe داعش (Dāʿiš), prononcé [ˈdaːʕiʃ ] et transcrit Daʿech (en anglais Daʿesh), bien que cette dernière appellation soit rejetée par l'organisation.

Le , l'EIIL annonce le « rétablissement du califat » dans les territoires sous son contrôle, prend le nom d'« État islamique » et proclame son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, « calife et successeur de Mahomet », sous le nom d'Ibrahim. Désormais rival d'Al-Qaïda, avec qui il est en conflit depuis , l'État islamique voit son influence s'étendre à plusieurs pays du monde musulman avec l'allégeance de nombreux groupes djihadistes ; les plus importants étant le Boko Haram au Nigeria, Ansar Bait al-Maqdis dans le Sinaï égyptien et le Majilis Choura Chabab al-Islam en Libye. Il apparaît également en Afghanistan où il tente de supplanter les talibans. À partir de 2015, l'EIIL mène des attentats jusqu'en Europe et en Amérique du Nord.

En Irak et en Syrie, la surface du territoire de l'EI atteint son maximum fin 2014 avec la prise de nombreuses villes comme Falloujah, Raqqa, Mossoul, Tikrit ou Ramadi. Début 2015, après une première défaite symbolique à Kobané, l'EI commence à perdre ses conquêtes sous la pression de ses nombreux adversaires : les armées de l'Irak, de la Syrie et de la Turquie, les rebelles syriens, les milices chiites parrainées par l'Iran, les groupes kurdes peshmergas du GRK et les YPG notamment. À partir d', une coalition internationale de vingt-deux pays menée par les États-Unis procède à une campagne de frappes aériennes contre l'EI. La Russie intervient à son tour en Syrie en . Mossoul, la plus grande ville contrôlée par l'État islamique, est reprise par l'armée irakienne en , tandis que Raqqa, sa « capitale » syrienne, est prise par les Forces démocratiques syriennes en octobre de la même année. L'EI perd ses derniers territoires en Irak en et en Syrie en . Le chef de l'organisation, Abou Bakr al-Baghdadi, trouve la mort lors d'une opération menée par les forces spéciales américaines à Baricha, en Syrie, le . En 2024, l'organisation continue de commettre de nombreux actes terroristes et la situation dans le désert syrien suscite des inquiétudes[52].

L'État islamique est classé comme organisation terroriste par de nombreux États et est accusé par les Nations unies, la Ligue arabe, les États-Unis et l'Union européenne d'être responsable de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, de nettoyage ethnique et de génocide, visant particulièrement les chiites et Yézidis. Il pratique également l'esclavage et la destruction de vestiges archéologiques millénaires dans les territoires qu'il contrôle.

Histoire

Origine et création (2006)

Lors des guerres successives d'Irak depuis les années 1980 et notamment l'invasion de 2003, les États-Unis et leurs alliés ont détruit l'ensemble des infrastructures du pays engendrant un chaos aussi bien matériel que culturel. De plus, les fausses accusations d'armes de destruction massive et les scandales liés à la torture dans les prisons, notamment le scandale d'Abou Ghraib minent la confiance du peuple irakien envers les occidentaux. Cela créé un profond sentiment anti-américain notamment chez les anciens cadres de l'armée irakienne qui fournissent la structure de base de l'armée de l'État islamique[53],[54],[55],[56].

Selon le quotidien britannique The Guardian, citant une source anonyme, c'est derrière les murs de la prison américaine de Camp Bucca située près du port d'Umm Qasr, perdue dans le désert irakien, que les futurs leaders de l'organisation ont ébauché leur réseau à partir de 2004, en inscrivant les coordonnées de leurs codétenus sur l'élastique de leurs boxers aux fins de reprise de contact à leur sortie de prison en 2009[57],[58],[59]. Richard Barret, spécialiste du contre-terrorisme, analyse que l'enfermement favorisant la radicalisation, de hauts gradés baasistes de l’armée de Saddam Hussein se sont retrouvés aux côtés de terroristes chevronnés d’Al-Qaïda et les deux groupes, s’ils ont des méthodes différentes, se sont découvert une communauté d’intérêt et se sont échangé leurs compétences[60].

L' « État islamique d'Irak » est créé le [61],[62] par le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak (une alliance de groupes armés djihadistes dont fait partie Al-Qaïda en Irak) et cinq autres groupes djihadistes irakiens[63], avec une trentaine de tribus sunnites représentant environ 70 % de la population de la province d'al-Anbar (ouest de l'Irak)[64].

Progressivement, la branche irakienne d'Al-Qaïda est absorbée dans l'État islamique ; son chef, Abou Hamza al-Mouhajer, prête d'ailleurs serment d'allégeance à Abou Omar al-Baghdadi, émir de l'État islamique d'Irak. En 2007, Ayman al-Zaouahiri annonce qu'« Al-Qaïda en Irak n'existe plus ». Les combattants de ce mouvement ont rejoint pour la plupart l'État islamique d'Irak[65],[66].

Le , l'État islamique d'Irak prend le nom arabe de الدولة الاسلامية في العراق والشام, « ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām »)[67], dont un acronyme est داعش (transcrit Daʿech ou en anglais Daʿesh[68],[69],[70]), littéralement « État islamique en Irak et al-Sham » (EIIS)[71],[note 1], plus souvent traduit par « État islamique en Irak et au Levant » (EIIL) et parfois désigné par l'acronyme anglais ISIS (Islamic State of Iraq and Syria)[67],[72].

Rupture avec Al-Qaïda en 2013 et 2014

Les relations entre l'État islamique et Al-Qaïda, dirigé depuis la mort d'Oussama ben Laden par Ayman al-Zawahiri, ont évolué depuis la création de l'organisation en 2006. Initialement liés, les deux mouvements sont devenus rivaux.

Le , Abou Bakr al-Baghdadi déclare que le Front al-Nosra est une branche de l'État islamique d'Irak en Syrie et annonce la fusion de l'EII et du Front al-Nosra pour former l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Cependant, le chef d'al-Nosra, Abou Mohammad al-Joulani, bien qu'il reconnaisse avoir combattu en Irak sous les ordres d'al-Baghdadi puis avoir bénéficié de son aide en Syrie, ne répond pas favorablement à l'appel de celui-ci et renouvelle son allégeance à Ayman al-Zawahiri, émir d'Al-Qaïda[65].

En et en , Ayman al-Zawahiri demande à l'EIIL de renoncer à ses prétentions sur la Syrie, estimant qu'Abou Bakr al-Baghdadi « a fait une erreur en établissant l'EIIL » sans lui en avoir demandé la permission ni même l'avoir informé. Il annonce que « l'État islamique en Irak et en Syrie va être supprimé, alors que l'État islamique en Irak reste opérationnel ». Pour al-Zawahiri, le Front al-Nosra demeure la seule branche d'Al-Qaïda en Syrie[73].

À son tour, al-Baghdadi rejette les déclarations d'al-Zawahiri[65]. En réalité, l'EIIL se considère comme un État indépendant et ne souhaite prêter aucune allégeance à Al-Qaïda, ni à aucune autre structure[66].

D'autres divergences opposent Al-Qaïda et l'EIIL : les premiers considèrent que le djihad doit être mené prioritairement contre les États-Unis, Israël, les pays occidentaux et leurs alliés régionaux, alors que de son côté, depuis le départ des Américains d'Irak, l'EIIL considère que l'ennemi principal est désormais l'Iran et les chiites[65].

En 2014, Al-Qaïda et l'EIIL entrent en conflit direct. Le , les rebelles syriens se révoltent contre l'EIIL, et le Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, prend part à l'offensive, principalement à Raqqa. Abou Mohammed al-Joulani, le chef d'al-Nosra, estime que l'EIIL a une forte responsabilité dans le déclenchement du conflit mais appelle à un cessez-le-feu[74]. Cependant, le 11 ou le , à Raqqa, l'EIIL exécute 99 prisonniers membres du Front al-Nosra et d'Ahrar al-Sham selon l'OSDH[75],[76].

Le , Al-Qaïda publie un communiqué dans lequel il condamne les actions de l'EIIL et confirme que ce mouvement « n'est pas une branche d'Al-Qaïda, n'a aucun lien organisationnel » avec eux et qu'il « n'est pas responsable de ses actions »[77].

Le , Ayman al-Zaouahiri appelle à un « arbitrage indépendant en vertu de la loi islamique » afin de mettre fin aux combats qui opposent en Syrie l'État islamique en Irak au Levant et le Front al-Nosra. Selon Romain Caillet, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient et spécialiste de la mouvance salafiste, le projet soutenu par al-Zaouahiri aurait pour conséquence de former une seule instance juridique, placée au-dessus de toutes les autres. L'autorité de l'EIIL, sur les territoires qu'il contrôle, serait alors dissoute. C'est la principale raison pour laquelle l'EIIL, qui se voit comme un véritable État, refuse cette solution et préfère celle dite des « tribunaux conjoints », où le jury serait composé pour moitié de membres de l'EIIL et pour l'autre de la brigade plaignante[78].

Le , Ayman al-Zaouahiri donne l'ordre au Front al-Nosra de cesser de combattre d'autres groupes djihadistes et de « se consacrer au combat contre les ennemis de l'islam, en l'occurrence les baasistes, les chiites et leurs alliés ». Il appelle également Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'EIIL, à se concentrer sur l'Irak[79]. Ces instructions ne sont pas suivies : à cette même période, la bataille d'Al-Busayrah s'engage entre Al-Nosra et l'EIIL, près de Deir ez-Zor[80].

Le , Abou Mohammed al-Adnani, chef de l'EIIL en Syrie, qualifie les messages de Ayman al-Zaouahiri de « déraisonnables, irréalistes et illégitimes ». Il déclare à ce dernier dans un enregistrement : « Vous avez provoqué la tristesse des moudjahidines et l'exultation de leur ennemi en soutenant le traître (Abou Mohammad al-Joulani, chef d'al-Nosra). Le cheikh Oussama (c'est-à-dire : Oussama ben Laden, ancien chef d'Al-Qaïda) avait rassemblé tous les moudjahidines avec une seule parole, mais vous les avez divisés et déchirés. […] Vous êtes à l'origine de la querelle, vous devez y mettre fin »[81].

Proclamation d'un califat (2014)

Carte des territoires contrôlés par l'organisation en mai 2015.

Le , premier jour du ramadan, l'État islamique en Irak et au Levant annonce l'établissement d'un califat sur les territoires syriens et irakiens qu'il contrôle. L'émir Abou Bakr al-Baghdadi est proclamé calife sous le nom d'Ibrahim et l'organisation prend le nom d'État islamique (EI)[82]. L'EI se revendique comme le successeur des précédents califats, le dernier calife, Abdülmecid II, ayant été déposé en 1924 lorsque la Grande assemblée nationale de Turquie abolit le califat[83]. Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l'EI, déclare qu'il est du « devoir » de tous les musulmans du monde de prêter allégeance au nouveau calife Ibrahim : « Musulmans (…) rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et les autres ordures de l'Occident. Revenez à votre religion »[84].

Selon Charles Lister, chercheur associé au Brookings Doha Centre : « D'un point de vue géographique, l'État islamique est déjà parfaitement opérationnel en Irak et en Syrie. Il est en outre présent — mais caché — dans le sud de la Turquie, semble avoir établi une présence au Liban, et a des partisans en Jordanie, à Gaza, dans le Sinaï, en Indonésie, en Arabie saoudite et ailleurs »[84]. Pour Shashank Joshi, du Royal United Services Institute à Londres, la proclamation du califat « ne change rien matériellement », mais « ce qui change réellement c'est (…) l'ambition » de l'État islamique, qui montre sa confiance dans sa force et défie Al-Qaïda[84].

Par cette proclamation l'EI tient à montrer sa puissance et menace le pouvoir d'Al-Qaïda sur les mouvements armés djihadistes salafistes. Pour Charles Lister : « Tous les groupes liés à Al-Qaïda et les mouvements djihadistes indépendants vont devoir décider s'ils soutiennent l'État islamique ou s'ils s'opposent à lui »[85]. Dans un communiqué, l'EI ordonne à Al-Qaïda et aux groupes armés islamistes de se soumettre à son autorité[83]. Plus généralement, l'EI déclare qu'Abou Bakr al-Baghdadi est devenu le « chef des musulmans partout » dans le monde[86].

Selon Henry Laurens, historien du monde arabe au Collège de France, ce califat est de l'ordre de l’« invention de la tradition » au sens où il « est aussi imaginaire que la façon dont Hollywood représente le Moyen Âge […] on est en plein imaginaire de seconde zone […] puisque ça n'a rien à voir avec la réalité historique du califat »[87].

Coalition contre l'État islamique en Irak et en Syrie (2014-2019)

Frappes aériennes américaines et alliées le dans le Nord de la Syrie.

Le , les États-Unis interviennent à nouveau en Irak en engageant leurs forces aériennes contre l'EI dans le Kurdistan irakien[88]. À partir de septembre, la France, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique, le Maroc et l'Italie engagent leurs aviations et des forces spéciales en Irak.

La nuit du 22 au , soit quelques semaines après les premières frappes en Irak, les forces aériennes américaines, de l'Arabie saoudite, de la Jordanie des Émirats arabes unis, du Qatar et de Bahreïn commencent en urgence une campagne de bombardements contre l'État islamique en Syrie[89].

Par la suite, la Russie a dit vouloir monter une coalition contre Daech. Toutefois les États parties prenantes ont des intérêts divergents, notamment sur des points politiques tels que le départ de Bachar al-Assad.

À la suite des attentats de Paris du mais aussi de Beyrouth et d'autres, le Conseil de sécurité de l'ONU adopte à l'unanimité le une résolution proposée par la France dans laquelle il appelle tous les États qui le peuvent à lutter contre Daech (EIIL).

Par cette résolution, le Conseil demande aux « États qui ont la capacité de le faire » de mettre un terme aux actes de terrorisme commis par Daech, Front al-Nosra et Al-Qaïda et d'éliminer le sanctuaire qu'ils ont créé ». Il invite les États à « intensifier leurs efforts pour endiguer le flux de combattants terroristes étrangers qui se rendent en Irak et en Syrie et empêcher et éliminer le financement du terrorisme »[90].

Le , les Américains annoncent la mort du chef de l'État islamique, Abou-Bakr al-Baghdadi, à la suite du raid de Baricha, dans le nord-ouest de la Syrie.

Évolution territoriale à partir de 2014

Carte des guerres en Irak et en Syrie, au moment de l'apogée de l'organisation en octobre 2014.
  • Territoire contrôlé par l'État islamique
  • Territoire contrôlé par le gouvernement irakien
  • Territoire contrôlé par le gouvernement syrien
  • Territoire contrôlé par les rebelles syriens, y compris le Front al-Nosra
  • Territoire contrôlé par les YPG, kurdes syriens
  • Territoire contrôlé par les Peshmergas kurdes irakiens

Dès 2014, l'État islamique (EI ou Daech) appelle tous les autres mouvements djihadistes à lui prêter allégeance. L'EIIL fait aussi de la grande ville de Mossoul, à l'est de l'Irak, une sorte de capitale religieuse et intellectuelle[réf. nécessaire] alors que la ville de Raqqa (chef-lieu de province dans le centre de la Syrie) devient sa capitale politique et militaire implantée au sein des territoires syriens nouvellement conquis[91].

Selon le géographe Patrick Poncet, il ne convient de représenter la cartographie de Daech « ni comme une grande zone uniforme entre Syrie et Irak, ni par un territoire formé de provinces ». Cet espace ressemble davantage à la représentation qu'en fait le journal Le Monde[note 2] : un « écheveau ténu de traits réunissant un petit nombre de bourgades aux confins de la Syrie et de l’Irak », comme un « rhizome, c'est-à-dire le tout début de la territorialisation d’un réseau, car c'est bien là qu'est l’enjeu spatial de ce qui se joue dans cette zone de la planète : le réseau des terroristes du Moyen-Orient peut-il muter et se transformer en un territoire ? »[92].

Pour contrer les offensives kurdes et les bombardements occidentaux, les djihadistes de l'État islamique se redéploient périodiquement. Ils laissent la gestion administrative et policière des villes et villages conquis à des personnalités locales sunnites et à des administrateurs civils formés et compétents. Les militaires djihadistes nomadisent aux frontières d'un territoire conquis étendu à son maximum à la taille du Royaume-Uni (soit environ 40 % de l'Irak, pour 170 000 km2, et 33 % de la Syrie, pour 60 000 km2). Leurs camps d'entraînement se déplacent sans cesse. Ils ont aussi évacué et éparpillé les dépôts d'armes de certaines de leurs bases militaires, notamment de la province d'Idleb (nord-ouest de la Syrie), selon l'OSDH[93]. Se déplaçant par petits groupes d'un front vers un autre, selon les besoins, les combattants sont ainsi difficiles à repérer et à cibler.

L'État islamique cesse son expansion en Irak et en Syrie pour connaître une phase de recul à partir de l'année 2015. Selon le groupe analytique Conflict Monitor de l'organisation d'expertise internationale IHS Markit, de à , l'EI perd 22 % de son territoire dans ces deux pays[94]. Dans une étude publiée le , l'IHS Conflict Monitor estime qu'en deux ans, l'État islamique a perdu un tiers de son territoire passant d'environ 91 000 km2 à 60 000 km2[95].

Au mois de , selon le géographe Fabrice Balanche, l'EI ne contrôlerait plus que 15 % du territoire syrien, soit trois fois moins que les zones gouvernementales (50 %) et moins également que les FDS arabo-kurdes (23 %)[96]. L'EI ne contrôlerait également plus que 10 % du territoire irakien après la perte de la deuxième ville du pays, Mossoul[97]. À la fin de l'été 2017, l'emprise de l'organisation djihadiste ne se limiterait essentiellement plus qu'aux zones désertiques situées à la frontière irako-syrienne (gouvernorat syrien de Deir ez-Zor et province irakienne d'Al-Anbar), ainsi que quelques poches disparates : Raqqa (40 % de la ville), la Badiya (zone ouest du désert syrien), la région de Tasil et des faubourgs au sud de Damas en Syrie ; Hawija en Irak. Le mardi , Raqqa, l'ancienne capitale proclamée de l'organisation est reprise par les forces démocratiques syriennes (arabo-kurdes) ne laissant plus à Daech que quelques poches à Deir ez-Zor ou Boukamal[98]. Deir ez-Zor est entièrement reconquise par l'armée syrienne, appuyée par l'aviation russe, le [99].

Le , dans un communiqué publié après une réunion en Jordanie, Brett McGurk, l’envoyé spécial américain auprès de la coalition internationale, estimait que l'EI avait perdu 95 % des territoires qu’il contrôlait en Irak et en Syrie depuis la constitution de cette coalition en 2014, ajoutant que plus de 7,5 millions de personnes avaient été libérées de l'emprise de cette organisation depuis cette date[100].

Irak

Un drapeau de l'État islamique d'Irak, capturé par des militaires américains en , au cours de la guerre d'Irak.

Selon The New York Times qui se base sur la Global Terrorism Database, de 2004 à 2013, l'État islamique aurait commis 1 452 attentats en Irak, dont 51 en 2004, 58 en 2005, 5 en 2006, 56 en 2007, 62 en 2008, 78 en 2009, 86 en 2010, 34 en 2011, 603 en 2012 et 419 en 2013[101].

Jusqu'en 2011, l'ambition de l'État islamique d'Irak provoque toutefois des tensions et des affrontements avec d'autres groupes armés rebelles comme les Brigades de la révolution de 1920, Ansar al-Sunnah, ou l'Armée islamique en Irak[102]. Un bref cessez-le-feu annoncé en avec l'Armée islamique en Irak s'est ainsi dissout à la suite d'affrontements dans la région de Samarra (125 km au nord de Bagdad) en octobre et [103]. En 2007, plusieurs dirigeants de l'Armée islamique se seraient même alliés avec le Pentagone, pour contrer l'influence de l'État islamique d'Irak[104]. Mais ce sont surtout les Sahwa, des milices sunnites formées fin 2006, constituées en grande partie d'anciens insurgés et financées par les États-Unis et l'Arabie saoudite, qui contribuent à marginaliser l'État islamique d'Irak et à instaurer à partir de 2009 une relative accalmie en Irak, surtout dans la province d'Al-Anbar qui était la région où l'insurrection sunnite était la plus forte et où les violences baissent le plus sensiblement[105],[106],[107].

Le , Abou Omar al-Baghdadi émir de l'État islamique en Irak, est tué par les forces américaines et irakiennes, ainsi que Abou Hamza al-Mouhajer, ancien chef d'Al-Qaïda en Irak devenu ministre de la guerre de l'État islamique. Le , l'émir Abou Bakr al-Baghdadi prend la tête de cette organisation[65],[108].

Pour la période entre et , l'État islamique (EIIL) publiera le , un rapport de 400 pages sur ses opérations en Irak : il y revendique notamment 1 083 assassinats, 4 465 explosions d'engins piégés, huit villes conquises et plusieurs centaines de prisonniers délivrés[109].

Carte des premières villes conquises (en noir) par l'État islamique en Irak et au Levant dans le nord-est irakien (à fin 2013 et début 2014).

À fin 2013, la politique sectaire du premier ministre chiite Nouri al-Maliki provoque peu à peu l'insurrection de tribus sunnites d'Irak (celles de la province d'Al-Anbar en premier)[110]. L'État islamique en Irak et au Levant ainsi soutenu militairement par des tribus sunnites peut accroitre sa progression territoriale en direction des régions pétrolières et même de la capitale Bagdad. Bon nombre de sunnites, exaspérés par les exactions commises par l'armée irakienne, accueillent les djihadistes de l'EI en libérateurs[111].

Dès 2014, l'État islamique s'empare de plusieurs zones stratégiques en Irak dont le fief sunnite symbolique et martyr de Falloujah[112] qui est conquis dès le . Suivront plusieurs zones telles qu'Al-Boubali, Garma, Khaldiyah et Ramadi. Le , Abou Bakr al-Baghdadi appelle les insurgés à progresser au sud vers la capitale Bagdad et à avancer à l'est sur Mossoul[113].

Le , Mossoul, ville de près de deux millions d'habitants est prise et contrôlée. Dans la foulée, c'est ensuite la région de Kirkouk, riche en gisements pétroliers qui est directement menacée[114]. Selon le professeur de sciences politiques Aziz Jabr, cette progression rapide pourrait avoir été facilitée par l'infiltration de rebelles au sein des forces armées[115]. Une bonne partie des 500 000 réfugiés civils, ainsi que 10 000 militaires irakiens, trouvent refuge au Kurdistan irakien, dont le territoire est sous la garde des kurdes Peshmergas[116],[117].

Puis le , l'EIIL s'empare de l'ouest de la province de Kirkouk, et du nord de la province de Salah ad-Din. Les insurgés prennent également Al-Qaïm et son poste-frontière. Le 23, c'est Tall Afar qui tombe[118],[119].

L'éventualité d'une partition à terme de l'Irak est alors évoquée. Michael Hayden, directeur de la NSA de 1999 à 2005, puis de la CIA de 2006 à 2009, déclare ainsi le  : « Avec la conquête par les insurgés de la majeure partie du territoire sunnite, l’Irak a déjà pratiquement cessé d’exister. La partition est inévitable »[120]. Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan irakien, envisage pour sa part de soumettre à référendum l'indépendance de la région[121].

Le , et au terme de plus d'une année d'affrontements, l'EI conquiert Ramadi à quelques centaines de kilomètres de Bagdad, malgré les bombardements aériens de la coalition anti-EI et la présence au sol de l'armée irakienne[122]. En mai, toujours, l'EI consolide son emprise sur la frontière entre la Syrie et l'Irak[123].

La situation évolue quelque peu et l'EIIL perd du terrain en Irak. En raison des nombreuses frappes de la coalition (près de 3 244 frappes aériennes depuis ), aux milices chiites et aux Forces Irakiennes, l'EI a perdu près de 30 % de terrain en Irak depuis son apogée en et a notamment perdu, le , Tikrit, ville symbole puisque fief de Saddam Hussein[124].

Unités des femmes d'Êzîdxan dans la région de Sinjar, en septembre 2015.

Le , les peshmergas kurdes lancent une offensive[125] au nord de l'Irak et s'emparent de Sinjar, coupant ainsi la route reliant Mossoul au reste des territoires sous contrôle de l'EI. Le recul de l'EI sur le terrain militaire est confirmé le par la reprise de la ville de Ramadi, chef-lieu de la province d'Al-Anbar, par l'armée irakienne.

En 2016, le porte-parole du Pentagone Peter Cook estime que l’État Islamique a perdu 45 % des territoires qu'il contrôlait en Irak depuis sa grande offensive en 2014[126].

Unités de mobilisation populaire célébrant la victoire de la bataille de Falloujah.

Le , l'armée irakienne lance l'offensive contre Falloujah ; après plus d'un mois de combats et plusieurs milliers de morts, la ville est reprise le [127]. À la fin de la même année, le gouvernement engage la bataille de Mossoul et mobilise jusqu'à 100 000 hommes et remporte une victoire décisive en juillet 2017, après huit mois de combat, la destruction presque complète de la vieille ville et de nombreuses pertes civiles. Contrairement à d'autres batailles, aucune voie de sortie n'est offerte aux djihadistes qui se battent jusqu'au bout, la priorité pour les Iraniens et Occidentaux étant d'éviter qu'ils ne se regroupent en Syrie[128].

Le samedi , Haïdar al-Abadi, Premier ministre irakien, annonce une « victoire » contre l'État islamique et informe que la guerre contre l'EI en Irak est finie[129]. Cependant, l'EI aurait encore, selon les experts, des armes et des caches dans les zones désertiques du pays[130],[131].

En 2023, il y avait en moyenne neuf attaques par mois dans ce pays, contre environ 850 par mois en 2014[52].

Le , les autorités irakiennes annonce avoir tué 9 membres de l'État islamique dont Jassim al-Mazrouei, connu sous le nom d'Abou Abdel Qader, le chef de l’organisation dans ce pays depuis moins d'un an[132].

Syrie

2013

En noir, le territoire contrôlé par Daech en janvier 2014, au moment de la « fitna » avec les groupes rebelles.

À partir de 2013, l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) intervient dans la guerre civile syrienne. De nombreux combattants d'al-Nosra et la plupart des djihadistes étrangers rallient rapidement le mouvement[65] qui s'implante dans le centre-est du pays, en particulier à Jerablus et Raqqa. Il disposerait à ses débuts en Syrie de 7 000 hommes[65].

En Syrie, les forces de l'État islamique en Irak et au Levant sont commandées par Abou Mohammed al-Adnani. Un autre chef important, l'Irakien Chaker Wahiyib al-Fahdaoui combat également en Syrie, sa présence étant révélée en août 2013 après la publication d'une vidéo où il exécute à visage découvert trois chauffeurs routiers alaouites[133]. En , un combattant d'Ahrar al-Sham aurait été décapité par des djihadistes de l'EIIL qui l'auraient pris pour un chiite. Le porte-parole du mouvement présentera ses excuses[134].

2014

L'année 2014 marque le début des conquêtes de l'État islamique en Syrie et sa rupture complète avec la rébellion syrienne. L'assassinat le d'un commandant d'Ahrar al-Cham par des djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant déclenche deux jours plus tard un conflit général entre l'organisation djihadiste et les rebelles[135],[136],[137],[138]. Dans l'ouest du gouvernorat d'Alep et le gouvernorat d'Idleb, les rebelles ont l'avantage : l'EIIL est chassé d'Alep le , puis de Tall Rifaat le 14, avant d'abandonner Azaz, Marea et la base aérienne de Menagh le [139],[140],[138],[141]. En revanche, l'État islamique prend l'ascendant dans le gouvernorat de Raqqa et l'est du gouvernorat d'Alep[141] : les rebelles sont repoussés à Tall Abyad le , à Raqqa le 13 et à Jerablus le 17[142],[138],[143]. Ces combats font des milliers de morts en quelques semaines et de nombreuses exécutions sommaires sont commises ; les djihadistes du Front al-Nosra, affiliées à al-Qaïda, qui sont capturés par l'EIIL ne sont pas épargnés[141],[142]. Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l'EIIL, appelle alors ses hommes à anéantir les rebelles et déclare à ces derniers : « Aucun de vous ne survivra, et nous ferons de vous un exemple pour tous ceux qui pensent suivre le même chemin ». Le mouvement se considère désormais également en guerre contre le Conseil national syrien : « Chaque membre de cette entité est une cible légitime pour nous, à moins qu'il ne déclare publiquement son refus de […] combattre les moudjahidines »[144].

Les combats entre l'EIIL et les rebelles se poursuivent ensuite dans l'est. Début , l'EIIL est chassé temporairement du gouvernorat de Deir ez-Zor par le Front Al-Nosra, le Front islamique et d'autres brigades rebelles unies[145]. Mais le , l'EIIL lance depuis Raqqa une contre-offensive générale sur le gouvernorat de Deir ez-Zor[146],[147] : le , les djihadistes se rendent maîtres de Boukamal[148] ; le , ils prennent Mayadine et le champ pétrolier d'al-Amr[149],[150] et le , le Front al-Nosra et Ahrar al-Cham abandonnent leurs positions dans la ville de Deir ez-Zor[151]. L'État islamique contrôle alors la totalité du gouvernorat de Deir ez-Zor, à l'exception de la partie ouest de la ville de Deir ez-Zor qui reste tenue par les forces loyalistes assiégées[151].

Char de l’État islamique à Raqqa.

En juillet et en août, parallèlement aux combats à Deir ez-Zor, l'État islamique inflige également d'importants revers aux forces du régime syrien dans le centre du pays : le , les djihadistes prennent d'assaut la base de la division-17 au nord de Raqqa[152] ; le , ils s'emparent de la base de la brigade 93 à Aïn Issa[153] ; le , la base aérienne de Tabqa tombe à son tour[154],[155]. Au terme de ces combats, le gouvernorat de Raqqa est alors entièrement contrôlé par l'État islamique[154].

Le , l'État islamique passe ensuite à l'offensive contre les forces kurdes des YPG : ils prennent près de 400 villages en deux semaines, pénètrent dans la ville le et s'emparent de son centre quatre jours plus tard[156],[157]. Cependant la coalition internationale menée par les États-Unis lance ses premières frappes aériennes en Syrie dans la nuit du 22 au , après avoir débuté celles en Irak le [158]. Dans la nuit du 23 au , elle bombarde pour la première fois les djihadistes dans la région de Kobané ; son intervention change le cours de la bataille[159],[160],[161]. En octobre et novembre, les Kurdes parviennent à contenir l'avancée de l'État islamique ; puis, en décembre ils commencent à regagner du terrain[162],[163]. Le , les YPG reprennent le contrôle total de Kobané[161],[164]. L'État islamique, qui commençait à bénéficier d'une réputation d'invincibilité, subit alors sa première grande défaite[165].

2015

En 2015, l'État islamique commence à subir d'importants revers. Le , ses troupes se retirent de Kobané[161]. Puis, dans le gouvernorat d'Hassaké, les Kurdes des YPG lancent le une offensive dans la région de Tall Hamis (en), à l'est de la ville d'Hassaké[166], à laquelle les djihadistes répondent deux jours plus tard par une autre offensive dans la région de Tall Tamer, à l'ouest d'Hassaké[167]. L'État islamique est cependant battu sur les deux fronts : soutenus par les forces aériennes de la coalition, les Kurdes s'emparent de Tall Hamis le [168], avant de chasser les djihadistes de la région de Tall Tamer le [169]. L'État islamique repart alors à l'attaque le , en attaquant cette fois directement la ville d'Hassaké, contrôlée au sud par le régime syrien et au nord par les Kurdes[170]. Les djihadistes lancent une succession d'assaut : ils entrent dans la ville le [171], avant d'en être repoussé le 7[172], puis ils relancent l'offensive le 24, enfoncent les défenses du régime syrien et entrent de nouveau dans la ville[173]. L'intervention des Kurdes des YPG finit cependant par repousser définitivement les djihadistes hors des murs de la ville le [174].

Pendant ce temps, les Kurdes progressent également dans le gouvernorat de Raqqa : ils prennent Tall Abyad, ce qui leur permet de faire la jonction entre leurs forces de Kobané et celle d'Hassaké[175]. Les Kurdes commencent ensuite à se rapprocher de Raqqa en s'emparant d'Aïn Issa le [176] et de Sarrine le [177]. Enfin en octobre, les YPG et plusieurs groupes rebelles syriens se rassemblent au sein des Forces démocratiques syriennes[178]. En novembre, cette alliance remporte une nouvelle victoire contre les djihadistes à al-Hol, au sud-est d'Hassaké[179] ; puis le , elle s'empare du barrage de Tichrin, sur l'Euphrate[180].

En difficulté contre les Kurdes en raison du soutien aérien apporté à ces derniers par la coalition, l'État islamique continue cependant de progresser sur d'autres fronts. En avril, il apparaît dans la banlieue sud de Damas en prenant aux rebelles la majeure partie du quartier de Yarmouk, ce qui lui permet d'établir une poche aux abords de la capitale[181]. Mais surtout, les djihadistes réalisent une vaste avancée face aux troupes du régime syrien dans le gouvernorat de Homs : du 13 au , ils mènent une offensive qui leur permet de s'emparer des villes d'Al-Soukhna, de Tadmor et du site de Palmyre[182] ; puis le , ils s'emparent d'Al-Qaryatayn, au sud-est de Homs[183].

Enfin dans le nord du gouvernorat d'Alep, l'État islamique mène contre l'Armée syrienne libre plusieurs offensives entre mai et septembre près d'Azaz et Marea ; les djihadistes réalisent quelques gains mais ne parviennent pas à s'emparer de ces deux villes[184],[185].

2016

En 2016, les Forces démocratiques syriennes soutenues par la coalition continuent de progresser contre l'État islamique. Elles remportent en février une première victoire à Al-Chaddadeh, dans le gouvernorat d'Hassaké avant de concentrer leurs forces dans l'est du gouvernorat d'Alep[186]. Le , les FDS franchissent l'Euphrate à Sarrine et Tichrine[187], encerclent la ville le Manbij le [188] et s'en emparent le [189]. L'armée turque et l'Armée syrienne libre lancent alors une offensive depuis la Turquie, baptisée Bouclier de l'Euphrate : elles commencent par prendre Jarablus le , puis progressent en direction d'al-Bab qu'elles espèrent prendre à l'État islamique avant les FDS[190],[191]. Le , l'État islamique perd son dernier village sur la frontière turque[192]. Le , les FDS lancent ensuite une grande offensive visant à s'emparer de Raqqa, la plus importante ville contrôlée par l'État islamique en Syrie[193]. Pendant ce temps la situation n'évolue guère sur les lignes de front entre le régime syrien et l'État islamique : en février les loyalistes repoussent les djihadistes à Khanasser[194], puis ils reprennent Palmyre le [195] et Al-Qaryatayn le [196] ; mais en juin, l'État islamique repousse une offensive du régime à Tabqa[197] avant de reprendre Palmyre pour la seconde fois le [198].

2017

Bâtiments de Raqqa détruits par les combats en 2017.

En 2017, l'État islamique s'effondre en Syrie. Le , dans le gouvernorat d'Alep, l'armée turque et les rebelles de l'Armée syrienne libre commencent par reprendre al-Bab, après plus de deux mois de combats[199]. De leur côté, les Forces démocratiques syriennes soutenues par la coalition continuent de progresser dans le gouvernorat de Raqqa : le , elles prennent Tabqa et son barrage[200] ; le , elles entrent dans Raqqa et s'en emparent en totalité le [201],[202]. Le régime syrien passe également à l'offensive dans les régions désertiques de la Badiya avec le soutien de la Russie, du Hezbollah et des milices chiites irakiennes et afghanes parrainées par l'Iran : le , les loyalistes commencent par reprendre Palmyre[203] ; le , ils reprennent Al-Soukhna[204] ; le , ils brisent le siège de Deir ez-Zor[205] ; puis Mayadine est reprise le [206]. Après avoir été assiégée pendant plusieurs années, la ville de Deir ez-Zor est entièrement reconquise par le régime le [207]. Les forces du régime syrien et les Forces démocratiques syriennes se livrent ensuite à une course de vitesse pour s'emparer du gouvernorat de Deir ez-Zor : les premiers prennent le contrôle de la rive ouest de l'Euphrate et les seconds de la rive est[208],[209]. Boukamal, la dernière ville d'importance tenue en Syrie par l'État islamique est prise le par le Hezbollah et l'armée syrienne[209]. L'État islamique ne contrôle alors plus sur le territoire syrien que quelques petites poches dispersées[210].

2018

En Syrie, l'État islamique réapparaît le dans le nord gouvernorat de Hama : repoussé par l'armée syrienne lors de l'offensive de la Badiya, plusieurs centaines de djihadistes attaquent des villages rebelles après avoir traversé les zones tombées aux mains du régime syrien[211]. Puis le , les hommes de l'EI reprennent pied dans le gouvernorat d'Idleb pour la première fois depuis près de quatre ans[212]. La poche formée par les forces de l'EI tombe cependant en février 2018 sous les attaques de l'armée syrienne d'une part et d'Hayat Tahrir al-Cham d'autre part[213],[214].

Le , l'État islamique perd une autre petite poche tenue depuis 2015 à Yarmouk, au sud de Damas[215]. Les djihadistes acceptent d'abandonner Yarmouk au régime et sont en échange évacués vers l'Est[216]. Ils forment une nouvelle poche dans le gouvernorat de Soueïda, d'où ils lancent des attaques contre les Druzes[216].

Dans le sud-est du gouvernorat de Deraa, la poche tenue par l'Armée Khalid ibn al-Walid, affiliée à l'EI, est également entièrement reprise le par l'armée syrienne, épaulée par d'ex-rebelles du Front du Sud[217].

Les combats se poursuivent également dans le gouvernorat de Deir ez-Zor, où les djihadistes poursuivent leurs attaques contre l'armée syrienne sur la rive ouest de l'Euphrate, tandis que les Forces démocratiques syriennes appuyées par la coalition peinent à s'emparer des derniers villages tenus par l'EI.

2019

Familles de combattants de l'État islamique se rendant aux Forces démocratiques syriennes à Baghouz, le .

Dans le gouvernorat de Deir ez-Zor, les forces de l'État islamique se retrouvent acculées en janvier dans une ultime poche de résistance près de Baghouz[218]. Après la conclusion vers la mi-février d'un accord et d'une trêve entre les Forces démocratiques syriennes et l'État islamique, des dizaines de milliers d'hommes de femmes et d'enfants sont évacués du réduit par vagues pendant plusieurs semaines[219],[220]. Le réduit de Baghouz tombe en totalité aux mains des FDS le [221]. Sa prise marque la fin du « califat » de l'État islamique qui ne contrôle alors plus aucun territoire en Syrie et en Irak[221],[222]. Cependant l'organisation conserve des cellules clandestines dans les villes et des combattants cachés dans les régions désertiques qui se convertissent à la guérilla[221],[223],[224].

Environ 10 000 djihadistes de l'État islamique sont faits prisonniers par les Forces démocratiques syriennes, dont 8 000 Syriens et Irakiens et 2 000 étrangers, auxquels s'ajoutent 70 000 femmes et enfants de djihadistes, dont 10 000 étrangers[225].

2023

Dans toute la Badiya syrienne, ou désert central, l'État islamique s'est attaché à attaquer les forces de sécurité du régime syrien le long des principales routes et à l'extérieur du vaste réseau d'installations pétrolières et gazières de la région. L'ampleur et la sophistication de ces attaques se sont nettement accrues en 2023, tout comme leur caractère meurtrier. Selon le Counter Extremism Project, en 2023, il a mené au moins 212 attaques dans la région désertique centrale de la Syrie, tuant au moins 502 personnes. Alors que les menaces secrètes et les attaques manifestes se multiplient, des rapports font état de désertions de plus en plus fréquentes dans les rangs du régime syrien[52].

2024

Dans le cadre de sa campagne mondiale visant à « les tuer où que vous les trouviez », le groupe a mené et revendiqué 35 attaques dans sept des 14 provinces syriennes au cours des dix premiers jours de 2024, sur un total de 100 attaques dans le monde[52].

Afghanistan et Pakistan

Des combattants de l'État islamique lors de leur reddition aux forces afghanes après la bataille de Darzab, en juillet 2018.

Le Mouvement pour le Califat et le Jihad, au Pakistan, se rallie à l'EI le , puis le bataillon al-Tawheed, en Afghanistan, en et la Brigade de l'Islam dans le Khorassan, en Afghanistan[226],[9]. Le , le Tehrik-e-Taliban Pakistan annonce apporter son soutien à l'État islamique, indiquant qu'ils allaient leur « fournir des moudjahidines »[227].

En 2014-2015, une dizaine de chefs talibans pakistanais et afghans[228]. annoncent ou renouvellent leur allégeance à l'EI[229]. Fin janvier 2015, l'État islamique annonce officiellement la création de la province Khorassan[230].

Cette implantation de l'EI, bien qu'encore embryonnaire, est cependant mal vue par les talibans afghans qui, le , écrivent une lettre à Abou Bakr al-Baghdadi pour lui demander de cesser ses « ingérences » en Afghanistan, où des combats ont opposé les deux groupes en certaines occasions[231],[232]. En se proclamant « émir des croyants » Abou Bakr al-Baghdadi est entré en concurrence avec Haibatullah Akhundzada, également considéré comme tel par les talibans et Al-Qaïda[228],[233].

L'État islamique parvient à s'implanter dans la province de Kounar, et surtout dans la province de Nangarhar qui devient son principal bastion[230]. En revanche, les combattants de l'EI en Afghanistan sont rapidement écrasés par les talibans dans les provinces de Farah, Logar et Zabol[230]. Beaucoup d'entre eux sont faits prisonniers et exécutés en novembre 2015[230]. Désormais dépourvu de bases territoriales, l'État islamique intensifie son terrorisme urbain, en ciblant principalement les forces gouvernementales et les Hazaras[230],[234].

En août 2019, l'EI organise un attentat contre un mariage chiite à Kaboul, tuant 91 personnes. Dans les provinces où il s’est implanté, ses combattants se livrent régulièrement à des exactions contre les villageois[235].

Hafez Saïd Khan, chef de l'État islamique en Afghanistan et au Pakistan, est tué par un tir de drone américain le , dans le district d'Achin, dans la province de Nangarhar[236],[237]. Le , le troisième chef de l'EI en Afghanistan, Abou Sayed, est tué par une frappe américaine contre son QG dans la province de Kunar[238]. Abou Omar Khorasani reprend la tête de la branche afghane de l'EI en avril 2020[239], avant d'être arrêté à son tour à Kaboul, un mois plus tard[240]. En août 2021, Abou Omar Khorasani est exécuté par les talibans quand ces derniers s'emparent de la prison de Pul-e-Charkhi[230].

Le 26 août, l'État islamique revendique deux attentats suicides proches de l'aéroport de Kaboul. L'Espagne, ainsi que l'Allemagne, le Canada et l'Australie ont arrêté les évacuations du pays[241]. La Suède et la Grande-Bretagne ont mis un terme à leurs évacuations. La France prévoit de les arrêter le 27 août au soir. La Russie condamne ces attentats. Le général Kenneth McKenzie, chef du commandement central américain chargé de l'Afghanistan annonce le 27 août : « Si nous pouvons trouver qui est lié à cela, nous nous lancerons à leur poursuite », ce qui peut indiquer une reprise de l'engagement américain en Afghanistan (alors que l'évacuation complète des troupes américaines est prévue pour le 31 août 2021)[242]. Joe Biden annonce également vouloir « pourchasser » les auteurs de ces attentats[243].

Fin juillet 2023, dans le nord-ouest du Pakistan, le groupe État islamique revendique un attentat perpétré lors d'un meeting politique du parti religieux conservateur Jamiat Ulema-e-Islam (JUI-F), allié clef de la coalition gouvernementale. Celui-ci fait au moins 54 morts[244].

Asie du Sud-Est

Jamaah Ansharut Tauhid et son chef Abou Baker Ba'asyir en Indonésie, se rallient à l'EI en , mais une partie du mouvement fait scission en réaction[226],[9]. L'organisation indonésienne Mujahidin Indonesia Timur (en) (MIT) a fait allégeance à L'État islamique en 2014. Cette organisation a été fondée par Syaikh Abu Wardah Santoso, tué dans le département de Poso (province du Sulawesi central) le par les forces spéciales indonésiennes[245].

En , aux Philippines, Abou Sayyaf, Ansar al-Khilafah dit aussi Ansarul Khilafa[226],[9] et les Combattants islamiques pour la liberté de Bangsamoro (en), font allégeance à l'État islamique[246]. Isnilon Hapilon, dirigeant d'Abou Sayyaf, est désigné par l’EI comme émir régional pour l’Asie du Sud-Est et comme « combattant autorisé à commander les soldats de l’État islamique des Philippines »[247]. Bien que plusieurs factions philippines prêtent allégeance à Daech, l’organisation ne les reconnaît pas en retour comme des « wilayas », ou franchises, et reconnaît seulement la relation formelle qu’entretiennent sa base et les djihadistes philippins[248]. Le Front Moro islamique de libération, qui se revendique comme modéré, dénonce l'extrémisme de l'EI et condamne « tout acte barbare et sauvage, qu'il soit le fait d'autres groupes dont l'Etat islamique (EI) ou de ses membres »[246]. L'EI commence à s'intéresser aux Philippines en 2016, lorsqu'il se retrouve en difficulté au Moyen-Orient[248].

Le leader et fondateur d'Ansar al-Khalfa, Mohammad Jaafar Maguid, 32 ans, est abattu le sur l'île de Mindanao[249]. Le , avec la bataille de Marawi, quatre groupes ayant fait allégeance à l'EI, parmi lesquels Abou Sayyaf figure comme le plus puissant, prennent le contrôle de plusieurs quartiers de Marawi (200 000 habitants, en quasi-totalité musulmans)[247]. En , Marawi est reprise aux djihadistes et l'armée philippine abat Isnilon Hapilon et Omarkhayam Maute, tous deux dirigeants de la rébellion, mais demeure à la recherche de Mahmud Ahmad (en), autre commandant rebelle[250]. Plus de 813 rebelles, 47 civils et 162 soldats ont été tués entre mai et octobre 2017 dans les affrontements selon le gouvernement[250].

Corne de l'Afrique

En , un des principaux chefs Al-Shabbaab, Abdiqadir Mumin, annonce prêter allégeance à l'État islamique[251],[252]. Mais la scission est peu importante, Abdiqadir Mumin ne rallie qu'une cinquantaine ou une centaine de combattants et doit s'enfuir dans le Puntland, sous la pression des shebabs[253],[254].

En 2016, un certain nombre de Kényans rejoignent l'État islamique[255]. En , un nouveau groupe baptisé « Jahba East Africa », composé d'anciens shebabs, prête allégeance à l'État islamique et annonce son intention de s'en prendre à des cibles en Somalie, au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda[253].

Égypte et bande de Gaza

Jund al-Khilafah en Égypte, se rallie à l'EI le [226],[9].

Ansar Bait al-Maqdis, le plus important groupe armé djihadiste égyptien, annonce son allégeance à l'État islamique le , et prend le nom de Wilayat Sinaï. Le groupe est principalement implanté dans le Sinaï[256].

Le , l'Armée de l'islam, à Gaza, annonce son allégeance à l'État islamique[257].

Le , l'armée égyptienne annonce, jeudi, avoir mené des frappes durant lesquelles a été tué un homme qu'elle présente comme le chef de la branche de l'organisation État islamique dans la péninsule du Sinaï[258].

Inde

Le , l'État islamique déclare avoir établi une « province » au Cachemire, en Inde, la « wilaya du Hind »[259].

Libye

En Libye, le groupe Majilis Choura Chabab al-Islam (Conseil consultatif de la jeunesse islamique), actif à Derna, annonce apporter son soutien à l'EI en [260]. Le , le Majilis Choura Chabab al-Islam, qui contrôle une partie de la ville de Derna, prête allégeance à l'État islamique[9]. Le , le groupe prend le contrôle d'une partie de la ville côtière de Syrte[261],[262], à l'est de Tripoli, où, à la mi-mars, des combats l'opposent à Fajr Libya[263]. Fin mai 2015, le groupe prend le contrôle de l'aéroport de Syrte[264]. Début , l'ensemble de la ville de Syrte est sous contrôle. Mais après des combats en juin et juillet, l'État islamique est chassé de Derna par des groupes djihadistes rivaux[265],[266]. Le , l'EI est finalement vaincu à Syrte après six mois de combats[267].

Sahel, Algérie et Tunisie

En noir, les zones d'influences de Daech au Sahel et Nigeria, fin 2023.

Le , Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) publie un communiqué dans lequel il rejette le califat de l'EI. Il dénonce une proclamation faite « sans consultation avec les chefs des moudjahidines » et demande à l'EI quel sort il réserve aux émirats autoproclamés, comme l'émirat islamique d'Afghanistan et l'émirat islamique du Caucase. AQMI déclare « vouloir un califat, dans la voie de la prophétie, sur la base de la choura (la consultation), et qui cherche à unir les musulmans et à épargner leur sang »[268]. Cependant en septembre, un groupe de combattants menés par Gouri Abdelmalek, dit Khaled Abou Souleïmane, émir de la région centrale en Algérie, fait scission d'AQMI et rallie l'EI. Le groupe se nomme Jund al-Khilafa (« Les Soldats du califat »)[269]. Et, quelques jours plus tard, la katiba Okba Ibn Nafaâ, active en Tunisie et liée à AQMI, annonce apporter son soutien à l'EI[270],[271]. Ce groupe perd rapidement son chef, Abdelmalek Gouri, tué par l'armée algérienne le [272]. Son successeur, Abou Abdallah Othman al-Asimi, est tué à son tour le [273],[274].

Le , une partie du groupe djihadiste Al-Mourabitoune, issue du MUJAO, annonce prêter allégeance à l'État islamique dans un communiqué signé par Adnane Abou Walid Al-Sahraoui[275],[276]. Mais deux jours plus tard, Mokhtar Belmokhtar dément l'allégeance d'Al-Mourabitoune à l'EI et déclare que le communiqué d'Al-Sahraoui « n'émane pas du Conseil de la Choura »[277]. Al-Mourabitoune se retrouve alors divisée en deux tendances, une centaine de combattants prêtent allégeance à l'EI[278]. Adnane Abou Walid Al-Sahraoui baptise son groupe « État islamique dans le Grand Sahara », mais pendant plus d'une année il ne fait l'objet d'aucune reconnaissance de la part du califat[253]. La première attaque revendiquée par Al-Sahraoui après son allégeance est commise le à Markoye, à la frontière du Mali et du Burkina Faso, où un douanier et un civil sont tués[279],[280]. Puis le , son groupe mène un assaut qui échoue contre la prison de Koutoukalé, au Niger[281]. L'État islamique reconnaît officiellement l'allégeance du groupe d'Al-Sahraoui le [282],[283].

Nigeria

Au Nigeria, jusqu'en , Boko Haram ne prend pas parti entre l'EI et al-Qaïda. Dans une vidéo diffusée le , Abubakar Shekau apporte son soutien à la fois à Abou Bakr al-Baghdadi, calife de l'État islamique, à Ayman al-Zawahiri, émir d'Al-Qaïda et au Mollah Omar, chef des Talibans[284]. Finalement, le , Abubakar Shekau prête allégeance à l'EI[285]. Il tient alors plusieurs villes dans le Nord-Est du Nigeria, principalement dans l'État de Borno, avec des incursions au Cameroun, au Niger et plus rarement au Tchad. Depuis janvier, les djihadistes nigérians font alors face à une offensive des armées nigérianes, tchadiennes, camerounaises et nigériennes[285],[286]. Le , d'après le journal Le Monde, « selon certains services de renseignement occidentaux, Daech aurait récemment reproché à son « disciple » son oisiveté ». L'État islamique voudrait voir Boko Haram étendre son rayon d’action au sud du Nigeria, plus cosmopolite et plus fréquenté par les expatriés du monde entier[287].

En août 2016, l'État islamique en Afrique de l'Ouest se scinde en deux. Le , l'État islamique présente Abou Mosab al-Barnaoui comme le Wali et le chef de ses forces en Afrique de l'Ouest[288]. Abubakar Shekau, l'ancien chef de Boko Haram, jugé trop extrémiste, est écarté par l'EI[289],[290]. Mais Shekau refuse sa défection. Dans une vidéo rendue publique le , il se présente en tant que chef du Groupe sunnite pour la prédication et le djihad, l'ancien nom officiel de Boko Haram[291]. S'il reconnaît toujours Abou Bakr al-Baghdadi comme le « calife des musulmans », il critique Abou Mosab al-Barnaoui qu'il qualifie de « déviant » et affirme qu'il ne suivra plus « aveuglément » certains émissaires de l'EI[292]. La plupart des combattants de l'ex-Boko Haram prennent cependant le parti d'al-Barnaoui[289].

Mozambique

En , l'État islamique déclare être présent au Mozambique et être impliqué dans les combats qui secouent le nord du pays depuis fin 2017[293].

Le 27 mars 2021, des djihadistes ayant fait allégeance à l'État islamique s'emparent après trois jours de combats de la ville de Palma, dans la province de Cabo Delgado[34].

Le , Ansar Al-Sounnah prend le contrôle de la capitale provinciale Mocímboa da Praia, le groupe contrôle la ville pendant plus d'un an avant d'être reprise le par une coalition régionale après plusieurs jours de combat intense[294].

République démocratique du Congo

Une attaque, commise le contre une caserne à Bovota, près de Kamango et ayant coûté la vie à deux soldats, est la première revendiquée par l'État islamique en république démocratique du Congo[31],[295]. L'EI entretient des liens avec les Forces démocratiques alliées[295].

Depuis la déclaration de l'État islamique de son implantation au Congo via les ADF le 2019, les revendications d'attaques par les médias de l'État islamique se multiplient[296].

Entre avril 2019 et mars 2020, le groupe revendique 33 attaques. A partir du , l'État islamique en Afrique centrale revendique 25 attaques. Cette multiplication des revendications prouve les liens entre les ADF et l'État islamique selon plusieurs chercheurs[297].

Le , l'armée congolaise annonce avoir perdu au moins 2 000 militaires depuis octobre 2014 dans la région de Beni, dans l'est de la république démocratique du Congo, lors de combats contre des rebelles d'origine ougandaise des Forces démocratiques alliées (ADF)[298],[299].

Russie, Caucase et Asie centrale

Le , une partie de l'émirat du Caucase annonce prêter allégeance à l'État islamique. Abou Mohamed al-Adnani, porte-parole de l'EI, annonce dès le que l'allégeance est acceptée[300],[301]. Cependant, cette déclaration fut rejetée par les dirigeants de l'Émirat[302].

Les 31 juillet et , le Mouvement islamique d'Ouzbékistan publie deux vidéos dans lesquelles il annonce prêter allégeance à l'État islamique[303],[304].

Le , les services de sécurité russe (FSB) ont annoncé avoir saisi le « des explosifs et des armes lors de perquisitions dans les régions de Sverdlovsk, Tioumen et Tchéliabinsk dans le cadre du démantèlement d'un vaste groupe de propagande en ligne de l'organisation Etat islamique ». Selon eux, cette communauté en ligne regroupait « plus de 100 000 membres dispersés en Russie, en Asie centrale et au Proche-Orient ayant pour but de recruter des combattants terroristes et recueillir des dons afin de financer le groupe terroriste »[305].

Yémen

Carte de la guerre civile du Yémen, situation en .

Ansar Dawlat al-islammiyya, au Yémen, se rallie à l'EI le [9],[226].

Début janvier 2016, l'EI prend le contrôle de la ville de Lawdar, près d'Aden[306].

Autres régions

Ansar Dawlat al-Khilafah au Liban, al-I'tisam du Coran et de la Sounna au Soudan[9],[226] et Ansar al-Tawheed en Inde se sont ralliés à l'État islamique[9],[226].

Idéologie

L'EI est un mouvement salafiste djihadiste, particulièrement hostile aux chiites. Son objectif est le rétablissement du califat des Abbassides, c'est-à-dire un État musulman s'étendant de l'Afrique du Nord à l'Asie centrale[307].

Cette idéologie s'inscrit dans une mutation des États arabes, d'un modèle laïque vers des modèles confessionnels et communautaristes : le régime baasiste de Saddam Hussein, initialement laïc, a commencé à se présenter comme le défenseur de l'islam sunnite contre l'« hérésie » chiite à partir de la guerre Iran-Irak. Cette idéologie s'est radicalisée au cours des décisions politiques des gouvernements suivants[308],[309].

Les salafistes djihadistes de l'État islamique sont également qualifiés de « takfiri » ou de « kharidjites » par leurs adversaires musulmans, en particulier par les chiites et les salafistes quiétistes[310],[311],[312]. Des termes que les membres de l'État islamique rejettent[313].

L'État islamique connait également des divisions idéologiques internes[314],[315],[316]. Dès 2014, apparaît le courant des « hazimistes » du nom d'Ahmad Ibn Omar al-Hazimi, un théologien saoudien emprisonné dans son pays à partir de 2015, connu pour prêcher « l'excommunication pour les indulgents »[314],[315],[316]. Ses partisans réclament alors l'application du takfir (excommunication) contre ceux qui refusent ou hésitent à déclarer takfir les « mauvais croyants »[314]. L'État islamique publie à partir de 2016 plusieurs communiqués condamnant la doctrine d'al-Hazimi et ses partisans sont qualifiés d'« extrémistes »[316],[314]. Le terme d'« hazimistes » est cependant généralisé par l'État islamique pour qualifier toutes les mouvances de sa dissidence radicale[316].

Stratégie

La stratégie de l’État islamique n'est pas uniquement le résultat de concours de circonstances, ni de pulsions destructrices de ses combattants, elle découle d'une réflexion sur le long terme, inscrite dans l'histoire des mouvements djihadistes. Et c'est en appuyant sur ce point que, progressivement, l'EI chercherait à se construire une autorité, et démontrer qu'il fonctionne en 2016, non pas comme un groupe, une jamâ'a, mais bien comme un État[317],[318],[319],[320].

Favoriser le chaos : « l'administration de la sauvagerie »

L'EI suit une stratégie élaborée par des idéologues islamistes depuis le début des années 2000 et diffusée sur des sites d'internet. Un opuscule rédigé entre 2002 et 2004 par un certain Abou Bakr al-Naji et intitulé « L'administration de la sauvagerie : l'étape la plus critique à franchir par la Oumma », a un succès particulièrement important parmi les mouvements djihadistes. L'auteur détaille la stratégie grâce à laquelle les groupes djihadistes seront selon lui en mesure de s'imposer territorialement face aux régimes arabes et musulmans, d'une part, face aux Américains et aux Occidentaux, d'autre part[317],[320]. Selon Wladimir Glasman[321], ancien diplomate et auteur d'études sur les mouvements islamiques :

« L'ouvrage soutient qu'en provoquant un déchaînement de violence dans les pays musulmans, les djihadistes contribueront à l'épuisement des structures étatiques et à l'instauration d'une situation de chaos ou de sauvagerie. Les populations perdront confiance en leurs gouvernants, qui, dépassés, ne sauront répondre à la violence que par une violence supérieure. Les djihadistes devront se saisir de la situation de chaos qu'ils auront provoquée et obtenir le soutien populaire en s'imposant comme la seule alternative. En rétablissant la sécurité, en remettant en route les services sociaux, en distribuant nourriture et médicaments, et en prenant en charge l'administration des territoires, ils géreront ce chaos, conformément à un schéma de construction étatique hobbesien. À mesure que les « territoires du chaos » s'étendront, les régions administrées par les djihadistes se multiplieront, formant le noyau de leur futur califat. Convaincues ou non, les populations accepteront cette gouvernance islamique[317]. »

Le plan d'Abou Bakr al-Naji obéit à trois étapes ; la première, harceler l'ennemi continuellement, notamment par le biais d'attentats, pour l'affaiblir moralement et matériellement. La deuxième, « l'administration de la sauvagerie », est la plus importante, elle doit avoir lieu après la chute d'un ou de plusieurs États, et de la période de chaos qui suit. Selon Nabil Mouline, chargé de recherche au CNRS :

« Pour reconstituer l’unité originelle de la communauté islamique […] les leaders jihadistes devront recourir essentiellement à trois ingrédients : la violence extrême, la bonne gestion des territoires soumis et la propagande. Terroriser les ennemis et les populations soumises serait l’un des meilleurs moyens pour conquérir des territoires et les conserver. Il serait donc licite d’employer les techniques les plus terrifiantes (massacre, enlèvement, décapitation, crucifiement, flagellation, amputation, bûcher, lapidation, etc.) pour la cause.

Une fois la plateforme sanctuarisée, il faudrait bien l’administrer en assurant la sécurité, la nourriture, la santé, la justice et l’enseignement. Autrement dit, créer une structure étatique qui aurait pour principale mission de faire appliquer la charia dans tous les domaines.

Afin de légitimer la politique de la terreur et donner à voir la bonne gouvernance du chaos, la propagande serait l’outil privilégié. Tout doit être fait pour frapper les esprits et catalyser l’imaginaire du plus grand nombre. La maîtrise des outils de communication les plus modernes par les membres de l’organisation Etat islamique laisse penser que ce conseil, comme le premier d’ailleurs, a été pris très au sérieux[320] ! »

La troisième et la dernière étape est la proclamation du califat[320].

Selon Myriam Benraad, la violence de l'État islamique a pour origine l'humiliation dont la communauté sunnite estime avoir été victime depuis l'invasion américaine, dans une logique selon laquelle le groupe entend « rendre la violence dans des proportions équivalentes à celle qu'[il] estime lui avoir été infligée ». Elle souligne d'une manière générale « la capacité des courants islamistes à incarner une alternative » face à l'humiliation ressentie par les populations du Moyen-Orient et du monde arabe et musulman, « en réaction à des régimes autoritaires et répressifs, ainsi qu'à des influences extérieures jugées indésirables et néfastes »[322].

Internationaliser le conflit

L'autre axe stratégique, selon Pierre-Jean Luizard, est une internationalisation du conflit. Pour ne pas se contenter des poches du territoire communautaire et confessionnel arabe sunnite initialement contrôlé en Irak, l'EI choisit d'une part d'occuper les zones frontalières avec la Syrie, l'Arabie Saoudite, et la Jordanie, et d'autre part de provoquer l'Occident à travers la politique du pire et les atteintes aux droits des minorités (religieuses…) pour l'impliquer dans le conflit. Ces actes s'accompagnent d'attentats islamistes réalisés dans des pays en paix. Les actes s'accompagnent aussi d'une propagande insistant sur l'histoire coloniale, pour présenter les musulmans comme les éternelles victimes de l'Occident, permettant de dépasser les bases territoriales locales, et de présenter comme un universalisme séduisant l'opposition entre musulmans et mécréants. Finalement, l'un des objectifs est atteint, avec la formation « d'une coalition militaire dirigée par les Américains, et ce, avant même que cette coalition ait pu définir le moindre objectif politique pour la région »[323].

Programme

Le programme de gouvernance islamique serait axé sur trois points principaux : développer la religiosité des masses, faire de la religion l'ordre social et politique, et former militairement les jeunes afin de constituer une société militarisée. Aucune place ne devant être laissée à la contestation, le but n'étant pas de gagner la sympathie des masses, mais a minima de neutraliser leur opposition et d'interdire leur rejet, le temps et les circonstances faisant qu'à terme elles n'auront pas d'autre choix que de se rallier à cette administration[317].

Appui sur les populations locales et image

Face aux difficultés d'application sur le terrain, en 2010 un complément stratégique a été rédigé, planifiant la reconquête des territoires éventuellement perdus : « le Plan stratégique pour renforcer la position politique de l’État islamique d'Irak ». Ce plan insiste sur : la nécessité de se faire des alliés idéologiques locaux ou tribaux, ce qui semble en bonne voie en Irak, mais pas en Syrie ; recommande de faire de l'ennemi « intérieur » la priorité, en faisant peur par la médiatisation d'exécutions sommaires ; mener une politique de la terre brûlée sur les territoires où ses ennemis sont présents ; organiser des assassinats ciblés de personnalités influentes et de leaders militaires ; développer une véritable stratégie médiatique, visant entre autres à faire de l'émir de l'EI un dirigeant médiatiquement exemplaire ayant une légitimité politique et, plus encore, religieuse tout en donnant l'impression d'une structure froide, ayant l'apparence d'un État et dont la mort du chef ne signifierait pas la fin ; rassurer les non-musulmans, ce qui est un échec jusqu'à présent[317].

En cohérence avec cette stratégie explicitée, l'EI ne ferait pas des attaques terroristes dans le monde entier sa priorité mais souhaiterait, avant tout, recruter des « citoyens » pour son État, des immigrants — muhâdjirûn —, afin qu'ils participent à la construction du califat. Le public visé par sa propagande ne se réduit pas aux hommes aptes à combattre, mais aussi « aux juges, aux personnes ayant une expertise dans les domaines militaire et administratif ou dans les services, aux médecins et aux ingénieurs de toutes spécialités ». L'objectif est d'organiser et d'administrer ce proto-État qu'est concrètement devenu l'EI en 2015[317].

Armée de l'État islamique

Tactiques militaires

Selon l'historien Stéphane Mantoux : « Militairement, l'EI est un objet inclassable, hybride pour les spécialistes : ni guérilla ou insurrection, ni armée régulière, mais une tactique qui se situe quelque part entre les deux ». L'organisation djihadiste a recours à de petites escouades très autonomes. Les assauts sont généralement menés par des véhicules-suicides blindés conduits par des kamikazes, suivis par des combattants d'élite, les Inghimasi, équipés d'armes légères et de ceintures explosives qu'ils peuvent actionner en dernier recours. Ces assauts coûtent cependant de lourdes pertes, d'autant que les djihadistes engagent généralement leurs troupes d'élite en première ligne et n'hésitent pas à attaquer un adversaire largement supérieur en nombre. Ils sont également vulnérables aux forces aériennes, contre lesquelles ils n'ont pas d'armement efficace. Pour Stéphane Mantoux, « il faut noter cependant que l'EI est capable d'affronter des adversaires très différents sur une quantité de fronts importante, et de souvent faire jeu égal »[324],[325].

Nombre total de combattants

En mai 2014, Christophe Ayad, journaliste au Monde, évalue les forces de l'EIIL à environ 10 000 hommes en Irak et 7 000 à 8 000 en Syrie[326].

Début 2014, Charles Lister, chercheur au Brookings Doha Centre, estime que l'EIIL compte de 5 000 à 6 000 combattants en Irak et de 6 000 à 7 000 en Syrie[35].

Selon Romain Caillet, le mouvement compte 8 000 à 10 000 hommes en Irak[327]. Il précise : « En Irak, il s'agit à 90 % d'Irakiens, tandis qu'en Syrie on a 50 % de combattants locaux auxquels s'ajoutent des étrangers venus du Maghreb, du Golfe, des Balkans, de la diaspora tchétchène et des Occidentaux venus d'Europe ou des États-Unis »[328]. Parmi ces djihadistes étrangers se trouvent des personnes venant de pays musulmans (Pakistan, Tchétchénie) ou à majorité musulmane (Indonésie, Bosnie-Herzégovine, Serbie) qui représentent 10 % des combattants en Syrie. Mais on dénombre aussi des djihadistes européens qui viennent surtout de Belgique, de France et du Royaume-Uni (ils sont environ 2 000)[329].

En , Romain Caillet revoit ses estimations à la hausse, il déclare que : « avant la prise de Mossoul, l'EI comptait environ 20 000 hommes, en Syrie et en Irak. Étant donné qu'il a libéré de nombreux prisonniers et qu'il a bénéficié de ralliements, il a sans doute environ 25 000 hommes à l'heure actuelle »[330]. Puis en , il estime que l'EI compte désormais 65 000 à 80 000 hommes, forces en Libye et au Sinaï incluses[41].

Début , le journal britannique The Daily Telegraph indique que selon Hicham al-Hachemi, un analyste irakien ayant eu accès à des documents de l'État islamique saisis par les forces de sécurité irakiennes, environ 25 000 combattants auraient prêté allégeance en Irak à l'État islamique[36].

En , Yves Boyer, professeur de relations internationales à l'École polytechnique et directeur-adjoint à la FRS, estime entre 20 000 et 30 000 le nombre des combattants de l'EI[331].

Le , l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) affirme que les effectifs de l'État islamique sont désormais de 50 000 hommes en Syrie. Parmi ceux-ci 20 000 sont étrangers et 6 000 ont été recrutés pour le seul mois de juillet[38].

Vers le milieu de l'année 2014, la CIA estime les forces de l'EI de 20 000 à 31 000 combattants en Syrie et en Irak[37]. À l'été 2015, cette estimation monte à environ 30 000 ou 40 000 combattants[40].

Selon Hicham al-Hachemi, expert en sécurité et conseiller militaire du gouvernement irakien l'État islamique a 100 000 hommes en 2014[41]. À l'été 2015, il estime que l'EI compte 100 000 à 125 000 hommes en Irak et en Syrie, dont environ 50 000 militaires, et les autres qui assurent les soutiens logistiques[42],[332].

En , Fouad Hussein, chef du cabinet de Massoud Barzani, donne dans une interview au journal britannique The Independent le nombre de 200 000, soit l'estimation la plus haute[41].

Les effectifs diminuent ensuite à la suite des défaites des djihadistes. En , la coalition internationale estime les forces de l'État islamique en Syrie et en Irak de 12 000 à 15 000 hommes ; en , les services de renseignement russes donnent quant à eux une estimation de 10 000 hommes toujours actifs en Syrie[333]. Début , la coalition estime que l'État islamique ne compte plus que 3 000 combattants en Irak et en Syrie[43]. Fin , elle estime qu'il n'en compte plus que 1 000[334].

Pourtant à l'été 2018, le département de la Défense des États-Unis estime que 15 500 à 17 100 djihadistes de l'État islamique sont encore présents en Irak, ainsi que 14 000 autres en Syrie[335]. Et le , un rapport de l'ONU estime que l'organisation compte encore 20 000 à 30 000 hommes en Irak et en Syrie, 3 000 à 4 000 en Libye et 500 au Yémen[44]. Le chercheur irakien Hicham al-Hachemi estime quant à lui en que l'État islamique compte encore 2 000 combattants actifs en Irak et 8 000 hommes au total en comptant les responsables de la logistique et les partisans, ainsi que 3 000 combattants actifs en Syrie et 12 000 hommes au total en incluant les responsables de la logistique et les partisans[336]. En , le Pentagone estime que l'État islamique a « renforcé ses capacités insurrectionnelles en Irak et a repris ses activités en Syrie », et qu'il compte dans ces deux pays entre 14 000 et 18 000 membres, dont 3 000 étrangers[337]. En juillet 2024, un rapport d'expertise de l'ONU évalue le nombre de combattants en Irak et en Syrie à entre 1 500 et 3 000[47]. Cependant plusieurs spécialistes jugent qu'il est impossible de connaître les effectifs de l'EI avec précision, d'autant que ses pertes sont également inconnues[335].

Combattants étrangers

L'EI compte de nombreux combattants étrangers. Pour le département d'État des États-Unis, 12 000 volontaires venus de 50 pays ont combattu au sein du mouvement de 2011 à 2014, dont une centaine d'Américains. En , l'OSDH indique que les combattants étrangers — qu'il évalue à 20 000 — viennent principalement des pays du Golfe, des Balkans, de Tchétchénie, d'Europe ou même de Chine[338]. The Washington Post estime en que l'EI compte environ 16 000 combattants non-Syriens et qu'environ 1 000 volontaires étrangers entrent chaque mois en Syrie pour se joindre aux djihadistes[339]. À la même période, l'ONU considère que l'EI compte 15 000 combattants étrangers originaires de 80 pays[340]. Le , d'après le New York Times les services américains estiment 30 000 djihadistes étrangers originaires de cent pays se sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2011. L'État islamique recruterait de son côté en moyenne 1 000 combattants par mois[341]. En , Joseph Dunford, le chef d'état-major de l'armée américaine, déclare que 40 000 combattants étrangers issus de 120 pays différents ont rallié l'État islamique en Irak ou en Syrie et que 19 000 d'entre-eux ont été identifiés par Interpol[342]

Il n'y a pas de « profil type » des combattants étrangers recrutés par l'EI. Ils sont issus de milieux sociaux variés parmi lesquels on trouve une minorité de diplômés. La majorité d'entre eux ont cependant moins de 30 ans, près de 10 % avaient également déjà fait de la prison[343]. Ils ne sont généralement pas issus de familles musulmanes pratiquantes, bon nombre sont des nouveaux convertis, ou des personnes qui ne se sont mises à pratiquer leur religion que très récemment[344]. Un rapport d'Europol, en date du , mentionne la « portion significative de combattants étrangers [à avoir rejoint les rangs de l'État islamique] auxquels ont été diagnostiqués des troubles mentaux », citant une source qui évalue à 20 % du contingent ce type d'individus[345].

Le , le Soufan group, un institut spécialisé dans le renseignement basé à New York, publie un rapport dans lequel il estime le nombre de volontaires étrangers ayant rejoint des groupes djihadistes en Irak et en Syrie entre 27 000 et 33 000. Parmi ces derniers 8 240 viennent du Moyen-Orient — dont 2 500 Saoudiens, 2 100 Turcs, 1 000 Bosniaque, 800 Albanais, 2 000 Jordaniens, 900 Libanais et 600 Égyptiens — 8 000 viennent du Maghreb — dont 6 000 Tunisiens et 1 200 Marocains — 5 000 d'Europe Occidentale — dont 1 700 Français, 760 Allemands, 760 Britanniques et 470 Belges — 4 700 de l'ex-Union soviétique — dont 2 400 Russes — 900 d'Asie du Sud-Est — dont 700 Indonésiens — 875 des Balkans et 280 d'Amérique du Nord[346],[347],[348]. Ces chiffres incluent cependant également les combattants tués et ceux rentrés dans leurs pays[349]. Pour le journaliste David Thomson, « ces chiffres sont imprécis et paraissent très gonflés à la hausse, mais les tendances qui ressortent de ce rapport sont exactes »[348].

Les combattants qui tentent de déserter sont généralement exécutés. Ainsi selon le témoignage d'un activiste syrien rapporté le par le Financial Times, une centaine de djihadistes étrangers ont été exécutés par une police militaire de l'EI, à Raqqa, alors qu'ils tentaient de fuir les combats[350],[351],[352].

Le , la chaîne britannique SkyNews affirme avoir reçu un document contenant des informations et les noms de plus de 22 000 djihadistes qui auraient été recrutés par Daech. Ce dossier, fourni par un repenti de l'organisation, contient des noms, prénoms et pays d'origine, et a été appelé le Daechleaks[353]. Le jour même, l'ancien patron du contre-terrorisme au sein du renseignement extérieur britannique, Richard Barrett, a estimé que ce serait une ressource inestimable[354]. D'autres analystes ont estimé qu'il s'agissait plutôt d'un montage de diverses sources au contenu en grande partie connu par les services occidentaux et dont la valeur a été surestimée pour être chèrement vendu à la chaîne Sky News[355].

Le , le New York Times publie une enquête[356] sur la cellule responsable des opérations extérieures de l'organisation, Emni, créée en 2014 dont le rôle initial consistait à synchroniser les forces de police internes et le contre-espionnage. Cette enquête se fonde sur des éléments provenant de services secrets européens dont les belges, français et allemands, de témoignages d'officiels américains, et d'informations collectées auprès d'un membre de l'organisation, Harry Sarfo, emprisonné à Brême en Allemagne. Dirigée par Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole et responsable de la propagande, Emni comporterait trois zones géographiques d'action : Asie, monde arabe et Europe. Chacune d'elles est attribuée à des lieutenants d'Al-Adnani. L'un d'eux, Abou Souleymane, serait directement lié aux attaques de Paris du 13 novembre 2015 en tant que coordinateur. Le choix des cibles, la sélection des combattants et l'organisation de la logistique. Emni serait à l'origine des attaques perpétrées en Tunisie, à Sousse et au musée du Bardo. Sarfo, mentionne plus d'une centaine de terroristes renvoyés vers l'Europe avec l'aide d'intermédiaires sans liens apparents et donc décelables avec l'islam radical. Ces retours sont orientés principalement vers l'Allemagne ou la Grande-Bretagne mais aussi en direction de l'Autriche, de l'Espagne, du Liban, de la Tunisie, du Bangladesh, de l'Indonésie et de la Malaisie. Très peu vers la France. « Ne t'inquiète pas pour la France », auraient dit des responsables de la cellule à un ami de Sarfo qui s'était porté volontaire pour y être envoyé[357].

Le , Joe Dunford, le chef d'état-major américain, déclare qu'environ 100 combattants étrangers continuent de rejoindre chaque mois l'État islamique[358]. Il indique que ce nombre est loin des 1 500 arrivées mensuelles qui étaient comptabilisées trois ans plus tôt, mais affirme que ce flux, principalement via la frontière turque, « permet au groupe de rester actif »[358].

Enfants soldats

Selon Slate, l'EI forme des enfants d'à peine 6 ans à des fins militaires. L'organisation a mis sur pieds un système qui permet de recruter et d'endoctriner les enfants. Les enfants soit sont enlevés soit rejoignent « consciemment » l'organisation. Ils rejoignent après des camps d’entraînement où ils sont endoctrinés et sont formés au maniement des armes. Les enfants servent ensuite de fantassins, de « mouchards », de kamikazes, et leur sang est utilisé pour des transfusions[359]. Plusieurs vidéos diffusées par l'État islamique montrent l'entraînement militaire d'enfants[360],[361].

Selon l'OSDH, l'État islamique recrute en Syrie au moins 400 enfants de à . Surnommés les « lionceaux du califat », les plus jeunes ont environ 8 ans, ils sont soumis à des entraînements militaires et certains participent à des exécutions de prisonniers. Arrivés à l'âge de 15 ans, ils peuvent être envoyés au front[362],[363],[364]. Parmi ces derniers figurent notamment des jeunes yézidis convertis de force à l'islam[365]. L'un d'entre eux apparaît ainsi dans une vidéo de propagande de l'EI, égorgeant un prisonnier accusé par l'organisation d'être un espion du régime syrien[366].

Selon l'ONU, l'EI utilise des enfants dans les attentats-suicide[367].

Femmes combattantes

Les femmes membres de l'État islamique ne sont pas autorisées à prendre part aux combats ou à mener des attentats, malgré la volonté de certaines d'entre elles de participer à ce type d'opérations[368]. Cependant les règles évoluent en 2017 lors de l'effondrement du « califat » : dans les derniers jours de la bataille de Mossoul, le commandement djihadiste autorise des femmes à mener des attaques kamikazes en dernier recours[369] et le , l'État islamique diffuse pour la première fois une vidéo montrant des femmes au combat[370].

Nombre de combattants tués en Irak et en Syrie

En , le chercheur Romain Caillet estime que les pertes de l'EI en Irak et en Syrie pourraient être d'environ 20 000 tués, dont la moitié dans les frappes de la coalition[41]. En , son confrère Dominique Thomas estime de son côté que l'EI aurait perdu 22 000 hommes en Irak et en Syrie depuis 2014[371].

En , l'Observatoire syrien des droits de l'homme estime que l'État islamique a perdu 8 000 hommes en Syrie, dont plus de 2 600 tués par les frappes de la coalition[372],[373].

Le , Airwars, un collectif de journalistes d’investigation, publie un rapport dans lequel il indique entre autres que la coalition a mené 4 924 frappes aériennes en Irak et en Syrie entre le et le et que selon des estimations officielles les pertes de Daech seraient de 10 000 à 13 000 morts[374],[375].

Le , le général Sean MacFarland, commandant de la coalition internationale en Irak et en Syrie, prétend que 45 000 hommes de l'État islamique ont été tués par les frappes aériennes de la coalition en deux ans d'opérations[376]. Un bilan probablement très exagéré[377]. De leur côté les Russes soutiennent en avoir tué 28 000 djihadistes depuis le début de leur intervention — tout en n'attribuant que 5 000 morts aux Américains — une estimation qui semble tout autant exagérée[378].

En , le colonel François-Régis Legrier, commandant de la Task Force Wagram au Levant depuis tient à temporiser : les comptes rendus estimant les pertes de Daech sont « impressionnants » mais ils restent « calculés de façon statistique et non par observation visuelle », les frappes ne fonctionnent pas « autant qu’on a bien voulu le faire croire »[379].

Armements

L'organisation aurait récupéré 3 000 Humvee en Irak.

Une partie de l'armement a été récupérée sur les lieux du conflit : équipement militaire américain récupéré de l'armée irakienne, dont de l'artillerie lourde à Mossoul, ou avions russes récupérés sur la base de Deir ez-Zor[380].

Selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, l'EI disposait en 2014 de 3 000 Humvee, 50 chars lourds, 150 blindés légers et 60 000 armes individuelles[381].

Selon des documents de l'État islamique étudiés par Le Monde, l'organisation djihadiste dispose à la fin de l'année 2014 de 170 chars T-55 et T-72, dont 110 ayant été pris à l'armée syrienne et 60 à l'armée irakienne[382]. En 2016, l'État islamique prend encore au régime plus d'une trentaine de chars lors de l'offensive de Tabqa et la troisième bataille de Palmyre[382]. Avec la prise de Mossoul en 2014, les djihadistes ont également mis la main sur un arsenal permettant d'équiper 30 000 hommes[382].

Le , l'OSDH affirme que l'État islamique dispose de trois avions de chasse en Syrie pilotés par des transfuges de l'armée irakienne. Deux de ces appareils ont été capturés lors de la bataille de Tabqa, ils seraient probablement de type MiG-21 ou MiG-23[383]. Des témoins ont affirmé avoir vu des avions volant à basse altitude afin d’éviter les détections radars près de Jarrah[384].

En , l'armée américaine estime que 60 chars et 200 Humvee ont été détruits par les frappes aériennes de la coalition[40].

Dans un rapport publié en , l'ONG Conflict Armament Research (en) (CAR), qui a enquêté sur 40 000 pièces récupérées sur les lignes de front par les Kurdes des YPG et les forces armées irakiennes, indique que 90 % des pièces saisies par ces forces sur l'État islamique ont été fabriquées dans les pays de l'ex-Pacte de Varsovie — en Union soviétique et en Europe de l'Est — et en Chine[382],[385]. La majeure partie de l'arsenal de l'État islamique provient de bases des armées irakiennes et syriennes, pillées par les djihadistes[382]. Des armes fournies aux rebelles syriens par les États-Unis et l'Arabie saoudite sont également capturées par l'EI[382],[385].

Armes chimiques

Le , selon l'OIAC, l'EI aurait utilisé du gaz moutarde, tiré à l'aide de mortiers, lors de combats contre les rebelles syriens près de Marea, dans le gouvernorat d'Alep, en Syrie. Des médecins de la Syrian American Medical Society (SAMS) identifient par la suite l'agent et confirment l'attaque[386],[387].

L'OIAC confirme également le que du gaz moutarde a également été utilisé en Irak, en , contre des zones tenues par les peshmergas, près des villes de Gweyr et Makhmour, au sud-ouest d'Erbil, faisant 35 blessés. Cependant le gaz moutarde n'a pas été utilisé en assez grande quantité pour être mortel. La fabrication semble être artisanale, la CIA estime alors à cette date que l'EI est en mesure de concevoir de la chlorine et du gaz moutarde, mais en petite quantité. Contrairement au sarin, le gaz moutarde est facile à fabriquer[388].

Selon l'IHS Conflict Monitor, l'EI est accusé d'avoir utilisé des armes chimiques (principalement du chlore et du gaz moutarde) à 71 reprises — 41 en Irak et 30 en Syrie — entre 2014 et 2017[389].

Selon Ahmet Üzümcü, directeur général de l'OIAC, les djihadistes de l'État islamique ont « la technologie, le savoir-faire et l'accès aux substances » qui leur permet de fabriquer leurs propres armes chimiques[390]. Du chlore (bertholite) aurait aussi pu être utilisé selon l'OSDH[391].

Le , le commandement militaire américain au Moyen-Orient annonce que Saleh Jassim Mohammed Falah Al-Sabaawi, dit « Abou Malik », présenté comme « l’expert en armes chimiques de l’Etat islamique », a été tué le par un raid aérien près de Mossoul[388],[392].

Organisation et commandement

Le premier commandant en chef de l'État islamique d'Irak est Abou Omar al-Baghdadi, qui est tué le , lors d'une opération des armées américaines et irakiennes près du lac du Thartar, non loin de la ville de Tikrit[108]. Abou Bakr al-Baghdadi lui succède comme « émir » de l'État islamique d'Irak, puis de l'État islamique en Irak et au Levant[65], avant d'être proclamé « calife » de l'État islamique le [82]. Il trouve la mort le en actionnant sa ceinture explosive lors d'un raid américain à Baricha, en Syrie, menée par la Delta Force[395]. Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, le troisième chef de l'État islamique, se suicide quant à lui le à Atme (en), en Syrie, lors d'une nouvelle opération américaine visant à l'éliminer[396]. Son successeur, Abou al-Hassan al-Hachimi al-Qourachi, est tué en octobre 2022, près de Deraa, par des rebelles de l'Armée syrienne libre[397]. Le 3 août 2023, l'État islamique annonce la mort de cinquième chef, Abou al-Hussein al-Husseini al-Qourachi, lors d'affrontements contre Hayat Tahrir al-Cham dans le gouvernorat d'Idleb[398]. Abou Hafs al-Hachemi al-Qourachi est désigné pour lui succéder[399].

Dans les années 2010, le numéro 2 de l'État islamique serait Abou Ali al-Anbari, aussi appelé Abou Alaa al-Afari, selon le gouvernement irakien[400],[401]. Ce dernier est tué près de Raqqa, le , par les forces spéciales américaines[402],[403].

L'État islamique dispose également d'un « ministre de la Guerre », qui est le chef de la force militaire de l'organisation. Ces derniers sont : Abou Abdel Rahman al-Bilaoui, tué en à la première bataille de Mossoul[404] ; Abou Omar al-Chichani, tué en juillet 2016 à al-Charqa[405],[406] ; et Gulmurod Khalimov, possiblement tué en à la deuxième bataille de Mossoul[407].

Parmi les autres chefs importants figurent Abou Mohammed al-Adnani, à la fois porte-parole, chef militaire et responsable des opérations terroristes extérieures de l'État islamique[408]. Il est tué près d'Al-Bab le , par un bombardement américain[408]. Le , Wa’il Adil Hasan Salman Al-Fayad, présenté par le Pentagone comme le « ministre de l'information », est tué par un raid aérien américain[409]. Abou Wahib, présenté comme le chef de l'État islamique pour la province d'al-Anbar, est tué le par une frappe aérienne de la coalition[410].

Les documents analysés par Hicham al-Hachemi ont également permis une meilleure connaissance de l'organisation interne du groupe[411]. Autour d'Abou Bakr al-Baghdadi, sept hommes composent le « gouvernement » de l'État islamique en Irak et au Levant :

  • Abou Abdul Kadr (Shawkat Hazem al-Farhat), chargé de l'encadrement ;
  • Abou Mohamed (Bashar Ismail al-Hamdani), chargé des prisonniers ;
  • Abou Louay/Abou Ali (Abdul Wahid Khutnayer Ahmad), chargé de la sécurité ;
  • Abou Salah (Muafaq Mustafa Mohammed al-Karmoush), chargé des finances des provinces irakiennes ;
  • Abou Hajar al-Assafi (Mohammed Hamid al-Duleimi), chargé de la coordination entre les provinces et courrier ;
  • Abou Kassem (Abdullah Ahmed al-Meshedani), chargé de l'accueil des combattants arabes et étrangers, notamment de leur logement, et peut-être du transport des kamikazes ;
  • Abou Abdel Rahman al-Bilaoui (Adnan Ismail Najem Bilawi), ancien capitaine de l'armée irakienne sous Saddam Hussein, chef du conseil militaire pour les provinces irakiennes ; tué le à Mossoul. Abou Omar al-Chichani lui succède en tant que commandant de toute l'armée de l'État islamique[404],[412].

Deux adjoints se partagent les affaires syriennes et irakiennes :

  • Abou Ali al-Anbari, ancien général de l'armée de Saddam Hussein sans doute originaire de Mossoul, chargé des opérations en Syrie ;
  • Abou Mouslim al-Turkmeni (Fadel Ahmad Abdullah al-Hiyali), chargé de la gestion des provinces irakiennes, sous l'autorité duquel se trouvent les six gouverneurs :
    • Abou Nabil (Wissam Abed Zaid al-Zubeidi), gouverneur de la province de Salah ad-Din ;
    • Abou Fatma (Nena Abed Naif al-Jubouri), gouverneur de la province de Kirkouk ;
    • Abou Fatma (Ahmed Mohsin Khalal al-Jihaishi), gouverneur de l'Euphrate central et méridional ;
    • Abou Jurnas (Rathwan Talib Hussein Ismail al-Hamduni), gouverneur des zones frontalières ;
    • Abou Abdul Salem/Abou Mohammed al-Sweidawi (Adnan Latif Hamid al-Sweidawi), ancien lieutenant-colonel de l'armée de Saddam Hussein, gouverneur de la province d'Anbar et membre du conseil militaire ;
    • Abou Maysara (Ahmed Abdul Kader al-Jazza), gouverneur de la province de Bagdad.

Existe également un conseil de guerre, composé de trois membres :

  • Abou Shema (Fares Reif al-Naima), chargé des magasins ;
  • Abou Alaa al-Afari, ou Abou Suja, ou Abdul Rahman al-Afari, chargé des affaires des martyrs et des femmes ;
  • Abou Kifah (Khairy Abed Mahmoud al-Taey), chargé des attentats par engin explosif improvisé (EEI/IED).

Selon le chercheur irakien Hicham al-Hachemi, fin 2017, de nombreux hauts responsables sont morts, Abou Bakr al-Baghdadi se cache et n'exercerait plus de réelle influence sur le commandement de l'organisation, qui serait alors assuré par un « comité de procuration » dirigé par cinq membres[413] :

  • Iyad Ahmad Jumayli, Irakien, chef du comité ;
  • Ghanem Jbouri Abouteiba, Irakien, chargé des finances et de l'administration ;
  • Ahmad Shaker al-Jbouri, Irakien ;
  • Abou Tarab al-Jerba, Saoudien, responsable des opérations extérieures et de la logistique ;
  • al-Oweini, Tunisien, chef sur la sécurité interne.

Service de renseignement

Au cours des années 2010, l'État islamique se dote d'un service de renseignement appelé l'Amniyat, chargé du renseignement militaire, du contre-espionnage, du maintien de l'ordre public et des attaques terroristes extérieures[414].

Structure de l'« État »

Bâtiment de l'État islamique à Manbij, en Syrie, en 2016.

Progressivement, alors que l'organisation occupe « un territoire grand comme la Jordanie » et poursuit sa progression militaire dans le Kurdistan syrien, les djihadistes jettent les bases institutionnelles « d'un véritable État »[415], avec des structures de gouvernement et de personnalités dirigeantes bien définies.

En dépit de ses structures institutionnelles, du strict point de vue du droit international, l’« État » relevant de l'organisation EIIL « reste en gestation ». Bien qu'il contrôle ou revendique un territoire précis correspondant à la zone de peuplement sunnite d'Irak et de Syrie, il lui manque « des frontières reconnues par l'ONU et la communauté internationale, […] la possibilité de frapper monnaie, […] et le pouvoir de délivrer des papiers d'identité »[415].

Avis de spécialistes

Au cours de l'année 2015, l’État islamique est considéré par nombre de spécialistes ou responsables politiques comme un proto-État[416],[417],[418],[419],[420],[421]. Quant à Frédéric Encel, il estime même que si ce n'est pas un État, « ça y ressemble furieusement » car il présente « les prérogatives et réalités d'un État : structure exécutive de commandement, espace sous contrôle, administration civile et militaire, monnaie « nationale » ayant cours sur cet espace, système économique cohérent, force militaire structurée »[422].

Selon le chercheur Romain Caillet, « [e]n dehors de la reconnaissance par le droit international, l'EI a tous les attributs d'un État. C'est ce qui manque pour qualifier clairement l'État islamique d'État. L'EI a une administration qui est bien plus développée que beaucoup de pays africains, en dehors des pays arabes. Il a une police, des tribunaux, collecte l'impôt, a un état civil et enregistre les mariages, les divorces, les indemnités d'après-divorce. Les membres de l'EI enregistrent les plaintes. Ils ont fait une vidéo récemment sur le code de la route et la pratique des feux rouges. Ils ont un diwan de la santé, un diwan de sûreté générale, un diwan du pétrole, un pour l'agriculture et la pêche, un de l'enseignement et ils vont même produire des programmes scolaires et des manuels. Ils ont donc tous les attributs régaliens, sauf celui nécessaire à notre époque contemporaine du droit international et de la reconnaissance par les autres pays. »[423].

Selon le chercheur Jean-Yves Moisseron, « Daech est plus fragile qu'il n'en a l'air. Ce n'est pas vraiment un État. C'est une série d'agglomérats divers, des tribus, des régions, des chefs de clan qui font allégeance à une structure centrale. Il gère de manière un peu féodale son territoire. Il n'a pas les moyens d'un État moderne. Ces allégeances sont fragiles. Elles peuvent se retourner demain par exemple, si l'armée syrienne occupe une partie du territoire. C'est un système fragile aussi parce que son financement repose en large partie sur le pétrole et la vente d'objets d'art »[424].

Pouvoir à la tête de l'EI

D'un point de vue politique, le « califat » fondé par l'État islamique est dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi, qui s'est attribué le titre de « calife Ibrahim ».

« [Chef] religieux et politique du territoire de l’EI », al-Baghdadi est à la fois à la tête du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Il est secondé par deux anciens généraux irakiens : « Abu Muslim al-Turkmani, qui régit les opérations en territoire irakien, et Abu Ali al-Anbari, qui s’occupe du territoire syrien ». Le pouvoir exécutif comprend également un « cabinet », qui « conseille al-Baghdadi à propos des décisions de l’État » dont la composition reste méconnue.

Pour l'exercice du pouvoir judiciaire, le calife est appuyé par un « conseil consultatif »[425].

Il n'y a pas de pouvoir législatif, au sens d'institutions politiques établies discutant et votant des lois (Assemblée, Sénat, Parlement), l'État islamique considérant que « la loi islamique est la seule loi applicable »[425].

Administration

Sur le plan administratif, l’État islamique dispose de réelles « structures [administratives et] bureaucratiques ». Il se divise en « sept vilayets, ou provinces », sortes de « comités locaux »[415], avec à leur tête des gouverneurs. S'appuyant à leur tour sur des dirigeants locaux, et sur « les populations sunnites délaissées par le gouvernement précédent d'al-Maliki »[415], ils assurent le maintien des services publics et de l'ordre quotidien (« bureau de poste, […] contraventions de stationnement »…). Ainsi, selon le Huffington Post, si l'État islamique ne peut être considéré comme un « État légitime », « [avec] son nombre de conseils en charge des finances, des stratégies média et de l’action militaire, c’est une société civile semi-fonctionnelle qui impose des lois brutales et sévères à toute la population »[425].

Police

L'État islamique met en place une police, appelée la « Hisba », chargée de faire appliquer la charia et qui dispose d'une branche féminine[426]. Celle-ci prend le nom de katiba al-Khansa, du nom d'une poétesse du VIIe siècle[427],[428].

Système éducatif

L'EI instaure également un nouveau système éducatif qui entre en vigueur le . Le groupe affirme que 600 000 élèves âgés de 6 à 15 ans sont scolarisés et que 50 000 professeurs sont inscrits. L'enseignement comprend les « règles de la charia », ainsi que l'arabe, les mathématiques, l'histoire, la géographie, l'anglais et l'informatique[426].

Budget

Du point de vue de ses structures budgétaires, les ressources de l'organisation étant devenues progressivement indissociables des territoires et des populations qu'elle contrôle, on peut parler de revenus et de trésorerie proto-étatiques. En pratique, l’État islamique dispose sur son territoire « de leviers financiers récurrents »[415] ne dépendant que de lui, « avec la prise de contrôle de puits de pétrole, de succursales de la Banque centrale, de villes importantes comme Mossoul, forte d'un million d'habitants, et aussi et surtout en commençant à prélever des impôts, en l’occurrence des taxes sur les minorités chrétiennes »[415].

Les djihadistes de l'État islamique reçoivent un salaire régulier : 100 à 150 dollars pour les simples combattants et environ 50 dollars pour les non combattants chargés des fonctions administratives. Une somme cumulable de 50 dollars par femme est versée au mari, ainsi que 35 dollars par enfant et 35 dollars par esclave. Des primes sont également versées, notamment pour des mariages ou après des victoires militaires[429].

Organisation territoriale

Monnaie

L'EI, qui cherche toujours plus à s'affirmer comme un véritable État annonce en vouloir frapper ses propres pièces dans le cadre d'un système monétaire basé sur les systèmes monétaires des califats médiévaux[430], et cette rumeur est reprise en par un blog[431] ou sur les médias sociaux, puis l'annonce effective de frappe des premières pièces est réaffirmée par l'EI le [432]. Les pièces seraient les suivantes :

  • fulus de cuivre :
    • pièces de 10 fulus
    • pièces de 20 fulus
  • dirhams d'argent :
    • pièces de 1 dirham
    • pièces de 5 dirhams
    • pièces de 10 dirhams
  • dinars d'or :
    • pièces de 1 dinar
    • pièces de 5 dinars

Il s'agit d'une monnaie métal : la valeur d'une pièce serait celle de la valeur intrinsèque du métal qui la compose, limitant ainsi son emploi, en raison des variations du cours des métaux, aux seuls territoires contrôlés par l'EI, sans convertibilité d'une telle monnaie[432]. Cependant, lors de sa création, l'État islamique annonçait un taux de change de 139 $US pour un 1 dinar d'or, et une parité du dirham d'argent avec la monnaie américaine[433].

Ressources

Selon un rapport de Jean-Charles Brisard et Damien Martinez publié par Reuters en , les ressources dans les territoires contrôlés par l'EI lui ont rapporté 2,906 milliards de dollars : 38 % de ces revenus viennent du commerce du pétrole, 17 % du gaz naturel, 12 % d'impôts et d'extorsions de fonds, 10 % de la production de phosphate, 10 % de la vente de ciment, 7 % de l'agriculture, 4 % des rançons et 2 % de donations privées[48]. Selon les études du GAFI et du Congrès américain, en 2015, la proportion de revenus liés à l'impôt révolutionnaire apparait supérieure, de l'ordre de 30 %, et celle sur l'agriculture également (20 %). Il est estimé qu'environ 40 % de la production irakienne de blé et d’orge est aux mains des djihadistes, qui le vendent au marché noir et en retireraient 200 millions de recettes[434].

Jean-Charles Brisard considère, en , qu' « il sera très difficile à l’EI de remplir sa mission d’État. Ses revenus sont insuffisants pour assurer les services d’un État »[435]. Plusieurs enquêtes et analystes font état en 2015 d'une nette baisse des revenus de l'EI, notamment issus du pétrole, conduisant à une baisse de la qualité des services rendus à la population et à la hausse des taxes, impôts, extorsions, rapines et trafics en tout genre. Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes, estime cependant que « tant qu’il [l'EI] garde le contrôle d’une base territoriale, il pourra s’autofinancer »[436].

Fin 2015, l'EI annonce « un budget de 2 milliards de dollars pour l’année 2015, avec un excédent escompté de 250 millions », et selon des experts américains du pentagone « les donations étrangères ne représentaient que 5 % de ses recettes entre 2005 et 2010, la part des contributions issues de généreux donateurs du Golfe ou du détournement d’actions humanitaires n’a pas évolué de façon significative après l’établissement du califat en  » ; mais on estime que « les agences antiterroristes et les experts ont une vision encore parcellaire des finances de l’EI ». Un document, de , interne à l'EI de la province de Deir ez-Zor, affirme que « sur 8,5 millions de dollars de recettes mensuelles de la province, 44,7 % proviennent des confiscations, 27,7 % du pétrole et 23,7 % des taxes. Plus de 5,5 millions ont été dépensés, ventilés entre salaires des combattants (43,6 %), bases militaires (19,8 %), services à la population (17,7 %), police islamique (10,4 %), aides (5,7 %) et médias (2,8 %) »[437].

Nécessité faisant loi, l'EI fait commerce avec ses ennemis (dont l’État syrien et les rebelles syriens) : les besoins des uns et des autres sont ainsi satisfaits en pétrole, gaz, électricité, et des agents de l’État syriens sont toujours payés par celui-ci quand ils sont sous contrôle de l'EI, qui se charge de taxer leurs salaires. L'EI contrôle des puits de pétrole, avec du matériel en mauvais état, mais ne peut le raffiner, et vend du pétrole brut pour avoir des rentrées d'argent, et achète de l'essence. Des installations électriques ou gazières sont cogérées par l'EI et l’État syrien[437].

L'EI faisait également affaire avec certaines entreprises occidentales, notamment le cimentier français Lafarge qui lui a versé plusieurs centaines de milliers d'euros à partir de [438].

Pétrole et gaz naturel

La contrebande de pétrole est l'une des principales sources de financement de l'État islamique

L'EI contrôle des puits de pétrole en Syrie et organise des trafics d'armes et de carburant. Ses combattants lèvent des impôts dans les zones placées sous leur contrôle et pratiquent occasionnellement vols, kidnappings et extorsions de fonds. Selon le Council on Foreign Relations et le Washington Post, l'EIIL récoltait en un mois 8 millions de dollars, soit près de 100 millions de dollars par an[35]. Selon une étude de Iraqoilreport publiée le , l'État islamique gagnerait 1 à 3 millions de dollars par jour rien qu'avec la contrebande de pétrole[439],[440]. Le cabinet américain IHS estime quant à lui que la production de pétrole rapporte à l'EI 800 millions de dollars par an, soit l'équivalent de 2 millions de dollars par jour[441]. Alors que toutes les autres activités de l'EI sont largement déconcentrées, la production, les livraisons, les ventes sont étroitement contrôlées par l'EI selon plusieurs études[436].

D'après les estimations des experts de l’ONU, l'EI conserve environ la moitié environ de sa production pétrolière pour ses besoins propres (équipements militaires, approvisionnement de la population, fonctionnement des centrales électriques et des groupes électrogènes sur les territoires placés sous son contrôle)[436]. L'autre partie, vendue bon marché, est rachetée principalement par la Turquie, mais aussi parfois par le régime syrien ou par les Kurdes[442]. En , Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, dit avoir « des soupçons » sur le fait « qu’une partie [du] pétrole [de l'EI] est revendu à M. Bachar al-Assad »[443]. Début l'ambassadrice de l'Union européenne en Irak, Jana Hybaskova, a affirmé devant des députés de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, que « malheureusement, des États membres de l'UE achètent ce pétrole ». Cette affirmation est contestée bien que le fait que du pétrole de l'EI se retrouve en Europe via des réseaux parallèles turcs ne soit pas impossible[444]. D'après la journaliste française Martine Orange, « les experts du monde pétrolier ne croient guère à ces accusations. Car le marché pétrolier, contrairement aux apparences, est contrôlé. Chaque pétrole a sa carte d’identité, son ADN. En fonction de sa qualité, de sa teneur en soufre ou autre, il est possible, à partir d’une simple analyse, d’en déterminer l’origine, d’établir le gisement dont il provient. Des sociétés de certification contrôlent toutes les cargaisons. Les grands groupes pétroliers risquent des sanctions graves en cas de violation. […] Les enquêtes et les études publiées sur le trafic du pétrole de Daech mettent plutôt en lumière une contrebande locale et régionale »[436].

Cependant pour Aymenn Jawad al-Tamimi, chercheur au Centre pluridisciplinaire d'Herzliya et au Forum américain du Moyen-Orient, les revenus pétroliers de l'EI seraient surestimés. Il se serait procuré un rapport budgétaire mensuel de la province de Deir ez-Zor d'après lequel la contrebande de pétrole n'aurait rapporté que 2 millions de dollars en un mois, soit très loin de certaines estimations qui donnaient jusqu'à 3 millions de dollars par jour. Selon al-Tamimi ce seraient les taxes imposées à la population qui constituerait la principale ressource de l'EI soit 70 % de l'argent collecté[445]. Le géopolitologue Frédéric Encel souligne que « les raffineries situées en territoire conquis par l'EI ayant été bombardées, il ne peut vendre de l'essence et doit se contenter d'exporter des huiles non traitées. Cela rapporte forcément moins »[446].

Sur les 11 000 attaques répertoriées depuis l’engagement de la coalition internationale en Irak et en Syrie, en , jusqu'à , 196 seulement ont visé des infrastructures pétrolières, selon les chiffres publiés par le Financial Times[436]. Celles-ci sont ensuite davantage prises pour cible, en particulier après les attentats du 13 novembre 2015 en France et le rapprochement de la coalition avec la Russie[436]. Le , la coalition bombarde pour la première fois des camions-citernes qui acheminent le pétrole issu des champs pétroliers contrôlés par l'EI[436]. Les bombardements des infrastructures pétrolières sous contrôle de l'EI par la coalition affaiblissent peu à peu les revenus que l'EI en tire. Alain Rodier, directeur de recherche chargé du terrorisme au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), indique en indique que « Daech a désormais du mal à faire vivre son « État » avec cette manne financière, il a même des difficultés à se fournir lui-même en pétrole »[447]. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, indique que les frappes de la coalition sur les convois de camions-citernes « sont désormais, et depuis le 13 novembre, régulières et portent un coup sévère à l’une des principales ressources de Daech »[448].

Le Financial Times révèle en des accords secrets entre Daech et le régime syrien, en particulier dans le gaz, qui génère environ 90 % de l'électricité des deux entités. Ainsi, la centrale à gaz de Tuweinan, au nord de Palmyre, est opérée en coentreprise par le gouvernement d’Assad et les hommes de Daech[449],[450].

Impôts et réquisitions

Le , après la prise de Mossoul, l'EIIL s'empare des réserves d'argent liquide des banques de la ville, soit 425 millions de dollars[451]. Selon Mathieu Guidère, cet argent représenterait la capacité d'accueil du système bancaire local et non pas la somme saisie par des djihadistes : « l'argent n'est pas directement dans leurs mains, mais dans celles de leurs alliés de la tribu des Shammar, dont est issu le gouverneur de la banque centrale de Mossoul » qui a assuré ne pas détenir le tiers de cette somme[452]. Pour Pierre-Jean Luizard, il s'agit bien de 313 millions d'euros, sous forme de billets en dollars et en lingots d'or[453]. Ces sommes s'accompagnent de récupérations de fonds auprès d'alliés et clients du régime. L'EI a ainsi mis en scène sur une vidéo en la saisie de « plusieurs tonnes d'or » dans le « palais » d'Oussama al-Noujayfi, un politicien de Mossoul rallié à Bagdad et accusé de corruption par l'EI[454].

D'autres banques irakiennes sont pillées et, en , l'EIIL dispose d'un capital de plus de 2,3 milliards de dollars, ce qui en fait le groupe terroriste le plus riche au monde[327]. Il dépasse les Talibans afghans (400 millions de dollars), le Hezbollah (entre 200 et 500 millions de dollars) et les FARC (entre 80 et 350 millions de dollars)[455].

À côté de ces réquisitions forcées, l'EI a mis en place en un système d'imposition. Trois de ces taxes sont la zakât, qui représente l'aumône légale, la jizya, qui est l'impôt payé par les dhimmis (non-mulsulmans) pour avoir le droit de rester sur place, et la sadaqa, aumône volontaire[456]. Selon les sources, ces sommes sont considérées comme des taxes islamiques permettant de payer les fonctionnaires et d'organiser des baisses de prix des biens de première nécessité[456] ou au contraire sont perçues comme une forme de racket qui n'atteint pas ses objectifs et enfonce les populations dans la misère[457].

Autres

Selon The Guardian et The New York Times, l'EI pratique également le trafic d'œuvres d'art. Les pillages dans la région d'al-Nabuk lui auraient rapporté à eux seuls l'équivalent de 28 millions d'euros[440]. En 2015, Hosham Dawod, ancien directeur de l'Institut français du Proche-Orient en Irak estime que « la deuxième rentrée financière des islamistes radicaux, après le pétrole, c’est le trafic archéologique »[458]. En 2015 Jean-Charles Brisard juge « biscornue » les rumeurs de trafic d'œuvres archéologiques, ainsi que celles de trafic d'organes[459].

En France, le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (COLB) a présenté un rapport qui souligne le rôle du trafic d’œuvres d’art dans le financement de l’EI. Le pillage et la revente des œuvres étaient menés par Diwan al-Ribaz, la branche de l’EI dédiée aux antiquités via des experts du marché de l’art faisant le lien entre marché conventionnel et illicite et des ports francs[460]. Quelques jours après les attentats de Paris, le président de la République, François Hollande, déclare « en ce moment même, l’organisation terroriste Daesh délivre des permis de fouille, prélève des taxes sur les biens qui vont ensuite alimenter le marché noir mondial, transitant par des ports francs qui sont des havres pour le recel et le blanchiment, y compris en Europe »[461],[462].

Après la perte de la quasi-totalité de son territoire, fin 2017, l'État islamique bénéficie encore de ressources. Le chercheur irakien Hicham al-Hachemi estime que l'organisation a investi de 250 millions à 500 millions de dollars dans des sociétés irakiennes[463]. Selon Le Monde : « Fermes piscicoles, bureaux de change, compagnies de taxi, sociétés d’import-export… Les sources de revenus de l’organisation sont aujourd’hui dispersées dans une myriade de sociétés-écrans, difficiles à confondre, gérées par des intermédiaires de confiance qui n’appartiennent pas à l’EI »[463].

Au début des années 2020, l'organisation assassine des ramasseurs de truffes pour revendre leur récolte[464],[465],[466].

Soutiens étrangers

L'État islamique n'est soutenu par aucun État étranger mais le groupe a reçu des aides financières de la part de riches donateurs individuels, pour la plupart originaires des pays du Golfe. L'organisation aurait également mis en place des collectes caritatives dont elle détournerait les fonds[452]. Pour Mathieu Guidère, aucun État ne soutient l'État islamique, il affirme en que « personne ne laissera les jihadistes » constituer un État islamique à cheval sur l'Irak et la Syrie, « ni l'Iran, ni la Turquie, ni la Syrie ne laisseront faire »[467].

Pour des raisons stratégiques, le groupe a cependant pu bénéficier d'aides ponctuelles. Ainsi au cours de la guerre d'Irak, la Syrie favorise le passage de combattants étrangers qui franchissent la frontière pour rejoindre Al-Qaïda en Irak, puis l'État islamique d'Irak, alors en lutte avec les Américains[468].

Jusqu'en 2013, lors de la guerre civile syrienne, l'EI bénéficie de soutiens financiers venus d'Arabie saoudite. Ces aides viennent d'acteurs privés, d'associations, de personnalités politiques ou d'hommes d'affaires, parfois liés à la famille royale, qui profitent d'un certain laisser-aller de l'État qui soutient alors l'ensemble de la rébellion syrienne. Certains chefs de tribu et des personnalités du monde des affaires fournissent à l'EI également des armes achetées notamment en Bulgarie et en Serbie[469]. L'Arabie saoudite réagit en lorsque l'EIIL entre en guerre contre les autres groupes rebelles syriens du Front islamique, du Front al-Nosra et de l'Armée syrienne libre, qui sont également financés par les pays du Golfe[470],[471],[472]. En , l'Arabie saoudite classe l'État islamique comme « organisation terroriste »[440].

La Turquie est également accusée par certains mouvements politiques et des journalistes de soutenir l'État islamique. Selon Le Monde, de 2012 à , « la Turquie a mené une politique de soutien aux groupes qui combattaient les Kurdes et le régime de Bachar Al-Assad, dont plusieurs organisations djihadistes. Elle les laissait notamment transiter par son territoire, qui leur sert également de base de repli, et en facilitant le passage d'armes et d'équipements. Pour de nombreux observateurs, cette dynamique permissive a directement favorisé l'essor de l'EI sur ce territoire »[473] ; selon Daniel Pipes, journaliste américain pour le Washington Times « les Turcs ont offert bien plus qu'un passage aisé de la frontière : ils ont fourni le gros des fonds, de la logistique, de l'entraînement et des armes de l'EIIL. Les Turcs résidant non loin de la frontière syrienne parlent d'ambulances turques se rendant dans les zones de combats entre les Kurdes et l'EIIL pour évacuer les blessés de l'EIIL vers des hôpitaux turcs »[474]. En Turquie, le Parti républicain du peuple accuse également le gouvernement de soutenir l'EI[475]. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan nie cependant toute alliance avec les groupes armés islamistes en Syrie et en Irak[476].

En , la presse israélienne affirme que des combattants du Front al-Nosra et de l'État islamique sont soignés en Israël[477],[478]. Ces informations sont reprises en mars 2015 dans le Wall Street Journal et commentées dans la presse internationale[479],[480],[481]. Par la suite, un officier de Tsahal affirme à la presse israélienne que seul un petit nombre de membres d'al-Nosra sont parvenus à « s'infiltrer » pour recevoir un traitement médical, il n'évoque pas l'État islamique et déclare que les hôpitaux n'accueillent plus de djihadistes depuis début [482].

Selon un rapport du Centre international d'étude sur la radicalisation (ICSR), un centre de recherche du King's College de Londres, publié le , les ressources de l'EI baissent fortement entre 2014 et 2017, en passant de 1,9 milliard de dollars en 2014 à 870 millions de dollars en 2016. Ces ressources sont de trois ordres : (1) les impôts et les péages (2) le pétrole (3) les confiscations et les amendes[483].

Population

Au début du mois de , après les grandes offensives de l'été à Samara, Mossoul et Deir ez-Zor, le spécialiste des questions liées au terrorisme Jean-Charles Brisard considérait que l’État islamique avait « environ huit millions d’habitants sous son contrôle. »[484]

Après sa progression en territoire kurde et dans le sud de la Syrie, au début du mois d', en Syrie, l’État islamique contrôlait presque entièrement les gouvernorats à majorité sunnite de Raqqa et Deir ez-Zor, plus de la moitié du gouvernorat d'Alep, et il progressait dans celui de Hassaké, jusqu'à arriver aux portes de la ville kurde de Qamichli. En Irak, pour la même période, l’État islamique contrôlait presque entièrement les provinces à majorité sunnite d'Al-Anbar, de Salah ad-Din et de Ninive.

La population du gouvernorat de Raqqa — centre de décision du califat autoproclamé, l'un des deux gouvernorats de Syrie presque entièrement contrôlé par l'EI — est, selon les dernières données, l'une des plus pauvres de Syrie. Elle compte un tiers d'analphabètes, un taux de fécondité de 8 enfants par femme et plus de 50 % de sa population active travaille dans l'agriculture[485].

Politique de l'État islamique

Politique intérieure

L'État islamique prétend être un État théocratique prônant un régime basé sur une interprétation rigoureuse de la charia, la loi islamique. Il est dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi qui s'est proclamé « calife » et appelle tous les sunnites à lui prêter allégeance. L'EI rejette la démocratie, la laïcité et le nationalisme, qualifiés d'« ordures de l'Occident »[84]. Depuis le départ des Américains d'Irak, l'EI considère l'Iran comme son principal ennemi et se montre particulièrement hostile aux chiites[65]. Les témoignages permettent d'affirmer que l'organisation « règne par la peur » sur le territoire qu'elle contrôle[486].

Le , à Mossoul, l'État islamique en Irak et au Levant rend publique une charte de 16 articles régissant la vie à l'intérieur de la ville. Parmi ces points, il menace ses opposants de « l'homicide, la crucifixion, l'amputation des bras ou (et) des jambes, ou l'exil » (article 5). L'alcool, le tabac et les drogues sont interdits (article 8). Toutes les manifestations publiques, considérées comme contraires à l'islam, sont interdites (article 10). L'EIIL promet également la destruction des statues édifiées avant l'avènement de l'islam (article 13). Les femmes ne peuvent sortir que vêtues d'un niqab et accompagnées d'un membre de leur famille (article 14)[487].

À partir de début de 2015, en Irak, les femmes non vêtues d'un niqab, ou ne le portant pas de manière réglementaire, sont soumises à une peine de « morsure », commise par une femme de la hisba, parfois avec un appareil en métal aiguisé, graduée en fonction de la « gravité » du « délit »[427],[428].

L'EI entend aussi imposer ses vues en matière d'enseignement. Dans les territoires qu'il contrôle, il a déjà interdit des cours d'histoire, de philosophie et de chimie. L'enseignement des théories de Charles Darwin est prohibé sous prétexte « d'éliminer l'ignorance » et la biologie moderne est bannie des salles de classe au profit des « sciences religieuses »[488].

Auprès des populations, l'EI prend le relais des services publics et des États absents ou défaillants, distribue de la nourriture aux habitants, des mesures sont prises pour faire vendre le pain à prix modique et l'eau est fournie gratuitement aux agriculteurs[485].

En , le groupe annonce qu'il va frapper de la monnaie sous forme de pièces d'or, d'argent et de cuivre[489].

Le , à Mossoul, l'État islamique impose le port de la barbe[490]. Dans cette même ville, les femmes ont cependant l'autorisation de conduire une voiture. Selon Georges Malbrunot, journaliste du Figaro ; « Ironie de l'histoire : sur cette question, Daech se montre plus « libéral » que la très rigoriste Arabie saoudite »[491].

Statut personnel

Établissement d'un statut de dhimmi

L'EI établit le statut de dhimmi pour les chrétiens et les juifs. À Mossoul, la minorité chrétienne doit notamment payer le djizîa, une capitation spéciale équivalent à 250 dollars par personne[492]. Selon le patriarche chaldéen Louis Sako, la population chrétienne de Mossoul au début du mois de juillet de l'année 2014 est de 25 000 personnes[493].

Dans le nord de l'Irak, les chrétiens, les Turkmènes, les Shabaks et les Yézidis sont victimes d'exactions de la part de l'EI. À Mossoul, environ 200 membres des minorités sont enlevés en juin et en juillet et au moins 11 sont assassinés. Selon Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch : « Le simple fait d’être un Turkmène, un Shabak, un Yézidi, ou un chrétien dans la région contrôlée par l’EIIL peut signifier la perte d’un emploi, de la liberté ou même de la vie »[494].

Le 18 juillet à Mossoul, l'EI lance un ultimatum aux habitants chrétiens. Les djihadistes s'adressent à ceux qui refusent de se convertir à l'islam ou de payer le djizîa et leur ordonnent de quitter la ville avant le lendemain, faute de quoi ils seront mis à mort. Dans un communiqué distribué à Mossoul, l'EI déclare : « Nous leur proposons trois choix : l'islam, la dhimma et, s'ils refusent ces deux choix, il ne reste que le glaive ». Cette annonce provoque l'exode de nombreux chrétiens en direction de Dahuk et Erbil, dans le Kurdistan irakien[493],[495].

Esclavage et viols

Selon un rapport de Minority Rights Group International, l'EI encouragerait l'esclavage des non-musulmanes, qu'elles soient enfants ou adultes[496]. Le viol est pratiqué comme arme de guerre, et son encouragement est utilisé pour séduire de futures recrues issues de milieux très conservateurs où le sexe hors mariage est interdit[497].

Environ 2 500 à 7 000 yézidis sont capturés par l'État islamique lors des massacres de Sinjar et parmi lesquels plusieurs centaines ou plusieurs milliers de femmes sont réduites à l'esclavage sexuel[498],[499]. Les Yézidies forment la grande majorité des victimes, mais des femmes issues des communautés shabak, turkmène, chiites, et chrétiennes sont également capturées, bien qu'en plus petit nombre[498]. Selon Myriam Benraad, politologue française spécialiste de l’Irak, « Pour l’État islamique les femmes doivent être assujetties et déshumanisées. Les combattants les considèrent comme des objets commerciaux et sexuels. Ils les capturent, les enferment et en font des butins de guerre. Dans le califat proclamé, la femme n’est pas une citoyenne, mais une esclave domestique et sexuelle à la merci de son mari. »[500]. Selon le témoignage d'une famille habitant Mossoul et réfugiée à Paris, 700 femmes yézidies ont été vendues le sur la place publique au prix moyen de 150 dollars[501].

En , dans son magazine de propagande Dabiq, l'EI justifie la mise en esclavage des femmes et des enfants yézidis comme « butins de guerre ». D'après ce texte qui s'appuierait sur la loi islamique, les chrétiennes et les juives échappent à ce traitement à condition que leur famille paye la djizîa. Un combattant de l'État islamique déclare à RFI : « Elles sont achetées pour les tâches ménagères, elles s’occupent de la maison. […] Ces femmes ne sont pas des esclaves sexuelles, ce sont des esclaves tout court. Des esclaves avec lesquelles leurs maîtres peuvent avoir des rapports sexuels et si des enfants naissent de ces unions, EI les considère comme musulmans ». Plusieurs femmes yézidies préfèrent se suicider plutôt que de rester à l'état d'esclaves[502]. Dabiq cite également en exemple les enlèvements — notamment l'enlèvement des lycéennes de Chibok —opérés par Boko Haram au Nigeria[503]. Nazand Bagikhany, conseiller du gouvernement régional kurde, indique que ces femmes subissent notamment « des viols systématiques et un esclavage sexuel », certaines femmes vendues portaient des étiquettes de prix sur les marchés de Raqqa et de Mossoul[504].

En octobre 2014, selon Human Rights Watch « l'organisation islamiste détiendrait au moins 366 personnes mais ce nombre pourrait s'avérer plus de trois fois supérieur ». Elle dénonce les agressions sexuelles dont sont victimes les femmes yézidies achetées et vendues par des djihadistes. Elle estime que « l'enlèvement et les abus systématiques dont font l'objet les civils yézidis peuvent constituer des crimes contre l'humanité »[505], cet avis est officiellement partagé par l'ONU depuis le [506].

Selon un document daté du , présenté par l'agence de presse Iraqi news[507], l'État islamique aurait fixé le prix de vente des femmes yézidis ou chrétiennes, comme esclaves, entre 138 et 35 euros. « Une fillette âgée de 1 à 9 ans coûterait 200 000 dinars (soit 138 euros), une fille de 10 à 20 ans 150 000 dinars (104 euros), une femme entre 20 et 30 ans 100 000 dinars (69 euros), une femme entre 30 et 40 ans 75 000 dinars (52 euros) et une femme âgée de 40 à 50 ans 50 000 dinars (35 euros) ». Le document stipule l'interdiction « d'acheter plus de trois femmes », sauf pour les « Turcs, les Syriens ou les Arabes du Golfe »[508].

Le , le « département des prisonniers et des affaires de la femme » de l'État islamique publie un document expliquant comment traiter une femme esclave sexuelle : « quand la battre, dans quelles circonstances son viol est justifié ou combien elle coûte ». Les « polythéistes, chrétiennes et juives » sont particulièrement concernées, car elles sont « autorisées à devenir esclaves ». Il est ainsi stipulé que ces femmes peuvent être emprisonnées et violées quotidiennement, en précisant que « les filles vierges peuvent être violées immédiatement après avoir été achetées par leur propriétaire », mais que « celles qui ont déjà eu des rapports sexuels doivent avoir leur utérus « purifié » en premier ». Le document affirme également qu'il est « légal d'avoir des relations sexuelles avec une enfant pré-pubère ». Le conseil religieux ayant produit ce texte — le Conseil Shura —, dit se baser sur le Coran pour le justifier, et notamment sur ce passage : « Allah récompense les musulmans qui sont chastes avec leurs femmes et ce qu'ils possèdent », le « ce qu'ils possèdent » signifiant, selon ce conseil, les femmes capturées et mises en esclavage. Des règles sont fixées sur la propriété des prisonnières : « une femme enceinte de son maître » ne peut pas être vendue et il n'est pas possible de « séparer une mère d'une fille, à moins qu'elle ne soit déjà mûre ». Les prisonnières peuvent être battues par mesure disciplinaire, bien que selon le guide il est interdit de les frapper au visage ou de « les frapper uniquement pour des fins agréables ou de torture ». Aucune punition spécifique n'est établie contre des esclaves qui parviendraient à s'enfuir, mais selon le guide de l'EI, il s'agit de « l'un des péchés les plus graves » et « elles doivent être punies pour dissuader les autres de s'échapper »[509],[510].

Ce statut d'esclave est soutenu par le « Centre de recherches et de fatwas » de Daech qui a établi que ces pratiques existaient déjà au Moyen Âge, avant que l'esclavage ne soit aboli[511].

Si la majorité des victimes d'esclavage sexuel sont yézidies, au moins plusieurs dizaines de femmes chrétiennes sont également vendues à des djihadistes sur des marchés[512]. Dans un rapport publié en , Human Rights Watch fait aussi état de nombreux cas de viols et de mariages forcés commis contre des femmes musulmanes sunnites[513].

Destruction du patrimoine

Destruction d'œuvres d'art et d'édifices religieux ou historiques

Le soir du , l'Archevêché syriaque catholique de Mossoul est incendié par les djihadistes[514]. L'EI commet également des destructions contre des sites religieux considérés comme « hérétiques ». Le 24 juillet, à Mossoul, la tombe du prophète Jonas (commun aux 3 monothéismes), construite entre le IVe et le VIIIe siècle, est détruite[515],[516]. En , des membres de l'État islamique détruisent dans le musée de Mossoul une collection de statues et de sculptures, dont certaines remontent au VIIe siècle av. J.-C., sous prétexte de combattre une (hypothétique) « idolâtrie », « péché impardonnable » dans l'islam dit fondamentaliste, qui se veut iconoclaste en proscrivant toute représentation figurative des « êtres ayant une âme »[517],[518].

Le , les djihadistes détruisent les statues et les bas-reliefs le long des murailles du site antique de Nimrod[519]. Deux jours plus tard, les statues et les hauts-reliefs du site de Hatra sont détruits à leur tour[520],[521]

Cette amputation prive ainsi les générations futures de l'accès à leur histoire, comme à celle de l'Humanité[522],[523],[524]. L'Unesco a assimilé cette destruction du patrimoine à un crime de guerre[521].

Pour le ph