Gommegnion — Wikipédia
Gommegnion | |
Pays | France |
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Région | Gommegnies |
Classification par famille | |
Échantillon | |
Extrait d’un enregistrement de 1977 : Éyet au soir on repartot pour la Belgique. Sus ane heure de temps on tot in Belgique, on faisot s’ ceinture et pis hop on s’in dallot. À Bousies, à Inglefontaine. J’avos dix-sept ans pis je couros comme un lièf’. Un coup un Boche i m’a attaqué à l’ Flamengrie là, il a tiré le premier coup, j’étos dans le fossé quoi. J’arrivais, j’allais arriver au boutique quoi[1]. | |
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Le gommegnion est une variété de picard hennuyer, qui est essentiellement parlée à Gommegnies, dans le nord de la France métropolitaine.
Situation sociolinguistique
[modifier | modifier le code]Le parler picard de Gommegnies est perçu comme un marqueur identitaire fort, différenciant les locuteurs à l’échelle régionale. Il est caractérisé par des usages spécifiques à une aire géographique restreinte, s’étendant de Gommegnies à Valenciennes, mais s’opposant lexicalement à d’autres zones proches comme Maubeuge[2]. Ce parler présente davantage de similitudes avec le lexique de Mons qu’avec celui d’Amiens, soulignant son ancrage dans l’espace linguistique du Hainaut : ses traits le rapprochent ainsi des variétés linguistiques de l’Avesnois et du Valenciennois qui sont intelligibles[2],[3]. La communauté des locuteurs, constituée majoritairement d’anciens aujourd’hui disparus[2].
Caractérisé par une situation marginale au sein de l’espace picard, ce qui se reflète dans la manière dont ses locuteurs perçoivent leur identité linguistique. Ceux-ci ne se reconnaissent ni dans l’appellation « picard », ni dans le terme « ch’ti » ; il s’inscrit dans une tradition que certains auteurs, comme Hécart, désignent sous le nom de « rouchi ». Cette distinction identitaire repose sur des particularités morphologiques et phonétiques qui différencient nettement ce parler de ceux du voisinage immédiat. Par exemple, contrairement à la majorité des parlers picards, on n’y emploie pas ch’ cat pour « le chat », ni ch’l horloge, mais des formes telles que l’ cat l est dins l’horloge. De même, l’adjectif possessif « son » y est rendu par s’, et non sin, comme c’est pourtant le cas dans environ 80 % des parlers picards[3].
Au sein du sous-ensemble « rouchi », le parler de Gommegnies se distingue par des traits phonétiques spécifiques qui lui confèrent une originalité notable : des différences phonétiques et morphosyntaxiques permettent d’identifier aisément l’origine locale d’un locuteur. Ces distinctions ont pu parfois donner lieu à des railleries entre villages, comme entre Gommegnies et Obies, où l’usage de nin pour la négation est perçu comme moins élégant que point ou mie. De même, des variantes telles que pun à Gommegnies contre péun à Englefontaine marquent des identités locales fortes. Ces particularismes sont moins visibles dans le lexique que dans la phonologie et la morphosyntaxe, et étaient pleinement reconnus par les anciens locuteurs, comme en témoigne l’expression dialectale locale d’tévosé, bel et bé, mant caups (« quelquefois, bel et bien, souvent »)[3].
Étude linguistique
[modifier | modifier le code]La variété de Gommegnies fait l’objet d’une enquête effectuée en 1964 par Claude Deparis, pour l’Atlas linguistique et ethnographique picard (désormais abrégé ALPic) : le point d’enquête y est cartographié sous le numéro 54[3]. En 1981, Désiré Mathieu écrit une histoire de Gommegnies en « patois du XIXe siècle », reposant sur des documents d'archives[4].
Patrice Brasseur, dialectologue et linguiste, né à Gommegnies en 1945, ancien chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et professeur à l’université d’Avignon, a consacré une partie de sa carrière à l’étude du parler picard de sa commune natale. Cette recherche débute en 1969 dans le cadre de son mémoire de maîtrise et s’étend sur plusieurs décennies. Il mène une enquête approfondie dans les années 1980, recueillant quarante heures d’enregistrements, des interviews et des notes auprès de 29 informateurs, principalement des habitants âgés de Gommegnies, aujourd’hui pour la plupart décédés. Il poursuit son travail jusqu’en 2019 avec des sessions de collecte complémentaires. L’aboutissement de cette étude est un ouvrage intitulé Le Parler picard hennuyer de Gommegnies, publié aux Éditions de linguistique et de philologie. L’auteur qualifie cet ouvrage de « lexique différentiel », comprenant plus de 3 000 entrées principales accompagnées d’exemples d’usage et d’étymologies[2].
Exemples lexicaux
[modifier | modifier le code]Un « hérisson » se prononce [yʀʃo a pitʃo] (« hérisson à picots »). Cette forme présente une nasalisation inhabituelle, ce qui contraste avec la réalisation attendue de ce type lexical, généralement représentée par « irchon (à) picots ». Gommegnies est situé en-dehors en dehors des aires de palatalisation habituellement associées à ce lexème, mais y fait figure d’exception[5].
Références
[modifier | modifier le code]- ↑ Brasseur 2018, sec. « 2. Transcription du texte oral étudié ».
- Estelle Baillieux, « Gommegnies: Patrice Brasseur sort un ouvrage sur le parler picard local », La Voix du Nord, , p. 2210 (lire en ligne
, consulté le )
- Brasseur 2018, sec. « 1.1. Le « rouchi », une variété de picard ».
- ↑ Gilles Deregnaucourt, « Parlers et traditions du Nord, I,1980 », Revue du Nord, vol. 63, no 251, , p. 1100–1102 (lire en ligne, consulté le )
- ↑ Dawson 2020, p. 139.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- [Brasseur 1970] Patrice Brasseur, « Le parler des sabotiers de Gommegnies (Nord) », Linguistique picarde, Lille, Société de linguistique picarde, no 35, , p. 2-7 (HAL hal-04777965).
- [Brasseur 1972] Patrice Brasseur, « Les noms des oiseaux sauvages dans le parler de Gommegnies (Nord) », Linguistique picarde, Lille, Société de linguistique picarde, no 43, , p. 11-13 (HAL hal-04777981).
- [Brasseur 2018] Patrice Brasseur, « Du picard au français : commentaire d’un texte oral interlectal », Géolinguistique, no 18, (ISSN 0761-9081 et 2650-8176, DOI 10.4000/geolinguistique.719
, lire en ligne
, consulté le ).
- [Brasseur 2020] Patrice Brasseur, Le Parler picard hennuyer de Gommegnies (Nord), Strasbourg, Éditions de linguistique et de philologie, , 531 p. (ISBN 978-2-37276-038-6, HAL hal-03270447).
- [Dawson 2006] Alain Dawson, Variation phonologique et cohésion dialectale en picard (thèse de doctorat en Sciences du langage), Toulouse, Université de Toulouse-II-Le Mirail, , 340 p. (HAL tel-01387600v1, lire en ligne
[PDF]).
- [Mathieu 1981] Désiré Mathieu, « Histoire de Gommegnies en patois du XIXe siècle », Linguistique picarde, Lille, Société de linguistique picarde, vol. 20, no 3 « Parlers et traditions du Nord », , p. 73-76.
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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