Hôtel de Mortemart — Wikipédia
Type | |
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Destination actuelle | Bâtiment principal de l'Institut d'études politiques de Paris |
Architecte | Jean Marot |
Construction | Juillet 1663 |
Occupant |
Adresse |
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Coordonnées |
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L’hôtel de Mortemart est un hôtel particulier situé au no 27 rue Saint-Guillaume, dans le 7e arrondissement de Paris[1]. Il est, depuis la fin du XIXe siècle, le siège de l'Institut d'études politiques de Paris[2]. Il s'agit d'un hôtel Grand Siècle.
Histoire
[modifier | modifier le code]Terrain (IXe siècle - 1663)
[modifier | modifier le code]Le terrain correspondant au n°27 appartient à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à partir du Moyen Âge. Il est vendu à la famille de Jean-Pierre de Mesmes au XVIe siècle et demeure entre les mains de la famille jusqu'en 1643. Ses difficultés financières l'obligent à vendre le terrain à son créancier, Jean du Cornet. Il vend le terrain le 21 janvier 1661 à François de Matignon[3] pour 9 000 livres[4].
Propriété de la famille de Mortemart (1663-1683)
[modifier | modifier le code]François de Matignon vend à son tour le terrain à Gabriel de Rochechouart de Mortemart, pair de France, proche de Louis XIII et père de madame de Montespan[5], en 1663[6]. Il se situe alors dans une rue appelée rue des Rosiers[7]. Il est attenant à une propriété du maréchal Charles de La Porte, l'hôtel de La Meilleraye[8].
L'architecte Jean Marot est engagé pour décider de l'architecture du bâtiment[9] et crée les plans de l'hôtel[10]. La construction est lancée en juillet 1663 et coûte 73 000 livres[4]. L'hôtel de Mortemart devient habitable vers 1665[4]. Pierre Rain remarque que l'hôtel était, eu égard aux hautes fonctions de son propriétaire, alors gouverneur de Paris, « de proportions relativement modestes »[7]. La façade qui donne sur la cour intérieure de l'hôtel ne dispose que de cinq fenêtres. L'aile droite du bâtiment sert alors d'écuries[8] pouvant accueillir dix chevaux[4]. Le bâtiment dispose toutefois déjà d'un escalier monumental intérieur, qui donne sur le premier étage[8]. Au milieu du jardin[11] était aussi situé un bassin avec un jet d'eau, ajout luxueux que le duc de Mortemart réussit à obtenir grâce à ses bonnes relations avec les échevins de Paris[12].
La fille du duc de Mortemart, Madame de Montespan, séjourne fréquemment dans l'hôtel particulier[13]. Michel Lambert et Jean-Baptiste Lully sont probablement venus à l'hôtel[4]. Gabriel de Rochechouart loge son enfant dans un autre hôtel particulier, au 14 rue Saint-Guillaume, construit vingt ans auparavant par Marot, et dont Pierre de la Laure s'était chargé de superviser la construction[4],[14]. Gabriel de Rochechouart vit au 27 rue Saint-Guillaume jusqu'à sa mort[15], en 1675[16].
Mourant endetté, son frère Louis de Rochechouart est contraint de régler le reste à payer du terrain acheté par Gabriel[3]. Élisabeth-Angélique de Montmorency-Bouteville loue l'hôtel de 1681 jusqu'en 1683[4].
Propriété de la famille de Ragareu (1683-1788)
[modifier | modifier le code]L'hôtel est saisi et revendu aux enchères[3] à Pierre de Ragareu, conseiller du roi de France[11]. Il cesse de s'appeler officiellement « hôtel de Mortemart »[4]. Il est flanqué, sur l'arrière, de l'hôtel de La Meilleraye, rue des Saints-Pères[4]. Plusieurs peintures de Jean-Honoré Fragonard sont exposées dans l'hôtel au XVIIIe siècle avant d'être revendues[17]. Lorsque Ragareu meurt en 1709, l'hôtel est transmis à une de ses trois filles, Marie-Anne de Ragareu, puis à la sœur de cette dernière lorsqu'elle meurt quelques mois plus tard, mariée au fils de Nicolas-Joseph Foucault[4].
Impécunieux, la famille loue un étage de l'hôtel au fils de Jean-Baptiste de Montesson de 1752 à 1770. L'hôtel est alors loué à Antoine de Quélen jusqu'en 1772[4]. En 1775, l'hôtel passe à une branche cousine, la famille de Labriffe[4].
Reventes successives (1788-1879)
[modifier | modifier le code]L'hôtel est revendu en 1788 à la famille du marquis de Lambert pour 160 000 francs[4]. Le marquis émigre à la Révolution française et sa femme divorce de lui afin que l'hôtel de Mortemart ne soit pas saisi. Il est revendu à sa mort, en 1805, pour 120 000 francs à Claude-Gabrielle de Pertuis et son fils Léonor-Anne-Gabriel de Pracomtal[4]. Ils le revendent au bout de quatre ans pour 115 000 francs à Alphonse-Hubert de Latier de Bayane[4].
Lorsque ce dernier meurt, c'est sa nièce, Catherine de Rochefort d'Ally[7], qui devient propriétaire de l'hôtel. N'occupant que le rez-de-chaussée, elle loue le premier étage à Charles Adolphe Wurtz, qui y demeure jusqu'en 1882[4]. De Rochefort d'Ally conserve la propriété de l'hôtel jusqu'en 1868, date de sa mort[4]. Elle lègue alors l'hôtel à William O'Kerrins. La famille cherche à vendre l'hôtel pour 390 000 francs en 1877, mais ne trouvant d'acheteur, le divise en plusieurs appartements et les loue[7].
Campus de Sciences Po (depuis 1879)
[modifier | modifier le code]En 1879, l'École libre des sciences politiques fondée par Émile Boutmy rachète l'hôtel de Mortemart, pour 380 000 francs[18],[3] (soit 410 000 francs tous frais compris[19],[8]), aux O'Kerrins. L'achat peut avoir lieu grâce à la généreuse donation d'un million de francs (4M€ de 2022[19]) de Maria Brignole Sale De Ferrari, duchesse de Galliera[12]. Il est ordonné par Édouard André, président du conseil d'administration de l'établissement[3]. L'école ne peut emménager immédiatement, notamment car elle doit respecter les baux des anciens locataires[4].
Des travaux sont réalisés à partir de 1882[4]. Hippolyte Taine conseille Boutmy sur l'aménagement du bâtiment à privilégier[4]. Si Pierre Rain rapporte que les travaux furent réalisés « sans trop grands frais »[7], Georges Pillement remarque que l'hôtel a été « complètement transformé »[20]. Ce qui était jadis des grands salons sont aménagés afin d'accueillir, au rez-de-chaussée, ce qui est aujourd'hui la bibliothèque René Rémond[19], et, à l'étage, des salles de classe[7]. Le sous-sol du 27, qui était jadis une cuisine et une soute à charbon, est aménagé[4].
Le bâtiment est prêt à partir de [15]. Les bureaux de l'administration sont installés au premier étage, et à l'étage supérieur, des appartements privés dédiés au directeur de l'école[12]. En , Sciences Po acquiert l'hôtel d'Eaubonne, situé au 25 rue Saint-Guillaume, adjacent au 27[21] ; une communication est créée entre les deux hôtels[4].
Des travaux importants ont lieu à la fin des années 1930. Le n°29 adjacent, hôtel du Lau d'Allemans, avait été acheté en 1912 pour 424 000 francs, sans que des travaux ne soient réalisés du fait de la Première Guerre mondiale[3]. Le directeur, Eugène d'Eichthal, décide au début des années 1930 de faire aménager l'hôtel. Il y fait construire un bâtiment moderne donnant sur le jardin, qui accueille les amphithéâtres[7]. L'hôtel de Mortemart est alors relié à l'hôtel du Lau d'Allemans par des couloirs permettant de passer du « Grand hall », appartenant à l'hôtel du Lau d'Allemans, au « Petit hall », qui jouxte la bibliothèque et qui était jadis l'entrée du n°27[4].
Lors de la transformation de l’École libre des sciences politiques en Institut d'études politiques de Paris, la propriété des deux hôtels est transférée à la Fondation nationale des sciences politiques, qui chapeaute l'institut parisien[22].
En 1948, la façade de l'hôtel est reconstruite dans un style classique par Henri Martin. Il redessine les grilles d'entrée de l'hôtel[21]. Il avait déjà créé les grands amphithéâtres de l'hôtel dans les années 1930[21]. Les n°25, 27 et 29 de la rue Saint-Guillaume voient leur entrée unifiée sur un emplacement qui correspond à l'entrée de l'hôtel du Lau d'Allemans, dans l'axe du « Grand hall »[4].
Aujourd'hui, l'hôtel de Mortemart abrite la direction de l'IEP et de la Fondation nationale des sciences politiques, ainsi que des salles de cours et des amphithéâtres, dont l'amphithéâtre Boutmy. Cette implantation a cimenté la présence de Sciences Po dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés[15]. Le sous-sol de l'hôtel est en partie occupé par 7 km de rayonnages de la bibliothèque de Sciences Po, qui y stocke une partie de ses inventaires[23].
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Histoire de Sciences Po Paris
- Hôtel du Lau d'Allemans
- Hôtel de l'Artillerie
- Hôtel de Feydeau de Brou
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Frédéric Jiméno, Le 7e arrondissement: itinéraires d'histoire et d'architecture, Action artistique de la Ville de Paris, (ISBN 978-2-913246-27-0, lire en ligne), p. 46
- Philippe Lefrançois, Paris a travers les siecles, (lire en ligne), p. 45
- Richard Descoings, Sciences Po: de la Courneuve à Shanghai, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, (ISBN 978-2-7246-0990-5, lire en ligne)
- Philippe Régibier, 27 rue Saint-Guillaume: petite chronique d'une grande demeure et de ses habitants, d'après des documents inédits, P. Régibier, (ISBN 978-2-9511292-0-7, lire en ligne)
- Société Paul Claudel (France), Bulletin de la Société Paul Claudel, Société Paul Claudel, (lire en ligne), p. 22
- Brigitte Gournay, Colette Lamy-Lassalle et Diane Baude, Vie et histoire du VIIe Arrondissement: Saint-Thomas d'Aquin, Invalides, Ecole militaire, Gros Caillou : histoire, anecdotes, curiosités, monuments, musées ..., Hervas, (ISBN 978-2-903118-18-1, lire en ligne)
- Pierre Rain, L'École Libre Des Sciences Politiques, Fondation nationale des sciences politiques, (ISBN 978-2-7246-0033-9, lire en ligne)
- Pierre RAIN, L'Ecole libre des sciences politiques, 1871-1945, Presses de Sciences Po, (ISBN 978-2-7246-8448-3, lire en ligne)
- Kristina Deutsch, Jean Marot: Un graveur d'architecture à l'époque de Louis XIV, Walter de Gruyter GmbH & Co KG, (ISBN 978-3-11-037676-0, lire en ligne)
- André Mauban, Jean Marot: architecte et graveur parisien, Les Éditions d'art et d'histoire, (lire en ligne), p. 240
- (de) Kristina Deutsch, Jean Marot: Un graveur d'architecture à l'époque de Louis XIV, Walter de Gruyter GmbH & Co KG, (ISBN 978-3-11-038730-8, lire en ligne)
- Gérard Vincent et Anne-Marie Dethomas, Sciences po: Histoire d'une réussite, Plon (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-259-26077-0, lire en ligne)
- Richard Descoings, Sciences Po: de la Courneuve à Shanghai, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, (ISBN 978-2-7246-0990-5, OCLC ocm86113501, lire en ligne)
- François de Sesmaisons, " Cette Chine que j'aime": Jean de Guébriant, 1860-1935, Editions Publibook, (ISBN 978-2-342-04954-1, lire en ligne), p. 20
- Florent Vandepitte et Pierre-Emmanuel Guigo, Tremplin Sciences Po Paris, Bordeaux, Grenoble 2024: Dossier Parcoursup + Oral, Dunod, (ISBN 978-2-10-086001-2, lire en ligne), p. 22
- Société de l'histoire de l'art français (France), Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, F. de Nobele, (lire en ligne), p. 42
- (en) Pierre Rosenberg, Fragonard: Galeries Nationales Du Grand Palais, Paris, September 24, 1987 - January 4, 1988 ; The Metropolitan Museum of Art, New York, February 2 - May 8, 1988, Metropolitan Museum of Art, (ISBN 978-0-87099-516-3, lire en ligne)
- Christian Hottin, Géraldine Rideau et Action artistique de la ville de Paris, Universités et grandes écoles à Paris: les palais de la science, Action artistique de la ville de Paris, (ISBN 978-2-913246-03-4, lire en ligne), p. 182
- Renaud Leblond, Émile Boutmy, le père de Sciences Po, Librinova, (ISBN 979-10-405-1459-6, lire en ligne)
- Georges Pillement, Les hôtels du faubourg Saint-Germain, Bellenand, (lire en ligne), p. 53
- Marie Scot, Sciences Po, le roman vrai, Sciences Po, les presses, (ISBN 978-2-7246-3915-5)
- Margarethe Rosenbauer, L'école libre des sciences politiques de 1871 à 1896: l'enseignement des sciences politiques sous la IIIe République, Lahn, (lire en ligne), p. 57
- Joëlle Muller, « La bibliothèque de Sciences Po. Réhabilitation totale du bâtiment principal », Bulletin des bibliothèques de France, vol. 49, no 4, (lire en ligne)