Punique (langue) — Wikipédia

Langue punique
דברים כנענים
 𐤌𐤉𐤍𐤏𐤍𐤊 𐤌𐤉𐤓𐤁𐤃
Dabarīm kanaʿnīm
 𐤌𐤉𐤍𐤐 𐤌𐤉𐤓𐤁𐤃
Dabarīm pōnīm
Période Xe siècle av. J.-C. à VIIe siècle
Extinction VIIe siècle
Langues filles Néo-punique
Région Africa, Tunisie actuelle

Bassin méditerranéen sous l'influence de la civilisation carthaginoise

Typologie SVO flexionnelle
Classification par famille
Codes de langue
IETF xpu
ISO 639-3 xpu
Étendue Langue individuelle
Type Langue ancienne
Glottolog puni1241
État de conservation
Éteinte

EXÉteinte
Menacée

CREn situation critique
SESérieusement en danger
DEEn danger
VUVulnérable
Sûre

NE Non menacée
Langue éteinte (EX) au sens de l’Atlas des langues en danger dans le monde
Étendue du territoire carthaginois au début du IIIe siècle av. J.-C.

La langue punique, aussi appelée carthaginois, phénico-punique ou simplement punique, est une variété éteinte du phénicien, une langue de Canaan appartenant aux langues sémitiques[1] et s'écrit de droite à gauche sans voyelles, tout comme le phénicien[2].

Le punique était parlé au travers de la civilisation carthaginoise en Afrique du Nord et dans plusieurs îles méditerranéennes par les Puniques entre 1100 et 700 av. J.-C., avec la ville de Carthage dans l'actuelle Tunisie pour centre. Les Puniques sont restés en contact avec la Phénicie ou ses territoires jusqu'à la destruction de Carthage par la République romaine, en 146 av. J.-C.

Description

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Les formules religieuses et les noms puniques sont bien connus, en raison des inscriptions. La pièce Poenulus (Le petit Carthaginois) de Plaute contient quelques lignes de punique vernaculaire transcrit en latin, prononcées par le personnage du carthaginois Hannon, et permettent, contrairement aux inscriptions, de connaître quelques voyelles de la langue. Le punique traditionnel utilise un alphabet consonantique (abjad) et s'écrit donc sans voyelles[3].

Saint Augustin d'Hippone est généralement considéré comme le dernier grand écrivain en punique, et il constitue la source majeure de la preuve de la survie du punique au Ve siècle. D'après lui, la langue punique était parlée dans sa région (province d'Afrique), même après la chute de la Carthage punique, et les gens s'y considéraient toujours comme « chanani » (Canaanite ou Carthaginois)[4]. En 401, il écrit :

« Quae lingua si improbatur abs te, nega Punicis libris, ut a viris doctissimis proditur, multa sapienter esse mandata memoriae. Poeniteat te certe ibi natum, ubi huius linguae cunabula recalent. »

—  Ep. xvii

« Et si jamais vous rejetez la langue punique, vous faites virtuellement le déni de ce qui a été admis par la plupart des hommes savants, que plusieurs choses ont été sagement préservées de l'oubli, dans des livres écrits en punique. Non, vous devriez même avoir honte d'être né dans le pays dans lequel le berceau de cette langue est encore chaud. »

Le punique a probablement survécu à la conquête musulmane du Maghreb : le géographe d'Al-Andalus, Al-Bakri, décrit au XIe siècle des gens qui parlent une langue qui n'est ni berbère, ni latin ni copte dans l'Ifriqiya. De plus, il est probable que l'arabisation des habitants était facilitée par le fait que leur langue était proche, les deux étant des langues sémitiques, et avait donc plusieurs similitudes grammaticales et lexicales avec l'arabe[5].

Inscription en punique, grec et hébreu à Malte

Pendant la période où le punique est parlé, il change progressivement sous l'influence des langues berbères anciennes dont le "numide" et le libyque, se différenciant de plus en plus du phénicien. Au début, il n'y a pas beaucoup de différences entre le phénicien et le punique, mais au fil du temps, Carthage et ses colonies perdent contact avec la Phénicie. Le punique est alors moins influencé par le phénicien et davantage par les langues berbères locales. Le terme « néo-punique » réfère à cette modification progressive du phénicien par l'ajout du berbère dans la langue carthaginoise. Le néo-punique se réfère également au dialecte parlé dans la province d'Afrique après la destruction de Carthage en 146 av. J.-C., à la suite de la conquête romaine des territoires puniques.

Toutes les formes de punique ont changé après cette date selon Salluste, qui affirme que le punique est altéré par les intermarriages avec les Numides.

Cette affirmation est en accord avec des indications qui suggèrent une influence nord-africaine sur le punique, comme celle du libyque-berbère.

Le néo-punique se différencie de la langue punique traditionnelle par la prononciation des mots de manière plus phonétique[Quoi ?] que l'ancien punique et par l'usage de noms non puniques, qui étaient principalement d'origine libyque-berbère. La raison de cette différenciation dialectale est le changement qu'a subi le punique à cause de son extension au travers de l'actuelle Afrique du Nord et son adoption par les peuples de cette région[6].

Une autre version du punique serait le latino-punique, du punique écrit en caractères latins, avec une orthographe favorisant la prononciation punique, d'une manière similaire à ce que font l'arabe tunisien et les autres dialectes maghrébins avec les caractères latins[7]. Le latino-punique était parlé jusqu'aux VIe et VIIe siècles et a été préservé dans 70 textes retrouvés, ce qui montre la préservation du punique à l'époque romaine. Sa survie est en partie due aux personnes, loin de l'influence romaine, qui n'avaient pas besoin d'apprendre le latin. Au IVe siècle, le punique traditionnel était encore utilisé dans le territoire de l'actuelle Tunisie, dans certaines parties de l'Afrique du Nord et du bassin méditerranéen. Vers 400, le punique traditionnel, utilisant l'alphabet phénicien, était toujours utilisé, avec des inscriptions figurant sur des monuments, et l'alphabet néo-punique cursif était utilisé ailleurs[2]. L'alphabet néo-punique descend du punique.

Selon Augustin d'Hippone, les villageois (en latin : rustici) d'Afrique du Nord, parlant la langue phénicienne (« lingua punica »), s'identifiaient eux-mêmes ou leur langue comme « Chanani ». Augustin, dans une discussion sur la guérison de la fille d'une Cananéenne du Nouveau Testament, a soutenu que ce nom Chanani était le même que le mot Chananaei (« Cananéens »). La formulation latine correcte parmi les manuscrits est débattue et le contexte est ambigu. Bien que ce passage ait été avancé pour démontrer que le nom « Cananéen » était l'endonyme des Phéniciens, il est possible que le contexte rhétorique des paroles d'Augustin signifie qu'elles ne peuvent pas être invoquées comme preuve historique[8].

L'écriture punique, tout comme le phénicien dont elle constitue une variante, compte 22 consonnes. Bien que proches, certaines lettres de l'alphabet phénicien ont une prononciation légèrement différente en punique, par rapport au phénicien.

Littérature

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Certains ouvrages littéraires en punique, tels que les 28 tomes d'agronomie de Magon le Carthaginois, ont étendu l'influence de Carthage. Le Sénat romain apprécie ses travaux à tel point qu'après la prise de Carthage, il les présente même à des princes berbères locaux possédant des bibliothèques[9]. Les traités de Magon sont également traduits en grec ancien par Cassius Dionysius d'Utique ; la version latine a probablement été traduite du grec. D'autres exemples de littérature punique incluent les périples de Hannon le Navigateur, qui décrit ses périples pendant ses voyages maritimes autour de l'Afrique en plus de la création de nouvelles colonies puniques[10],[11].

La littérature punique était également réputée dans la philosophie[12], en particulier avec Clitomaque[12] et dans le droit, l’histoire et la géographie, selon les Grecs[9]. Toutefois, seuls des fragments de textes nous sont parvenus.

Notes et références

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  1. Serge Lancel, Carthage, Paris, Fayard, , p. 466
  2. a et b (en) « Punic », sur Omniglot
  3. Maurice Sznycer, Les passages puniques en transcription latine dans le Poenulus de Plaute, Paris, Librairie C. Klincksieck,
  4. (en) Karel Jongeling et Robert M. Kerr, Late Punic epigraphy : an introduction to the study of Neo-Punic and Latino-Punic inscriptions, Tübingen, Mohr Siebeck, , 114 p. (ISBN 3-16-148728-1), p. 4
  5. (en) Karel Jongeling et Robert M. Kerr, Late Punic epigraphy : an introduction to the study of Neo-Punic and Latino-Punic inscriptions, Tübingen, Mohr Siebeck, , 114 p. (ISBN 3-16-148728-1), p. 71
  6. (en) Karel Jongeling et Robert M. Kerr, Late Punic Epigraphy : An Introduction to the Study of Neo-Punic and Latino-Punic Inscriptions, Tübingen, Mohr Siebeck, , 114 p. (ISBN 3-16-148728-1, présentation en ligne)
  7. Serge Lancel, Carthage, Paris, Fayard, , p. 587
  8. Josephine Crawley Quinn, Neil McLynn, Robert M. Kerr et Daniel Hadas, « Augustine's Canaanites », Papers of the British School at Rome, vol. 82,‎ , p. 175–197 (ISSN 0068-2462, lire en ligne, consulté le )
  9. a et b Madeleine Hours-Miédan, Carthage, Paris, PUF, , p. 121
  10. Charles Rollin, Histoire ancienne, t. premier (lire en ligne), VII « Les Sciences et les arts », p. 158

    « Nous avons encore une version grecque d'un traité composé en langue punique par Hannon sur le voyage qu'il avoit fait par ordre du sénat avec une flotte considérable autour de l'Afrique »

  11. Madeleine Hours-Miédan, Carthage, Paris, PUF, , p. 17
  12. a et b Hédi Dridi, Carthage et le monde punique, Paris, Les Belles Lettres, , p. 196

Bibliographie

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  • (de) J. Friedrich et W. Röllig, Phönizisch-punische Grammatik, 3. Auflage neu bearbeitet von M. G. Amadasi Guzzo unter Mitarbeit von W. R. Mayer, Rome, 1999.
  • (en) K. Jongeling, Handbook of Neo-Punic Inscriptions, Tübingen, 2008.
  • (en) R. M. Kerr, Latino-Punic Epigraphy, Tübingen, 2010.
  • C. R. Krahmalkov, Phoenician Punic Dictionary, OLA 90 / Studia Phoenicia, 15, Louvain, 2000.
  • Maurice Sznycer, « L’emploi des termes ‘phénicien’, ‘punique’ et ‘néopunique’. Problèmes de méthodologie », in P. Fronzaroli (dir.), Atti del secondo congresso internazionale di linguistica camito-semitica, Firenze, 16-19 aprile 1974 (« Quaderni di semitistica », 5), Florence, 1978, p. 261-268.
  • G. Levi Della Vida, Maria Giulia Amadasi Guzzo, Iscrizioni puniche della Tripolitania (1927-1967) (coll. « Monografie di Archelogia Libica », 22), Rome, L'Erma di Bretschneider, 1987, 167 p., 25 fig., 33 pl.
  • Maria Giulia Amadasi Guzzo, Quelques réflexions sur les inscriptions bilingues et trilingues de Tripolitaine, in Réjane Roure (dir.), Le multilinguisme dans la Méditerranée antique, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux , collection Diglossi@, 1, 2023, p. 199-212 (en ligne).

Articles connexes

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Liens externes

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