Mosquée Mehmed-Bey — Wikipédia

Mosquée Mehmed-Bey
Image illustrative de l’article Mosquée Mehmed-Bey
Vue de la mosquée depuis le nord-ouest en 2016.
Présentation
Nom local Τέμενος Μεχμέτ Μπέη
Culte Musulman
Type Mosquée-zawiya
Rattachement Ministère de la Culture
Fin des travaux 1492-1493
Autres campagnes de travaux Restauration : 1995
Style dominant Ottoman, plan en T
Protection 1936
Géographie
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Région Macédoine-Centrale
Ville Serrès
Coordonnées 41° 05′ 29″ nord, 23° 33′ 34″ est

Carte

La mosquée Mehmed-Bey (en grec moderne : Τέμενος Μεχμέτ Μπέη / Témenos Mechmét Béi) est un édifice ottoman datant de 1492-1493 situé à Serrès, en Grèce. Commanditée par Mehmed Bey, gendre du sultan Bayezid II, la mosquée est l'une des plus imposantes des Balkans. Elle fut désaffectée au culte dans les années 1920 et demeure de nos jours à l'abandon.

En 1492-1493, le sandjakbey de Serrès (à l'époque Siruz), Mehmed Bey, époux de Seldjouk (Selçuk), fille du sultan Bayezid II[1] et mère de Gazi Husrev Bey[2], entreprit la construction de la mosquée à l'est de la vielle ville. Ce site isolé, au bord de la rivière Ágii Anárgyri, est considéré comme le lieu de l'entrée triomphale des troupes de Gazi Evrenos (en) à la suite de la reddition des habitants de Serrès le [3].

La mosquée bénéficia pendant près de 300 ans des revenus tirés des propriétés en Crimée du père de Mehmed[4], Gedik Ahmed Pacha, grand vizir et capitan pacha sous le règne de Mehmed II[5]. Une madrassa et un imaret formaient un complexe autour de la mosquée, celle-ci assurant par ailleurs, du moins à l'origine, les fonctions d'une zaviye[6]. L'annexion de la Crimée par l'Empire russe en 1783 marqua le déclin du monument et des institutions attenantes[4].

Des travaux de réparation, en particulier de l'imposante couverture en plomb du dôme, furent conduits en 1815 par Yusuf Pacha (el), fils d'Ismail Bey, gouverneur de Serrès de 1795 à 1813[7]. Ce dernier est enterré au nord de la mosquée[8], à l'emplacement connu sous le nom de « mausolée des vainqueurs » (Μαυσωλείο των Νικητών)[9]. Une fontaine érigée en 1814 et une partie des murs d'une ancienne mosquée fondée par Yusuf Pacha sont encore visibles de nos jours[10].

En 1892, le déplacement du lit de la rivière permit l'évacuation des embâcles naturels accumulés par les inondations successives[4]. Le sous-sol demeure toutefois instable et humide, ce qui fragilise considérablement l'édifice et favorise le développement de la végétation entre les pierres[11],[12]. Les guerres balkaniques et la Grande catastrophe entraînèrent l'abandon définitif du site dans les années 1920[13].

Sur une vue de la ville en 1913.

La mosquée a été déclarée monument historique en 1936[14], au sein d'une zone de protection d'environ 165 m sur 100 m inscrite en 1984[15]. Une campagne de restauration de l'arche centrale du porche, effondrée à la fin des années 1960[11], fut conduite en 1995. Malgré ces mesures, l'édifice est aujourd'hui délaissé[16].

Architecture

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La mosquée Mehmed-Bey présente un plan en T inversé[17],[2], avec une salle de prière carrée flanquée de deux espaces latéraux de faible largeur par rapport à la pièce centrale[17], qui accueillaient les activités de la confrérie soufie[6]. Au nord, un porche de près de 30 m de long, 6 m de profondeur et 9,2 m de haut est soutenu par quatre colonnes de marbre[18]. Il est coiffé au dessus de l'entrée par un petit dôme central aujourd'hui disparu, tandis que les toitures latérales sont cruciformes[16].

La coupole repose sur un tambour dodécagonal sur pendentifs. Le dôme, d'un diamètre de 14,58 m[19],[20], culmine à environ 25,75 m du sol[18]. Ces dimensions, impressionnantes pour l'époque hors des capitales ottomanes qu'étaient Constantinople et Andrinople, participent au surnom local d'Agiá Sofiá (Αγιά Σοφιά, Sainte-Sophie)[16]. Le mihrab est logé au sud dans une alcôve de 12,35 m de haut à cinq pans de mur[18]. Au sol, les carreaux de céramique sont préservés dans la plupart des espaces intérieurs[21].

À l'extérieur, l'édifice révèle un appareil isodome en pierre de taille de calcaire beige-ocre sans mortier apparent[22]. Seuls les éléments de toiture sont composés de briques. Le minaret n'est pas conservé mais les traces de la structure sont nettement visibles dans le mur ouest[23].

Vue de la ville et de la mosquée in Le Miroir N°259 du 10 novembre 1918.

À la fin des années 1660, Evliya Çelebi décrivit le complexe autour de la mosquée Mehmed-Bey en ces termes :

« Toutes les structures, les dômes, la madrassa, l'école et la soupe populaire sont recouvertes de plomb. Il est presque impossible de décrire à quel point cette mosquée est légère et spirituellement rafraîchissante. Il faudrait beaucoup de mots pour décrire honnêtement la beauté du travail manuel dans les nombreux domaines de la mosquée. La seule autre mosquée qui pourrait être comparée à celle-ci est la mosquée Yahya Pacha à Üsküp (Skopje). Mais les jardins entourant cette mosquée n'ont pas de rival ; ils sont comme recouverts de velours vert, avec des arbres majestueux et tous les types d'oiseaux possibles volent dans cette verdure. Des milliers de fidèles peuvent s'asseoir à l'ombre des multiples arbres et discuter. L'odeur du jardin aux nombreux cyprès est enivrante et la mosquée est devenue célèbre de la Grèce à la Perse. »

— Evliya Çelebi, Seyahatnâme (en), t. VII, 1966, p. 622, cité en anglais dans Neval Konuk 2010, p. 303-304.

Notes et références

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  1. Maximilian Hartmuth 2013, p. 81.
  2. a et b Maximilian Hartmuth 2013, p. 86.
  3. (en) Heath Ward Lowry, The Shaping of the Ottoman Balkans, 1350-1550 : The Conquest, Settlement & Infrastructural Development of Northern Greece, Istanbul, Bahçeşehir University Publications, , 286 p. (ISBN 9789756437780), p. 169.
  4. a b et c María Stefanídou 2012, p. 22.
  5. Aussi l'édifice est-il parfois improprement nommé « mosquée Ahmed Pacha », notamment en grec.
  6. a et b Machiel Kiel 1971, p. 436.
  7. Neval Konuk 2010, p. 305.
  8. Pétros Pénnas 1966, p. 517 et 518.
  9. María Stefanídou 2012, p. 23.
  10. Neval Konuk 2010, p. 335-337.
  11. a et b Machiel Kiel 1971, p. 437.
  12. María Loúkma 2019, p. 299.
  13. Pétros Pénnas 1966, p. 512.
  14. (el) « Διαρκησ καταλογοσ κηρυγμενων αρχαιολογικων χωρων και μνημειων » [« Liste permanente des sites et monuments archéologiques déclarés »], sur listedmonuments.culture.gr (consulté le ).
  15. María Loúkma 2019, p. 197.
  16. a b et c (grk) Stavroúla Dadáki, « Τέμενος Μεχμέτ Μπέη, Σέρρες – Περιγραφή » [« La mosquée Mehmed Bey, Serrès – Description »], sur odysseus.culture.gr (consulté le ).
  17. a et b María Loúkma et María Stefanídou 2017, p. 82.
  18. a b et c María Loúkma 2019, p. 198.
  19. Machiel Kiel 1971, p. 434.
  20. María Loúkma indique un diamètre du dôme légèrement différent : 14,71 m (María Loúkma 2019, p. 198).
  21. María Loúkma 2019, p. 298 et 299.
  22. María Loúkma et María Stefanídou 2017, p. 83 et 84.
  23. María Loúkma et María Stefanídou 2017, p. 85.

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (grk) María Loúkma, Τεχνολογια, υλικα δομησησ και παθολογια σε θρησκευτικα κτηρια τησ οθωμανικησ περιοδου [« Technologie, matériaux de construction et pathologie des bâtiments religieux de la période ottomane »] (thèse de doctorat de génie civil de l'université Aristote de Thessalonique), Thessalonique,‎ , 362 p. (lire en ligne [PDF]). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) María Loúkma et María Stefanídou, « The morphology and typology of the Ottoman mosques of Northern Greece », International Journal of Heritage Architecture, Southampton, vol. 1, no 1,‎ , p. 78-88 (ISSN 1558-3058, lire en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Maximilian Hartmuth, « The Princess and the mosque: ottoman royal women’s architectural patronage in the province and the case of the so-called Zincirli câmi‘ at Serres », dans Juliette Dumas et Sabine Frommel (dirs.), Bâtir au féminin ? Traditions et stratégies en Europe et dans l'Empire ottoman, Paris, Éditions Picard, , 304 p. (ISBN 978-2-708-40953-8, lire en ligne), p. 79-88. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (grk) María Stefanídou, Οθωμανικά τεμένη στην πόλη των Σερρών [« Les mosquées ottomanes de la ville de Serrès »] (mémoire de l'université de Macédoine-Occidentale), Serrès,‎ , 43 p. (lire en ligne [PDF]). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en + tr + grk) Neval Konuk, Ottoman architecture in Greece, t. I, Ankara, The Center for Strategic Research, , 534 p. (ISBN 9786058842717, lire en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (el) Érsi Broúskari (dir.) et al., Η οθωμανική αρχιτεκτονική στην Ελλάδα [« L'architecture ottomane en Grèce »], Athènes, Ministère de la Culture et des Sports,‎ , 494 p. (ISBN 960-214-792-X), p. 279.
  • (en) Machiel Kiel, « Observations on the History of Northern Greece during the Ottoman Rule. The Turkish Monuments of Komotini and Serres. », Balkan Studies, Thessalonique, vol. 12,‎ , p. 415-462 (ISSN 2241-1674, lire en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (el) Pétros Pénnas, Ιστορία τών Σερρών, άπο της αλώσεως αυτής υπό των Τούρκων μέχρι της απελευθερώσεως της υπό των Ελλήνων (1383-1913) [« Histoire de Serrès, depuis la conquête par les Turcs jusqu'à la libération par les Grecs (1383-1913) »], Athènes, Société historique et folklorique de Serrès-Meleníkou,‎ (1re éd. 1938).

Articles connexes

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