Protestantisme libéral — Wikipédia
Le protestantisme libéral est un courant libéral du protestantisme qui met l'accent sur la lecture critique des textes bibliques et « le souci de se « libérer » des contraintes du dogme et de l’institution, ainsi que des pesanteurs sociologiques qui, fatalement, ont tendance à les figer et à les rigidifier »[1].
Il naît de la lignée théologique qui part de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) et Adolf von Harnack (1851-1930), et en particulier de la révolution exégétique du XIXe siècle, où Albrecht Ritschl (1822-1889) et Ernst Troeltsch (1865-1923) s'illustrèrent dans le renouvellement de la lecture de la Bible.
Parmi ses représentants en France, on compte Charles Wagner, Wilfred Monod, André Gounelle, l'Oratoire du Louvre ou le Foyer de l'Âme.
Origines
[modifier | modifier le code]Les écrits de plusieurs théologiens ont préparé le mouvement libéral[2]
- Heinrich Paulus pour Das Leben Jesu als Grundlage einer reinen Geschichte des Urchristentums, en 1828.
- David Strauss Le Christ de la foi et le Jésus de l'histoire, en 1865
- Ferdinand Christian Baur pour Kritische Untersuchungen über die kanonischen Evangelien, ihr Verhältniss zu einander, ihren Charakter und Ursprung, en 1847
La liberté d'expression naît à la suite de la publication des ouvrages signalés ci-dessus mais dont les sources intègrent des courants de pensée autochtones issus de la philosophie des Lumières et de l'Encyclopédie, et parfois, remontant à la Réforme.
Caractéristiques
[modifier | modifier le code]En se distinguant par sa volonté de sortir des dogmes et de la lecture littérale des textes, le protestantisme libéral critique les régulations orthodoxes des croyances et des pratiques, les appareils ecclésiastiques et leur pouvoir normatif. Il confesse volontiers l'universalité du salut du fait d'une perception plutôt optimiste de l'homme et de la civilisation.
La Bible est considérée comme pouvant être relue et interprétée en fonction des époques ; le protestantisme libéral s'est ainsi démarqué par son soutien à la bénédiction des unions homosexuelles[3] ou au droit à l'avortement[4].
Il soutient le dialogue interreligieux et le pluralisme, ainsi que le dialogue de la religion avec la culture. Ses représentants sont généralement impliqués dans l’œcuménisme, avec une ouverture aux autres confessions, y compris dans les cultes[5].
Son rejet du dogmatisme et de son imposition par des institutions en fait aussi un défenseur de la laïcité : l'une des premières théories de la séparation de l'Église et de l'État fut formulée dans le livre de Sébastien Castellion Contre le Libelle de Monsieur Calvin puis reformulée par Alexandre Vinet quand il était en Belgique. Il a été en France un des artisans de la loi de 1905, avec Wilfred Monod, Athanase Coquerel, tandis que Félix Pécaut, Charles Wagner et Ferdinand Buisson intervenaient dans la construction de l'école laïque.
Par pays
[modifier | modifier le code]En Suisse
[modifier | modifier le code]Ésaïe Gasc (1748-1813)
[modifier | modifier le code]Ésaïe Gasc est genevois. Nommé professeur à la faculté de théologie protestante de Montauban en 1809, il prend ses fonctions en 1810. Il appartient à la première génération de professeurs de la Faculté de théologie protestante de Montauban [6], ouverte sur décision de Napoléon en 1809. Sa réfutation du dogme trinitaire provoquent des controverses, il est attaqué par des pasteurs protestants du Midi, et par Daniel Encontre, qui prendra sa succession à Montauban. .
« Il y a longtemps, enseignait-il à ses étudiants, que les théologiens n'occupent plus le public de leurs discussions sur la Trinité. Les plus sages d'entre eux ont enfin compris que, puisque après quatorze ou quinze siècles de débats, on n'était pas plus près de s'entendre qu'on ne l'était à l'époque où la dispute s'engagea, il fallait que ce dogme ne fût pas clairement enseigné dans l'Écriture sainte, et que par conséquent il n'intéressait pas le salut des Chrétiens […] Ceux qui s'intéressent véritablement à l'honneur du christianisme verraient avec anxiété recommencer un procès qui a causé dans l'Église plus de scandale que d'instruction. »
— Extrait de Bernard Reymond, La théologie libérale dans le protestantisme de Suisse romande - Évangile et Liberté.
Jean-Jacques Caton Chenevière (1783-1871)
[modifier | modifier le code]« Pasteur et professeur genevois, il reste attaché toute sa vie à l'idée que les textes bibliques étaient dotés d'un caractère plus ou moins surnaturel. Ainsi n'a-t-il pas compris, dès 1850, combien la liberté protestante d'examen devait aussi s'appliquer à l'étude historique de ces textes. [...] Sa liberté d'examen, en d'autres termes, s'est appliquée aux doctrines et à de nombreux aspects de la tradition chrétienne, mais elle n'a jamais porté sur les textes bibliques eux-mêmes. L'un de ses arguments favoris a au contraire été d'opposer des arguments d'origine biblique aux doctrines qu'il jugeait nécessaire d'abandonner. Mais cette attitude n'avait rien de rétrograde dans la première moitié du siècle dernier ; elle était même fort répandue parmi les libéraux francophones du moment. »
— Extrait de Bernard Reymond, La théologie libérale dans le protestantisme de Suisse romande, Évangile et Liberté.
- six Essais théologiques (1831) : le premier de ces Essais s'en prenait au « système théologique de la trinité ». Le quatrième portait l'un sur la notion de rédemption, ce qui était l'occasion de remettre en cause le dogme de la divinité de Jésus. Voir l'article de Marc Chenevière dans le colloque Genève protestante en 1831
Théologiens et pasteurs :
- Lydia von Auw (1897-1994), pasteure vaudoise et médiéviste
- Henry Babel (1923-2019)
- Laurent Gagnebin
- Pierre-Olivier Léchot
- Bernard Reymond
- Charles Rittmeyer (1918-2002)
En France
[modifier | modifier le code]- Albert Schweitzer (1875-1965) conteste l'omnipotence et l'omniscience de Jésus.
- Wilfred Monod (1867-1937)
- André-Numa Bertrand (1876-1946)
- Albert Réville
- Jean Réville
- Georges Marchal
- Élie Lauriol
La laïcité
[modifier | modifier le code]Des personnalités telles que Ferdinand Buisson et Félix Pécaut ont joué un rôle central par leur volonté de créer une religion moderne, laïque, certes d'inspiration protestante, mais ouverte à toutes les voies spirituelles.
En Belgique
[modifier | modifier le code]- Temple protestant de Liège-Marcellis
- L'Église protestante de Bruxelles (Chapelle royale)
- L'Eglise protestante de Verviers-Hodimont
- L'Eglise protestante luthérienne du Pays d'Arlon (congrégation reconnue par la FLM)
- le débat autour Honest to God de John Arthur Thomas Robinson, évêque de Woolwitch
- le débat autour du Guide to debate about God de David Edward Jenkins
Aux États-Unis
[modifier | modifier le code]Le débat (entre autres) autour du théisme par l'évêque épiscopalien J. S. Spong et ses nombreux ouvrages, dont : Pour un christianisme d'avenir (Traduction de l'américain aux éditions Karthala 2019).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Courant libéral, Foyer de l'âme
- The Editors of Encyclopaedia Britannica, Theological liberalism, britannica.com, USA, consulté le 8 juin 2021
- Bénédiction des couples homos protestants: "Ça me semble naturel", BFMTV
- Michael McGough, A Field Guide to the Culture Wars : The Battle Over Values from the Campaign Trail to the Classroom, ABC-CLIO, USA, 2008, p. 6
- Moïse maître en communication, Prédication de Rabbin Delphine Horvilleur
- André Gounelle, La Faculté de théologie protestante de Montauban.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean Baubérot, « Protestantisme français et vision libérale de la religion », dans Alain Dierkens (éd.), Problèmes d'histoire des religions, vol. 3 : Le Libéralisme religieux, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, (lire en ligne), p. 41-50.
- Patrick Cabanel, Le Dieu de la République.
- Hervé Hasquin, « Alexandre Vinet, la Belgique et la genèse du concept de séparation de l'Église et de l'État (1824-1831) », dans Alain Dierkens (éd.), Problèmes d'histoire des religions, vol. 3 : Le Libéralisme religieux, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, (lire en ligne), p. 15-29.
- Félix Pécaut. De l'avenir du théisme chrétien considéré comme religion, rééd. Théolib 2007
- Pierre-Jean Ruff, Le protestantisme libéral, Nouvelle édition : Théolib 2005.
- Pierre-Yves Ruff, "Le Parti-pris du Livre".
- Charles Wagner, "l'Évangile et la Vie".
- Marie-Claire Weber-Lefeuvre, Étude des Évangiles. Suivi de Les Évangiles et l'écologie, L'Harmattan 2006 - collection « Chrétiens autrement ».
- Marie-Claire Weber-Lefeuvre, Interroger sa foi. Du calvinisme au judéo-christianisme libéral, Préface de P. J. Ruff., Edilivre 2013 - 261 p.- (ISBN 978-2-332-53824-6)
- Jean-Paul Willaime, « Le Protestantisme libéral en Allemagne de l'après-guerre à nos jours », dans Alain Dierkens (éd.), Problèmes d'histoire des religions, vol. 3 : Le Libéralisme religieux, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, (lire en ligne), p. 51-64.
Pour approfondir
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Libéralisme théologique
- Théologie du process de Alfred North Whitehead et John B. Cobb
- Évangile et Liberté, mensuel francophone du protestantisme libéral.
- Jean-Marie de Bourqueney
- Gilles Castelnau
- Sébastien Castellion
- John B. Cobb
- Laurent Gagnebin
- André Gounelle
- Charles Hartshorne
- John Hick
- Pierre-Olivier Léchot
- Raphaël Picon, théologien libéral
- Bernard Reymond
- Charles Rittmeyer réduit les Évangiles aux paroles de Jésus et constate leur similitude avec les conceptions des francs-maçons (en Suisse)
- John Arthur Thomas Robinson
- Louis-Auguste Sabatier
- Friedrich Schleiermacher
- John Shelby Spong
- Paul Tillich
- Ernst Troeltsch
- Adolph von Harnack
- Charles Wagner
- James Woody
Bibliographie complémentaire
[modifier | modifier le code]- Le protestantisme libéral : une théologie aux limites, dossier de la revue ThéoRèmes, 8 | 2016.
- Le protestantisme libéral par André Gounelle in Évangile et Liberté