République chrétienne — Wikipédia
Une république chrétienne est un système de gouvernement qui associe christianisme et républicanisme. Jean-Jacques Rousseau et John Locke considéraient tous deux l'idée comme une impossibilité, un oxymore, mais pour des raisons différentes.
Question de la compatibilité du républicanisme et du christianisme
[modifier | modifier le code]Dans sa Lettre sur la tolérance, Locke écrit que « sous l'Évangile, il n'y a rigoureusement point de république chrétienne[n 1]. » Il veut dire par là que l'autorité politique ne peut trouver de fondement valide dans le christianisme. Rousseau, dans le Contrat social (livre IV, chapitre 8), déclare comme en écho : « je me trompe en disant une république chrétienne ; chacun de ces deux mots exclut l’autre. » Mais son argument, légèrement différent, est qu'il n'est pas possible de donner forme à une identité civique sur la base du christianisme[1],[2], qu'il y a opposition entre l'universalisme chrétien et la construction d'une cohésion sociale[3].
La thèse de Rousseau est que christianisme et républicanisme sont incompatibles parce qu'ils imposent à l'homme vertueux des exigences différentes. Le christianisme, selon lui, réclame la soumission à l'autorité imposée, la résignation et le souci premier de l'au-delà ; le républicanisme en revanche implique la participation, plutôt que la soumission, et de se préoccuper d'abord de l'ici-bas. Cette position ne fait pas l'unanimité et a été contestée du vivant de Rousseau, entre autres par son ami Antoine-Jacques Roustan dans sa réponse au Contrat social[2],[4],[5].
La thèse de Rousseau trouve une base dans les écrits antérieurs de Nicolas Machiavel[4],[6],[7], en qui il voyait un « bon citoyen et honnête homme » et qui fut avec Montesquieu l'une des sources de sa philosophie républicaine[8]. Dans ses Discorsi, Machiavel relève que la pratique du christianisme s'est écartée de ses idéaux fondateurs et que la corruption qui s'est ensuivie, combinée aux idéaux politiques séculiers, a conduit à quelque chose qui n'est ni de bonne religion, ni de bonne politique[6],[8],[9]. De plus, soutient-il, bien que le christianisme ne fasse pas obstacle à l'amour de la patrie, il exige des citoyens qu'ils soient prêts à supporter les atteintes au gouvernement républicain, alors qu'en république la plus grande des vertus civiques consiste à se montrer sans pitié pour les ennemis de la cité et à mettre à mort ou réduire en esclavage les habitants de la cité adverse vaincue[9].
À la suite de Machiavel et jusqu'à Alexis de Tocqueville, de nombreux théoriciens de la république ont partagé les préoccupations de Rousseau sur le caractère mutuellement exclusif du républicanisme et du christianisme[4].
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- But there is absolutely no such thing under the Gospel as a Christian commonwealth.
Références
[modifier | modifier le code]- Beiner 2010, p. 3
- Beiner 2010, p. 13
- Walsh 1997, p. 168
- Cristi 2001, p. 19-20
- Rosenblatt 1997, p. 264 ; Bellah 1992, p. 166
- Beiner 2010, p. 35
- Viroli et Hanson 2003, p. 175 ; Kries 1997, p. 268
- Viroli 1990, p. 171
- Pocock 2003, p. 214
Sources
[modifier | modifier le code]- (en) Ronald Beiner, Civil Religion : A Dialogue in the History of Political Philosophy, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-73843-9)
- (en) Robert Neelly Bellah, The Broken Covenant : American Civil Religion in Time of Trial, University of Chicago Press, , 2e éd., 198 p. (ISBN 978-0-226-04199-5, lire en ligne)
- (en) Marcela Cristi, From Civil to Political Religion : The Intersection of Culture, Religion and Politics, Wilfrid Laurier University Press, , 293 p. (ISBN 978-0-88920-368-6, lire en ligne)
- (en) Douglas Kries, Piety and Humanity : Essays on Religion and Early Modern Political Philosophy, Rowman and Littlefield, , 293 p. (ISBN 978-0-8476-8619-3), « Rousseau and the Problem of Religious Toleration »
- (en) John Greville Agard Pocock, The Machiavellian Moment : Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton University Press, , 2e éd. (ISBN 978-0-691-11472-9)
- (en) Helena Rosenblatt, Rousseau and Geneva : From the First Discourse to the Social Contract, 1749-1762, Cambridge University Press, coll. « Ideas in Context » (no 46), , 298 p. (ISBN 978-0-521-57004-6), « The Social Contract »
- (en) Maurizio Viroli, The Languages of Political Theory in Early-Modern Europe, dir. Anthony Pagden, Cambridge University Press, coll. « Ideas in Context » (no 4), , 360 p. (ISBN 978-0-521-38666-1, lire en ligne), « The Concept of Ordre and the Language of Classical Republicanism in Jean-Jacques Rousseau »
- (en) Maurizio Viroli et Derek Hanson, Jean-Jacques Rousseau and the "Well-Ordered Society", Cambridge University Press, , 256 p. (ISBN 978-0-521-53138-2, lire en ligne)
- (en) David Walsh, The Growth of the Liberal Soul, University of Missouri Press, , 386 p. (ISBN 978-0-8262-1082-1, lire en ligne), « Struggle as a Source of Liberal Richness - Rousseau as Theorist of Crisis »
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Christian republic » (voir la liste des auteurs).